Le retour d'Israël (Ésaïe 18)

A. Remmers

Une alliance profane

Le chapitre 18 d'Ésaïe, dont le sujet est le peuple de Dieu, est comme inséré entre les oracles touchant Damas et l'Égypte. Ce passage se relie d'une certaine manière au début du chapitre précédent. Là il est question d'une alliance entre le royaume des dix tribus et la Syrie, ici d'une alliance des Juifs avec les nations — alliance qui, à l'époque, était pour un lointain avenir, mais qui, depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, peut être clairement reconnue. De même qu'Ezéchiel 37, ce chapitre évoque la résurrection d'un Etat pour les Juifs dans leur pays, se réalisant tandis qu'ils sont encore dans l'incrédulité.

Cette prophétie est remarquablement complétée, et en partie expliquée, par une déclaration du prophète Sophonie. Celui-ci résume le résultat final, le rétablissement complet d'Israël dans le pays promis, par cette seule phrase: «D'au-delà des fleuves de l'Ethiopie (ou: de Cush), mes suppliants, la fille de mes dispersés, apporteront mon offrande» (Sophonie 3: 10 — comp. avec Ésaïe 18: verset 1 et début du 7).

Par les mots «Ha! pays qui fais ombre avec tes ailes, toi qui es au-delà des fleuves de Cush…», un pays est interpellé, mais son nom n'est pas mentionné. S'il est vrai que le nom hébreu de Cush est le plus souvent traduit par Ethiopie, il faut remarquer qu'il peut aussi désigner des territoires se trouvant à l'ouest ou à l'est de la mer Rouge, donc non seulement en Afrique mais aussi en Asie (Genèse 2: 13; 10: 6 et suivants; 2 Chroniques 21: 16; Ezéchiel 29: 10). Par conséquent, les «fleuves de Cush» semblent être le Nil à l'ouest et l'Euphrate à l'est. Ces fleuves constituaient les limites du domaine entourant Israël; Dieu avait autrefois promis à Abraham de donner à sa descendance le territoire allant «depuis le fleuve d'Égypte jusqu'au grand fleuve, le fleuve Euphrate» (Genèse 15: 18).

Manifestement, le pays éloigné qui n'est pas nommé — celui qui fait ombre avec ses ailes — est dans une relation d'amitié avec Israël et le protège. Il envoie «des ambassadeurs sur la mer et dans des vaisseaux de papyrus» (verset 2). Des bateaux faits de papyrus ou de jonc étaient connus comme moyens de transport sur les fleuves d'Égypte et d'Assyrie, mais l'expression paraît devoir être comprise ici dans un sens général: ce pays, protecteur d'Israël, n'a pas de frontière commune avec ce dernier et a une grande puissance maritime.

Israël est l'objet de ses soins. Il n'existe certainement aucun autre peuple sur la terre auquel puisse mieux s'appliquer la description que nous avons ici: «une nation répandue loin et ravagée… un peuple merveilleux dès ce temps et au-delà… une nation qui attend, attend, et qui est foulée aux pieds, de laquelle les rivières ont ravagé le pays» (verset 2). A part Israël, quel peuple a-t-il dû, au cours d'une histoire qui dure depuis des millénaires, souffrir d'une telle manière — et demeure pourtant «merveilleux» et craint de tous, depuis sa naissance? Quel peuple a-t-il été foulé aux pieds comme les Juifs, et quel pays a-t-il été, comme Israël, si souvent et si horriblement ravagé par des puissances ennemies — comparables à des fleuves puissants (cf. Ésaïe 8: 7)?

L'existence même de ce peuple expulsé de son pays et dispersé à tous les vents est un miracle. En même temps, c'est une des preuves les plus claires de la vérité de l'Écriture Sainte. L'aspiration de beaucoup de Juifs à l'existence d'un foyer national a conduit, depuis environ une centaine d'années, à un mouvement de retour sans cesse croissant dans «le pays de beauté», et a trouvé — après les plus grands «ravages» qui ont eu lieu dans l'histoire de ce peuple — son point culminant dans la fondation d'un Etat d'Israël indépendant, en 1948. Entre tous les pays, ce sont particulièrement les Etats Unis qui sont venus à l'aide du jeune Etat. En quelques décennies, celui-ci est devenu un pays remarquablement développé au point de vue industriel et agricole — avec une puissance militaire énorme. Cependant, tous ces succès commerciaux, politiques et militaires se réalisent alors que le peuple se trouve dans l'incrédulité à l'égard du Seigneur Jésus comme Messie d'Israël. «En entendant vous entendrez et vous ne comprendrez pas, et en voyant vous verrez et vous ne connaîtrez pas» (Ésaïe 6: 9). Encore aujourd'hui, «le voile demeure sur leur cœur»; il ne sera enlevé que lorsqu'ils se tourneront vers le Seigneur (2 Corinthiens 3: 14-16).

Un signal

L'appel qui suit est adressé à tous les habitants du monde: «Quand l'étendard sera élevé sur les montagnes, voyez; et quand la trompette sonnera, écoutez!» (verset 3). Le prophète semble passer rapidement par-dessus les événements déjà décrits et attirer l'attention sur la dernière phase du rétablissement du peuple terrestre de Dieu. Déjà au chapitre 11, il avait annoncé que Dieu «élèvera un étendard devant les nations, et rassemblera les exilés d'Israël, et réunira les dispersés de Juda des quatre bouts de la terre» (verset 12). Et au chapitre 27, il parle du son de la trompette qui appellera «ceux qui périssaient dans le pays d'Assyrie, et les exilés du pays d'Égypte», à revenir dans le pays (verset 13). Ces deux signaux divins, l'étendard et la trompette, amèneront toute la terre à regarder et à écouter, et introduiront le retour définitif du peuple.

Mais, jusque-là, il y a encore un chemin douloureux. Tout d'abord, il semblerait que Dieu laisse les choses aller, bien que dans son gouvernement il soit derrière tout ce qui arrive. Il se tient en quelque sorte en arrière et il observe les grands efforts qui sont faits en vue du retour des Juifs dans leur pays sous la protection du pays mentionné dans les versets 1 et 2: «Je resterai tranquille, et je regarderai de ma demeure, comme une chaleur sereine sur la verdure, comme une nuée de rosée dans la chaleur de la moisson» (verset 4). Il n'a pas encore rétabli les relations avec son peuple, mais il voit tout ce qui se passe dans son pays.

Jugement

Tout comme la moisson suit nécessairement la floraison, ainsi le but tant désiré apparaît-il enfin comme près d'être atteint. Mais tous les plans humains vont s'effondrer; car avant que la fleur devienne un raisin vert qui mûrit et que la moisson arrive, Dieu — tout d'abord par le jugement — renouera ses relations avec son peuple, qui dans son ensemble sera encore infidèle. Cependant ceci ne peut arriver avant que l'assemblée soit enlevée au ciel. L'assemblée de Dieu n'est jamais sur la terre en même temps que son peuple terrestre reconnu comme tel; ce n'est que lorsque «la plénitude des nations» sera entrée que «tout Israël sera sauvé» (Romains 11: 25, 26).

C'est alors que commencera la soixante-dixième semaine d'années dont a parlé le prophète Daniel, dans laquelle s'effectueront les jugements mesurés de Dieu sur son peuple — pour leur châtiment et leur purification (Daniel 9: 24-27). Lui-même retranchera les pousses et les sarments de la propre volonté et de la méchanceté. Le peuple sera livré «aux oiseaux de proie des montagnes et aux bêtes de la terre», c'est-à-dire aux puissantes nations du monde (verset 6). Dans ces jugements qui atteindront le peuple de Dieu rentré dans son pays, les impies seront tués et le résidu croyant sera purifié, ainsi que plusieurs autres passages prophétiques de la Parole nous le montrent (cf. 6: 11-13; 10: 20-23).

Un présent

Le dernier verset montre que les événements décrits ici auront lieu effectivement au temps de la fin. «En ce temps-là, un présent sera apporté à l'Éternel des armées». Ce présent, c'est le peuple, qui est déjà décrit au verset 2 par des mots presque identiques. Quel présent ce sera en effet pour l'Éternel des armées quand son peuple terrestre — si richement béni autrefois et maintenant encore si obstiné — lui sera offert par toutes les nations comme une «offrande» (cf. Ésaïe 66: 20; Sophonie 3: 10)! Le peuple lui-même sera pour Dieu un présent, et après le long temps de son aveuglement, il lui apportera aussi l'admirable présent de sa foi dans le Seigneur Jésus comme Messie.

Alors, ce ne sera pas la montagne de Sinaï — le lieu de la loi qui apporte la terreur et la malédiction — mais «la montagne de Sion» — le lieu de la domination royale et de la grâce — qui sera sur la terre le «lieu où est le nom de l'Éternel des armées». Tandis que nous, croyants du temps de la grâce, serons déjà et pour toujours unis au Fils de Dieu dans la maison de son Père, les voies de Dieu envers son peuple terrestre trouveront en quelque sorte leur couronnement à la montagne de Sion, d'où, pendant mille ans, la domination du Messie se réalisera dans la justice et dans la paix (cf. Ésaïe 2: 3; Psaumes 110: 2).