Mais Lui dormait

J.P Fuzier

Matthieu 8:23-27; Marc 4:35-41; Luc 8:22-25

Les Évangiles nous racontent quelques-unes seulement des choses que Jésus a faites (Jean 21:25); mais celles qu'ils relatent nous permettent de partager quelque peu l'émerveillement et la joie profonde des disciples au souvenir de ce que notre Seigneur était, de ce qu'il avait fait et enseigné pendant tout le temps où il «entrait et sortait» au milieu d'eux (Actes des Apôtres 1:21).

Le témoignage des évangélistes (et celui des apôtres) dirige ainsi les regards de nos cœurs vers le Seigneur Jésus, «oint de l'Esprit Saint et de puissance… qui a passé de lieu en lieu, faisant du bien… car Dieu était avec lui» (Actes des Apôtres 10:38).

Les trois premiers évangiles nous rapportent cette traversée du lac de Génésareth, où le Seigneur Jésus s'était endormi dans la nacelle, comme ils voguaient.

Cette scène est bien propre à nous faire saisir quelque chose du grand mystère de la piété: Dieu manifesté en chair (1 Timothée 3:16). Nous y voyons le parfait serviteur de Dieu, qui est en même temps son Fils bien-aimé en qui il trouve son plaisir. Il est ici à la fin d'une journée pendant laquelle il a annoncé la parole, prêché le royaume de Dieu, enseigné les foules et donné des enseignements particuliers à ses disciples. Fatigué, il va maintenant s'endormir sous leurs yeux.

Les différents moments de la vie de Christ sur la terre sont comme de multiples facettes du seul et glorieux mystère de la piété. Selon les occasions, nous pouvons en discerner plus clairement certains aspects.

Ainsi, le centurion en présence du Seigneur crucifié reconnut: «Certainement, cet homme était Fils de Dieu» (Marc 15:39). Dans sa simplicité, chaque scène des évangiles nous est proposée pour que nous fixions notre attention sur elle, sans oublier que nous sommes là sur une terre sainte — comme Moïse à Horeb, lorsqu'il se «détourne pour voir» une «grande vision» (Exode 3:4, 5). L'Esprit de vérité alors prendra de ce qui est à Christ et nous l'annoncera; et nous verrons sa gloire.

Le peu de foi des disciples

Les disciples appelaient Jésus leur Maître et leur Seigneur, mais sans doute ne comprirent-ils qu'après la venue du Saint Esprit combien ils avaient été proches du Fils de Dieu. Le Père avait bien donné à Simon de reconnaître: «Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant», mais bien peu après, ce disciple s'était autorisé à reprendre celui dont il venait de confesser la dignité! De même que ses compagnons, il s'était habitué à voir Jésus au milieu d'eux «comme celui qui sert», oubliant qu'il était en même temps le Fils de Dieu.

Quand Jésus dit à ses disciples: «Passons à l'autre rive du lac», ils le prirent dans leur barque «comme il était», aucunement surpris de sa fatigue. Quant à eux-mêmes, ils étaient prêts à traverser le lac comme ils l'avaient fait bien des fois auparavant.

Dans ce qui suit, nous voyons comment le Seigneur peut mettre notre foi à l'épreuve dans l'accomplissement de nos tâches familières. Il veut nous enseigner à le faire intervenir dans toutes nos circonstances. Aucune d'entre elles n'est trop petite pour que nous lui en parlions. La marche de la foi ne se limite pas à crier au Seigneur dans les grandes difficultés. Nous avons à compter sur lui pour chaque pas du chemin; c'est en effet «en toutes choses» que nous sommes invités à présenter nos requêtes à Dieu (Philippiens 4:6).

Marc seul mentionne l'oreiller que l'affection délicate d'un disciple — peut-être d'une des femmes qui le suivaient et l'assistaient de leurs biens — avait disposé pour son Seigneur; service accompli sans bruit, sous le regard du Père qui voit dans le secret.

Les disciples connaissaient le lac; ils pensaient bien arriver à l'autre rive. Cependant, ils vont apprendre que leur assurance ne doit pas être dans leur expérience, mais dans la parole du Seigneur. Quand la tempête survient et que les vagues remplissent leur barque, ils réveillent «celui qui garde Israël» (Psaumes 121:4).

Ne sommes-nous pas prompts à oublier que nous sommes «les compagnons du Christ»? Trop souvent, comme les disciples, nous ne savons pas retenir ferme «le commencement de notre assurance». Le Seigneur avait dit: «Passons à l'autre rive»; ils allaient donc y parvenir! Pourquoi dire: «Nous périssons»? Alors, interrompant l'épreuve, Jésus dit aux disciples: «Où est votre foi?»

Le lac enseigne aux disciples la même leçon que le désert à Israël (Deutéronome 8:2, 3). Nous voyons nous-mêmes ce que nous sommes, et cela nous humilie. Mais la grâce et la patience de Dieu nous enseignent ainsi à vivre de tout ce qui sort de sa bouche. Nous apprenons petit à petit que «Jésus, ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu'à la fin». Puissions-nous nous confier entièrement en celui qui nous aime et lui rendre l'hommage de nos cœurs!

Jésus endormi

Lorsque l'Ange de l'Éternel était apparu à Moïse dans une flamme de feu au milieu d'un buisson à épines — et le buisson n'était pas consumé —, Moïse s'était détourné pour voir cette grande vision. Les disciples n'auraient-ils pas dû, eux aussi, se détourner pour contempler le Fils de Dieu, endormi dans un petit bateau secoué par une tempête? N'était-ce pas là aussi une grande vision? Ils auraient vu «celui duquel Moïse a écrit dans la loi et duquel les prophètes ont écrit». Ils auraient peut-être compris que le secret de sa paix était dans sa confiance en Dieu, selon cette prière du psaume 16: «Garde-moi, ô Dieu, car je me confie en toi» (verset 1). En toute vérité, il avait pu dire: «Je me suis couché, et je m'endormirai: je me réveillerai, car l'Éternel me soutient» (Psaumes 3:5).

Il traversait le lac parce que c'était la volonté de son Père: «Celui qui m'a envoyé est avec moi… parce que moi, je fais toujours les choses qui lui plaisent» (Jean 8:29). Son Père demeurait en lui et faisait les œuvres, et lui était dans le Père (14:10); il demeurait ainsi dans l'amour de son Père car il gardait ses commandements (15:10). Alors comme de toute éternité, le Père et le Fils étaient en parfaite communion. Les évangiles font de nous les témoins de ces instants merveilleux. Quelle louange, quelle adoration cela devrait faire monter de nos cœurs vers le Père et vers le Fils de son amour!

Le Fils bien-aimé du Père

Dans toutes les scènes que nous présentent les évangiles, nous sommes assurés que les regards du Père étaient sans cesse dirigés sur son Fils bien-aimé. Les trois évangiles synoptiques à deux reprises, et l'apôtre Pierre dans sa seconde épître, nous donnent le septuple témoignage du plaisir que le Père trouvait en lui. La voix du Père se fait entendre quand le Seigneur Jésus vient prendre place au milieu de pécheurs repentants, et lors de la glorieuse scène de la transfiguration. Mais la personne du Fils est toujours le trésor de son cœur, et, au-delà de toute expression, dans sa mort et dans sa résurrection.

Il était convenable pour Dieu que le Chef de notre salut participe au sang et à la chair, qu'il connaisse les assujettissements liés à cette participation — hormis le péché — et qu'il soit consommé par des souffrances (Hébreux 2:10-15). Le Père trouvait une satisfaction ininterrompue en cet Homme unique, aussi bien dans ses activités — dans le service qu'il accomplissait «sagement» (Ésaïe 52:13) — que dans les moments de repos où il se plaisait à donner le sommeil à son Bien-aimé (Psaumes 127:2).

Nous voyons dans les évangiles le Père et le Fils aller invariablement ensemble. Leur communion était aussi profonde quand le Fils bien-aimé cheminait sur la terre qu'avant les temps des siècles auprès de lui (Proverbes 8:29, 30). Mais maintenant, à l'amour dont le Père a aimé le Fils avant la fondation du monde (Jean 17:24) s'est ajouté son amour parce qu'il a laissé sa vie (Jean 10:17). Tout cela fait partie sans doute de ce qui constitue «le royaume du Fils de son amour», dans lequel nous avons été transportés (Colossiens 1:13); car «comme le Père m'a aimé, moi aussi je vous ai aimés» dit le Seigneur Jésus, et il ajoute: «demeurez dans mon amour» (Jean 15:9). Ce sera notre part dans la mesure où nous garderons ses commandements (verset 10). Alors, nous saisirons plus pleinement le témoignage des évangiles concernant la parole de la vie, et notre joie sera accomplie dans notre communion avec le Père et avec son Fils Jésus Christ.