Lévitique

Chapitre 10

Les pages de l’histoire de l’humanité ont toujours été déplorablement souillées. Ce sont, du commencement à la fin, les annales des chutes, des fautes, des crimes de l’homme. Au milieu des délices du jardin d’Éden, l’homme prêta l’oreille aux mensonges du tentateur (Gen. 3). Après avoir été préservé du jugement par la main d’amour et l’élection de Dieu, et introduit dans une terre renouvelée, il se rendit coupable du péché d’intempérance (Gen. 9). Quand il eut été amené au pays de Canaan, par le bras étendu de l’Éternel, il «abandonna l’Éternel et servit Baal et Ashtaroth» (Juges 2:13). Placé au plus haut degré de la puissance et de la gloire terrestres, ayant des richesses inouïes à ses pieds et toutes les ressources du monde à son commandement, il donna son cœur aux filles des incirconcis (1 Rois 11). Pas plus tôt les vérités bénies de l’Évangile eurent été promulguées, qu’il devint nécessaire que le Saint Esprit mît les saints en garde contre «les loups redoutables», «l’apostasie» et toute espèce de péchés (Actes 20:29; 1 Tim. 4:1-3; 2 Tim. 3:1-5; 2 Pierre 2; Jude). Et pour mettre le comble à tout cela, nous avons le témoignage prophétique de l’apostasie humaine au milieu de toutes les splendeurs de la gloire millénaire (Apoc. 20:7-10).

C’est ainsi que l’homme gâte tout. Placez-le dans une position de suprême dignité, il se dégradera. Accordez-lui les plus grands privilèges, il en abusera. Répandez, avec profusion, des bénédictions autour de lui, il se montrera ingrat. Placez-le au milieu des institutions les plus propres à faire impression sur les cœurs, il les corrompra. Tel est l’homme. Telle est la nature humaine sous ses plus belles formes, et dans les circonstances les plus favorables!

Nous sommes donc, en quelque mesure, préparés à entendre, sans trop de surprise, les paroles qui ouvrent notre chapitre. «Et les fils d’Aaron, Nadab et Abihu, prirent chacun leur encensoir, et y mirent du feu, et placèrent de l’encens dessus, et présentèrent devant l’Éternel un feu étranger, ce qu’il ne leur avait pas commandé». Quel contraste avec la scène qui avait terminé notre dernière section! Là, tout avait été fait «comme l’Éternel l’avait commandé», et le résultat en avait été la manifestation de la gloire. Ici, quelque chose se fait «que l’Éternel ne leur avait pas commandé», et le résultat en est le jugement. À peine le dernier son des cris de victoire a-t-il cessé de retentir, que les éléments d’un culte corrompu se préparent. À peine la position selon Dieu a-t-elle été occupée qu’elle est abandonnée, de propos délibéré, par la négligence du commandement divin. À peine ces sacrificateurs ont-ils été inaugurés, qu’ils manquent grièvement dans l’accomplissement de leurs saintes fonctions!

Et en quoi consistait leur faute? Étaient-ils de faux sacrificateurs? N’étaient-ils que des usurpateurs de cet office? Nullement. Ils étaient bien les fils d’Aaron — de vrais membres de la famille sacerdotale — des sacrificateurs dûment ordonnés. Les vases de leur ministère et leurs vêtements officiels, aussi, semblaient dans l’ordre voulu. En quoi consistait donc leur péché? Avaient-ils souillé de sang humain les courtines du tabernacle, ou profané l’enceinte sacrée par quelque crime qui choque le sens moral? Rien ne donne lieu de le croire; il nous est seulement dit ceci: «Ils présentèrent devant l’Éternel un feu étranger, ce qu’il ne leur avait pas commandé». Voilà quel était leur péché. Ils s’éloignèrent, dans leur culte, de la simple parole, de l’ordre formel de l’Éternel, qui les avait clairement instruits du genre et du mode de ce culte. Nous avons déjà dit combien était divinement complète et suffisante la parole du Seigneur, relativement à tous les détails du service des sacrificateurs. Tout était si bien déterminé, qu’il ne restait aucune lacune que l’homme crût pouvoir remplir en imaginant quelque rite qui lui paraîtrait convenable. «C’est ici ce que l’Éternel a commandé», voilà qui était tout à fait suffisant. Cela rendait tout fort clair et fort simple. Du côté de l’homme, rien n’était exigé, si ce n’est un esprit d’obéissance implicite au commandement divin. Mais c’est en cela qu’il manqua. L’homme a toujours montré de la répugnance à marcher dans le sentier étroit d’une stricte adhésion à la simple parole de Dieu. Les sentiers de traverse semblent toujours avoir des charmes irrésistibles pour le pauvre cœur humain. «Les eaux dérobées sont douces, et le pain mangé en secret est agréable» (Prov. 9:17). Tel est le langage de l’ennemi; mais le cœur humble et obéissant sait parfaitement que le chemin de la soumission à la parole de Dieu est le seul qui conduise à des «eaux» qui soient réellement «douces», ou à «du pain» qui puisse vraiment être appelé «agréable». Nadab et Abihu pouvaient penser qu’une espèce de «feu» était aussi bonne qu’une autre, mais ce n’était pas leur affaire de décider ce point-là. Ils auraient dû s’en tenir à la parole du Seigneur, mais au lieu de cela ils firent à leur tête, et recueillirent les fruits amers de la propre volonté. «Et il ne sait pas que les trépassés sont là, et que ses conviés sont dans les profondeurs du shéol».

«Et le feu sortit de devant l’Éternel, et les dévora, et ils moururent devant l’Éternel». Combien c’est sérieux et solennel. L’Éternel habitait au milieu de son peuple, pour gouverner, juger et agir selon les droits de sa nature. À la fin du chapitre 9, nous lisons: «Et le feu sortit de devant l’Éternel, et consuma sur l’autel l’holocauste et les graisses». L’Éternel montrait ainsi qu’il acceptait un sacrifice véritable. Mais, au chap. 10, c’est son jugement tombant sur des sacrificateurs égarés. C’est une double action du même feu. L’holocauste monta en agréable odeur; le «feu étranger» fut rejeté comme une abomination. L’Éternel était glorifié par le premier; mais c’eût été un déshonneur pour lui que d’accepter le second. Là divine grâce agréait ce qui était un type du précieux sacrifice de Christ et elle y prenait plaisir; la divine sainteté rejetait ce qui était le fruit de la volonté corrompue de l’homme — volonté qui n’est jamais plus hideuse et abominable que quand elle s’occupe des choses de Dieu.

«Et Moïse dit à Aaron: C’est là ce que l’Éternel prononça, en disant: Je serai sanctifié en ceux qui s’approchent de moi, et devant tout le peuple je serai glorifié». La dignité et la gloire de l’économie tout entière dépendaient du strict maintien des justes droits de l’Éternel. Si ces droits étaient méconnus ou négligés, tout était perdu. S’il était permis à l’homme de souiller le sanctuaire de la présence divine par «un feu étranger», c’en était fait de tout le reste. Rien ne devait monter de l’encensoir du sacrificateur, sauf le feu pur, allumé sur l’autel de Dieu et alimenté par le pur encens pilé très fin. Beau type du culte vraiment saint, duquel le Père est l’objet, Christ le canal et le Saint Esprit la puissance. Il ne peut être permis à l’homme d’introduire ses idées ou ses inventions dans le culte de Dieu. Tous ses efforts n’aboutissent qu’à la présentation d’un «feu étranger» — d’un encens impur — d’un culte faux. Ce qu’il peut faire de mieux en ce genre n’est qu’une abomination aux yeux de Dieu.

Je ne parle pas ici des efforts honnêtes d’esprits sérieux, qui cherchent la paix avec Dieu — des efforts sincères de consciences droites, quoique non éclairées, pour arriver à la connaissance du pardon des péchés par des œuvres de loi ou par les ordonnances d’un système religieux. De tels efforts auront sans doute pour résultat, par l’infinie bonté de Dieu, la vue claire d’un salut connu et apprécié. Ils prouvent bien clairement que la paix est sérieusement cherchée, quoiqu’ils prouvent, tout aussi clairement, que la paix n’a pas encore été trouvée. Il n’est personne qui ait sincèrement suivi les plus faibles lueurs, éclairant son intelligence, sans en recevoir davantage, en temps convenable. «À quiconque a, il sera donné» et: «Le sentier des justes est comme la lumière resplendissante qui va croissant, jusqu’à ce que le plein jour soit établi».

Tout cela est aussi simple qu’encourageant, mais ne touche en rien à la question de la volonté de l’homme et de ses impies inventions à l’endroit du service et du culte de Dieu. De telles inventions doivent inévitablement appeler, tôt ou tard, les jugements d’un Dieu juste, qui ne peut souffrir que ses droits soient méprisés. «Je serai sanctifié en ceux qui s’approchent de moi, et devant tout le peuple je serai glorifié». Les hommes seront traités conformément à leur profession. Ceux qui cherchent avec droiture, trouveront certainement; mais quand des hommes s’approchent comme des adorateurs, ils ne doivent plus être considérés comme des chercheurs, mais comme faisant profession d’avoir trouvé; et alors, si leur encensoir sacerdotal fume d’un feu profane, s’ils offrent à Dieu les éléments d’un faux culte, s’ils font profession de fouler ses parvis, tout en n’étant ni lavés, ni sanctifiés, ni humiliés; s’ils placent sur son autel les produits de leur volonté corrompue, quel sera le résultat? Le jugement. Oui, tôt ou tard le jugement viendra; il peut tarder, mais il viendra. Il n’en pourrait être autrement. Et non seulement le jugement viendra à la fin, mais, en tout cas, le ciel rejettera immédiatement tout culte qui n’a pas le Père pour objet, Christ pour canal et le Saint Esprit pour sa force. La sainteté de Dieu est aussi prompte à rejeter tout «feu étranger» que sa grâce est disposée à accepter les plus faibles soupirs d’un cœur sincère. Il faut qu’il juge tout culte faux, quoiqu’il «n’éteigne jamais le lin qui brûle à peine, ni ne brise le roseau froissé». Cette pensée est bien solennelle, quand on se rappelle les milliers d’encensoirs, fumant d’un feu étranger, dans les vastes domaines de la chrétienté. Veuille le Seigneur, dans son abondante grâce, augmenter le nombre des vrais adorateurs, qui adorent le Père en Esprit et en vérité! (Jean 4). Il est infiniment plus doux de penser au vrai culte, qui s’élève de cœurs honnêtes jusqu’au trône de Dieu, que de s’arrêter, ne fût-ce que pour un instant, sur le culte corrompu qui attirera, avant qu’il soit longtemps, les jugements divins. Tous ceux qui connaissent, par grâce, le pardon de leurs péchés en vertu du sang expiatoire de Jésus Christ, peuvent adorer le Père en Esprit et en vérité. Ils connaissent le vrai principe, le vrai objet, la vraie force du culte. Ces choses ne peuvent être connues que d’une manière divine. Elles ne sont pas du ressort du cœur naturel, ni de la terre, elles sont spirituelles et célestes. Une grande partie de ce qui passe parmi les hommes pour être le culte de Dieu n’est, après tout, qu’un «feu étranger». Il n’y a là ni le feu pur, ni le pur encens, c’est pourquoi le ciel ne saurait l’accepter; et quoiqu’on ne voie pas le jugement divin tomber sur ceux qui offrent un tel culte, comme il tomba autrefois sur Nadab et Abihu, c’est seulement parce que «Dieu est en Christ, réconciliant le monde avec lui-même, ne leur imputant pas leurs fautes». Ce n’est point parce que le culte est agréable à Dieu, mais parce que Dieu est miséricordieux1. Cependant le temps approche rapidement, où le feu étranger sera éteint pour toujours, où le trône de Dieu ne sera plus outragé par des nuages d’encens impur, montant d’adorateurs impurs; où tout ce qui est faux sera aboli, et où l’univers entier ne sera qu’un vaste et magnifique temple, dans lequel le seul vrai Dieu, Père, Fils et Saint Esprit, sera adoré aux siècles des siècles.

1 Je ne puis m’empêcher de voir une allusion au même fait et aux mêmes vérités dans Héb. 12:28, 29:… «Retenons la grâce par laquelle nous servions Dieu, d’une manière qui lui soit agréable, avec révérence et avec crainte. Car aussi notre Dieu est un feu consumant». Notre service et notre culte ne peuvent être agréables à Dieu, ils ne peuvent témoigner de notre respect pour lui et de notre soumission à ses pensées, qu’autant que nous retenons la grâce, c’est-à-dire l’amour de Dieu, manifesté par le don de son Fils et versé dans nos cœurs par le Saint Esprit qui nous a été donné. Tout service et tout culte, en dehors de la grâce, doit avoir affaire avec Dieu, notre Dieu, qui est alors un feu consumant, non plus pour détruire les adorateurs (si ce n’est que, parfois, ses jugements vont aussi jusqu’à la destruction du corps, afin que nous ne soyons pas condamnés avec le monde), mais pour consumer ou détruire tout ce qui, dans ce service, et dans ce culte, n’est pas selon la grâce (voir 1 Cor. 3:11-15). (Trad.)

C’est là ce que les rachetés attendent, et, béni soit Dieu, seulement encore un peu de temps et tous leurs ardents désirs seront pleinement satisfaits, et satisfaits à jamais — oui, satisfaits de telle façon que chacun d’eux s’écriera, comme la reine de Sheba, «On ne m’avait pas rapporté la moitié!» Veuille le Seigneur hâter cet heureux moment!

Revenons maintenant à notre sérieux chapitre, et cherchons à en tirer quelques-unes de ses salutaires instructions, car elles sont vraiment nécessaires dans un siècle comme celui-ci, où le «feu étranger» abonde tellement autour de nous.

Il y a quelque chose d’extraordinairement frappant et saisissant dans la manière dont Aaron reçut le rude coup du jugement de Dieu. «Et Aaron se tut». C’était une scène solennelle. Ses deux fils frappés de mort à ses côtés, frappés par le feu du jugement divin1. Il venait de les voir revêtus de leurs vêtements de gloire et de beauté — lavés, habillés et oints. Ils s’étaient tenus avec lui devant l’Éternel, pour être installés et consacrés dans leur office de sacrificateurs. Ils avaient offert, de concert avec lui, les sacrifices ordonnés. Ils avaient vu les rayons de la gloire divine, sortant du sanctuaire, ils avaient vu le feu de l’Éternel tomber sur le sacrifice et le consumer. Ils avaient entendu les cris de triomphe poussés par l’assemblée des adorateurs. Tout cela venait de passer sous ses yeux et maintenant, hélas! ses deux fils gisaient devant lui, frappés de mort. Le feu de l’Éternel, qui avait été nourri naguère par un sacrifice acceptable, était maintenant tombé en jugement sur eux, et que pouvait-il dire? Rien. «Et Aaron se tut». «Je suis resté muet, je n’ai pas ouvert la bouche, car c’est toi qui l’as fait». C’était la main de Dieu, et quoiqu’elle pût paraître bien lourde au jugement de la chair et du sang, il ne pouvait cependant que baisser la tête en silence et dans un respectueux acquiescement. «Je suis resté muet… car c’est toi qui l’as fait». C’était là l’attitude convenable en présence de la visitation divine. Aaron sentait probablement que les piliers mêmes de sa maison étaient ébranlés par le tonnerre du jugement divin, et pourtant il ne pouvait que se tenir dans un silencieux étonnement au milieu de cette scène accablante. Un père privé de ses deux fils, et cela d’une telle manière et dans de telles circonstances, ce n’était point un fait ordinaire. C’était un commentaire extrêmement frappant de ces paroles du psalmiste: «Dieu est extrêmement redoutable dans l’assemblée des saints, et terrible au milieu de tous ceux qui l’entourent» (Psaume 89). «Qui ne te craindrait, Seigneur, et qui ne glorifierait ton nom!» Puissions-nous apprendre à marcher paisiblement en la présence de Dieu — à fouler les parvis de l’Éternel, les pieds déchaussés et en toute révérence. Puisse notre encensoir de sacrificateurs contenir toujours le seul aliment, l’encens pilé des perfections variées de Christ, et puisse la flamme sainte en être allumée par la puissance de l’Esprit. Toute autre chose est non seulement sans valeur, mais mauvaise. Tout ce qui vient de l’énergie naturelle, tout ce qui est le résultat du travail de la volonté humaine, l’encens le plus suave imaginé par l’homme, l’ardeur la plus intense d’une dévotion naturelle, tout cela aboutira à un «feu étranger» et attirera les solennels jugements du Seigneur Dieu Tout-Puissant. Oh! puissions-nous avoir toujours des cœurs vraiment sincères et un esprit d’adoration en présence de notre Dieu et Père!

1 Craignant que quelque lecteur n’éprouve de la difficulté relativement aux âmes de Nadab et d’Abihu, je dirai qu’une question de cette nature ne devrait jamais être élevée. Dans des cas comme ceux de Nadab et d’Abihu (Lév. 10); de Coré et de sa compagnie (Nomb. 16); de tout le peuple, dont les corps tombèrent au désert, à l’exception de Josué et de Caleb (Nomb. 14 et Héb. 3); d’Acan et de sa famille (Jos. 7); d’Ananias et de Sapphira (Actes 5); de ceux qui furent jugés pour des abus commis à la table du Seigneur (1 Cor. 11); dans tous les cas semblables, la question du salut de l’âme n’est jamais soulevée. Nous sommes simplement appelés à y voir les actes solennels de Dieu, dans son gouvernement au milieu de son peuple. Cela soulage l’esprit de toute difficulté. L’Éternel habitait, jadis, entre les Chérubins sur l’arche, pour juger son peuple à tous égards; et le Saint Esprit habite maintenant dans l’Église, afin de diriger et de gouverner tout, conformément à la perfection de sa présence. Il était si réellement et si personnellement présent, que c’était à Lui que mentaient Ananias et Sapphira, et que c’était Lui qui exécutait le jugement sur eux. C’était une manifestation de ses actes en gouvernement, aussi positive et aussi immédiate que celles que nous avons dans l’affaire de Nadab et d’Abihu, de Acan ou de tout autre.

C’est une grande vérité, qu’il faut bien saisir. Dieu est non seulement pour ses serviteurs, mais avec eux et en eux. On doit compter sur lui, pour toutes choses, grandes ou petites. Il est présent pour consoler et pour soulager. Il est là pour châtier et pour juger. Il est là pour répondre aux besoins de chaque moment. Il suffit à tout. Que la foi compte sur lui: «Là où deux ou trois sont assemblés en mon nom, je suis là au milieu d’eux» (Matt. 18:20). Et assurément, là où il est, nous avons tout ce qu’il nous faut.

Cependant qu’un cœur droit, mais timide, ne se laisse pas décourager ou alarmer. Il arrive trop souvent que ceux qui devraient réellement être alarmés, n’y prennent pas garde; tandis que ceux pour lesquels l’Esprit de grâce n’aurait que des paroles de consolation et d’encouragement, s’appliquent, à tort, les sévères avertissements des saintes Écritures. Nul doute que le cœur doux et contrit, qui tremble à la parole du Seigneur, ne soit dans un bon état; mais nous devons nous souvenir qu’un père avertit son enfant, non parce qu’il ne le regarde pas comme son enfant, mais justement pour le contraire; et une des meilleures preuves de cette relation est la disposition à recevoir l’avertissement et à le mettre à profit. La voix du père, même quand c’est une voix de grave admonition, atteindra le cœur de l’enfant; mais certes, non pas pour y élever des doutes sur son lien de parenté avec celui qui parle. Si un fils doutait de ses relations de fils chaque fois que son père le reprend, ce serait vraiment pitoyable. Le jugement qui venait de tomber sur la famille d’Aaron ne le fit pas douter qu’il fût réellement un sacrificateur. Il eut seulement pour effet de lui apprendre comment il devait se conduire dans cette haute et sainte position.

«Et Moïse dit à Aaron, et à Éléazar et à Ithamar, ses fils: Ne découvrez pas vos têtes et ne déchirez pas vos vêtements, afin que vous ne mouriez pas, et qu’il n’y ait pas de la colère contre toute l’assemblée; mais vos frères, toute la maison d’Israël, pleureront l’embrasement que l’Éternel a allumé. Et ne sortez pas de l’entrée de la tente d’assignation, de peur que vous ne mouriez, car l’huile de l’onction de l’Éternel est sur vous. Et ils firent selon la parole de Moïse».

Aaron, Éléazar et Ithamar devaient rester immobiles dans leur place élevée — dans leur dignité sacrée — leur position de sainteté sacerdotale. Ni le manquement, ni le jugement qui en avait été la conséquence, ne devaient affecter ceux qui portaient les vêtements sacerdotaux et qui étaient oints «de l’huile de l’Éternel». Cette sainte huile les avait placés dans une enceinte sacrée, où les influences du péché, de la mort et du jugement ne pouvaient pas les atteindre. Ceux qui étaient en dehors, à distance du sanctuaire, ceux qui n’avaient pas la position de sacrificateurs, ceux-là pouvaient «pleurer l’embrasement», mais, quant à Aaron et à ses fils, ils devaient continuer à accomplir leurs saintes fonctions, comme si rien n’était arrivé. Sacrificateurs du sanctuaire, ils devaient, non pas pleurer, comme en présence de la mort, mais courber leur tête ointe, en présence du jugement divin. «Le feu de l’Éternel» pouvait sortir et faire son œuvre solennelle de jugement; mais, pour un fidèle sacrificateur, peu importait ce que ce «feu» était venu faire: soit qu’il eût exprimé l’approbation divine en consumant un sacrifice, soit qu’il eût montré le déplaisir divin en consumant ceux qui offraient «un feu étranger», le sacrificateur n’avait qu’à adorer. Ce «feu» était une manifestation bien connue de la présence divine au milieu d’Israël, et qu’il agît «en grâce ou en jugement», le devoir de tous les sacrificateurs fidèles était d’adorer. «Je chanterai la bonté et le jugement; à toi, ô Éternel! je psalmodierai».

Il y a pour l’âme une sainte et sérieuse leçon dans tout cela. Ceux qui ont été amenés à Dieu par l’efficace du sang et par l’onction du Saint Esprit, doivent se mouvoir dans une sphère hors de la portée des influences naturelles. La proximité de Dieu donne à l’âme une telle intuition de toutes ses voies, un tel sentiment de la justice de toutes ses dispensations, que nous pouvons rendre culte en sa présence, même alors qu’un coup de sa main nous a enlevé l’objet de notre plus tendre affection. On demandera peut-être: devons-nous être des stoïques? Je demanderai à mon tour: Est-ce qu’Aaron et ses fils étaient des stoïques? Non, ils étaient des sacrificateurs. Ne sentaient-ils pas comme les autres hommes? Oui, mais ils adoraient comme sacrificateurs. C’est une idée très profonde. Cela découvre un horizon de pensées, de sentiments et d’expériences, où l’homme naturel ne pourra jamais se mouvoir — dont il ne connaît absolument rien, malgré tout le raffinement, toute la sentimentalité dont il se vante. Il faut que nous marchions, avec la vraie énergie du sacrificateur, dans le sanctuaire de Dieu, pour pouvoir comprendre la profondeur, le sens et la force de ces saints mystères.

Le prophète Ézéchiel fut appelé autrefois à apprendre cette difficile leçon: «Et la parole de l’Éternel vint à moi, disant: Fils d’homme, voici, je vais t’ôter, par une plaie, le désir de tes yeux; et tu ne mèneras pas deuil, et tu ne pleureras pas, et tes larmes ne couleront pas. Gémis en silence: tu ne feras point le deuil des morts. Enroule ton turban sur toi, et mets tes sandales à tes pieds, et ne couvre pas ta barbe, et ne mange pas le pain des hommes… Et, le matin, je fis comme il m’avait été commandé» (Éz. 24:15-18). On dira que tout cela était «un signe» pour Israël. C’est vrai; mais cela prouve que, dans le témoignage prophétique, aussi bien que dans le culte sacerdotal, nous devons nous élever au-dessus de toutes les exigences et de toutes les influences de la nature et de la terre. Les fils d’Aaron et la femme d’Ézéchiel avaient été retranchés d’un seul coup, et cependant ni le sacrificateur, ni le prophète, ne devaient découvrir leur tête ou verser une larme.

Oh! cher lecteur, quels progrès avons-nous faits, vous et moi, dans cette profonde science? Le lecteur et celui qui écrit ont sans doute la même humiliante confession à faire. Trop souvent, hélas! nous marchons comme les hommes et nous mangeons le pain des hommes. Trop souvent, nous nous laissons dépouiller de nos privilèges de sacrificateurs par les menées de la nature et les influences de la terre. Il importe de veiller pour se garder de ces influences. Rien, sauf la conscience de la proximité de Dieu, comme sacrificateurs, ne peut préserver le cœur de la puissance du mal, ou en maintenir la spiritualité. Tous les croyants sont sacrificateurs à Dieu, et rien ne peut leur enlever leur position, comme tels. Mais quoiqu’ils ne puissent la perdre, ils peuvent manquer gravement dans l’accomplissement de leurs fonctions. On ne distingue pas assez ces deux choses. Quelques-uns, ne voyant que la précieuse vérité de la sécurité du croyant, oublient la possibilité de ses fautes dans l’accomplissement de ses fonctions sacerdotales. D’autres, au contraire, regardant surtout aux manquements, osent mettre en doute la sécurité.

Je désire que mon lecteur se garde de ces deux erreurs. Il faut, pour cela, qu’il soit bien fondé dans la doctrine divine du salut éternel de tout membre de la vraie maison sacerdotale; mais il doit aussi se rappeler qu’il est fort susceptible de faire des chutes, et qu’il a donc constamment besoin de veiller et de prier, pour ne pas tomber. Puissent tous ceux qui ont été amenés à connaître la haute position de sacrificateurs à Dieu, être préservés par sa grâce, de toute espèce de manquements et de péchés, qu’ils consistent soit en souillures personnelles, soit en la présentation de quelqu’une des formes variées de «feu étranger», qui abondent tellement dans l’église professante.

«Et l’Éternel parla à Aaron, disant: Vous ne boirez point de vin ni de boisson forte, toi et tes fils avec toi, quand vous entrerez dans la tente d’assignation, afin que vous ne mouriez pas. C’est un statut perpétuel, en vos générations, afin que vous discerniez entre ce qui est saint et ce qui est profane, et entre ce qui est impur et ce qui est pur, et afin que vous enseigniez aux fils d’Israël tous les statuts que l’Éternel leur a dits par Moïse» (vers. 8-11).

L’effet du vin est d’exciter la chair, et toute excitation de ce genre nuit à cette condition calme et bien équilibrée de l’âme, qui est essentielle pour accomplir convenablement les offices de sacrificateur. Loin d’employer des moyens pour exciter la nature, nous devrions la traiter comme quelque chose qui n’existe pas. Alors, seulement, nous serons dans l’état moral voulu pour servir au sanctuaire, pour former un jugement impartial entre ce qui est souillé et ce qui est net, et pour expliquer et communiquer la pensée de Dieu. C’est à chacun à juger, pour lui-même, de ce qui, dans son cas particulier, agirait comme «le vin ou la boisson forte1». Les choses qui excitent notre nature sont de bien divers genres, en vérité, — la fortune, l’ambition, la politique, les nombreux sujets d’émulation dans le monde autour de nous. Toutes ces choses agissent avec une puissance excitante, sur notre nature, et nous rendent complètement impropres à tout service sacerdotal. Si le cœur est enflé de sentiments d’orgueil, de convoitise ou d’envie, il est totalement impossible de jouir de l’air pur du sanctuaire, ou d’accomplir les fonctions sacrées du ministère sacerdotal. Les hommes parlent de la versatilité de l’esprit humain, ou de la facilité avec laquelle il passe promptement d’une chose à une autre. Mais le génie le plus versatile qu’un homme ait jamais possédé ne pourrait pas le rendre capable de passer d’un cercle profane de discussions littéraires, commerciales ou politiques, dans la sainte retraite du sanctuaire de la présence divine; ni rendre l’œil, obscurci par l’influence de telles scènes, capable de discerner avec l’exactitude du sacrificateur la différence «entre ce qui est saint et ce qui est profane, et entre ce qui est impur et ce qui est pur». Non, cher lecteur; les sacrificateurs de Dieu doivent se tenir éloignés du «vin et de la boisson forte». Leur chemin est un chemin de sainte séparation et de sobriété. Ils doivent être élevés bien au-dessus de l’influence des joies terrestres, tout comme de celle des douleurs terrestres. La seule chose qu’ils aient à faire avec la «boisson forte», c’est qu’elle soit «versée dans le lieu saint», en libation de boisson forte, à l’Éternel (Nomb. 28:7). En d’autres termes, la joie des sacrificateurs de Dieu n’est pas la joie de la terre, mais la joie du ciel, la joie du sanctuaire. «La joie de l’Éternel est leur force».

1 Quelques-uns pensent que, vu la place qu’occupe ici cette direction sur le vin, Nadab et Abihu étaient peut-être sous l’influence de la boisson, lorsqu’ils offrirent le «feu étranger». Quoi qu’il en soit, nous devons être reconnaissants de trouver ici un principe précieux à l’égard de notre conduite comme sacrificateurs spirituels. Nous devons nous abstenir de tout ce qui produirait sur notre homme spirituel le même effet que le vin produit sur l’homme physique.

Il est à peine besoin de dire que le chrétien devrait être des plus vigilants quant à l’usage qu’il fait du vin ou des boissons fortes. On tremble en voyant un chrétien être l’esclave d’une habitude, quelle que puisse être cette habitude. Cela prouve qu’il ne mortifie et n’asservit pas son corps, et il est en grand danger d’être «réprouvé» (1 Cor. 9:27).

Plût à Dieu que ces saintes instructions fussent mieux pesées par nous! Nous en avons un grand besoin, assurément. Si nous négligeons nos responsabilités de sacrificateurs, tout s’en ressentira. Quand nous contemplons le camp d’Israël, nous voyons trois cercles, dont le plus intérieur avait pour centre le sanctuaire. Il y avait d’abord le cercle des hommes de guerre (Nomb. 1:2), puis le cercle des Lévites tout autour du tabernacle (Nomb. 3:4), et enfin le cercle intérieur des sacrificateurs, officiant dans le lieu saint. Or, rappelons-nous que le croyant est appelé à se mouvoir dans tous ces cercles. Il entre, lutte et combat, comme un homme de guerre (Éph. 6:11-17; 1 Tim. 1:18; 6:12; 2 Tim. 4:7). Il sert, comme un Lévite au milieu de ses frères, selon sa mesure et sa sphère (Matt. 26:14-15; Luc 19:12-13). Enfin il sacrifie et adore, comme sacrificateur, dans le lieu saint (Héb. 13:15-16; 1 Pierre 2:5, 9). Ce dernier office durera à toujours. En outre, ce n’est qu’en tant que nous serons rendus capables de nous mouvoir dûment dans ce cercle sacré, que toutes les autres relations et responsabilités seront dûment accomplies. Par conséquent, tout ce qui entrave nos fonctions sacerdotales — tout ce qui nous éloigne du centre de ce cercle intérieur, où nous avons le privilège de nous tenir, — en un mot, tout ce qui tend à altérer notre relation de sacrificateurs, ou à obscurcir notre vision de sacrificateurs, doit nécessairement nous rendre impropres au service que nous sommes appelés à rendre, et à la guerre que nous sommes appelés à faire.

Ce sont là des considérations importantes. Arrêtons-nous-y sérieusement. Nous avons à garder un cœur droit — une conscience pure — un œil simple — une vision spirituelle non troublée. Les intérêts de l’âme dans le lieu saint doivent être recherchés fidèlement et avec zèle, sans cela tout ira mal. La communion particulière avec Dieu doit être conservée; sans cela nous serons inutiles comme serviteurs, et vaincus comme hommes de guerre. C’est en vain que nous nous agitons et courons ici et là pour ce que nous appelons service, ou que nous faisons de belles phrases sur l’armure et la lutte du chrétien. Si nous ne maintenons pas nos vêtements de sacrificateurs sans souillures, et si nous ne nous gardons pas de tout ce qui exciterait notre nature, nous tomberons certainement. Le sacrificateur doit garder son cœur avec soin, sinon le lévite faillira, et le guerrier sera défait.

Je le répète, c’est l’affaire de chacun de se rendre clairement compte de ce qui, pour lui, constitue le «vin et la boisson forte» — de ce qui l’excite — de ce qui émousse ses perceptions spirituelles ou trouble sa vision sacerdotale. Il se peut que ce soit un marché, une exposition de bestiaux, un journal. Il se peut que ce soit la moindre bagatelle. Mais n’importe ce que c’est: si cela tend à exciter, cela nous rendra impropres au ministère de sacrificateurs; et si nous ne sommes pas qualifiés comme sacrificateurs, nous ne le sommes pas plus pour tout le reste, puisque nos succès, à tous égards et pour tous les détails de notre service, dépendront toujours de la mesure en laquelle nous cultiverons un esprit de culte.

Exerçons donc un esprit de jugement sur nous-mêmes — un esprit de vigilance sur nos habitudes, nos voies, nos pensées, nos goûts et nos associations; et quand, par grâce, nous découvrons quoi que ce soit qui ait la moindre tendance à nous détourner des saints exercices du sanctuaire, rejetons-le, coûte que coûte. Ne nous laissons pas devenir les esclaves d’une habitude. La communion avec Dieu devrait être plus chère à nos cœurs que toute autre chose; et dans la proportion où nous apprécierons cette communion, nous veillerons et prierons, et nous tiendrons en garde contre tout ce qui nous en priverait — contre tout ce qui pourrait exciter, troubler ou ébranler1.

1 Quelques-uns penseront peut-être que le passage de Lév. 10:9 permet, occasionnellement, l’usage des choses qui tendent à exciter l’esprit naturel, parce qu’il est dit: «Vous ne boirez point de vin, ni de boisson forte… quand vous entrerez dans la tente d’assignation». À ceci nous répondrons que le sanctuaire n’est pas un lieu que le chrétien doive visiter occasionnellement, mais un lieu dans lequel il doit habituellement servir et adorer. C’est la sphère dans laquelle il doit «vivre, se mouvoir et avoir son être». Plus nous vivons en la présence de Dieu, et moins nous pouvons souffrir d’en être éloignés; et aucun de ceux qui connaissent le bonheur d’y être ne se permettra légèrement quoi que ce soit qui l’en priverait. Il n’y a pas sur toute la terre un seul objet qui, au jugement d’un cœur spirituel, puisse équivaloir à une heure de communion avec Dieu.

«Et Moïse dit à Aaron, et à Éléazar et à Ithamar, ses fils qui restaient: Prenez l’offrande de gâteau, ce qui reste des sacrifices de l’Éternel faits par feu, et mangez-la en pains sans levain à côté de l’autel; car c’est une chose très sainte. Et vous la mangerez dans un lieu saint, parce que c’est là ta part et la part de tes fils dans les sacrifices de l’Éternel faits par feu; car il m’a été ainsi commandé». (Vers. 12, 13).

Il y a peu de choses qui nous soient plus difficiles que de nous maintenir à la hauteur divine, quand la faiblesse humaine s’est manifestée. Nous sommes comme David, lorsque l’Éternel fit une brèche en la personne d’Uzza, parce qu’il avait étendu sa main sur l’arche: «Et David eut peur de Dieu en ce jour-là, disant: Comment ferais-je entrer chez moi l’arche de Dieu?» (1 Chr. 13:12). Il est extrêmement difficile de fléchir devant le jugement, et en même temps de maintenir les principes divins. Le danger est d’abaisser la mesure morale, de descendre de cette haute région jusqu’au terrain humain. Nous devons soigneusement nous garder de ce mal, d’autant plus dangereux qu’il se revêt des formes de la modestie, de la défiance de soi-même et de l’humilité. Malgré tout ce qui était arrivé, Aaron et ses fils devaient manger l’offrande de gâteau dans le lieu saint. Ils devaient la manger, non parce que tout s’était bien passé, mais «parce que c’est là ta part et qu’il m’a été ainsi commandé». Quoiqu’il y eût eu péché, cependant leur place était dans le tabernacle, et ceux qui étaient là avaient certaines choses, à eux assignées d’après l’ordre divin. Lors même que l’homme eût manqué mille et mille fois, la parole de l’Éternel ne pouvait manquer; et cette parole assurait, à tous les sacrificateurs fidèles, certains privilèges dont ils avaient le droit de jouir. Les sacrificateurs de Dieu ne devaient-ils rien avoir à manger, aucune nourriture sacerdotale, parce qu’une faute avait été commise? Ceux qui étaient demeurés de reste devaient-ils avoir faim, parce que Nadab et Abihu avaient offert un «feu étranger»? Non, assurément. Dieu est fidèle, et il ne permettra jamais que l’on reste à vide en sa présence bénie. Le fils prodigue peut s’égarer, errer, dépenser tout son bien et tomber dans l’indigence; mais il sera toujours vrai que «dans la maison de son père il y a du pain en abondance».

«Et vous mangerez la poitrine tournoyée et l’épaule élevée, dans un lieu pur, toi et tes fils et tes filles avec toi; car elles vous sont données comme ta part et la part de tes fils dans les sacrifices de prospérités des fils d’Israël… par statut perpétuel, comme l’Éternel l’a commandé» (Vers. 14, 15). Quelle force et quelle stabilité nous avons ici! Tous les membres de la famille du sacrificateur, les «filles» aussi bien que les «fils» — tous, quelle que soit la mesure de leur énergie ou de leur capacité — doivent se nourrir de «la poitrine» et de «l’épaule», types des affections et de la force du vrai Sacrifice de prospérités, en tant que ressuscité d’entre les morts, et présenté devant Dieu. Ce précieux privilège leur appartient, en tant que leur ayant été «donné, par statut perpétuel, comme l’Éternel l’a commandé». Cela rend tout «sûr et ferme», quoi qu’il puisse arriver. Les hommes peuvent manquer et pécher; le feu étranger peut être offert; mais la famille sacerdotale de Dieu ne doit jamais être privée de la riche et miséricordieuse portion que l’amour divin lui a procurée, et que la fidélité divine lui a garantie «par statut perpétuel».

Cependant nous devons faire une distinction entre les privilèges qui appartenaient à tous les membres de la famille d’Aaron, «filles» aussi bien que «fils», et ceux dont la partie mâle de la famille pouvait seule jouir. Nous avons déjà fait allusion à ce point dans les notes sur les offrandes. Certaines bénédictions sont communes à tous les croyants, simplement comme tels; et il en est d’autres qui demandent une plus grande mesure de connaissance spirituelle et d’énergie sacerdotale, pour être comprises et goûtées. Or il est tout à fait inutile, il est même coupable de prétendre à la jouissance de cette plus haute mesure, quand, en réalité, nous ne la possédons pas. C’est une chose que de tenir ferme les privilèges qui sont «donnés» de Dieu et qui ne peuvent jamais être ôtés, et autre chose de prétendre à une capacité spirituelle à laquelle nous n’avons jamais atteint. Sans doute, nous devons désirer ardemment la plus haute mesure de communion sacerdotale — l’ordre le plus élevé des privilèges des sacrificateurs; mais il est bien différent de désirer une chose ou de prétendre l’avoir.

Cette pensée jettera de la lumière sur la dernière partie de notre chapitre: «Et Moïse chercha diligemment le bouc du sacrifice pour le péché; mais voici, il avait été brûlé; et Moïse se mit en colère contre Éléazar et Ithamar, les fils d’Aaron, qui restaient, et il leur dit: Pourquoi n’avez-vous pas mangé le sacrifice pour le péché dans un lieu saint? car c’est une chose très sainte; et Il vous l’a donné pour porter l’iniquité de l’assemblée, pour faire propitiation pour eux devant l’Éternel: voici, son sang n’a pas été porté dans l’intérieur du lieu saint; vous devez de toute manière le manger dans le lieu saint, comme je l’ai commandé. Et Aaron dit à Moïse: Voici, ils ont présenté aujourd’hui leur sacrifice pour le péché et leur holocauste devant l’Éternel, et ces choses me sont arrivées; et si j’eusse mangé aujourd’hui le sacrifice pour le péché, cela eût-il été bon aux yeux de l’Éternel? Et Moïse l’entendit, et cela fut bon à ses yeux».

Les «filles» d’Aaron n’avaient pas la permission de manger du «sacrifice pour le péché». Ce grand privilège n’appartenait qu’aux «fils», et il était le type de la forme la plus élevée du service sacerdotal. Manger du sacrifice pour le péché était l’expression de la complète identification avec celui qui l’offrait, et cela demandait une mesure de capacité sacerdotale et une énergie qui trouvaient leur type dans «les fils d’Aaron». Dans cette occasion-ci, cependant, il est évident qu’Aaron et ses fils n’étaient pas en état de s’élever jusqu’à cette sainte hauteur. Ils auraient dû l’être, mais ils ne l’étaient pas. «Ces choses me sont arrivées», dit Aaron. Sans doute, c’était une faute à déplorer, mais pourtant «Moïse l’entendit, et cela fut bon à ses yeux». Il vaut beaucoup mieux être sincère dans la confession de nos chutes et de nos négligences, que d’avoir des prétentions de force spirituelle qui sont tout à fait sans fondement.

Ainsi donc, le dixième chapitre du Lévitique s’ouvre par un péché positif et se termine par une faute d’omission. Nadab et Abihu offrent du «feu étranger»; et Éléazar et Ithamar sont incapables de manger l’offrande pour le péché. Le péché attire le jugement divin, la faute est traitée avec une indulgence divine. Il ne pouvait y avoir de tolérance pour le «feu étranger». C’était braver ouvertement le commandement formel de Dieu. Il y a, évidemment, une grande différence entre la transgression délibérée d’un commandement positif, et la simple incapacité de s’élever à la hauteur d’un privilège divin. Le premier cas est un déshonneur ouvertement fait à Dieu; le second est un tort qu’on se fait en se privant de sa propre bénédiction. Ni l’un, ni l’autre ne devraient avoir lieu, mais la différence entre les deux est facile à saisir.

Puisse le Seigneur, dans sa grâce infinie, nous faire toujours habiter dans la retraite cachée de sa sainte présence, demeurant dans son amour, et nous nourrissant de sa vérité. Ainsi nous serons préservés du «feu étranger» et de la «boisson forte» — c’est-à-dire de tout culte faux, et de l’excitation charnelle, sous toutes ses formes. Ainsi aussi, nous serons rendus capables de nous comporter droitement dans tous les détails du ministère sacerdotal, et de jouir de tous les privilèges de notre position de sacrificateurs. La communion du chrétien est comme la sensitive. Elle est aisément affectée par les rudes influences d’un monde méchant. Elle se développera sous l’action bienfaisante de l’atmosphère du ciel, mais devra se fermer résolument au souffle glacial du monde et des sens. Souvenons-nous de ces choses, et tâchons de demeurer toujours dans l’enceinte sacrée de la présence divine. Là, tout est pur, heureux et sûr.