Lévitique

Chapitre 2

Nous devons maintenant examiner «l’offrande de gâteau», qui représente, d’une manière très précise, «l’Homme Christ Jésus». L’holocauste figure Christ dans sa mort, l’offrande de gâteau le figure dans sa vie. Ni dans l’une, ni dans l’autre, il n’est question de l’acte de porter le péché. Dans l’holocauste, nous voyons la propitiation, mais point de péché porté — point d’imputation de péché — point d’effusion de colère à cause du péché. Ce qui nous le démontre, c’est que tout était consumé sur l’autel. S’il y avait eu là le moindre péché à expier, la victime aurait dû être brûlée hors du camp (Comp. Lév. 4:11-12, avec Héb. 13:11).

Mais dans l’offrande de gâteau, il n’est pas même question d’aspersion du sang. Nous y voyons simplement un beau type de Christ, vivant, marchant et servant ici-bas, sur la terre. Ce seul fait suffit déjà, par lui-même, à engager tout chrétien spirituel à considérer cette offrande avec une sérieuse attention et dans un esprit de prière. La pure et parfaite humanité de notre Seigneur est un sujet qui s’impose à l’examen consciencieux de tout vrai chrétien. Il est à craindre que des pensées fort relâchées ne soient entretenues par plusieurs, relativement à ce saint mystère. Les expressions qu’on entend ou qu’on lit quelquefois suffisent pour prouver que la doctrine fondamentale de l’incarnation n’est pas comprise ou retenue, telle que la Parole la présente. De semblables expressions peuvent très probablement procéder d’une inexacte appréciation de la nature réelle des relations de Christ et du vrai caractère de ses souffrances; mais, quelle qu’en soit l’origine, elles doivent être jugées à la lumière des Saintes Écritures, et, par conséquent, rejetées. Sans doute, plusieurs de ceux qui emploient ces termes reculeraient d’horreur et d’indignation devant la doctrine qu’elles supposent ou qu’elles appuient, si on l’exposait devant eux telle qu’elle est en réalité: aussi gardons-nous d’accuser d’infidélité quant à une vérité fondamentale tel ou tel chrétien, en qui il n’y a peut-être que de l’inexactitude de langage.

Il est, pourtant, une considération qui doit être d’un poids immense sur les appréciations morales de tout chrétien, je veux parler du caractère vital de la doctrine de l’humanité du Christ: elle gît au fondement même du christianisme, et c’est bien là pourquoi Satan a toujours, dès le commencement, pris tant de peine à induire les âmes en erreur à ce sujet. Presque toutes les hérésies capitales, qui ont pénétré dans l’église professante, trahissent l’intention satanique de saper la vérité quant à la personne du Christ. Il est aussi souvent arrivé que des hommes pieux, tout en voulant combattre ces erreurs, sont tombés eux-mêmes dans des erreurs opposées. Cela nous montre le besoin que nous avons de nous en tenir étroitement aux termes mêmes dont le Saint Esprit a fait usage pour développer un mystère à la fois si sacré et si profond. En effet, je crois que, dans tous les cas, la soumission à l’autorité des Saintes Écritures et l’énergie de la vie divine dans l’âme se montreront comme la meilleure sauvegarde contre toute espèce d’erreur. Pour être rendue capable de se préserver d’erreur relativement à la doctrine de Christ, l’âme n’a pas besoin de profondes connaissances théologiques; si seulement la parole du Christ habite richement en elle et que l’Esprit du Christ y développe son efficace, Satan n’y trouvera point de place où il puisse faire pénétrer ses sombres et horribles suggestions. Si le cœur prend son plaisir dans le Christ que les Écritures révèlent, il repoussera, assurément, tous les faux Christ que Satan voudrait introduire. Si nous nous nourrissons des réalités de Dieu, nous rejetterons sans hésitation les contrefaçons de Satan. C’est le meilleur moyen possible d’échapper aux pièges de l’erreur, sous quelque forme qu’elle se présente. «Les brebis écoutent sa voix, et… elles le suivent; car elles connaissent sa voix; mais elles ne suivront point un étranger, mais elles s’enfuiront loin de lui, parce qu’elles ne connaissent pas la voix des étrangers» (Jean 10:4, 5, 27). Il n’est nullement nécessaire de connaître la voix des étrangers pour se détourner d’eux, il suffit pour cela de connaître la voix «du bon Berger». C’est ce qui nous préservera de l’influence séductrice de toute voix étrangère. Aussi, tout en me sentant appelé à prémunir mes lecteurs contre toute voix étrangère, relativement au divin mystère de l’humanité de Christ, il ne me paraît point nécessaire de discuter leurs assertions hasardées ou fausses; j’aime mieux chercher, avec la grâce de Dieu, à donner à mes frères des armes contre elles, en développant la doctrine de l’Écriture sur ce sujet.

Le maintien d’une énergique communion avec la parfaite humanité de notre Seigneur Jésus Christ est un des côtés les plus faibles et les plus imparfaits de notre christianisme. De là vient que nous montrons tant de lacunes, de sécheresse, d’agitations et d’égarements dans notre marche. Ah! si nous étions pénétrés, grâce à une foi plus simple, de cette vérité, que c’est un Homme réel, qui est assis à la droite de la Majesté dans les cieux, — un Homme dont la sympathie est parfaite, dont l’amour est incompréhensible, dont la puissance est sans bornes, dont la sagesse est infinie, dont les ressources sont inépuisables, dont les richesses sont insondables, dont l’oreille est ouverte à tous nos soupirs, dont la main est ouverte à tous nos besoins, dont le cœur est rempli pour nous d’une tendresse ineffable — comme nous serions, à la fois, plus heureux et plus élevés au-dessus des choses visibles, comme nous serions plus indépendants de tout ce qui découle de la création, quel que fût le canal qui nous le communique! Tout ce que le cœur peut ambitionner, nous le possédons en Jésus. Soupire-t-il après une sincère sympathie? où pourrait-il la trouver ailleurs qu’en Celui qui mêlait ses larmes aux larmes des sœurs en deuil de Béthanie? Aspire-t-il à la jouissance d’une vraie affection? il ne peut la trouver complètement que dans ce cœur qui exprima son amour par des grumeaux de sang en Gethsémané. Recherche-t-il la protection d’un pouvoir efficace? il n’a qu’à regarder à Celui qui a créé les mondes. Sent-il le besoin d’une sagesse infaillible pour le guider? qu’il s’approche de Celui qui est la sagesse personnifiée, et «qui nous a été fait sagesse de la part de Dieu». — En un mot, nous avons tout en Christ. La pensée divine et les affections divines ont trouvé un objet parfait dans «l’Homme Christ Jésus» (1 Tim. 2:5), et assurément, s’il y a dans la personne de Christ ce qui peut parfaitement satisfaire Dieu, il y a donc en elle ce qui devrait nous satisfaire, et ce qui nous satisfait à proportion que, par la grâce du Saint Esprit, nous marchons dans la communion avec Dieu.

Le Seigneur Jésus Christ a été le seul homme parfait qui ait jamais foulé cette terre. Il était parfait en tout — parfait en pensées, parfait en paroles, parfait en œuvres. En lui toutes les qualités morales se rencontraient et s’harmonisaient dans une divine et, par conséquent, parfaite proportion. Aucun trait de son caractère ne prédominait aux dépens des autres. En Lui s’unissaient admirablement une majesté qui inspirait une crainte respectueuse, et une douceur qui mettait complètement à l’aise en sa présence. Les Scribes et les Pharisiens durent entendre ses accablants reproches, tandis que la pauvre Samaritaine et la femme, «qui était une pécheresse», se sentaient, sans pouvoir s’en rendre compte, irrésistiblement attirées à Lui. Oui, tout était en Lui dans une belle harmonie. C’est ce qu’on peut remarquer dans toutes les scènes de sa vie ici-bas. Il pouvait dire, par exemple, à ses disciples en présence des cinq mille hommes affamés: «Vous, donnez-leur à manger»; puis encore, quand ils furent rassasiés «Amassez les morceaux qui sont de reste, afin que rien ne soit perdu» (Jean 6:12). La bienveillance et l’économie sont ici parfaites, sans que l’une nuise à l’autre; chacune brille dans sa propre sphère. Il ne pouvait pas renvoyer à jeun les multitudes qui avaient faim en le suivant, et, d’un autre côté, il ne pouvait pas permettre qu’un seul fragment des «créatures de Dieu» (1 Tim. 4:4) fût dissipé. La même main, toujours largement ouverte pour subvenir à tous les besoins de l’homme, était, strictement fermée pour toute prodigalité.

C’est une leçon pour nous, chez qui, fréquemment, la bienveillance dégénère en une profusion inexcusable. Et, d’un autre côté, combien souvent notre économie manifeste un esprit d’avarice! Parfois aussi, nos cœurs parcimonieux refusent de s’ouvrir largement à la vue des besoins qui s’offrent à nous, tandis que, d’autres fois, nous dissipons, par vanité ou par extravagance, ce qui aurait pu soulager plusieurs de nos semblables dans la nécessité. Cher lecteur, étudions avec soin le divin tableau que nous offre la vie de «l’Homme Christ Jésus». Qu’il est rafraîchissant et fortifiant pour «l’homme intérieur», de s’occuper de Celui qui fut parfait dans toutes ses voies, et qui, «en toutes choses, doit tenir la première place».

Voyez-le dans le jardin de Gethsémané. Il se prosterne dans une profondeur d’humilité dont lui seul pouvait donner l’exemple; mais, en présence de la bande du traître, il montre un calme et une majesté qui les fait reculer et tomber par terre. Devant Dieu, son attitude est la prostration; devant ses juges et ses accusateurs, une dignité inébranlable. Là encore, tout est parfait, tout est divin.

La même perfection se fait aussi remarquer dans la manière admirable, dont se concilient en Lui ses relations avec Dieu et ses relations humaines. Il pouvait dire: «Pourquoi me cherchiez-vous? Ne saviez-vous, pas qu’il me faut être aux affaires de mon Père?» — et en même temps il pouvait descendre avec eux à Nazareth, où il fut un modèle, de parfaite soumission à l’autorité de ses parents (Voir Luc 2:4951). Il pouvait dire à sa mère: «Qu’y a-t-il entre moi et toi, femme?» et cependant sur la croix, au milieu de son inexprimable agonie, il montrait la tendre affection qu’il avait pour sa mère, en la confiant aux soins de son disciple bien-aimé. Dans le premier cas, Christ, dans l’esprit d’un parfait nazaréat, se séparait de tout pour accomplir la volonté de son Père; tandis que, dans le dernier, il donnait essor aux sentiments affectueux d’un cœur humain parfait. Le dévouement du Nazaréen, ainsi que l’affection de l’homme, étaient parfaits; l’un ne pouvait pas porter préjudice à l’autre, tous deux brillaient d’un lumineux éclat, chacun dans sa propre sphère.

Or l’ombre de cet homme parfait s’offre à nous sous la figure de la «fleur de farine», qui formait la base de l’offrande de gâteau. Il n’y avait là rien de raboteux, rien d’inégal, rien de rude au toucher. Quelle que fût la pression survenant du dehors, la surface en était toujours unie. Ainsi le Christ n’était jamais troublé par les circonstances; il n’était jamais embarrassé, jamais hésitant, ou dans l’agitation, jamais déçu dans son attente. Quels que fussent les événements qui survinssent, il les rencontrait toujours avec cette parfaite égalité, si remarquablement figurée par la «fleur de farine».

Dans toutes ces choses, cela va sans dire, Christ présente un contraste signalé avec ses serviteurs les plus honorés et les plus dévoués. Moïse, par exemple, était «très doux, plus que tous les hommes qui étaient sur la face de la terre» (Nom. 12:3); cependant, dans un mouvement de colère, «il parla légèrement de ses lèvres» (Ps. 106:33). En Pierre, nous voyons un zèle et une énergie qui, parfois, dépassaient la mesure; mais aussi, d’autres fois, une lâcheté qui lui faisait abandonner la place du témoignage par crainte de l’opprobre. Il était prompt à faire des protestations d’un dévouement qui, quand le moment de l’action était arrivé, avait disparu. Jean qui, plus que tout autre, respirait l’atmosphère de la présence immédiate de Christ, manifesta, plus d’une fois, un esprit sectaire, intolérant, ambitieux (Luc 9:49, 52-55; Marc 10:35-37). En Paul, le plus dévoué des serviteurs, nous découvrons aussi de grandes inégalités. Il adresse au souverain sacrificateur des paroles injurieuses qu’il doit ensuite rétracter (Actes 23). Il écrit aux Corinthiens une lettre, dont il se repent d’abord et dont plus tard il ne se repent plus (2 Cor. 7:8). En tous, nous voyons quelque défaut, excepté en Celui qui est «un porte-bannière entre dix mille».

En étudiant l’offrande de gâteau, pour donner à nos pensées plus de simplicité et de clarté, il sera bon de considérer, d’abord, les matières dont elle se composait; en second lieu, les diverses formes sous lesquelles elle était présentée; et enfin, les personnes qui y avaient part.

1. Quant aux matières, la «fleur de farine» peut être regardée comme la base de l’offrande, et en elle, comme nous l’avons vu, nous avons un type de l’humanité de Christ, en qui se rencontraient toutes les perfections. Le Saint Esprit prend plaisir à développer les gloires de la Personne de Christ — à le présenter dans son excellence incomparable — à le placer devant nous en contraste avec tout le reste. Il le met en opposition avec Adam, même dans l’état d’innocence et d’honneur de celui-ci, car il est écrit: «Le premier homme est [tiré] de la terre, — poussière; le second homme est [venu] du ciel» (1 Cor. 15:47). Le premier Adam, même avant la chute, était «de la terre», mais le second Homme était «venu du ciel».

Dans l’offrande de gâteau, l’huile est un type du Saint Esprit. Mais l’huile, employée de deux manières, nous présente le Saint Esprit sous un double aspect, en connexion avec l’incarnation du Fils. La fleur de farine était «pétrie» avec l’huile, et l’on versait de l’huile sur elle. Tel était le type; et dans l’antitype, nous voyons le Seigneur Jésus Christ d’abord «conçu» par le Saint Esprit, puis «oint» du Saint Esprit (Comp. Matt. 1:18, 23, avec 3:16). L’exactitude, qui est ici si palpable, est vraiment merveilleuse. C’est un seul et même Esprit qui enregistre les ingrédients du type et qui rapporte les faits dans l’antitype. Celui qui nous a donné, avec une si étonnante précision, les types et les ombres du livre du Lévitique, nous a aussi décrit le glorieux sujet de ces types, dans les récits de l’Évangile. C’est le même Esprit qui souffle à travers les pages de l’Ancien et celles du Nouveau Testament, et qui nous rend capables de voir avec quelle exactitude l’un correspond à l’autre.

La conception du corps de Christ, par le Saint Esprit, dans le sein de la Vierge, est un des plus profonds mystères qui puisse être présenté à l’attention de l’entendement renouvelé. Il est pleinement révélé dans l’évangile de Luc, et cela est bien caractéristique, parce que, d’un bout à l’autre de cet évangile, le but spécial du Saint Esprit paraît être de nous montrer, sous toutes ses faces et d’une manière divinement impressive, «l’Homme Christ Jésus». En Matthieu, nous avons «le Fils d’Abraham — le Fils de David». En Marc, nous avons le divin Serviteur — le céleste Ouvrier. En Jean, nous avons «le Fils de Dieu» — la Parole éternelle — la Vie — la Lumière, Celui par qui toutes choses ont été faites. Mais le grand sujet du Saint Esprit en Luc, c’est «le Fils de l’homme».

Quand l’ange Gabriel eut annoncé à Marie la faveur qui allait lui être conférée, relativement à la grande œuvre de l’incarnation, Marie, dans un esprit d’honnête ignorance plutôt que de doute, demanda: «Comment ceci arrivera-t-il puisque je ne connais pas d’homme?» Évidemment, elle pensait donc que la naissance du glorieux Personnage, qui était sur le point d’apparaître, devait avoir lieu selon le cours ordinaire de la nature; et c’est cette pensée qui, dans la grande bonté de Dieu, donne occasion au messager céleste d’ajouter quelques paroles, qui jettent une lumière des plus précieuses sur la vérité fondamentale de l’incarnation. Aussi la réponse de l’ange à la question de la Vierge est du plus grand intérêt et ne peut être trop soigneusement méditée. «Et l’ange répondant, lui dit: L’Esprit Saint viendra sur toi, et la puissance du Très-Haut te couvrira de son ombre; c’est pourquoi aussi la sainte chose qui naîtra, sera appelée Fils de Dieu» (Luc 1:35).

Ce beau passage nous apprend que le corps humain, que revêtit le Fils éternel de Dieu, fut formé par «la puissance du Très-Haut». «Tu m’as formé un corps» (Héb. 10:5). C’était un vrai corps humain — réellement «chair et sang». Il n’y a absolument rien ici, qui puisse prêter un fondement quelconque aux vaines et dégoûtantes théories du gnosticisme ou du mysticisme — non, rien qui autorise les froides abstractions du premier, ni les fables du dernier. Tout est ici profondément, solidement, divinement réel. Cela même dont nos cœurs avaient besoin, c’est cela même que Dieu a donné. La plus ancienne promesse avait déclaré que la semence de la femme briserait la tête du serpent, et cette prédiction ne pouvait être accomplie que par un homme réel, — un être dont la nature humaine fût aussi réelle qu’elle serait pure et incorruptible. «Tu concevras dans ton ventre, dit l’ange Gabriel, et tu enfanteras un fils»1. Puis, pour ne laisser aucune place à l’erreur, relativement au mode de cette conception, il ajoute quelques mots qui prouvent sans réplique, que «la chair et le sang», auxquels le Fils éternel «a participé», tout en étant absolument réels, étaient absolument incapables de contracter, ou de communiquer la moindre souillure. L’humanité du Seigneur Jésus était, dans toute la force du terme, cette «sainte chose», ou cet «Être saint». Et comme il était entièrement sans tache, il était, par conséquent, entièrement sans aucun principe de mortalité en lui. Nous ne pouvons concevoir la mortalité autrement qu’en connexion avec le péché, et l’humanité de Christ n’avait rien de commun avec le péché, soit personnellement, soit relativement. Le péché lui fut imputé sur la croix, où il fut «fait péché pour nous». Mais l’offrande de gâteau n’est pas le type de Christ comme portant le péché. Elle le préfigure dans sa vie parfaite ici-bas — vie dans laquelle il souffrit sans doute, mais non pas comme portant le péché, — non pas comme un substitut, — non pas de la part de Dieu. Il importe de bien discerner ce point. Ni l’holocauste, ni l’offrande de gâteau ne nous présentent Christ comme chargé de nos péchés. Dans celle-ci, nous le voyons vivant; dans celui-là, nous le voyons mourant; mais ni dans l’une, ni dans l’autre, il ne s’agit de l’imputation du péché, ni d’encourir la colère de Dieu à cause du péché. En un mot, présenter Christ comme le substitut des pécheurs ailleurs que sur la croix, c’est dépouiller sa vie de toute sa beauté et son excellence divines, c’est ôter à la croix son caractère et sa place. En outre cela jetterait une confusion inextricable sur les types du Lévitique.

1 «Mais quand l’accomplissement du temps est venu. Dieu a envoyé son Fils, né de femme, né sous la loi» (Gal. 4:4). C’est un passage des plus importants, attendu qu’il présente notre Seigneur comme Fils de Dieu et Fils de l’Homme: «Dieu a envoyé son Fils, né de femme». Précieux témoignage!

À ce sujet, je voudrais pouvoir persuader tous mes lecteurs, qu’ils ne sauraient avoir une trop sainte jalousie relativement à la vérité vitale de la Personne et des relations du Seigneur Jésus Christ. Si l’on est dans l’erreur là-dessus, tout le reste du christianisme en est compromis. Dieu ne peut donner la sanction de sa présence à quoi que ce soit qui n’a pas cette vérité pour base. La Personne de Christ est le centre vivant — le centre divin, autour duquel le Saint Esprit accomplit toutes ses opérations. Si vous abandonnez la vérité quant à Christ, vous êtes comme un vaisseau, chassant sur ses ancres, emporté, sans gouvernail et sans boussole, sur l’immense et orageux océan, et dans un danger imminent de se briser sur les écueils de l’arianisme, de l’infidélité ou de l’athéisme. Mettez en question l’éternité de Christ comme Fils de Dieu — mettez en question sa divinité — mettez en question son humanité immaculée, et vous ouvrez l’écluse aux flots destructeurs et aux erreurs mortelles. Que personne ne se figure qu’il s’agisse d’un point propre seulement à servir de sujet de discussion à des théologiens érudits — ou d’une question curieuse — d’un mystère abstrus — d’un dogme sur lequel il nous est loisible d’avoir des vues diverses. Non, c’est une vérité vitale, fondamentale, qu’il faut retenir avec la puissance du Saint Esprit, qu’il faut sauvegarder, fût-ce aux dépens de tout le reste — qu’il faut confesser, dans tous les temps et dans tous les cas, quelles que puissent en être les conséquences.

Nous devons donc recevoir simplement dans nos cœurs, par la grâce du Saint Esprit, la révélation que le Père nous fait du Fils; alors nos âmes seront efficacement préservées des pièges de l’ennemi, sous quelque forme qu’ils se présentent. Il peut recouvrir les leurres de l’arianisme ou du socinianisme, de l’herbe et des feuilles d’un système d’interprétation à la fois spécieux, plausible et séduisant; mais le cœur vraiment pieux découvre bientôt que ce système tend à déshonorer le Sauveur auquel il doit tout, et, sans hésitation, il le repousse et le renvoie à la source impure dont il procède manifestement. Nous pouvons bien nous passer de théories humaines; mais nous ne pouvons absolument pas nous passer de Christ — du Christ de Dieu — du Christ des affections de Dieu — du Christ des conseils de Dieu — du Christ de la parole de Dieu.

Le Seigneur Jésus Christ, Fils éternel de Dieu, Dieu manifesté en chair, Dieu sur toutes choses béni éternellement, a pris un corps qui était intrinsèquement et divinement pur, incapable de contracter aucune tache, entièrement exempt de tout principe de péché et de mortalité. L’humanité du Christ était telle que, s’il lui eût été possible (ce qui ne l’était pas, cela va sans dire) de ne consulter que son intérêt personnel, il aurait constamment pu retourner au ciel, d’où il était venu et auquel il appartenait. En disant cela, je fais abstraction des décrets éternels de l’amour rédempteur, ou de l’amour invariable du cœur de Jésus — de son amour pour Dieu — de son amour pour les élus de Dieu, ou de l’œuvre qui était nécessaire pour ratifier l’alliance éternelle de Dieu avec la semence d’Abraham et avec la création tout entière. Christ lui-même nous apprend qu’il «fallait qu’il souffrît et qu’il ressuscitât d’entre les morts le troisième jour» (Luc 24:46). Il était nécessaire qu’il souffrît, pour la manifestation et le parfait accomplissement du grand mystère de la rédemption. Ce miséricordieux Rédempteur voulait «amener plusieurs fils à la gloire». Il ne voulait pas «demeurer seul», c’est pourquoi, comme «le grain de blé», il voulut «tomber dans la terre et mourir». Mieux nous concevons la vérité quant à la Personne du Christ, et plus aussi nous comprenons et apprécions son œuvre de grâce.

Quand l’apôtre parle du Christ, comme ayant été «consommé par les souffrances», c’est comme «Chef de notre salut» qu’il le considère, et non point comme le Fils éternel qui, quant à ce qui regarde sa personnalité et sa nature, était divinement pur, sans qu’il fût possible d’y ajouter quoi que ce soit. De même, quand Jésus Christ dit encore: «Voici, je chasse des démons et j’accomplis des guérisons aujourd’hui et demain, et le troisième jour je suis consommé» (Luc 13:32), il fait allusion au fait de sa résurrection, en puissance, par lequel il serait manifesté comme le consommateur de l’œuvre tout entière de la rédemption. Quant à ce qui le concernait personnellement, il pouvait dire, même en sortant du jardin de Gethsémané: «Penses-tu que je ne puisse pas maintenant prier mon Père, et il me fournira plus de douze légions d’anges? Comment donc seraient accomplies les écritures, [qui disent] qu’il faut qu’il en arrive ainsi?» (Matt. 26:53, 54).

Il est bon que l’âme soit au clair là-dessus il est bon de sentir selon Dieu l’harmonie qui existe entre les passages qui nous présentent Christ dans la dignité essentielle de sa Personne et dans la divine pureté de sa nature, et ceux qui nous le présentent dans ses relations avec son peuple et comme accomplissant le grand œuvre de la rédemption. Parfois nous trouvons ces deux aspects différents, rapprochés et combinés dans le même passage, par exemple en Héb. 5:8, 9: Christ «quoiqu’il fût Fils, a appris l’obéissance par les choses qu’il a souffertes; et ayant été consommé, il est devenu, pour tous ceux qui lui obéissent, l’auteur du salut éternel». Ne perdons pourtant pas de vue qu’aucune de ces relations, dans lesquelles Christ entra volontairement — soit pour manifester l’amour de Dieu envers un monde perdu, soit comme serviteur des conseils divins — non, aucune ne pouvait, à quelque degré que ce fût, avoir rien à faire avec la pureté essentielle, l’excellence et la gloire de son Être. «Le Saint Esprit vint» sur la Vierge, et «la puissance du Très-Haut la couvrit de son ombre; c’est pourquoi aussi la sainte chose qui naquit d’elle fut appelée Fils de Dieu». Quelle magnifique révélation du profond mystère de la pure et parfaite humanité du Christ — le grand Antitype de «la fleur de farine pétrie à l’huile

Remarquons ici l’impossibilité de toute union entre l’humanité, telle qu’elle apparaît dans le Seigneur Jésus Christ, et l’humanité, telle qu’elle est en nous. Ce qui est pur ne peut jamais se joindre à ce qui est impur. Il y a incompatibilité absolue entre ce qui est incorruptible et ce qui est corruptible. Le spirituel et le charnel — le céleste et le terrestre — ne pourraient jamais se combiner ensemble. Il en résulte donc que l’incarnation n’était pas, comme quelques-uns ont osé le prétendre, Christ prenant notre nature déchue en union avec Lui-même. S’il eût fait cela, la mort de la croix n’eût pas été nécessaire. Dans ce cas, on ne voit pas pourquoi le Sauveur se serait senti «à l’étroit» jusqu’à ce que ce baptême sanglant fût accompli; — on ne voit pas pourquoi «le grain de blé» eût dû tomber en terre et mourir. Ceci est de toute importance, que tout chrétien spirituel le comprenne bien: Il était entièrement impossible que Christ s’unît à notre humanité pécheresse. Écoutez ce que l’ange dit à Joseph dans le premier chapitre de l’évangile de Matthieu: «Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre auprès de toi Marie, ta femme, car ce qui a été conçu en elle est de l’Esprit Saint». Ainsi la susceptibilité naturelle de Joseph, de même que la pieuse ignorance de Marie, donne lieu à un plus ample développement du saint mystère de l’humanité de Christ, et devient, en même temps, l’occasion de sauvegarder cette humanité contre toutes les attaques blasphématoires de l’ennemi.

Comment se fait-il donc que les croyants soient unis à Christ? Est-ce à Christ dans son incarnation ou à Christ dans sa résurrection? Dans sa résurrection, sans aucun doute, comme le prouve ce passage: «À moins que le grain de blé tombant en terre ne meure, il demeure seul» (Jean 12:24). Avant la mort de Christ, point d’union possible entre Lui et son peuple. C’est dans la puissance d’une nouvelle vie que les croyants sont unis au Seigneur. Ils étaient morts dans le péché, et Lui, dans sa parfaite grâce, est descendu du ciel et, quoique étant lui-même pur et sans péché, il a été «fait péché — il est mort au péché», — il l’a aboli — il est ressuscité triomphant du péché et de tout ce qui s’y rattache — et, en résurrection, il est devenu le chef d’une nouvelle race. Adam était le chef de l’ancienne création qui tomba avec lui. Christ, en mourant, s’est placé lui-même sous le fardeau qui pesait sur les siens, et ayant parfaitement répondu à tout ce qui était contre eux, victorieux de tout, il est ressuscité, et les a introduits avec Lui dans la nouvelle création, dont il est le centre et le glorieux Chef. C’est pourquoi nous lisons: «Celui qui est uni au Seigneur est un seul esprit [avec lui]». (1 Cor. 6:17). «Mais Dieu, qui est riche en miséricorde, à cause de son grand amour dont il nous a aimés, alors même que nous étions morts dans nos fautes, nous a vivifiés ensemble avec le Christ (vous êtes sauvés par [la] grâce), et nous a ressuscités ensemble, et nous a fait asseoir ensemble dans les lieux célestes dans le Christ Jésus» (Éph. 2:4-6). «Car nous sommes membres de son corps, de sa chair et de ses os» (Éph. 5:30). «Et vous, lorsque vous étiez morts dans vos fautes et dans l’incirconcision de votre chair, il vous a vivifiés ensemble avec lui, nous ayant pardonné toutes nos fautes» (Col. 2:13).

Nous pourrions multiplier les passages, mais ceux qui précèdent suffisent amplement pour démontrer que c’était non dans l’incarnation, mais dans la mort, que Christ a pris, une position dans laquelle les croyants pouvaient «être vivifiés avec Lui». Cette question paraîtrait-elle de peu d’importance à mon lecteur? Dans ce cas, qu’il veuille bien l’examiner à la lumière des Écritures, et dans sa portée sur la Personne du Christ, sur sa vie, sur sa mort, sur notre état naturel dans la vieille création, et sur notre place, par grâce, dans la nouvelle. Qu’il pèse bien toutes ces faces du sujet, et j’aime à me persuader qu’il ne l’envisagera plus comme peu important. Il peut, tout au moins, être assuré d’une chose, c’est que celui qui écrit ces pages n’aurait pas tracé une seule ligne à l’appui de cette doctrine, s’il ne la considérait pas comme portant avec elle les conséquences les plus graves. La révélation divine est un tout tellement uni, si bien ajusté par la main de Dieu pour faire un ensemble — si harmonique dans toutes ses parties, que si une seule vérité en est déplacée, tout le reste en souffre. Cette considération devrait suffire pour prémunir le chrétien contre toute atteinte, par laquelle il pourrait endommager ce magnifique édifice, où chaque pierre doit être laissée à la place que Dieu lui a fixée. Or, incontestablement, la vérité relative à la Personne de Christ en est la clef de voûte.

Ayant ainsi essayé de développer la vérité, figurée en type par la «fleur de farine pétrie à l’huile», nous en venons à un autre point d’un grand intérêt, qui se rattache à ces mots: «Il versera de l’huile sur elle». Ici, nous avons un type de l’onction du Seigneur Jésus Christ par le Saint Esprit. Non seulement le corps du Seigneur Jésus fut formé, mystérieusement, par l’Esprit Saint, mais encore ce vase pur et saint fut oint pour le service, par la même puissance. «Et il arriva que, comme tout le peuple était baptisé, Jésus aussi, étant baptisé et priant, le ciel s’ouvrit; et l’Esprit Saint descendit sur lui sous une forme corporelle, comme une colombe; et il y eut une voix qui venait du ciel: Tu es mon Fils bien-aimé; en toi j’ai trouvé mon plaisir» (Luc 3:21, 22).

L’onction du Seigneur Jésus par le Saint Esprit, avant qu’il entrât dans son ministère public, est d’une grande importance pratique pour tous ceux qui désirent sincèrement être de fidèles et bénis serviteurs de Dieu. Quoiqu’il eût été, quant à son humanité, conçu par le Saint Esprit, quoiqu’il fût, dans sa propre personnalité, «Dieu manifesté en chair», quoique toute la plénitude de la divinité habitât en lui corporellement, cependant il est à remarquer que, lorsqu’il se présenta, comme homme, pour faire, sur la terre, la volonté de Dieu, quelle qu’elle pût être: annoncer la bonne nouvelle, enseigner dans les synagogues, guérir les malades, purifier les lépreux, chasser les démons, nourrir ceux qui avaient faim, ou ressusciter les morts, — il faisait tout par le Saint Esprit. Ce vaisseau saint et céleste, dans lequel le Fils de Dieu se plut à paraître ici-bas, était formé, rempli, oint et conduit par le Saint Esprit.

C’est là pour nous une leçon à la fois sainte et profonde, indispensable et salutaire. Nous sommes enclins à courir sans être envoyés, à agir par la seule énergie de la chair. Souvent un ministère apparent n’est que l’activité inquiète et non sanctifiée d’une nature qui n’a jamais été discernée et jugée en la présence de Dieu. Certes, nous avons bien besoin d’étudier soigneusement notre divine «offrande du gâteau» — afin de comprendre plus exactement la signification de la «fleur de farine ointe d’huile». Nous avons besoin de méditer davantage sur Christ qui, quoique possédant en Lui-même la puissance divine, fît, néanmoins, toutes ses œuvres, opéra tous ses miracles, et finalement, par l’Esprit éternel, s’offrit «lui-même à Dieu sans tache» (Héb. 9:14). Il pouvait dire: «Moi, je chasse les démons par l’Esprit de Dieu» (Matt. 12:28).

Rien n’a une valeur réelle, si ce n’est ce qui est accompli par la puissance du Saint Esprit. Un homme peut écrire; mais si sa plume n’est pas guidée par le Saint Esprit, ses ouvrages ne produiront aucun résultat durable. Un homme peut parler avec éloquence; mais si ses lèvres n’ont pas reçu l’onction du Saint Esprit, sa parole ne prendra pas racine dans les cœurs. C’est là une pensée bien sérieuse qui, si elle était sérieusement pesée, nous conduirait à veiller davantage sur nous-mêmes, et à vivre dans une plus habituelle dépendance du Saint Esprit. Ce qu’il nous faut, c’est d’être entièrement vidés de nous-mêmes, afin que la place soit laissée au Saint Esprit pour agir sur nous et par nous. Il est impossible qu’un homme, plein de lui-même, puisse être le vase du Saint Esprit. Quand nous contemplons le ministère du Seigneur Jésus, nous voyons que, dans toutes les circonstances, il agissait par la puissance immédiate du Saint Esprit. Ayant pris place, comme homme, ici-bas, il montra que l’homme devait non seulement vivre de la Parole, mais aussi agir par l’Esprit de Dieu. Alors même que, comme homme, sa volonté fût parfaite, — que ses pensées, ses paroles, ses œuvres, tout fût parfait en Lui, cependant il n’aurait jamais agi que par l’autorité de la Parole, et par la puissance de l’Esprit Saint. Oh! Puissions-nous en cela, comme en tout le reste, suivre de plus près et plus fidèlement ses traces. Alors, assurément, notre ministère serait plus efficace, notre témoignage serait plus fécond en bons fruits, notre marche serait plus complètement à la gloire de Dieu.

Un autre ingrédient de l’offrande de gâteau appelle maintenant notre attention, c’est «l’encens». Nous avons vu que la «fleur de farine» était la base de l’offrande; l’huile et l’encens en étaient les principaux accessoires: la connexion, qui existe entre ces deux dernières choses, est fort instructive. «L’huile» figure la puissance du ministère de Christ; «l’encens» en représente l’objet. La première nous apprend qu’il faisait tout par l’esprit de Dieu; le dernier qu’il faisait tout à la gloire de Dieu. L’encens nous offre ce qui, dans la vie de Christ, était exclusivement pour Dieu. C’est là ce qu’indique clairement le deuxième verset: «Et il l’apportera [l’offrande de gâteau] aux fils d’Aaron, les sacrificateurs; et le sacrificateur prendra une pleine poignée de la fleur de farine et de l’huile, avec tout l’encens, et il en fera fumer le mémorial sur l’autel: c’est un sacrifice par feu, une odeur agréable à l’Éternel». Il en fut ainsi de la vraie offrande de gâteau — l’Homme Christ Jésus. Dans sa vie sainte, il y eut toujours ce qui était exclusivement pour Dieu. Toutes ses pensées, toutes ses paroles, tous ses regards, tous ses actes exhalaient un parfum qui s’élevait directement à Dieu. Et comme, dans le type, c’était le «feu de l’autel» qui faisait sortir la suave odeur de l’encens; ainsi, dans l’Antitype, plus il était «éprouvé», dans toutes les circonstances de sa vie, plus aussi il était manifeste que, dans son humanité, il n’y avait rien qui ne pût monter en parfum d’agréable odeur jusqu’au trône de Dieu. Si, dans l’holocauste, nous contemplons Christ «s’offrant lui-même sans tache à Dieu», dans l’offrande de gâteau, nous le voyons présentant à Dieu toute l’excellence intrinsèque de sa nature humaine et de ses actes. Un homme parfait et obéissant, sur la terre, faisant la volonté de Dieu, agissant par l’autorité de la Parole et par la puissance de l’Esprit, voilà ce qui était comme une suave odeur qui devait nécessairement être agréable à Dieu. Le fait que «tout l’encens» était consumé sur l’autel en détermine bien la portée et le sens.

Il nous reste seulement à considérer un dernier accessoire, inséparable de l’offrande de gâteau, savoir «le sel». «Et toute offrande de ton offrande de gâteau, tu la saleras de sel, et tu ne laisseras point manquer sur ton offrande de gâteau le sel de l’alliance de ton Dieu; sur toutes tes offrandes tu présenteras du sel». L’expression de «sel de l’alliance» exprime le caractère permanent de cette alliance. Dieu lui-même l’a ordonnée, à tous égards, de telle manière que rien ne peut jamais l’altérer — qu’aucune influence quelconque ne peut jamais la corrompre. Au point de vue spirituel et pratique, on ne saurait trop apprécier un pareil ingrédient. «Que votre parole soit toujours, dans [un esprit de] grâce, assaisonnée de sel» (Col. 4:6). Toutes les paroles de l’Homme parfait manifestaient la puissance de ce principe; elles étaient non seulement des paroles de grâce, mais aussi des paroles d’une efficacité pénétrante — des paroles divinement propres à préserver de toute souillure et de toute influence corruptrice. Il ne prononça jamais un mot qui ne fût pas pénétré de l’odeur de «l’encens», et, en même temps, «assaisonné de sel». Le premier était des plus agréable à Dieu, le dernier était des plus utile à l’homme.

Souvent, hélas! le cœur corrompu et le goût vicié de l’homme ne pourraient pas supporter l’âcreté de l’offrande de gâteau divinement salée. Preuve en soit, par exemple, la scène qui se passa dans la synagogue de Nazareth (Luc 4:16-29). Là, tous pouvaient «lui rendre témoignage, et s’étonner des paroles de grâce qui sortaient de sa bouche»; mais quand il en vint à assaisonner ces paroles du sel, si nécessaire pour préserver ses auditeurs de l’influence délétère de leur orgueil national, ils furent tous remplis de colère et voulurent le précipiter du bord escarpé de la montagne, sur laquelle leur ville était bâtie.

De même encore, en Luc 14, ses paroles de «grâce» avaient attiré «de grandes foules» après lui; alors il y mêle le «sel», en exposant, avec une sainte fidélité, ce qui attendait ici-bas ceux qui le suivraient. «Venez, car déjà tout est prêt», voilà ce qui était la «grâce». Mais ensuite: «Quiconque d’entre vous ne renonce pas à tout ce qu’il a, ne peut être mon disciple», voilà ce qui était le «sel». La grâce est attrayante, mais «le sel est bon». Des discours présentant la grâce peuvent être populaires; des discours pleins de sel ne le seront jamais. À certaines époques et dans certaines circonstances, le pur évangile de la grâce de Dieu peut être, pour un temps, recherché par la multitude; mais quand le «sel», d’une application faite avec zèle et fidélité, apparaît, les rangs s’éclaircissent bientôt, et il n’y reste guère que ceux qui ont été touchés par la puissance de la Parole.

 

Après avoir ainsi examiné les ingrédients qui constituaient l’offrande de gâteau, nous dirons quelques mots sur ceux qui en étaient exclus.

Le premier était «le levain». Quelque gâteau que vous offriez à l’Éternel, il ne sera point fait avec du «levain». D’un bout à l’autre du volume inspiré, sans une seule exception, le «levain» est toujours présenté comme le symbole du mal. Au chapitre 7:13, de ce Livre, ainsi que nous le verrons ci-après, du pain levé fait partie de l’offrande qui accompagne le sacrifice de prospérités; puis, au chap. 23, nous trouvons encore le levain dans les deux pains offerts, le jour de la Pentecôte; mais quant à l’offrande du gâteau, le levain en était soigneusement exclu. Il ne devait rien y avoir d’acide, rien qui fît enfler, rien qui exprimât le mal dans, ce qui typifiait «l’Homme Christ Jésus». En Lui, il n’y avait ni aigreur, ni enflure morale; tout était pur, solide, sincère. Parfois, sa parole pouvait trancher jusqu’au vif, mais elle n’était jamais aigre ni orgueilleuse. Ses démarches témoignaient toujours qu’en réalité il marchait en la présence de Dieu.

Chez ceux qui, par la foi, appartiennent à Christ, nous savons trop bien, hélas! combien souvent le levain se montre dans toutes ses propriétés et tous ses effets. Il n’y a jamais eu, sur la terre, qu’un seul Être qui ait réalisé l’offrande de gâteau parfaitement sans levain; et, Dieu soit béni, cette offrande réalisée est à nous, — à nous pour nous en nourrir dans le sanctuaire de la présence divine, en communion avec Dieu. Nul exercice ne peut être plus réellement édifiant et rafraîchissant pour l’entendement renouvelé, que de méditer sur la perfection sans levain de l’humanité du Christ — que de contempler la vie et le ministère de Celui qui fut absolument et essentiellement sans levain, dans ses pensées, dans ses affections, dans ses désirs. Il fut constamment l’Homme parfait, sans péché, sans tache. Et plus nous serons en état, par la puissance de l’Esprit, de comprendre ces choses, plus aussi sera profonde et bénie l’expérience que nous ferons de la grâce qui porta cet Être parfait à se mettre lui-même sous toutes les conséquences des péchés de son peuple, comme il le fit à la croix. Mais cette dernière considération se rattache tout à fait au point de vue sous lequel le sacrifice pour le péché nous présente notre Seigneur. Dans l’offrande de gâteau, il n’est pas question du péché. C’est, non pas le type d’une victime pour le péché, mais d’un Homme réel, parfait, sans tache, conçu et oint du Saint Esprit, possédant une nature sans levain, ayant vécu d’une vie sans levain ici-bas; faisant toujours monter vers Dieu le parfum de sa propre et personnelle excellence, et conservant, parmi les hommes, une marche caractérisée par «la grâce assaisonnée de sel».

Mais il y avait un autre ingrédient, tout aussi positivement exclu de l’offrande de gâteau que le levain; c’était «le miel»: «Car du levain et du miel, vous n’en ferez point fumer comme sacrifice par feu à l’Éternel» (vers. 11). Or, comme le levain est l’expression de ce qui est positivement mauvais, dans sa nature, nous pouvons considérer «le miel» comme le symbole significatif de ce qui, en apparence, est doux et attrayant. Ni l’un ni l’autre ne sont agréés par Dieu; — tous deux aussi étaient incompatibles avec l’autel. Les hommes peuvent bien, à l’exemple de Saül, faire des distinctions entre ce qui, à leurs yeux, est «misérable et chétif» (1 Sam. 15:9) et ce qui est précieux; mais le jugement de Dieu met le sémillant et gracieux Agag sur le même rang que le dernier des enfants d’Amalek. Sans doute, il y a souvent dans l’homme de bonnes qualités morales, dont on doit tenir compte selon ce qu’elles valent. «As-tu trouvé du miel, manges-en ce qu’il t’en faut» (Prov. 25:16); mais souviens-toi qu’il n’y avait point de place pour lui ni dans l’offrande de gâteau, ni dans son Antitype. Ici, il y avait la plénitude du Saint Esprit, il y avait la bonne odeur de l’encens, il y avait l’action préservatrice du «sel de l’alliance», Toutes ces choses accompagnaient «la fleur de farine» dans la Personne de la vraie «offrande de gâteau», mais non pas «le miel».

Quelle leçon pour nos cœurs, quel volume de saines instructions nous avons là! Le Seigneur Jésus savait donner à la nature et aux relations naturelles la place qui leur convient. Il savait quelle était la quantité de «miel qui suffisait». Il pouvait dire à sa mère: «Ne saviez-vous pas qu’il me faut être aux affaires de mon Père?» et cependant il pouvait dire aussi au disciple bien aimé: «Voilà ta mère». En, d’autres termes, les droits de la nature ne devaient jamais empiéter sur le dévouement à Dieu de toutes les énergies de l’humanité parfaite de Christ. Marie, et d’autres avec elle, auraient pu se figurer que leurs relations humaines avec le Sauveur leur donnaient quelque droit ou quelque influence, fondés sur des motifs purement naturels. «Ses frères (selon la chair) et sa mère donc viennent; et, se tenant dehors, ils l’envoyèrent appeler et la foule était assise autour de lui. Et on lui dit Voici ta mère et tes frères, là dehors, te cherchent». Quelle fut la réponse de Celui qui réalisait en perfection l’offrande de gâteau? Sacrifie-t-il sur le champ son œuvre aux appels de la nature? Nullement. S’il l’eût fait, c’eût été mêler du «miel» à l’offrande, ce qui ne pouvait avoir lieu. Le miel fut fidèlement repoussé, dans cette occasion et dans toutes les autres où les droits de Dieu devaient, tout d’abord, être sauvegardés, et en échange, la puissance de l’Esprit, la bonne odeur de l’encens et les vertus énergiques du sel ressortirent d’une manière bénie. «Et il leur répondit, disant: Qui est ma mère, ou [qui sont] mes frères? Et regardant tout à l’entour ceux qui étaient assis autour de lui, il dit: Voici ma mère et mes frères; car quiconque fera la volonté de Dieu, celui-là est mon frère, et ma sœur, et ma mère» (Marc 3:31-35)1.

1 Il importe de comprendre que, dans ce beau passage, la volonté de Dieu amène l’âme et la met en relation avec Christ: c’est ce que ses frères selon la chair ne connaissaient pas, du moins alors; ils ne venaient à lui que par des motifs purement naturels. Il était vrai, relativement à ses frères, tout comme relativement à tout autre, que «si quelqu’un n’est né de nouveau, il ne peut voir le royaume de Dieu». Le seul fait d’être la mère de Jésus ne l’aurait pas sauvée. Il lui fallait une foi personnelle en Christ, aussi bien qu’à tout autre membre de la famille déchue d’Adam. Elle devait, en naissant de nouveau, passer de la vieille création dans la nouvelle. C’est en conservant les paroles de Christ dans son cœur, que cette bienheureuse femme fut sauvée. Sans doute, elle fut honorée d’une grande «faveur de Dieu», en étant choisie comme un vase pour cet office salutaire; mais, ensuite, comme une pécheresse perdue, elle dut «se réjouir en Dieu, son Sauveur», de même que toute autre âme. Elle est sur le même terrain, lavée dans le même sang, revêtue de la même justice, et elle chantera le même cantique de délivrance que tous les autres rachetés du Seigneur.

Ce simple fait donnera plus de force et de clarté à une considération que nous avons déjà exprimée, savoir que l’incarnation ne consistait pas, pour Christ, à prendre notre nature, en union avec Lui-même. Cette vérité vaut la peine d’être sérieusement pesée; elle ressort pleinement de 2 Cor. 5:14-17: «Car l’amour du Christ nous étreint, en ce que nous avons jugé ceci, que si un est mort pour tous, tous donc sont morts, et qu’il est mort pour tous, afin que ceux qui vivent ne vivent plus pour eux-mêmes, mais pour celui qui pour eux est mort et a été ressuscité. En sorte que nous, désormais, nous ne connaissons personne selon la chair; et, si même nous avons connu Christ selon la chair, toutefois maintenant nous ne le connaissons plus ainsi. En sorte que si quelqu’un est en Christ, c’est une nouvelle création: les choses vieilles sont passées; voici, toutes choses sont faites nouvelles».

Il est peu de choses que le serviteur de Dieu trouve plus difficiles dans la pratique, que l’exactitude spirituelle, nécessaire pour régler les droits des relations naturelles, de telle sorte qu’elles n’empiètent pas sur les droits du Maître. Chez notre Seigneur, nous le savons, cela se conciliait d’une façon divine. Quant à nous, il nous arrive souvent que des devoirs vraiment selon Dieu sont ouvertement sacrifiés à ce que nous nous imaginons être le service de Christ. La Doctrine de Dieu est souvent négligée en vue d’une apparente œuvre évangélique. Or, il ne faut jamais perdre de vue que le point de départ de la vraie dévotion est toujours placé de manière à sauvegarder pleinement tous les droits de la piété. Si j’occupe une place, qui exige mes services depuis dix heures du matin jusqu’à quatre heures après midi, je n’ai pas le droit, durant ces heures, de sortir pour faire une visite chrétienne ou pour prêcher l’Évangile. Si je suis dans le commerce, je suis tenu de m’y employer fidèlement et pieusement. Je ne puis ni ne dois courir çà et là pour évangéliser, tandis que mon affaire au bureau, est d’aligner des chiffres; ce serait exposer à l’opprobre la sainte doctrine de mon Dieu. «Je me sens, dira quelqu’un, appelé à prêcher l’Évangile, et je trouve que mon emploi ou mon commerce est un fardeau et un obstacle». Eh! bien, si vous êtes appelé et qualifié de Dieu pour l’œuvre de l’Évangile, et que vous ne puissiez pas concilier les deux choses, alors renoncez à votre emploi, réduisez ou laissez votre commerce, d’une manière vraiment pieuse, et allez au nom du Seigneur. Voilà le dévouement, voilà la dévotion selon Dieu. En dehors de cela, même avec de bonnes intentions, il n’y a que confusion en réalité. Grâces à Dieu, nous avons un exemple parfait devant nous dans la vie du Seigneur Jésus, tout comme nous avons amplement de directions pour le nouvel homme, dans la parole de Dieu; en sorte que nous pouvons marcher, sans nous égarer, dans les diverses positions que la Providence divine peut nous appeler à occuper, et dans les diverses obligations que le gouvernement moral de Dieu a liées à ces relations.

2. Le second point que nous avons à considérer, c’est la manière dont l’offrande de gâteau était préparée. Cette préparation, comme nous le lisons, avait lieu par l’action du feu. Le gâteau était «cuit au four — cuit sur la plaque — ou cuit dans la poêle». L’acte de cuire suggère l’idée de souffrance. Mais, attendu que l’offrande de gâteau est dite «en odeur agréable», — terme qui n’est jamais employé pour le sacrifice du péché ou du délit — il est évident qu’il ne s’agit nullement ici de l’idée de souffrir pour le péché — de souffrir sous la colère de Dieu à cause du péché — de souffrir de la part de la Justice infinie, comme le substitut des pécheurs. Ces deux idées — «en odeur agréable» et souffrance pour le péché sont absolument incompatibles, selon l’économie lévitique. Ce serait détruire complètement le type de l’offrande de gâteau, que d’y introduire l’idée de souffrance pour le péché.

En méditant sur la vie du Seigneur Jésus qui, comme nous l’avons déjà dit, est le sujet spécial préfiguré dans l’offrande de gâteau, nous pouvons y remarquer trois genres distincts de souffrance, savoir: souffrance pour la justice, souffrance en vertu de la sympathie, et souffrance par anticipation.

Comme le Serviteur Juste de Dieu, il souffrit au milieu d’une scène où tout lui était contraire; mais c’était là précisément l’opposé de souffrir pour le péché. Il importe extrêmement de bien distinguer ces deux sortes de souffrances; de graves erreurs résultent de leur confusion. Souffrir comme un Juste, vivant au milieu des hommes, pour l’amour de Dieu, est une chose; et souffrir à la place des hommes, de la part de Dieu, est une tout autre chose. Le Seigneur Jésus a souffert pour la justice, pendant sa vie; il a souffert pour le péché, à sa mort. Durant sa vie, les hommes de Satan firent tous leurs efforts contre lui; et, même à la croix, ils déployèrent toutes leurs forces; mais quand ils eurent fait tout ce qui était en leur pouvoir — quand, dans leur mortelle inimitié, ils eurent atteint l’extrême limite de l’opposition humaine et diabolique — au-delà de tout cela, il y avait encore une région d’impénétrable obscurité et d’horreur, que le Porteur du péché dut traverser, pour l’accomplissement de son œuvre. Durant sa vie, il marcha toujours dans la lumière sans nuage de la face de Dieu; mais sur le bois maudit, les sombres ténèbres du péché survenant lui cachèrent cette lumière, et firent sortir de sa bouche ce cri mystérieux: «Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné?» C’est là un moment, absolument exceptionnel dans les annales de l’éternité. De temps en temps, pendant la vie du Christ ici-bas, le ciel s’ouvrit pour donner passage à l’expression du bon plaisir de Dieu en lui; mais sur la croix Dieu l’abandonna, parce qu’il avait livré son âme en sacrifice pour le péché. Si Christ eût porté le péché toute sa vie durant, alors il n’y eût point eu de différence entre la croix et son existence précédente sur la terre. Pourquoi ne fut-il jamais abandonné de Dieu avant la croix? Quelle différence n’y avait-il pas entre Christ sur la croix et Christ sur la sainte montagne de la transfiguration? Était-il abandonné de Dieu sur la montagne? — Portait-il alors les péchés? Ce sont là de bien simples questions, auxquelles devraient répondre ceux qui soutiennent que, pendant toute sa vie, le Christ a été chargé de nos péchés.

Le fait est simplement que rien, absolument rien, soit dans l’humanité du Christ, soit dans ses relations diverses, ne pouvait le mettre en union avec le péché, ou avec la colère de Dieu, ou avec la mort. Il fut fait péché sur la croix, où il endura la colère de Dieu, en laissant sa vie comme une expiation, pleinement suffisante, du péché; mais il n’est pas question de cela dans le type de l’offrande de gâteau. Nous y avons, il est vrai, l’action de cuire — l’action du feu; mais ce n’est pas ici la colère de Dieu. L’offrande de gâteau n’était pas une oblation pour le péché, mais une offrande «d’une odeur agréable». Ainsi la signification en est bien déterminée, et, en outre, une saine et correcte interprétation de ce type contribuera à nous faire retenir constamment, avec une sainte jalousie, la précieuse vérité de l’humanité sans tache du Christ. Faire de Lui, uniquement à cause de sa naissance, un porteur du péché, toujours placé, par cela même, sous la malédiction de la loi et sous la colère de Dieu, c’est se mettre en contradiction avec la vérité divine, tout entière, relative à l’incarnation — vérité annoncée par l’ange, et fréquemment répétée par l’apôtre inspiré. En outre, c’est détruire le caractère et le but de la vie du Christ, c’est dépouiller la croix de sa gloire distinctive; c’est rabaisser la notion du péché et celle de l’expiation. En un mot, c’est enlever la clef de voûte à l’arche de la révélation, et laisser tout ce qui nous entoure dans une ruine et une confusion irrémédiables.

Puis aussi, le Seigneur Jésus a souffert par sympathie; et ce genre de souffrances nous fait pénétrer dans l’intimité de son cœur plein de tendresse. Les douleurs et les misères humaines faisaient toujours vibrer une corde dans les profondeurs de son amour. Il était impossible qu’un cœur humain parfait ne compatît pas, selon sa divine capacité, aux misères que le péché avait léguées à la postérité d’Adam. Bien que personnellement exempt et de la cause et de l’effet, — bien qu’appartenant au ciel, et vivant d’une vie céleste sur la terre, il n’en descend pas moins par la puissance d’une vive sympathie, dans les plus profonds abîmes de la souffrance humaine; oui, il sentait la souffrance beaucoup plus vivement que ceux qui l’enduraient, et cela précisément parce que son humanité était parfaite. De plus, il était capable d’envisager et la souffrance et sa cause, exactement selon leur nature et leur degré, en la présence de Dieu. Il sentait comme personne autre n’a senti. Ses sentiments, ses affections, ses sympathies — tout son Être moral et mental — étaient parfaits; aussi, nul homme ne peut dire ni même concevoir ce qu’un tel Être doit avoir souffert, en traversant un monde tel que le nôtre. Il voyait la famille humaine luttant sous le poids accablant de la culpabilité et de la misère; il voyait toute la création gémissant sous le joug; le cri des captifs arrivait à son oreille; les larmes des veuves s’offraient à ses regards; le dénuement et la pauvreté touchaient son cœur sensible; la maladie et la mort le faisaient «frémir en son esprit»; ses souffrances par sympathie dépassaient toute intelligence humaine.

Voici un passage qui me paraît propre à faire ressortir ce caractère de souffrances dont nous parlons: «Et le soir étant venu, on lui apporta beaucoup de démoniaques; et il chassa les esprits par [une] parole, et guérit tous ceux qui se portaient mal; en sorte que fût accompli ce qui a été dit par Ésaïe le prophète, disant: Lui-même a pris nos langueurs, et a porté nos maladies» (Matt. 8:16-17). C’était là purement sympathique — c’était la capacité de compatir, qui en Lui était parfaite. Il n’avait lui-même ni maladies, ni infirmités. Mais par sympathie — parfaite sympathie — «Lui-même a pris nos langueurs, et a porté nos maladies». C’est ce que personne autre qu’un homme parfait n’eût pu faire. Nous pouvons sympathiser les uns avec les autres; mais Jésus Christ seul a pu s’approprier les infirmités et les maladies humaines.

Or, s’il eût porté ces douleurs en vertu de sa naissance ou de ses relations avec Israël et avec les hommes, en général, nous perdrions toute la beauté et la valeur de ses sympathies volontaires. Il n’y aurait plus lieu à une action volontaire, s’il était placé sous une nécessité absolue. Mais, d’un autre côté, quand nous le voyons complètement exempt, soit personnellement, soit relativement, de toute misère humaine et de ce qui en est la cause, nous pouvons comprendre en quelque mesure du moins, cette grâce et cette compassion parfaites qui l’amenèrent à prendre nos infirmités et à porter nos maladies, par une vraie et puissante sympathie. Il y a donc une bien évidente différence entre Christ souffrant, parce qu’il sympathisait volontairement aux misères humaines, et Christ souffrant comme le substitut des pécheurs. Les souffrances du premier genre apparaissent à travers la vie tout entière du Rédempteur; celles du dernier genre sont limitées à sa mort.

Considérons enfin les souffrances du Christ par anticipation. Nous voyons la croix projetant son ombre funèbre sur toute sa carrière et produisant un genre de bien vives souffrances, qui, pourtant, doivent être distinguées de ses souffrances expiatoires, tout aussi bien que de ses souffrances pour la justice ou de ses souffrances par sympathie. Citons un passage à l’appui de cette assertion: «Et sortant, il s’en alla, selon sa coutume, à la montagne des Oliviers, et les disciples aussi le suivirent. Et quand il fut en ce lieu-là, il leur dit: Priez que vous n’entriez pas en tentation. Et il s’éloigna d’eux lui-même environ d’un jet de pierre, et s’étant mis à genoux, il priait, disant: Père, si tu voulais faire passer cette coupe loin de moi! Toutefois, que ce ne soit pas ma volonté, mais la tienne qui soit faite. Et un ange du ciel lui apparut, le fortifiant. Et étant dans l’angoisse du combat, il priait plus instamment; et sa sueur devint comme des grumeaux de sang découlant sur la terre» (Luc 22:39-44). Ailleurs nous lisons encore: «Et ayant pris Pierre et les deux fils de Zébédée, il commença à être attristé et fort angoissé. Alors il leur dit: Mon âme est saisie de tristesse jusqu’à la mort; demeurez ici et veillez avec moi… Il s’en alla de nouveau, une seconde fois, et il pria, disant: Mon Père, s’il n’est pas possible que ceci passe loin de moi, sans que je le boive, que ta volonté soit faite» (Matt. 26:37-42).

Il est évident, d’après ces passages, que le Seigneur avait alors en perspective quelque chose qu’il n’avait pas rencontré auparavant. Il y avait pour Lui une «coupe» toute pleine, dont il n’avait pas encore bu. S’il eût été, pendant toute sa vie, chargé de nos péchés, d’où pourrait venir cette affreuse «agonie», produite par la pensée d’être mis en contact avec le péché et d’avoir à endurer la colère de Dieu à cause du péché? Quelle différence y avait-il entre Christ en Gethsémané et Christ sur le Calvaire, s’il fut toute sa vie un porteur du péché? Il y avait, certes, entre ces deux positions une différence essentielle, provenant justement de ce que Christ n’a pas porté le péché durant sa vie entière. Cette différence, la voici: En Gethsémané, il anticipait la croix; au Calvaire, il souffrait réellement la croix. En Gethsémané «un ange du ciel lui apparut, pour le fortifier»; au Calvaire, il fut abandonné de tous. Là, il n’y avait point de ministère d’anges. En Gethsémané, il s’adresse à Dieu comme à son «Père», jouissant ainsi pleinement de la communion de cette relation ineffable; mais au Calvaire, il crie: «Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné?» Ici, celui qui portait nos péchés regarde en haut, et voit le trône de la Justice éternelle enveloppé de profondes ténèbres, et la face de la Sainteté éternelle détournée de lui, parce qu’il était «fait péché pour nous».

J’espère que les lecteurs comprendront sans peine ce dont nous parlons, en étudiant ce sujet par eux-mêmes. Ils pourront suivre, en détail, les, trois genres de souffrances de la vie de notre Seigneur, et les distinguer de ses souffrances de mort — ou de ses souffrances pour le péché. Ils se convaincront que, même après que les hommes et Satan eurent fait leurs derniers efforts contre le Christ, il restait encore un genre de souffrance absolument unique, savoir, de, souffrir de la part de Dieu, à cause du péché — de souffrir comme le représentant des pécheurs. Avant la croix, il peut toujours regarder au ciel et jouir de la clarté de la face du Père. Dans ses heures les plus sombres, il trouvait toujours des forces et des consolations en haut. Son chemin ici-bas était rude et pénible. Comment pouvait-il en être autrement, dans un monde où tout était en opposition à sa pure et sainte nature? Il eut à «endurer une telle contradiction de la part des pécheurs contre lui-même». Il dut voir tomber sur lui «les outrages de ceux qui outrageaient» Dieu. Que n’eut-il pas à souffrir? Il n’était pas compris, on interprétait mal ses paroles et ses actes, on abusait de lui, on le trompait, on l’enviait, on l’accusait d’être un insensé, d’avoir un démon. Il fut trahi, renié, abandonné, raillé, outragé, souffleté, conspué, couronné d’épines, rejeté, condamné et cloué sur un gibet entre deux malfaiteurs. Toutes ces choses, il les endura de la part des hommes, conjointement avec toutes les indicibles terreurs dont Satan cherchait à accabler son âme; mais, disons-le encore une fois, avec la plus ferme assurance, quand l’homme et Satan eurent épuisé tout ce qu’ils avaient de puissance et de haine, notre Seigneur et Sauveur dut passer par une souffrance, au prix de laquelle tout le reste n’était rien — souffrance qui consistait en ce que la face de Dieu lui était cachée — en ce que, durant trois heures de ténèbres et d’affreuse obscurité, il eut à endurer ce que nul autre que Dieu ne peut connaître.

Or, quand l’Écriture parle de notre communion avec les souffrances de Christ, cela se rapporte uniquement à ses souffrances pour la justice — à ses souffrances de la part des hommes. Christ a souffert pour le péché, afin que nous n’eussions pas à souffrir pour le péché. Il a supporté la colère de Dieu, afin que nous n’eussions pas à la supporter. C’est là le fondement de notre paix. Mais relativement aux souffrances de la part des hommes, nous éprouverons toujours que plus nous marcherons fidèlement sur les traces de Christ, plus aussi nous aurons à souffrir sous ce rapport; mais c’est là, pour le chrétien, un don, un privilège, une faveur, une dignité (voir Phil. 1:29-30). Suivre les traces de Christ — avoir la même part qu’il a eue — être placé de manière à sympathiser avec lui, ce sont là des privilèges de l’ordre le plus élevé. Plût à Dieu que nous y fussions tous plus intimement initiés! Mais, hélas! nous sommes trop aisément contents de nous en passer — ou, comme Pierre, de «suivre de loin» le Seigneur — de nous tenir à distance d’un Christ méprisé et souffrant. Cette tiédeur est incontestablement une grande perte pour nous. Si la communion des souffrances du Sauveur nous était plus familière, la couronne paraîtrait d’un éclat beaucoup plus splendide devant les yeux de notre âme. Quand nous évitons cette communion de souffrance avec Christ, nous nous privons de la joie vive et profonde, partage de ceux qui le suivent, en même temps que de la force morale de l’espérance de sa prochaine gloire.

3. Ayant examiné les ingrédients qui composaient l’offrande de gâteau, et les diverses formes sous lesquelles on pouvait l’offrir, il ne nous reste plus qu’à nous occuper des personnes qui y avaient part. C’étaient le chef et les membres de la famille sacerdotale, «Et le reste de l’offrande de gâteau sera pour Aaron et pour ses fils: c’est une chose très sainte entre les sacrifices de l’Éternel faits par feu» (vers. 10). De même que, dans l’holocauste, nous avons vu que les fils d’Aaron sont présentés comme types de tous les vrais croyants, non comme des pécheurs travaillés, mais comme des sacrificateurs qui adorent, de même, dans l’offrande de gâteau, nous les voyons se nourrissant des restes de ce qui avait été, pour ainsi dire, servi sur la table du Dieu d’Israël (Mal. 1:7). C’était un privilège aussi distingué que saint, dont les seuls sacrificateurs pouvaient jouir, comme cela est très positivement déclaré dans «la loi de l’offrande de gâteau», que je citerai en entier: «Et c’est ici la loi de l’offrande de gâteau: l’un des fils d’Aaron la présentera devant l’Éternel, devant l’autel. Et il lèvera une poignée de la fleur de farine du gâteau et de son huile, et tout l’encens qui est sur le gâteau, et il fera fumer cela sur l’autel, une odeur agréable, son mémorial à l’Éternel. Et ce qui en restera, Aaron et ses fils le mangeront; on le mangera sans levain, dans un lieu saint; ils le mangeront dans le parvis de la tente d’assignation. On ne le cuira pas avec du levain. C’est leur portion, que je leur ai donnée de mes sacrifices faits par feu. C’est une chose très sainte, comme le sacrifice pour le péché et comme le sacrifice pour le délit. Tout mâle d’entre les enfants d’Aaron en mangera; [c’est] un statut perpétuel en vos générations, [leur part] des sacrifices faits par feu à l’Éternel: quiconque les touchera sera saint» (Lév. 6:7-11).

Ici donc nous est offerte une belle figure de l’Église se nourrissant, «dans le saint lieu», des perfections de l’Homme Christ Jésus avec la puissance de la sainteté pratique. C’est là notre portion par la grâce de Dieu; mais rappelons-nous qu’elle doit être mangée «sans levain». Nous ne pouvons nous nourrir de Christ si nous nous complaisons dans un péché quelconque: «Quiconque les touchera sera saint». Ensuite cela doit se faire «dans le lieu saint». Notre position, notre marche, notre conduite, nos personnes, nos relations, nos pensées doivent être saintes, si nous voulons pouvoir nous nourrir de l’offrande du gâteau. Enfin, c’est «tout mâle d’entre les enfants d’Aaron qui en mangera», c’est-à-dire qu’une vraie énergie sacerdotale, selon la Parole, est nécessaire pour jouir de cette sainte portion. Les fils d’Aaron, expriment l’idée d’énergie dans l’action sacerdotale; tandis que ses filles en représentent la faiblesse (comp. Nombres 18:8-13). Il y avait des choses que les fils pouvaient manger, tandis que les filles ne le pouvaient pas. Nos cœurs devraient ardemment désirer la plus haute mesure d’énergie sacerdotale, afin que nous fussions en état de remplir les fonctions les plus élevées, et de participer à l’ordre le plus élevé de la nourriture sacerdotale.

En conclusion, j’ajouterai que, comme, par la grâce, nous sommes faits «participants de la nature divine», nous pouvons, si nous vivons dans, l’énergie de cette nature, marcher sur les traces de Celui qui est préfiguré dans l’offrande de gâteau. Si seulement nous renonçons à nous-mêmes, si nous sommes dépouillés du moi, chacun de nos actes peut exhaler une odeur agréable à Dieu. C’est ainsi que Paul envisageait la libéralité des Philippiens à son égard (Phil. 4:18). Les plus obscurs, aussi bien que les plus grands services, peuvent, par la puissance du Saint Esprit, présenter l’odeur de Christ. Faire une visite, écrire une lettre, exercer le ministère public de la Parole, donner une coupe d’eau froide à un disciple, ou un sou à un pauvre, même les actes tout ordinaires de manger et de boire — tout peut exhaler le suave parfum du nom et de la grâce de Jésus Christ.

Ainsi encore si la nature ou la chair est tenue à l’état de mort, nous sommes capables de manifester des principes et des éléments incorruptibles, comme, par exemple, des paroles assaisonnées du sel, d’une communion habituelle avec Dieu. Mais dans toutes ces choses nous bronchons et nous manquons. Nous contristons le Saint Esprit de Dieu par notre marche. Nous sommes enclins à nous rechercher nous-mêmes ou à rechercher l’approbation des hommes, même dans nos meilleurs services, et nous négligerons d’«assaisonner» notre conversation. De là vient que nous manquons constamment de l’huile, de l’encens et du sel; tandis que, en même temps, se montre en nous la tendance à laisser apparaître et agir le levain ou le miel de la nature. Il n’y a eu qu’une seule parfaite «offrande de gâteau»; mais, béni soit Dieu, nous sommes acceptés et rendus agréables en Celui qui l’a parfaitement réalisée. Nous sommes la famille du vrai Aaron; notre place est dans le sanctuaire, où nous pouvons jouir de notre sainte portion. Heureuse place! Heureuse portion! Puissions-nous nous en prévaloir beaucoup plus que nous l’avons jamais fait! Puissions-nous avoir des cœurs plus profondément détournés du monde et attachés à Christ! Puissions-nous tenir si habituellement nos regards fixés sur Lui, que les vanités qui nous entourent n’aient plus d’attraits pour nous, et que nous ne nous laissions plus préoccuper ou agiter par la multitude de circonstances journalières que nous avons à traverser. Puissions-nous nous réjouir dans le Seigneur en tout temps, soit dans les jours de soleil, soit dans les jours d’obscurité; quand les douces brises de l’été viennent nous rafraîchir, et quand les tempêtes de l’hiver se déchaînent autour de nous; quand nous voguons sur la surface d’un lac paisible, et quand nous sommes ballottés sur une mer orageuse. Grâces à Dieu, «nous avons trouvé Celui» qui est et sera éternellement notre portion pleinement suffisante pour satisfaire à tous nos besoins. Nous passerons l’éternité à contempler les divines perfections du Seigneur Jésus. Nos yeux ne se détourneront plus jamais de Lui, dès qu’une fois nous l’aurons vu tel qu’il est.

Que l’Esprit de Dieu opère puissamment en nous, pour nous fortifier «dans l’homme intérieur». Qu’il nous rende capables de nous nourrir de cette parfaite offrande de gâteau, dont le mémorial a satisfait Dieu lui-même! C’est là notre saint, notre heureux privilège. Puissions-nous le réaliser toujours plus, toujours mieux!