Job

Chapitre 32

Le premier de ces chapitres introduit un nouvel interlocuteur dans le grand débat. Comme on le sait, le personnage d’Élihu a donné lieu à beaucoup de dissertations. Il semble que de telles discussions ne parlent pas en faveur du discernement de ceux qui les ont soulevées ou qui y prêtent l’oreille. Il n’y a pas plus de raison de douter de la personnalité d’Élihu que de celle d’Éliphaz, ou de Job, ou de tout autre dont Dieu nous parle. Quant à leur réalité historique, chacun d’eux demeure, ou ils tombent ensemble. Il n’y a pas davantage de raison de supposer qu’Élihu fût un personnage plus surhumain que Melchisédec. Sans doute, ce dernier était un type très frappant du Seigneur Jésus comme le sacrificateur royal, c’est pourquoi l’Écriture ne nous rapporte ni sa naissance, ni sa mort; elle ne lui donne ni prédécesseur, ni successeur, et cela afin qu’il présente d’une manière plus saisissante la gloire de Celui dont il était l’image. De même, apparaît ici sur la scène un homme exemplifiant d’une manière remarquable l’Esprit de Christ qui, comme nous le savons, agissait dans les saints d’autrefois. Je ne pourrais dire qu’il soit un type de l’Esprit, mais qu’il exemplifie son action. Chez quelques-uns des hommes de Dieu de l’Ancien Testament, cette action prenait un caractère prophétique. Chez Élihu, nous voyons plutôt l’Esprit agissant sur la conscience et revendiquant le caractère de Dieu.

C’est là, en vérité, ce dont Job avait besoin et ce après quoi il soupirait, comme nous pouvons nous en rendre compte par ses premiers discours. Les bénédictions mêmes qu’il désirait lui furent accordées par la grâce au temps convenable. Il avait demandé, lorsqu’il était abattu sous la main de Dieu dans son esprit, qu’un homme, ayant les mêmes infirmités que lui, lui fût envoyé. Il soupirait après quelqu’un qui pût intervenir entre Dieu et lui. Et Dieu lui accorde maintenant sa demande; ce n’est pas encore l’Homme Christ Jésus, mais un vrai homme de Dieu, quoique ayant les mêmes infirmités que Job. Élihu prend un soin tout particulier pour insister sur le fait qu’il ne se plaçait nullement sur un terrain plus élevé. S’il avait été une manifestation anticipée du Seigneur Jésus, il eût été impossible qu’il fît constamment allusion à ce qu’il avait appris. Quelque abaissée que fût la place qu’avait prise le Seigneur Jésus, Il ne parlait jamais comme les scribes, mais toujours comme quelqu’un qui apportait la parole de Dieu et révélait les paroles du Père. De fait, sa mission était de manifester le Père. «Le Fils unique, qui est dans le sein du Père, lui, l’a fait connaître» (Jean 1:18).

Élihu ne prend pas une telle attitude. Il était un homme, mais un homme en qui l’Esprit de Dieu opérait alors, et qui nous fait connaître la raison pour laquelle il n’était pas apparu sur la scène auparavant. Il était comparativement jeune, et dans ces jours-là, d’autres sentiments que ceux qui se manifestent aujourd’hui gouvernaient les hommes. Il y avait un sens des convenances très développé dans la déférence dont usaient les jeunes gens à l’égard de ceux qui étaient plus âgés. La connaissance de Dieu fortifiait cette réserve au lieu de l’affaiblir. Sans doute, Élihu entrait beaucoup plus dans les pensées de Dieu qu’Éliphaz et ses amis; il est évident que tel était le cas et qu’il dépassait Job lui-même sans parler de ses trois amis, ces «vieillards» comme il les appelle. Élihu demeure dans l’ombre jusqu’à ce qu’ils fussent tout à fait réduits au silence et qu’ils n’eussent plus un seul mot à dire, soit pour eux-mêmes, soit contre Job. Mais, bien qu’il commence son discours par une assez longue préface, en s’excusant de ce qu’un homme aussi jeune que lui comparativement aux autres donne aussi sa pensée, la sagesse de Dieu se montre dans ses paroles. Tout cela ne nous montre-t-il pas que même dans ces temps reculés les hommes étaient enseignés de Dieu quant à ce qui était bienséant? Ne voyons-nous pas également que la puissance de l’Esprit, loin de détruire les convenances dans les relations mutuelles, les met en relief, au contraire, avec plus de force que ne le font les sentiments naturels de déférence, parce qu’elle juge le moi dans la présence de Dieu? En même temps, comme la porte était ouverte pour laisser pénétrer la lumière divine, celle-ci ne manqua pas de briller.

Élihu nous fait connaître le sentiment profond de peine qui remplissait son âme en voyant, d’une part, ces trois hommes plus vexés qu’humiliés de leur insuccès, parce qu’ils n’avaient pas réellement pesé la question dans la lumière de la présence de Dieu et, d’autre part, Job qui, jusqu’à ce moment-là, n’avait pas du tout appris la leçon de soumission de cœur à Dieu, bien qu’il fût l’objet d’une sévère discipline de sa part. Je suis loin cependant de prétendre que Dieu ne lui avait pas donné de salutaires leçons avant que vînt la pleine bénédiction. Soyons assurés, chers lecteurs, qu’aucune phase, ni aucun caractère des voies de Dieu envers nous n’est sans profit pour nos âmes. De plus, ce n’est point ce qui paraît le plus au dehors qui est la partie la plus importante de la bénédiction. On pourrait presque dire que derrière tout le bien qui demeure et qui porte du fruit, il y a une œuvre cachée qui s’opère dans l’âme et qui, quoique n’étant nullement la plénitude de la bénédiction que Dieu a en vue pour nous, en est la condition importante et absolument nécessaire.

Il en était exactement ainsi de Job, une œuvre s’opérait en lui; il apprenait à se connaître. Il n’aurait pas cru qu’il fût possible qu’il en vînt à se plaindre de Dieu, ni à se disputer avec des amis respectés. Il n’avait jamais connu, dans toute son expérience précédente, de telles pensées ni de tels sentiments. Il est évident aussi que ses amis n’étaient absolument pas préparés à la manifestation de ce qui avait eu lieu, quelque avisés qu’ils fussent pour découvrir les fautes de Job. Mais avaient-ils découvert les leurs? Il y avait une poutre dans leur œil, aussi sûrement qu’il y avait un fétu dans celui de Job. Qu’y avait-il donc d’étonnant à ce qu’ils ne vissent pas clairement? C’est pourquoi l’un des buts de cette dernière portion du livre est de placer devant nous la manière dont Dieu amène la solution de toute la question, dans la mesure où la chose était possible avant la venue de Christ lui-même. Ainsi, Élihu, après s’être excusé de prendre la parole, se met à la dernière place, quoique étant celui qui avait plus de poids que tous les autres, tout en étant si ignoré que jusqu’alors son nom n’avait pas même été prononcé. Or c’est une chose que les hommes ont le plus de peine à comprendre: que les derniers soient les premiers et les premiers les derniers. Il me semble que l’une des harmonies morales, non seulement de ce livre, mais de toute la Parole et de toutes les voies de Dieu en général, se trouve précisément dans le fait que Dieu amène au moment voulu les instruments nécessaires pour son œuvre. C’est donc une leçon importante qui nous est enseignée dans ce fait même. L’homme n’aurait pas agi ainsi. S’il avait essayé d’écrire un livre tel que celui-ci, il nous aurait préparés dès le début à l’apparition d’un personnage tel qu’Élihu. Dieu agit avec une sagesse suprême, et la puissance avec laquelle Élihu entre en scène, lorsque sa présence est nécessaire, est d’autant plus grande que, jusqu’à ce moment-là, il avait gardé une place si humble et retirée.

Qu’il me soit permis en passant de rappeler que nous ne devons pas faire erreur quant au sens du mot traduit dans la version anglaise par «inspiration» et que nous rendons par le mot «souffle» (chap. 32:8). Élihu ne l’emploie pas dans le même sens que celui dans lequel l’apôtre Paul l’applique à toute l’Écriture. Il veut simplement indiquer par là la source de cette intelligence que Dieu donne à l’homme, et ne prétend nullement apporter ici la Parole de Dieu infaillible, absolue et parfaitement communiquée. Quand nous parlons de «l’inspiration» nous entendons la pensée de Dieu communiquée de telle sorte que l’erreur en soit complètement exclue. Élihu prétend-il à cela? Parlerait-il de ce qu’il sait, comme étant son opinion, s’il en était ainsi? Il est d’autant plus nécessaire de distinguer cela que l’on aperçoit souvent un double danger que courent les âmes. D’une part, il y a la tendance de perdre de vue l’autorité des Écritures en tant qu’inspirées de Dieu, d’autre part celle de l’affaiblir en appliquant à d’autres hommes ou à d’autres écrits le mot «inspiré» qui ne peut leur être donné que dans un sens inférieur poétique ou figuré. Le contexte doit toujours nous diriger pour la décision de telles questions. Dans le cas d’Élihu, il me paraît clair que le contexte ne justifie pas l’application du mot «inspiration» dans le même sens que celui que Paul lui donne, en déclarant, en 2 Tim. 3, que toute Écriture est divinement inspirée. Naturellement le livre de Job fait partie des Écritures et par conséquent est inspiré. Le Saint Esprit duquel il procède, quel qu’en soit l’instrument, nous a donné ce récit qui est aussi inspiré que la seconde épître à Timothée, laquelle nous affirme que toute la Parole émane de cette source. Toutefois «le souffle du Tout-Puissant» (32:8) dont parle Élihu ne signifie pas autre chose que la source de la connaissance donnée à l’homme.