Job

Chapitre 2

Un autre jour, les fils de Dieu se présentent de nouveau dans le ciel, et Satan non seulement vient au milieu d’eux, mais, est-il ajouté ici, pour «se présenter devant l’Éternel». On aurait pu croire qu’assurément l’Adversaire était maintenant couvert de honte. Il avait pu agir entièrement à sa guise, et le seul résultat était que Dieu avait été d’autant plus glorifié. Mais il n’en fut rien, car l’inique ne connaît pas la honte; il n’est pas nécessaire d’ajouter que Satan est le chef et le pouvoir moteur de tous ceux qui sont tels. Ainsi il était présent. Et l’Éternel lui adresse de nouvelles questions et met en avant que son serviteur Job «reste ferme dans sa perfection», bien que l’Ennemi ait fait tout son possible pour l’entraîner à se révolter contre Dieu. Satan demande une nouvelle épreuve. «Peau pour peau», c’est-à-dire, comme plusieurs le pensent: «œil pour œil», ou: «Il te rendra la pareille». Il se peut aussi qu’il rabaisse tout ce qui avait eu lieu jusqu’ici à une épreuve superficielle qui n’avait atteint que la surface des choses. Aussi il ajoute: «Qu’il y ait maintenant une amertume plus profonde, et nous verrons». «Mais étends ta main et touche à ses os et à sa chair: tu verras s’il ne te maudit pas en face». Et l’Éternel dit à Satan: «Le voilà entre tes mains, seulement épargne sa vie». La réserve relativement à sa vie n’avait pas pour but de diminuer l’épreuve, mais de faire éclater le triomphe de Dieu, en vue du bien de l’affligé, ce qui est la grande leçon du livre. De fait, l’épreuve eût été moins grande de toute façon et la leçon perdue, si Dieu avait trouvé bon de retirer à Lui son serviteur Job comme ses enfants; aussi, lorsque sa foi défaillit, la mort était ce qu’il désirait avec impatience. C’eût été une consolation immédiate pour lui de mourir. Il n’avait aucune crainte quelconque quant à l’amour de Dieu pour lui, si seulement il avait été auprès de Lui, et quelque lamentable que fût la condition à laquelle l’Ennemi pût le réduire encore, celle-ci aurait pris fin immédiatement en quittant la scène d’une telle souffrance. Mais Dieu préservait sa vie, tout en permettant à Satan de déchaîner toute sa malice contre lui, non pas, me semble-t-il, afin d’épargner une épreuve quelconque à Job, ce qui était loin de son but, mais parce que la mort aurait empêché l’accomplissement de son dessein de grâce et de bénédiction, en présence du mal et de l’Ennemi. Que Dieu eût un tel but, c’est, en effet, ce que nous présente ce livre. Nous y trouvons aussi que, quelque grand et infini dans ses ressources que Dieu soit, chaque saint est l’objet de sa sollicitude, et son dessein seul prévaudra. Quelles que soient les douleurs qui atteignent les siens, elles ne sont que les circonstances du chemin; il n’en est pas ainsi seulement de nous, mais il en était de même dans les jours qui ont précédé la rédemption. Ce grand principe est toujours vrai, parce que Dieu demeure toujours le Même; il en était ainsi avant la manifestation de Christ.

Satan sortit donc, «et il frappa Job d’un ulcère malin, depuis la plante de ses pieds jusqu’au sommet de sa tête. Et il prit un tesson pour s’en gratter, et il était assis dans la cendre. Et sa femme lui dit: Restes-tu encore ferme dans ta perfection? Maudis Dieu et meurs». Il y avait une grande aggravation à sa souffrance à voir sa femme défaillir; toutefois Job resta ferme. C’était un terrible langage arraché, à l’instigation de Satan, aux lèvres de cette femme, sans doute parce qu’elle oubliait de regarder à Dieu. De fait, nous ignorons qui elle était et ce qu’était son état moral. Ce point ne fait pas partie des leçons particulières que Dieu place devant nous, et c’est la seule mention qui nous soit faite d’elle dans ce livre. «Et il lui dit: Tu parles comme parlerait l’une des insensées». Nous trouvons ici une mesure remarquable de patience dans les paroles de Job. Il ne dit pas: «Tu parles comme une insensée», mais simplement: «comme parlerait l’une des insensées». Il est bien connu que le mot «insensé» a un sens moralement mauvais dans l’Écriture. Il n’est pas question d’une faible intelligence, mais de la pire dépravation morale qui cherche à supprimer Dieu et ne tient aucun compte de sa Parole. Quelque grave que fût son langage, Job ne l’accuse pas de cette iniquité, mais lui dit qu’elle parle comme ceux qui sont tels. «Nous avons reçu le bien aussi de la part de Dieu, et nous ne recevrions pas le mal? En tout cela Job ne pécha point de ses lèvres». Satan n’avait plus d’autre ressource. Job avait reconnu le droit de Dieu à prendre tout ce qu’il avait et à le frapper lui-même de la tête aux pieds. Il était évident que Job servait Dieu à tout prix.

Mais maintenant un changement se produit et une nouvelle épreuve commence. Il est nécessaire d’observer cela, non seulement parce que la femme de Job disparaît de notre vue, mais chose plus frappante encore, que Satan lui-même est désormais passé sous silence. Nous n’entendons plus un seul mot à son sujet, il est complètement défait. C’est une immense consolation pour tous ceux qui sont assaillis par lui de savoir que Satan n’a jamais la victoire, bien qu’il puisse remporter des succès temporaires. Quels que soient les événements que nous considérons, Satan ne triomphe jamais que pour un moment. Il peut avoir le dessus dans un combat, mais à la fin il est vaincu. C’est Dieu seul qui accomplit tout ce qu’Il s’est proposé, et quelle consolation pour nous qui savons qui est Dieu et ce qu’Il est! Naturellement je parle ici de ses enfants et de ses voies à leur égard, et j’affirme que Satan n’entre en scène qu’en passant; après avoir fait tout le mal dont il est capable, il est battu et disparaît. Telle a été et telle est son histoire, et il en sera ainsi jusqu’à la fin. Il en fut de même dans le cas de Job. Nous n’entendons plus parler de l’ennemi, mais le grand problème demeure et Dieu en poursuit la solution. Il voulait faire ressortir la vraie leçon de l’épreuve et sa propre suprématie sur le mal.

Trois amis de Job, hommes pieux également, apprirent tout le mal qui l’avait atteint «et vinrent chacun de son lieu, Éliphaz, le Thémanite et Bildad, le Shukhite, et Tsophar, le Naamathite; et ils s’entendirent ensemble pour venir le plaindre et le consoler». L’épreuve devait évidemment s’être prolongée pendant un temps considérable. Il ne faut pas penser que le creuset n’avait duré que quelques jours pour Job. La limite en était tracée par Dieu, mais celle-ci n’était pas nécessairement de brève durée. La terrible maladie qui avait suivi la destruction de ses biens et de sa famille, de tout ce qu’il avait ici-bas, vint aux oreilles de ses amis qui vivaient à une certaine distance les uns des autres, puisqu’ils eurent à s’entendre pour se trouver ensemble chez lui. Cela seul prouve qu’un certain temps s’était écoulé depuis le début de l’épreuve, et tout ce que nous lisons ensuite dans les plaintes de Job confirme entièrement cette pensée et la corrobore. «Et ils levèrent les yeux de loin, et ils ne le reconnurent pas», si extrême était le changement qu’il avait subi, en un temps si court en somme, et si douloureux à constater, quel que fût l’intervalle qui s’était écoulé dès lors. «Et ils déchirèrent chacun sa robe et répandirent de la poussière sur leurs têtes en la jetant vers les cieux». Ceux qui nient qu’ils eussent une vraie affection pour Job leur font tort; leur faute était toute différente. C’est méconnaître entièrement le but et les instructions de ce livre que de croire que leurs sentiments fussent superficiels, ou qu’ils eussent peu d’amour pour leur ami. Il n’en est rien, mais Dieu montre ainsi l’insuffisance de l’homme et de toutes ses ressources en dehors de Christ. C’est là l’enseignement du livre de Job; aussi, plus on rabaisse Job ou ses amis, moins on en retire de profit. Donnons à chacun d’eux sa place, tous ils seront encore incomparablement au-dessous de Celui en qui et par qui nous connaissons le Père. Nous lisons donc qu’ils vinrent et «s’assirent avec lui à terre sept jours et sept nuits, et nul ne lui dit une parole, car ils voyaient que sa douleur était très grande». On ne trouve pas souvent des amis aussi vrais, et caractérisés par une telle profondeur de sympathie.

Ici commence la grande action du livre. Jusqu’à ce point, Job avait été un modèle de patience. Il s’était courbé sous la main de Dieu dont les coups avaient été si graves et si multipliés que jamais, depuis le commencement du monde, aucun homme ne fut atteint par une succession aussi rapide de calamités. Job avait honoré Dieu dans l’épreuve, encore plus que dans la prospérité: qui pouvait trouver occasion de l’accuser? Si la discipline avait été retirée à ce moment-là, la leçon du livre eût été perdue. Nous aurions entendu parler de la patience de Job, et aurions vu qu’il donnait gloire à Dieu avec une fermeté aussi grande dans la plus profonde misère, que lorsqu’il était béni de tous côtés. Nous aurions appris ce qu’est Satan dans sa méchanceté infatigable, autant qu’audacieuse et sans motif, et aurions assisté à sa défaite, mais nous aurions perdu la grande vérité que Dieu voulait nous communiquer par le moyen de ce livre et que nous apprenons ensuite.

Mais maintenant Dieu fait entrer en scène trois hommes de poids, âgés, sérieux, dignes amis de Job et qui sympathisaient profondément avec lui. Qui pourrait douter qu’il en fût ainsi? La description de leur douleur le prouve. Néanmoins, c’est ici que commence la chute du fidèle Job, et nous en verrons le tableau se dérouler dans la suite du livre. D’un côté, la théorie de ses amis les fourvoyait, de l’autre, Job s’attachait à son intégrité dont il avait conscience, jusqu’à ce qu’il fut délivré de toute occupation de lui-même pour s’attacher fermement à ce que Dieu était pour lui, et non à ce qu’il avait été lui-même ou à ce qu’il était. Dieu aime trop ses saints pour permettre qu’ils ignorent quoi que ce soit qui soit un déshonneur pour Lui, ou qui entrave leur pleine bénédiction. Aussi Il emploie miséricordieusement l’épreuve, en vue d’accomplir cette entière bénédiction. Il nous donne aussi la consolation inexprimable de savoir que c’est Lui-même, et non pas Satan, qui forme des desseins quelconques et les réalise. C’est Lui, le Dieu de toute grâce, qui, dans sa sagesse et sa justice parfaites, accomplit ce qu’Il veut, et cela en dépit des calamités effroyables que le péché a causées et que Satan peut déchaîner contre ses serviteurs, avec la permission divine.

Ces vérités nous sont graduellement révélées dans ce qui suit. Il faut que Job apprenne à se connaître, comme il n’aurait jamais pensé ou pu le faire autrement. Se connaître soi-même est une toute autre chose que la conversion et c’est indispensable pour l’entière bénédiction de nos âmes. De plus, les amis de Job étant les objets de la même grâce que lui, quoique lui étant très inférieurs, devaient apprendre les mêmes leçons. Ils étaient pieux, mais un homme peut l’être, sans avoir jamais été amené lui-même dans la présence de Dieu, c’est-à-dire pour apprendre à juger entièrement le moi, en l’appréciant selon la mesure de Dieu lui-même. C’est là ce que ce livre nous enseigne, autant que la chose était possible avant la venue de Christ.