En otage (suite)

Jo monte et annonce à Madou que le repas aura du retard. Madou lui annonce la fuite de Laurent, tandis qu'elle dormait. Colère des chefs et fuite en moto pour deux d'entre eux. Jo fuit vers les bois. L'enquête continue.

— Et ce Bernard, connaissez-vous son nom de famille? — Oui, Bernard Lebaudy. Il habite vers Etampes. Monsieur Denis posa d'autres questions et prit des notes. Il termina en demandant:

— Une camionnette blanche avec des rideaux marron, ça vous dit quelque chose?

— Bien sûr, c'est celle de ma nièce, Raymonde, la sœur de Marcel.

De plus en plus inquiète, la pauvre femme s'alarma:

— Mais enfin, Monsieur le commissaire, qu'est-ce que ça signifie toutes ces questions? J'ai peur, vous comprenez. Il se passe tellement de choses actuellement.

Monsieur Denis répondit:

— Nous essayons de stopper une filière de drogue qui est en train de s'installer dans le lycée. Votre fils est peut-être impliqué là-dedans, mais il n'est qu'un petit maillon de la chaîne.

— Que Dieu vous entende, Monsieur le commissaire! fit-elle, selon une expression populaire irréfléchie. Et puis, je suis moins à plaindre que les Baudrimont. Est-ce que l'on a des nouvelles de Laurent et de Madou?

— Non, aucune Madame.

Après avoir essayé de prononcer quelques mots de réconfort, Monsieur Denis quitta Madame Jonquière. Monsieur Belmont attendait son adjoint pour se rendre au village de Chevillenay. Ayant pris contact avec le comissariat de l'endroit, à leur arrivée, ils décideraient de la stratégie à adopter. Nathalie demanda:

— Est-ce que je peux vous accompagner? Je vous suivrai avec ma voiture. Si vous retrouvez mon petit garçon, je veux être la première à le serrer dans mes bras.

— Oui, bien sûr.

— Est-ce que je peux accompagner Maman? supplia Nadège. Je voudrais tellement revoir Laurent.

Papa fut très ferme.

— Je te l'interdis formellement! dit-il. Tu cours le risque de te trouver face à face avec un Marcel armé et furieux contre toi!

Nadège pâlit et comprit que Papa avait raison.

Il fut donc convenu que Maman partirait seule. Cette dernière possédait un double des clefs de la maison de Madou. Elle s'arrêta à la demeure de son amie, et elle emporta les médicaments nécessaires à la «survie» de Madame Tessier.

Sur la table il y avait un dessin de Laurent. Encore une fois les larmes lui embuèrent les yeux, mais Maman était devenue plus vaillante depuis que Christ était redevenu le premier dans sa vie. C'était cela qu'elle allait dire à son fils.

Madou ouvrit toute grande la fenêtre et respira profondément. Elle n'avait plus qu'un bout de pain sec à grignoter. Elle sentait que pour éviter un malaise, elle devait se nourrir dans un délai assez proche, et elle était enfermée à clef. Elle se souvint alors du verset qui disait: «L'Éternel... a brisé les portes d'airain, et a mis en pièce les barres de fer.» Ps. 107:16. Sa confiance en Jésus Christ était illimitée. «Soit le secours va venir très vite, soit le Seigneur va me garder en bonne santé,» se dit-elle. À un certain moment, elle se demanda: «Est-ce que j'ai bien fait d'être complice de l'évasion de mon petit Laurent? Si seulement il avait pris un peu d'argent pour téléphoner quelque part... Mais, nous lui avons appris à ne pas voler.

Bien sûr, il ne lui est pas venu à l'idée de se servir dans mon porte-monnaie. Au moins, sa fuite a provoqué le départ rapide des bandits, c'est cela de gagné. Dommage que je n'aie plus vingt ans, parce que moi aussi, je me serais servie des draps noués. Oh! Madou tu es folle! Tu déraisonnes complètement... «

Puis elle se mit à penser à Jo et elle pria pour lui. Mais elle n'eut pas à prier longtemps. Elle entendit une galopade effrénée, un craquement dans les escaliers, un bruit de clefs dans la serrure, et Jo se retrouva là, devant elle. Un Jo essoufflé, en nage, effondré.

— Voilà! J'ai voulu revenir. Vous êtes libre Madame. Madou le considéra presque sans étonnement et avec bonté.

— Je savais qu'on pouvait compter sur toi. Merci, Jo. Reprenant sa respiration, il dit:

— Pardon pour tout. Je voulais beaucoup d'argent, ce n'était pas la bonne façon de l'obtenir.

— Quelle est ton intention maintenant? Tu peux encore te sauver.

Mais Jo poursuivait une autre idée.

Vous avez dit qu'on pouvait repartir de zéro. Ma mère est veuve. Elle lit la Bible et elle prie comme vous le faites. J'avais douze ans quand mon père est mort. Lui aussi, il a prié pour moi jusqu'à la fin. Quand je vous ai entendue chanter avec Laurent, ces cantiques que je chantais dans mon enfance, quand j'ai vu la Bible ouverte sur le lit, vous ne pouvez pas savoir ce que ça m'a fait! Ça m'a retourné le cœur.

Je me suis souvenu des jours heureux et de ma mère qui riait si souvent autrefois. Je me suis dit: «Jo, il faut que tu changes... Il faut que tu changes... Que tu reviennes au Dieu de ton père. Ma part de fric, je n'en veux pas. Je l'ai rapportée. Et puis, je vais attendre la police ici. Il faut que je vous explique comment j'en suis arrivé là.

Jo — dont le véritable nom était Georges — avait pris son élan pour parler, parler sans discontinuer. Une idée fixe le hantait, il avait besoin d'une oreille attentive. Madou lui tapota l'épaule:

— Stop, mon gars! Tu me raconteras tout cela plus tard. Je voudrais téléphoner aux parents de Laurent. Comprends-tu qu'à Lucène il y a des parents qui s'inquiètent, ils ne savent pas si leur fils est mort ou vivant.

— Oh! c'est vrai! Je ne pense qu'à moi... Vous comprenez, j'voudrais vider mon sac.

— Oui, ça soulage, acquiesça Madou. Je vais seulement te poser une question, ajouta-t-elle, en descendant l'escalier: As-tu déjà fait de la prison?

— Non, jamais! Cette fois, je ne vais pas y échapper.

— Ne t'affole pas. Je pourrai témoigner du fait que tu m'as libérée.

— Vous ferez ça?

— Assurément. Je peux même t'aider à reprendre un autre départ si tu consens à venir à la croix.

— Pour vous, ça doit être difficile de le croire, vu que je fais partie d'une sale bande. Mais je voudrais marcher avec le Seigneur Jésus.

— J'ai vu d'autres miracles dans ma vie, assura-t-elle.

— Merci, Madame.

— Est-ce que vous vous occuperez de ma mère quand on m'aura mis à l'ombre? Ça va être dur pour elle.

— Certainement! Mes amis et moi, nous ferons de notre mieux.

— Merci! merci! Il faut que je vous explique...

Lune des qualités de Madou, c'était de savoir écouter. Elle avait souvent entendu de tristes confidences, mais à cause de sa communion avec son Père céleste, et à cause de la prière, elle avait rendu l'espoir à des cœurs abattus. Cette fois, elle dit fermement:

— Plus tard, jeune homme, plus tard. Quand ce sera le moment, je prendrai tout mon temps pour t'écouter et t'aider. Pendant que je téléphone, veux-tu me rendre un grand service?

— Oui, Madame.

— Prépare-moi un petit repas. Cherche s'il y a des réserves dans le réfrigérateur. Tu ne tiens pas à ce que j'aie un malaise, n'est-ce pas?

— Oh, non! Qu'est-ce que nous deviendrions?

— Et par la même occasion, prends un peu de nourriture.

— Je ne le pourrai pas, j'ai l'estomac trop serré.

— Oui, il me semble que je comprends.

Madou prenait le récepteur lorsqu'elle aperçut Jane la brune qui ouvrait la barrière.

— Regarde donc qui nous rend visite?

— Oh! celle-là, je l'avais oubliée!

— Vite, monte te cacher là-haut, je vais m'occuper d'elle.

Jo ne se fit pas prier. En un clin d'œil il grimpa les escaliers et se cacha dans la petite chambre. Madou avait encore le récepteur en main lorsque Jane entra.

— Bé! qu'est-ce que vous faites là, vous? Où sont les autres?

Ses yeux flambèrent de haine et d'affolement. Elle posa à terre les sacs chargés de provisions.

— Partis, chère Madame! La poudre d'escampette!

— Et ils vous ont libérée?

Je suis libre, en effet, ce qui n'est pas votre cas.

Il était difficile de dire ce qui était le plus fort dans le cœur de Jane la brune: sa haine ou sa peur? Quand elle vit que Madou avait le récepteur en main, ce fut la haine qui l'emporta sur la peur. Elle se précipita sur le téléphone et avec une force décuplée, elle arracha les fils électriques.

Elle hurla:

— Au moins, vous n'avertirez pas les flics!

— Trop tard, chère Madame, ils doivent être en route. Jane tremblait de rage et de crainte.

— Et le gamin! Ah oui? Le Marcel s'est vengé! Il vous l'a emmené vot'petit chéri, et vous, vous restez là, toute seule. Bien fait pour vous! Au moins, vous n'aurez pas gagné sur toute la ligne!

Elle disait n'importe quoi, n'étant pas au courant de ce qui s'était passé en son absence. Madou, qui ne connaissait rien des intentions de Marcel Lemercier, s'interrogea sur ce qu'elle racontait. Cependant, elle ne demanda aucun éclaircissement.

— Vous faites erreur, Madame, assura-t-elle, au sujet de Laurent. Il n'est pas avec Marcel. Il est déjà loin maintenant; quant à moi, c'est une simple question d'heures, peut-être de minutes. Je vous avais dit que mon Grand Chef était tout-puissant.

— Oh! là, là, vous remettez ça!

Maintenant la peur l'emportait sur la haine dans le cœur de Jane.

À suivre