En otage (suite)

Madou doit dormir. Sur son conseil, Laurent lit le livre d'Esther, lorsqu'il entend Marcel déclarer qu'il gardera «le gamin» pour se venger de Nadège qui n'a pas remis la drogue. À son réveil Madou découvre que Laurent s'est enfui par l'échelle de corde, mais sans un sou en poche.

Elle regretta qu'il n'en ait pas eu l'idée. Elle l'imagina voulant téléphoner sans un centime en poche. «Madeleine Tessier, il n'y a plus de souci à te faire maintenant, se dit-elle. Celui qui habille les lis des champs va prendre soin de ton petit protégé.» Elle s'allongea de nouveau et reprit la lecture de sa Bible. Au rez-de-chaussée, on parlait souvent assez fort. On échangeait des propos moroses et ordinaires. Plusieurs appels téléphoniques eurent lieu au fil du temps. À onze heures trente, Jane la brune monta et apporta d'autres livres. Madou resta sur le lit et s'appuya sur son coude.

— C'est pour le petit, dit Jane, en les jetant sur la table.

— Merci bien.

Elle demanda:

— Au fait, où il est le gamin?

Lentement, avec un sourire sous-entendu, Madou répliqua:

— Il se trouve dans un certain endroit.

— Ah d'accord...

Elle se retira sans chercher à savoir de quel endroit il s'agissait. Elle crut qu'il était à côté, à cause d'une nécessité très naturelle.

Après cet incident, Madou se leva. Elle vit Jane s'en aller. Vraisemblablement, elle partait faire des achats.

Plus tard, Madou entendit de nouveau les escaliers craquer. Elle consulta sa montre. «Midi! pensa-t-elle, voilà plus de deux heures que ce cher Laurent est parti. Il doit être loin maintenant.» Jo entra.

— Madame, dit-il à la hâte, je viens vous faire savoir qu'il y aura du retard pour le repas de midi. Quelqu'un devait nous apporter de la nourriture à onze heures et demie et la personne n'est pas venue.

— Entendu, je vais attendre. Au fait, Jo, que fais-tu là avec ces hommes? Tu as l'air si différent d'eux.

— Ils me font peur, dit-il, d'une voix sourde. Je me suis trouvé mêlé à une mauvaise histoire, et ils le savent.

— Ça ne m'étonne pas, mais on peut toujours repartir de zéro.

Jo soupira et regarda autour de lui avec angoisse.

— Je vais t'aider mon gars, le Dieu de la Bible est aussi pour toi.

— Merci Madame.

Jo était sur le qui-vive. Il se dirigea vers la porte.

— Je dois redescendre, fit-il brièvement.

Marcel cria d'en-bas.

— Qu'est-ce que tu fabriques là-haut?

— Attends une minute, répliqua Jo.

— Voudrais-tu leur annoncer que Laurent s'est enfui? dit Madou.

Les yeux de Jo devinrent arrondis d'un inexprimable étonnement, il se rapprocha du lit et s'exclama:

— Il a bien fait! Mais comment est-ce qu'il s'y est pris?

— Des draps noués, la petite fenêtre derrière.

— Oh! là, là, ça va barder!

— Sans doute.

Cette grand-mère ne semblait pas effrayée et elle continuait de surprendre le jeune homme. Madou extirpa de sous son oreiller le message laissé par Laurent. Après l'avoir lu, Jo dit:

— C'est ça! C'est bien ça! Marcel voulait vous déposer les yeux bandés devant une cabine téléphonique et garder le petit. La camionnette qu'on attendait n'est pas arrivée. Il y a quelque chose qui n'a pas fonctionné dans leurs plans.

«Tant mieux», pensa Madou.

Marcel et le chef s'énervaient. Jo leur cria:

— Écoutez les gars, il y a un pépin par ici. Venez voir! En un clin d'œil, les deux hommes envahirent la chambre de leur présence malgracieuse.

— Le garçon s'est enfui, annonça Jo.

Marcel et Bernard se mirent dans une indescriptible colère. Les jurons dont ils se servirent ne peuvent être mentionnés dans ces pages. Quand ils eurent exhalé le condensé de leur mécontentement et fouillé la chambre comme des fous, le chef demanda:

— Enfin, il ne peut pas s'être sauvé sans qu'on le voie!

— Si! Par la fenêtre à l'arrière de la maison, il a noué des draps de lit, dit Jo.

— Et vous, la mémé, vous ne pouviez pas l'empêcher! reprocha Marcel furibond.

— Je n'ai rien entendu! Rien du tout! J'ai dû dormir, ou bien ...

— Vous avez tourné de l'œil? interrogea le chef. Marcel ne laissa pas à Madou le temps de répondre. Il demanda:

— Ça fait combien de temps qu'il est parti?

— Au moins deux heures.

Là encore, les jurons déferlèrent comme un torrent en période de crue.

— Alors, les gars! Les flics vont pas tarder à rappliquer! cria le chef.

— Tu penses! Il a eu largement le temps d'avertir la police! dit Jo.

— Écoutez! On se barre! Marcel et moi, on prend la moto. Toi Jo, tu files vers les bois! Chacun pour soi! Vous la vieille, pour avoir été de connivence avec le gosse, on vous enferme. Adieu!

Ils se retirèrent bruyamment. Marcel vérifia si Jo refermait la porte à clef. Madou, qui n'était pas au mieux de sa forme, mais qui tenait le coup tout de même, entendit la grosse moto s'éloigner. Elle se dirigea immédiatement vers la fenêtre arrière de la petites chambre contiguë, et adressa un signe d'adieu à Jo.

Chapitre 8 - Je peux t'aider à prendre un nouveau départ...

À Lucène, après les déclarations détaillées et douloureuses de Nadège, le commissaire envoya son adjoint enquêter dans la famille d'Etienne Jonquière. Madame Jonquière avoua qu'elle était en souci, parce que son fils n'était pas rentré à la maison depuis deux jours.

— Est-ce que c'est dans ses habitudes de s'absenter? demanda Monsieur Denis.

— Ces derniers temps cela arrive de plus en plus fréquemment. Vous comprenez Monsieur, il a dix-huit ans, il dit qu'il est majeur. Il devient méchant avec nous tous, et ça nous donne bien du souci. Est-ce qu'il a fait quelque chose de très grave, Monsieur le commissaire?

— Nous ne savons pas encore, Madame, nous cherchons.

Madame Jonquière était une femme d'aspect frêle, au visage encore jeune et délicat, avec une expression douce. Le commissaire hésitait à la tourmenter sans raison.

— Et votre mari, que dit-il de la situation?

— Il laisse toute la responsabilité sur moi. Ce n'est pas juste, Monsieur le commissaire, je n'ai pas la force, moi toute seule de lutter avec mon fils.

— Bien sûr! S'il-vous-plaît, j'aimerais voir sa chambre.

Madame Jonquière ouvrit la porte. C'était une chambre en ordre, parce que la vigilance maternelle en assurait la propreté. Après avoir ouvert quelques tiroirs, il découvrit ce qu'il cherchait.

— Saviez-vous que votre fils fumait du haschich?

— Oh! non!

Madame Jonquière effondrée éclata en sanglots. Le commissaire essaya de la calmer en insinuant que ce n'était peut-être pas trop grave, s'il s'était contenté du hasch. Il ajouta:

— Parlez-moi de votre neveu, Marcel Lemercier? La douce femme explosa:

— Oh! celui-là! c'est la honte de la famille! Lui et Bernard, son acolyte, ça m'affole quand je les vois.

— Est-ce qu'il exerce une influence sur votre fils?

— Plutôt, oui! c'est son mauvais génie!

À suivre