Le jardin de l'arc-en-ciel (suite)

Les vacances commencent par de la pluie. Mrs. Owen donne des tâches aux aînés, lorsque survient un «Bobby «. La conscience tourmentée par le vol de la coquille, Elaine s'échappe et s'enfuit vers les hauts pâturages. Précédé par Cadwaller, Mr. Owen retrouve Elaine. Il lui explique ce qu'est le péché aux yeux de Dieu et pourquoi le Seigneur Jésus est mort sur la croix.

— Comprends-tu, Elaine? Jésus t'a frayé un chemin en mourant pour toi, c'est pourquoi tu peux aller à Dieu et goûter une plénitude de joie.

Je restais songeuse, dans un profond étonnement. Que voulait-il dire? Qu'aurais-je à faire? Mais je ne pouvais formuler cette question. Cadwaller avait couché sa tête sur mes genoux et je caressais en silence ses oreilles soyeuses. Le calme doré du soir enveloppait le bois. Mr. Owen tira de sa poche son Nouveau Testament et l'ouvrit au premier chapitre de la première épître de Jean.

Désires-tu savoir comment le péché peut-être complètement ôté? demanda-t-il. La réponse se trouve dans ce livre, elle est exactement pour toi.

Je fis un signe d'assentiment. Oui, je le désirais intensément, mais il me fut impossible de prononcer une parole.

Alors lentement, il lut. Je me penchai vers lui et lus, moi aussi, les versets que je devais tant aimer plus tard, ces versets écrits par un vieillard dont les yeux avaient vu le Sauveur à la croix.

«Si nous marchons dans la lumière, comme lui-même est dans la lumière, nous avons communion les uns avec les autres, et le sang de Jésus Christ, son Fils nous purifie de tout péché... Si nous confessons nos péchés, il est fidèle et juste pour nous pardonner nos péchés et nous purifier de toute iniquité» (1 Jean 1:7, 9).

Chapitre 10 - Dans la lumière

— Que veut dire «confesser»? demanda Mr. Owen.

— C'est raconter ce qu'on a fait, répondis-je confuse.

— Oui, tu as raison. C'est raconter à Dieu toutes les fautes dont tu te souviens, en croyant dans ton cœur que Jésus les a portées sur la croix. Ainsi, puisqu'il n'y a plus rien en toi de caché, tu peux t'approcher de Dieu, te donner à Lui, Lui obéir et Le servir pour toujours. Voudrais-tu le faire?

J'acquiesçai de nouveau.

— Eh bien! dis-le-Lui franchement. Dis-Lui ce que tu as fait. Dis-Lui que tu crois que Jésus est mort pour que tu sois pardonnée. Remercie-Le de ce qu'Il t'accorde son pardon.

— Je ne sais pas comment faire! soupirais-je.

Eh bien! Je prierai, reprit Mr. Owen, et dans ton cœur tu répéteras mes paroles.

Il ferma les yeux et pria ainsi:

— O Dieu, je désire te parler de la coquille que j'ai volée, des mensonges que j'ai dits et de tout ce qui m'a effrayée et rendue si malheureuse. Je viens à Toi parce que Tu as promis de me pardonner à cause de la mort de Jésus. Je t'en supplie, lave-moi, que je sois plus blanche que la neige et fais de moi ton enfant. Viens en mon cœur, rends-moi sage et véridique, afin que je puisse marcher dans la lumière. Au nom de Jésus, amen.

J'ouvris les yeux et regardai alentour, m'attendant presque à voir une présence visible près de moi. Le bois était tout embrasé du soleil couchant. Mr. Owen me releva pour rentrer la main dans la main à la maison. Cadwaller, humant l'odeur des lapins, bondissait devant nous. En atteignant le portillon blanc de la réserve, je vis chaque cime se détacher et briller dans le lointain et les nuages chassés en d'étincelantes bannières.

«Marcher dans la lumière», pensais-je, en voilà une image: tout est lumière et rien n'est caché. Tout à coup je me sentis courageuse et forte, mais cela ne dura pas. Ayant franchi les hauts plateaux, j'aperçus au-dessous de nous le Presbytère, et Janine et Philip guettant notre retour. Je savais ce qu'attendait de moi mon nouveau Maître. Si seulement Mr. Owen n'avançait pas si vite! Je le tirai en arrière, et il se pencha vers moi.

— À quoi songes-tu, Elaine? As-tu peur?

Muette, je fis un signe affirmatif.

Alors, tu sais ce que tu dois faire pour que tout soit en ordre?

— Oui, fis-je.

Il sourit doucement et serra étroitement ma main.

— Ensemble, nous leur raconterons tout après le thé, proposa-t-il rassurant, Tu seras tellement contente quand ce sera passé et tu pourras repartir à zéro; et quoi qu'il en soit, ce sera moins difficile que tu ne crois. Philip et Janine ont, eux aussi, à mettre des choses au point, pour autant que je sache.

Comme nous longions mon jardin, le crépuscule tomba. Le long de la crête dominant le sentier, je vis Mr. Jones précédé de son troupeau. Il portait un agneau dans ses bras. Je m'en étonnais. Serait-il infirme? ou fatigué? ou ne s'accordait-il pas avec les autres? De toute manière, il regagnerait la bergerie en sécurité dans les bras solides du berger. Puis j'oubliai ces détails. Mes idées tournoyaient en moi, et j'éprouvais la plus affreuse angoisse de ma vie.

Lorsque j'entrai, les enfants me dévisagèrent, curieux, mais sans me poser de questions. Nous aurions pris le thé dans un silence pénible si Mr. Owen n'avait pas annoncé que j'avais vu le cambrioleur. Celui-ci avait fait des dégâts dans le cottage d'Olivia, et à ma surprise, je devins l'héroïne du moment. Chacun voulut savoir de quoi il avait l'air, et Philip se lança dans des plans compliqués pour que nous puissions attraper l'homme nous-mêmes. Nous en parlions encore après la Lecture et chacun tressaillit, quand de son bureau Mr. Owen nous appela, Philip, Janine et moi.

Il était assis dans son large fauteuil. Philip et Janine se précipitèrent vers lui et s'installèrent, l'un sur le bras du fauteuil, l'autre sur le tapis, à ses pieds. Mais il les repoussa un peu et me fit place, alors que je me tenais sur le pas de porte, interdite et tremblante. Et lorsque, moi aussi je fus accroupie sur le tapis, appuyée contre les genoux de Mr. Owen, il fit simplement:

— Elaine voudrait vous dire quelque chose.

Je ne pouvais refuser. Tête basse, je déballai ma pauvre histoire.

— C'est la coquille... je ne l'ai pas trouvée... c'est celle d'Olivia... je désirais tant avoir un objet pour le musée... je n'ai pas dit la vérité...

Et dissimulant mon visage écarlate contre les jambes de Mr. Owen, je versai des larmes amères.

— Une minute, Elaine. Tu n'as pas fini. Pourquoi nous as-tu confessé ta faute?

— Parce que, sanglotai-je, dans la forêt, j'ai demandé à Dieu de me pardonner et parce que je voudrais repartir à zéro.

— Bien, conclut Mr. Owen. Tu as obéi au Seigneur Jésus auquel tu t'es donnée cet après-midi et tu n'as plus de raisons d'être malheureuse. Nous ne te punirons pas: tu es triste et regrettes ta faute, même sans punition. Va maintenant, et recommence tout à nouveau... (Sa voix se fit plus sévère.) Philip et Janine, restez avec moi. Il faut que je vous dise pourquoi Elaine a pris ce coquillage.

Je me glissai dehors, n'osant regarder personne. À mon grand soulagement, les petits étaient déjà au lit et Mrs. Owen raccommodait devant la fenêtre. Elle me sourit et je me blottis contre elle, trop exténuée pour parler, mais avide d'une douce et maternelle compagnie. Mr. Owen lui avait-il raconté l'histoire de la coquille? Le fait est qu'elle ne fit pas d'observation. En revanche, elle me décrivit tout le plaisir que nous aurions pendant ces vacances de Pâques. J'aurais aimé prolonger ce moment auprès d'elle, mais je ne souhaitais pas revoir Philip et Janine quand ils sortiraient du bureau. J'imaginais le mépris qui luirait dans les honnêtes yeux bleus de Philip, et l'expression de Janine, mélange de pitié et de réprobation. Au bout de cinq minutes, je montai me coucher. Un peu plus tard, Mrs. Owen vint me border et m'embrasser.

Un temps assez long s'écoula, avant qu'en tapinois ne survint Janine. Elle se déshabilla sans allumer la lampe. Je m'enfouis sous mes couvertures, faisant semblant de dormir, mais je crois qu'elle s'en rendit compte car elle s'abattit sur moi.

— Elaine, implora-t-elle, ne dors pas! Écoute! Philip et moi sommes tellement désolés. Vraiment nous regrettons de...

— Et pourquoi donc? fis-je, rejetant mes draps au comble de l'étonnement, car ce n'était pas ce à quoi je m'attendais.

— Parce que Daddy nous a dit que c'est en partie notre faute si tu as pris la coquille. (Dans son ardeur, ses mots butaient les uns sur les autres.) Il dit que c'est parce que nous sommes égoïstes et ne cherchons que notre plaisir et ne voulons pas partager. Et il nous a lu un si terrible récit de la Bible que j'ai pleuré, et Philip aussi un peu, je crois.

— Quel récit?

— Oh! C'est une parabole qui s'adresse aux gens égoïstes; et Jésus leur adresse ces reproches: «J'ai eu faim, et vous ne m'avez pas donné à manger. J'étais étranger et vous n'avez pas voulu partager avec moi. J'étais seul, et vous ne vous êtes pas occupés de moi.» Et quand ils ont prétendu qu'ils n'avaient jamais vu Jésus avant, il leur a répondu: «C'est toutes les fois que vous n'avez pas voulu partager avec l'un de ces plus petits... » Je te montrerai ce passage demain matin. C'est dans Matthieu 25. Daddy prétend que c'est ce que nous avons fait. Toi, tu serais l'étranger, mais en réalité c'était le Seigneur Jésus que nous mettions de côté.

Sa voix se brisa et elle renifla. Je me rapprochai d'elle.

— Ce n'est pas vrai, murmurai-je. Souvent vous avez essayé de m'associer à vos jeux, mais j'étais en colère, je n'avais pas envie que nous soyons amis. C'était vraiment très vilain de ma part de voler cette coquille et de dire qu'elle venait de la plage... Comment ai-je pu faire ça?... Je désirais seulement... j'espérais... que vous m'aimeriez.

Mais nous t'aimons, cria Janine, relevant sa petite figure brûlante, et nous trouvons que c'est joliment courageux de ta part d'avoir avoué. Maintenant nous voulons être des amis et tout partager. Je te le promets!

— Je ne me mettrai plus en colère, ajoutai-je en sourdine, à cause de ce qui m'est arrivé cet après-midi. Je désire être plus gentille à présent.

— Oui, je sais, dit vivement Janine. Je suis si heureuse de ta décision, vois-tu, car moi aussi j'appartiens à Jésus ainsi que Philip. Souvent nous aurions voulu t'en parler, mais nous craignions que tu nous traites de stupides, et Papa dit que cela n'aurait servi à rien puisque nous étions si égoïstes. Dès aujourd'hui, nous serons ensemble des chrétiens et ça sera magnifique!

— Pourrais-je lire la Bible avec toi le matin? demandai-je. Vois-tu, je ne peux m'y retrouver comme toi, et tu m'aiderais.

— Volontiers, s'exclama Janine qui reprenait vite sa gaîté.

L'idée nous vint de rapprocher nos lits, ce qui nous permit de bavarder. Janine s'endormit au milieu d'une phrase, mais je restais éveillée et repassais cette journée étrange, orageuse, terrifiante et merveilleuse. Oui, elle touchait à son terme et j'étais là, couchée, en paix avec le monde entier, sans effroi, pardonnée, près de la charmante Janine, dormant à mes côtés. Réconciliées enfin, nous étions devenues des amies! Brusquement je me souvins de Mr. Jones marchant à grandes enjambées le long de la crête orageuse, l'agneau dans les bras, et je souris. J'étais pareil à cet agneau, incapable d'aller plus loin, et Jésus était apparu, m'avait portée pour faire la traversée... Près de moi tout ce temps, Il le resterait pour toujours et sa présence serait réconfort, paix et plénitude de joie.

Chapitre 11 - «Vêtus de blanc»

C'était comme si mon existence recommençait. Non, je n'oublierai pas le sentiment qui m'envahit lorsque j'ouvris les yeux le lendemain. Je réalisais que j'avais laissé derrière moi pour toujours mon sombre secret et que je ne continuerais pas à trébucher, craintive et seule. J'appartenais à Jésus; il me montrerait le chemin de la vie, et si je marchais avec lui, je connaîtrais la plénitude de joie. Mr. Owen ne me l'avait-il pas promis, et les oiseaux eux-mêmes ne le chantaient-ils pas du haut des pommiers roses et des hêtres duveteux? Jamais le ciel ne m'avait paru si bleu, ni les jonquilles si jaunes. En chemise de nuit, je me penchai à la fenêtre, aspirant l'aurore et impatiente de réveiller Janine. Mais elle était profondément endormie et je regrimpai dans mon lit pour me rendormir à mon tour, heureuse et détendue.

Il y eut encore Philip à affronter. Il ne me dit rien, mais je vis qu'il était affligé, et durant toute la journée, de sa manière brusque, il me montra sa résolution de partager ses jeux avec moi. De plus, il était tout excité au sujet du cambrioleur et quand, dans l'après-midi, je dus aller au commissariat de police pour décrire l'homme que j'avais surpris, son envie et son admiration ne connurent pas de bornes. Il se persuadait que nous pourrions arrêter l'homme nous-mêmes et m'obligeait à me cacher dans les buissons pour surveiller les passants, ou rôder autour d'innocents garçons de ferme. D'abord flattée de mon importance, mais bientôt lassée, je fus heureuse quand il jugea que le jeu avait assez duré.

La grande joie de ces vacances était l'heure matinale où Janine et moi lisions la Bible et choisissions, pour le copier, le verset qui ferait partie de notre journée. Janine avait pris l'habitude de mettre de côté dix minutes de recueillement qu'elle n'aurait pas manquées, pas plus que son petit-déjeuner; je compris que si l'on voulait rester près de Jésus, partager sa joie parfaite, il fallait se tenir chaque matin en sa présence et écouter sa voix à travers la Bible.

Le premier dimanche après ce jour inoubliable, Mr. Owen m'appela dans son bureau, avant le culte, et me remit un paquet. Lorsque, pleine d'une ardente curiosité, je l'eus déballé, je vis une belle Bible de cuir bleu marine, à la tranche dorée; je l'ouvris, trop émue pour parler, et je trouvai, écrit sur la page de garde, mon nom et mon verset de prédilection:

Élaine NELSON

«Tu me fera connaître le chemin de la vie;

En ta présence, il y a plénitude de joie.»

Psaume 16:11

Cette Bible, ma Bible, devenait de jour en jour mon bien le plus précieux (même si je la connaissais encore peu). Nous lisions des notes explicatives et Janine était toujours prête à ajouter des commentaires de son cru. Je ne sais pas jusqu'à quel point ils étaient justes, mais ils nous satisfaisaient et je crois que Janine jouissait autant que moi de notre lecture en commun.

À suivre