Le chien de Pepe

Résumé

Mlle Beamish, José, Maria, Gand Pepe, aucun ne parvient à convaincre Pepe d'accepter un chiot airedale. Il a demandé un setter irlandais au Seigneur Jésus, et il veut croire que sa prière sera exaucée, même s'il faut un miracle. Les parents décident de ne pas insister.

Par contre, on commence à faire des projets pour Noêl. Une petite fête aura lieu au local de réunion et chacun pourra inviter quelqu'un.

— Ce serait bien d'inviter la dame anglaise, suggère Maria.

— Et ses amis, ceux avec le chien, ajoute José. Ils nous ont invités chez eux. Nous devrions peut-être leur rendre visite et les inviter en retour.

Tous sont d'accord et décident de prier pour eux chaque soir. Avant d'aller se coucher, ils ont toujours un moment de prière et de chant. C'est le moment de la journée que Pepe préfère. Bien que Maria ait vécu des années loin des siens, quand elle peut, elle fait les choses à la façon gitane. Les gitans aiment les feux de bois, aussi chaque soir d'hiver, sur la plage désertée, ils allument un grand feu. Ils s'installent autour et parlent un peu de tout en attendant que leur souper soit cuit dans la marmite qui se balance au-dessus des flammes.

Les étoiles et la lune brillent dans le vaste ciel souvent sans nuages, ajoutant leur lumière à celle des braises incandescentes. Pepe s'assied, ses devoirs sur ses genoux. Il a juste assez de lumière pour faire ses additions et apprendre sa grammaire. Grand Pepe fixe souvent les flammes sans parler, plongé dans ses propres pensées. Après le souper, José a l'habitude de lire quelque chose dans la Bible. Il lit lentement, mais cela n'a pas d'importance. Cela leur donne le temps d'assimiler les paroles et de les retenir. Grand Pepe lit trop vite, aussi José ne lui passe-t-il pas souvent la Bible. Ils s'entretiennent sur ce qu'ils viennent de lire et ensuite ils prient ensemble.

Puis, Maria se met à chanter à la manière des gitans en commen­çant par un soupir venant du fond du cœur. Avant qu'elle connaisse le Seigneur Jésus, c'était un soupir chargé de tristesse. Maintenant c'est sa façon d'exprimer combien elle se sent remplie de joie. Souvent, elle invente les paroles en chantant, et elles se mélangent à l'éternel soupir des vagues. Ils participent tous, louant Dieu pour sa bonté et son amour. Puis, lorsque les cendres perdent leur chaleur et que la fraîcheur de la nuit la remplace, ils vont se coucher, après avoir fermé la porte du «Café Playa», le cœur et le corps remplis et réchauffés.

Pour aller voir Jake et Merry, toute la famille met ses plus beaux habits, comme s'ils se rendaient au culte. Les boucles désordonnées de Pepe sont maintenues en ordre par une généreuse portion d'eau de Cologne et, pour une fois, il a l'air très sérieux. Bien que chacun lui ait promis qu'il ne sera pas obligé de choisir un des chiots, si vraiment il n'en veut pas, il sent instinctivement qu'ils l'espèrent néanmoins tous. Mlle Beamish sera là aussi; comment pourrait-il la décevoir?

Jake et Merry sont installés dans un quartier de chalets à la périphérie de la ville. Le leur est le seul à avoir des lumières qui éclairent le sombre terrain vague situé entre les chalets et la route, l'unique voie de sortie de la ville. A côté de celle-ci se trouve une plantation de grands sapins, un endroit favori pour des pique-niques estivaux à l'abri du soleil. Peu de personnes s'y rendent en hiver. Mlle Beamish, qui aime la marche, s'y est risquée une fois, mais le sol était jonché de boîtes de conserve rouillées, de bouteilles cassées, de papiers sales et de sachets en plastique. Elle n'y est plus retournée.

Ce fut une belle soirée. Jake et Merry parlent bien l'espagnol et semblent savoir comment s'y prendre pour mettre chacun à l'aise. Malgré sa timidité, Maria est très intéressée par leur style de vie. Elle est étonnée que leur beau chalet puisse être dans un tel désordre, particulièrement la cuisine. Ni Merry ni Jake ne semblent se soucier beaucoup de la vaisselle ou des rangements.

Jake parvient même à faire parler Grand Pepe sur le sujet de la pêche. Il lui montre quelques dessins de bateaux de pêche dans le petit port de la ville tandis que Merry présente doucement Pepe à Madge.

Tout d'abord, Pepe en a peur. Elle est si grande, si forte et excitée, et ses pattes de géant semblent être partout à la fois. Bien que la salle à manger soit presque aussi grande que le «Café Playa» dans son entier, Madge parvient à la faire paraître petite.

Les chiots se trouvent dans une autre pièce, blottis dans un fouillis de couvertures à même le sol. Merry accompagne Pepe et son père pour les voir, tandis que Madge est enfermée. Ses gémissements de protestation et ses aboiements prouvent qu'elle comprend ce qui se passe et qu'elle n'est pas très contente.

Pepe fixe, dans une admiration silencieuse, cet amas de chiots qui se réveillent et commencent à se détacher les uns des autres. Ils cherchent aveuglément leur mère et font de petits bruits aigus et amusants. Le plaisir illumine son visage. Il n'a encore jamais vu des créatures qui viennent juste de naître. Merry en place un entre ses mains et il le serre contre sa joue.

— Il te plaît? demande-t-elle en souriant.

Il acquiesce d'un signe de tête, sans mot dire.

— Tu vois, dit son père. Qu'est-ce que je t'avais dit? Un tiens vaut mieux que deux tu l'auras! Il est vraiment satisfait.

— Mais ce n'est pas mon setter, répond Pepe, et José ne peut que regarder dans la direction de Merry avec un haussement d'épaules en guise d'excuse.

Mais, tout de même, Pepe a de la peine à lâcher le chiot. Il n'a jamais senti quelque chose d'aussi chaud, d'aussi doux, d'aussi dépendant. Cela lui procure un sentiment tout nouveau. S'il ferme les yeux, cette petite créature pourrait bien être son setter. Est-ce qu'un chiot setter pourrait être aussi douillet et charmant que cette petite chose?

On le laisse seul avec les chiots et il s'assied sur le sol carrelé à côté de leur nid, les caressant chacun à tour de rôle, en admirant leur petit corps parfaitement formé. Ils n'ont pas encore ouvert leurs yeux, bien que Merry ait expliqué qu'ils pourraient le faire d'un moment à l'autre, et leurs oreilles sont encore un peu collées à leur crâne.

Alors qu'il est assis là, surveillant l'ouverture de leurs yeux, une bataille fait rage dans son cœur. Est-ce que son chien doit vraiment être un setter? Supposons qu'un setter ne vienne jamais? Combien de temps devra-t-il attendre avant que le Seigneur réponde à sa prière? Est-ce une faute que d'accepter un de ces chiens? Sa famille n'a pas l'air de le penser...

Il souhaiterait ne jamais avoir été amené ici pour les voir. La tentation d'arrêter de croire que Jésus a entendu et répondra à sa prière est très forte.

A cet instant une volée d'aboiements éclate de la pièce où se trouve Madge. On entend un grand coup contre la porte de la chambre alors qu'elle essaie de rejoindre ses chiots. Elle sait que cela fait déjà longtemps que Pepe est seul avec eux, et elle devient anxieuse. Pepe sursaute. Il laisse presque tomber le chiot qu'il tient et son cœur bat à grands coups. Il se souvient alors à quel point leur mère est forte, grande, carrée, solide et dominante. Non, ce n'est vraiment pas son genre de chien, pas du tout comme un setter. Son setter sera doux et élégant, avec des oreilles et un poil flottant comme la crinière des beaux chevaux qui galopent parfois sur la plage.

Le poil de Madge est aussi dur qu'une brosse — un peu comme les cheveux de son frère lorsqu'il était au service militaire et était revenu à la maison avec le crâne tondu à ras. Tout le monde avait rigolé.

Ces chiots sont doux maintenant, mais un jour leur pelage sera aussi raide et dur que celui de leur mère. Ils ne sont pas pour lui. Et c'est sans regret qu'il dépose le chiot au milieu de ses frères. Il se lève d'un bond et rejoint sa famille. Son cœur est à nouveau en paix.

José invite les Anglais à la petite fête de Noël et tous acceptent de venir, même lile Beamish. Elle n'aime pas Noël. Elle n'a jamais eu quelqu'un avec qui elle aurait pu fêter. C'est uniquement parce qu'ils étaient bien tous ensemble, et parce qu'elle sentait qu'elle leur devait quelque chose pour avoir été gentils avec elle, qu'elle consent à y aller. Mais quelles que soient les raisons pour lesquelles ils ont accepté, les parents de Pepe n'y voient qu'une réponse à leurs prières. Ils rentrent à la maison en louant Dieu, oubliant même de demander à Pepe ce qu'il a décidé.

Chapitre 6

Le petit groupe de croyants se réunit chez la dame aux cheveux bleus, dans une vieille maison andalouse avec des grilles en fer forgé aux fenêtres et des murs épais pour se protéger de la chaleur. Elle a un grand patio garni de plantes, de fleurs et des canaris en cage. Sœur Dolores a consacré une pièce de sa maison pour les réunions. Normalement, il y a environ une douzaine d'adultes et à peu près autant d'enfants. Mais étant donné qu'il s'agit d'une occasion spéciale, on se bouscule dans la pièce, tout comme dans le patio. Les tables ont été recouvertes de nappes blanches. Elles se garnissent au fur et à mesure que les gens arrivent: poisson,

poulet, œufs, salade de pommes de terre, charcuterie de toutes sortes, olives, fromage, des montagnes de chips, des bouteilles de limonades et de vin, ainsi que toutes sortes de gâteaux.

C'est le genre de rencontre qui fait le bonheur des enfants. Lorsqu'ils ne sont pas en train de courir dans le patio, ils ont les yeux sur tout ce qui se trouve sur les tables, attendant avec impatience le moment où l'on rendra grâces à Dieu et où ils pourront commencer à manger. Grand Pepe a préparé un énorme plat d'«ailes d'ange» qui, pour le moment, sont cachées sous un linge blanc. Hormis la famille et Mlle Beamish, personne ne les a jamais goûtées.

En ce qui concerne Mlle Beamish, elle est plutôt étonnée; Jake et Merry aussi d'ailleurs. Ils s'étaient attendus à se retrouver dans la vieille église de la place publique mais certainement pas chez un particulier. Jake en fait part à un des hommes, qui lui explique que les premiers croyants se retrouvaient aussi dans des maisons.

A suivre