Le chien de Pépé (suite)
LE CHIEN DE PEPE
RÉSUMÉ DE L'EPISODE PRECÉDENT
Bien malgré elle, Mlle Beamish a accepté d'aider les parents de Pepe à trouver un setter irlandais. Elle a appelé le consulat britannique, sans succès. Mais, en sortant de la cabine téléphonique, elle rencontre un couple accompagné d'un chien airedale. Contrairement à ses principes, elle les aborde et leur expose son problème. Ils lui promettent de l'aider et elle, de son côté, va essayer de convaincre Pepe d'accepter un chiot airedale.
— S'il veut voir les chiots, amenez-le quand vous voulez, suggère Jake en donnant son adresse à Mlle Beamish, Fière d'elle., Mlle Beamish se rend dès le lendemain matin au «Café Playa». Pepe est à l'école et elle est bientôt entourée du reste de la famille, le livre de chiens ouvert sur la table. Elle veut leur montrer à quoi ressemble un airedale terrier. Ils en discutent rapidement entre eux, beaucoup trop vite pour que Mlle Beamish puisse comprendre. Mais à son grand soulagement, José conclut finalement:
— Pour nous, O.K. Nous aimons. Mais... Il hausse les épaules comme pour s'excuser. Nous d'abord voir ce que Pepe dit.
— S'il voit les chiots, je suis sûre qu'il va tomber amoureux d'eux, insinue Mlle Beamish. Ils vont naître tout prochainement.
Elle ne peut pas imaginer que Pepe soit capable de résister à un chiot quel qu'il soit, pedigree ou non, setter ou non. José hausse une nouvelle fois les épaules.
— Nous verrons, dit-il. Maintenant nous avons une surprise pour vous.
Sur ces paroles, Grand Pepe retourne à la cuisine et Maria va chercher des assiettes et des serviettes. Mlle Beamish se sent défaillir: pourvu qu'ils ne lui apportent pas des escargots, l'une de leurs délicatesses locales favorites! Même au risque de les peiner, elle ne pourrait que refuser. Elle ne peut discerner dans l'expression de José s'il s'attend à ce qu'elle aime ce qui va venir. Si seulement elle pouvait fuir cette famille et n'avoir plus rien à faire avec eux ! Mais c'est trop tard...
Grand Pepe revient avec une grande assiette en équilibre sur son épaule droite. Il la tient bien haut et avec fierté, comme un garçon professionnel. Avec soin, il la dépose au centre de la table. Sur l'assiette, enfouis dans un nid de serviettes en papier, se trouvent des sortes de biscuits, enroulés comme des coquillages à demi ouverts. Ils sont d'une couleur crème pâle et les rebords sont légèrement dorés. Mlle Beamish ne peut retenir un sourire de soulagement.
— Vous, goûter, dit José.
Tous trois la regardent avec impatience tandis qu'elle mord dans un biscuit; la joie illumine leur visage à son air étonné. Ce qui a l'apparence d'une coquille dure et croquante, fond en réalité dans la bouche comme une poudre au goût de miel. Le silence impatient se poursuit jusqu'à ce qu'elle l'ait avalé.
— Mon fils, lui, intelligent, n'est-ce pas ? demande José après avoir insisté pour qu'elle en prenne un deuxième.
Elle comprend alors que cette délicatesse est la propre invention de Grand Pepe. Elle a de la peine à croire qu'il ait pu penser à quelque chose comme cela et ait pu le fabriquer dans la cuisine plutôt primitive du «Café Playa». On la fait se servir une troisième fois avant qu'ils ne se chargent du reste. En quelques instants, il ne reste plus que le nid en désordre et quelques miettes. M"' Beamish se demande si elle n'a pas rêvé ce goût et cette texture... Comment Grand Pepe a- t-il pu faire cela ? C'est son secret qu'il n'entend pas partager. Comme il ne parvient pas à se faire des amis, il passe le plus clair de son temps dans la cuisine où il essaye, avec beaucoup de zèle, toutes sortes de recettes.
— Comment les appelles-tu ? Como tu llamar ? questionne Mlle Beamish en s'étonnant qu'il gaspille un tel talent au «Café Playa».
Grand Pepe n'a pas encore pensé à un nom. Son visage déjà sérieux le devient encore plus pour un instant. Puis il sourit et, timidement, répond en espagnol :
— «Alas de Angel 1»
Lorsqu'elle les quitte, Mlle Beamish a oublié qu'elle aurait souhaité n'avoir jamais été impliquée dans cette famille. Elle rentre chez elle tout à fait satisfaite d'avoir accompli sa mission. Cependant, lorsqu'elle revient pour savoir ce que Pepe pense d'un airedale, ses espoirs sont déçus.
— Moi, avoir setter, dit-il fermement.
— Mais il n'y a pas de setter, explique Mlle Beamish avec un sentiment de mécontentement. Il y a un airedale mais pas de setter.
— Moi avoir setter, répète Pepe.
Mlle Beamish aurait aimé lui demander comment il pouvait être si convaincu, mais elle abandonne, réalisant que rien ne pourrait lui faire changer d'avis.
— Pas de chien pour Noël, dit-elle, se sentant presque satisfaite de le décevoir.
Pepe sourit simplement et serre son livre. (Elle venait juste de lui montrer l'image d'un airedale.)
— Je l'ai, dit-il. Vous voyez.
José n'a pas vraiment compris à quel point Pepe souhaite un setter irlandais. Le désir de son cœur est de donner à son fils ce qui lui ferait le plus plaisir — un chien spécial, un chien de race. Mais pour lui, un chien, c'est un chien. Il est impatient de se décider pour un airedale terrier. «Un tiens vaut mieux que deux tu l'auras» aime-t-il à dire. Toute la famille s'est disputée à ce sujet. José a rappelé à Pepe qu'au début, il voulait une chienne comme dans «Lassie Dog», et un setter n'est pas une chienne comme Lassie.
— Mais elle a aussi un long poil, répond Grand Pepe pour défendre son frère.
— Poil long ou court ? Qu'est- ce que cela peut faire ? demande José.
—Je pense qu'un poil ras est préférable, décide Maria. Les chiens ont facilement des puces et plus le poil est long, plus ils en ont.
— Et comment es-tu sûre de cela ? demande Pepe. D'ailleurs, nous pouvons acheter de la poudre pour les tuer toutes.
— Tu auras besoin de deux fois plus de poudre pour un chien poilu, alors cela coûtera deux fois plus cher !
Pepe sait fort bien à quel point ils doivent économiser. C'est souvent un sujet de prières. Le Seigneur a toujours pourvu mais il ne veut certainement pas qu'ils gaspillent. — Je ne le laisserai pas attraper des puces, rétorque-i-il avec confiance. Je le baignerai tous les jours. Ce sera le chien le plus propre du monde !
— Ce n'est pas qu'une question de puces, c'est une question de possibilités, reprend José. Sa rude vie lui a appris à voir le côté pratique des choses. Lorsque quelque chose est placé entre nos mains, on ne le refuse pas. Comment pouvons- nous dire non alors que la dame anglaise a tant fait pour nous ?
— Peut-être que c'est la réponse de Dieu à ta prière, suggère Grand Pepe. Peut-être que pour Dieu une sorte de chien est tout aussi bonne que l'autre...
Pepe lutte contre cette idée. Il était si convaincu dans son cœur au sujet du setter ! Il lui avait même déjà trouvé un nom. Il l’appellerait «Red» en anglais. Il ne pourrait pas appeler un airedale «Red».
— Nous l'aurons peut-être même pour un prix avantageux, dit Maria. Ces Anglais ont besoin de trouver rapidement des foyers pour les chiots.
En voyant l'air misérable de son fils, elle le serre dans ses bras.
— Une fois qu'il sera à toi, dit-elle tendrement, quelle différence cela fera-t-il si c'est l'un ou l'autre ? Ne l'aimeras-tu pas quand même ?
— Mais vous dites toujours que le Seigneur répond aux prières, même si nous devons parfois attendre.
Un éclat de défi brille dans les yeux sombres de Pepe. Ils n'ont pas l'air de comprendre. Ce n'est pas seulement la question de la race, bien que cela occupe ses pensées jour et nuit. Mais c'est comme s'ils lui disaient qu'il ne peut pas être sûr que Jésus lui accorde ce qu'il a demandé.
— Il ne répond pas toujours comme nous le souhaitons, dit sa mère. Tu as prié pour un chien et la dame anglaise en a trouvé un joli pour toi.
—Je n'ai pas prié pour un chien. J'ai prié pour un setter irlandais.
— Peut-être es-tu juste un peu trop têtu, suggère Grand Pepe. Peut-être est-ce une leçon pour toi.
— Quelle leçon ?
— D'accepter ce que Dieu te donne et pas seulement ce que tu veux toi.
Pepe finit par éclater en pleurs. Il voudrait faire plaisir aux siens, mais ils le bouleversent.
— Mon chien sera un miracle, insiste-t-il lorsque finalement il parvient à parler. Je peux attendre.
Son père regarde son visage mouillé de larmes et ses yeux suppliants.
— Pardonne-moi, fiston, dit-il. Tu as raison. Nous n'avons pas le droit de te priver de ton miracle. Peut-être as-tu plus de foi que nous.
Depuis ce jour, on ne parle plus de l'airedale. Par contre, on commence à faire des projets pour Noël. Une petite fête aura lieu au local de réunion, et chacun pourra inviter quelqu'un.
1 Ailes d'ange
A suivre