Le chien de Pepe
Résumé
Les parents de Pepe, José et Maria, ainsi que le frère aîné, Grand Pepe, aimeraient pouvoir répondre au plus grand désir de Pepe: lui offrir un setter irlandais pour le 6 janvier. Mais ils ne savent comment faire pour y parvenir. Ils décident alors d'en parler à leur cliente anglaise, Mlle Beamish. Peut-être pourra-t-elle les aider? Cependant, elle est totalement prise au dépourvu par cette requête.
— Mais il n'y a plus que deux semaines d'ici Noël, parvient-elle seulement à dire.
— Non, non. Ici c'est le six janvier, dit José, comme si douze jours pouvaient faire toute la différence et rendre sa demande raisonnable.
— Pas impossible, est la réponse optimiste de José. Vous, essayer.
Elle réalise alors qu'il n'y a pas moyen de le convaincre. Il a déjà décidé. Avant, il faisait des plans pour trouver un bâtard pour Pepe. Maintenant, il faut que ce soit un setter irlandais. Toute cette affaire est ridicule. Qu'attend-il d'elle? Elle voudrait être en colère. Ils n'ont aucun droit de l'impliquer dans leurs problèmes. Mais alors qu'elle s'efforce de penser à une façon simple d'expliquer cela, José continue:
— Je sais que c'est cher. Bon chien. Pas... vous savez. Pas...
Il utilise ses mains de manière si expressive en montrant des tailles et des formes tout ensemble que Mlle Beamish devine bientôt ce qu'il essaie de dire.
— Bâtard? dit-elle pour lui venir en aide.
Dans l'embrasure de la porte, Maria éclate de rire.
— Vous ne pourriez pas simplement lui donner un bâtard? plaide Mlle Beamish.
José secoue la tête négativement.
— Il veut ce chien. Chien spécial. Vous comprenez?
Il sort une liasse de billets de banque de sa poche et les pousse dans sa direction. Mlle Beamish hoche la tête.
— Je ne sais pas combien cela va coûter. Je ne pense pas que ce soit possible. S'il vous plaît... Por favor...
— Vous, essayer. Vous, faire, encourage José avec le même sourire séduisant que Pepe utilise si souvent. Vous dame intelligente.
Même Mile Beamish ne peut s'empêcher de sourire devant une telle affirmation, et alors ils se mettent tous à rire. C'est si ridicule et pourtant elle sait sans pouvoir l'expliquer, qu'ils ont réussi à la persuader — tout au moins essayé. A ce moment Grand Pepe apparaît derrière sa mère.
— Viens ici. Approche-toi! Approche-toi! crie José en désignant la chaise vide. C'est mon fils aussi, explique-t-il fièrement à Mlle Beamish. Vous ne saviez pas?
Comment pourrait-elle savoir? Grand Pepe est très timide. Il préfère rester dans la cuisine que de servir et de parler aux clients. Hormis le fait qu'il dépasse son père d'une tête, Grand Pepe et José se ressemblent. Ils ont le même nez fin, les yeux brun clair et des sourcils droits. Il est très différent de son frère. Il serre la main de Mile Beamish cérémonieusement. Ils sont aussi intimidés l'un que l'autre. Finalement, Maria trouve le courage de s'approcher, bien qu'elle ne s'asseye pas. C'est une occasion très spéciale et palpitante pour eux. Le coeur de Mlle Beamish lui fait défaut. Elle ne croit pas aux miracles. Elle ne croit même pas en Dieu.
Chapitre 4
Mlle Beamish retourne chez elle, dans sa petite maison, très irritée. Comment cette famille du «Café Playa» a-t-elle réussi à l'impliquer dans le monde fantaisiste de Pepe? Encore pire, comment s'est-elle laissée prendre? Durant toute sa vie, elle a réussi à garder ses distances et elle est trop âgée pour changer. Mais elle se vante aussi d'être une personne qui tient ses promesses, qui n'échoue pas lorsqu'elle décide de faire quelque chose. Après avoir préparé son repas, mangé et fait la vaisselle, elle a une bonne idée. En tant que Britannique à l'étranger, lorsqu'on a un problème, le plus sage et la meilleure chose à faire est de contacter le consulat britannique. Elle décide donc d'écrire une lettre en demandant s'ils pourraient lui dire comment elle doit s'y prendre pour acheter un setter irlandais en Espagne. Puis elle essaie d'évaluer le temps que la lettre mettra pour parvenir à destination. Si elle arrive juste avant Noël, d'ici qu'ils répondent, ce sera trop tard pour «les Rois». Finalement, elle décide de téléphoner au consulat. Au moins, obtiendra-t-elle une réponse immédiate. Mlle Beamish n'a pas le téléphone. Il n'y a personne à qui elle ait besoin de parler, ni qui que ce soit qui pourrait bien l'appeler. Le lendemain matin, elle se rend donc à «La Telefonica» qui se trouve sur la place principale, à côté de la boulangerie.
Dans chacune des deux cabines vitrées il y a un téléphone posé sur une étagère et un tabouret noir. Une standardiste se trouve derrière un comptoir. On lui dicte le numéro de téléphone et elle fait l'appel. Puis elle vous indique l'une des deux cabines, où l'on se trouve connecté. Enfin elle vous donne le coût de la communication. C'est plutôt démodé, mais cela fonctionne bien.
L'appel de Mile Beamish n'est pas satisfaisant. Une voix lui suggère poliment de regarder dans les pages jaunes ou dans les journaux. Le Consulat britannique ne possède pas une liste d'éleveurs de chiens, mais s'ils trouvent quelques informations utiles dans leurs archives, ils les lui enverront.
Mlle Beamish soupire et règle sa communication. Elle est sur le point de sortir, lorsqu'un jeune homme aux cheveux longs attachés lâchement sur la nuque, entre. Mue Beamish sent instinctivement qu'il est anglais. Elle jette un coup d'oeil en arrière et manque de trébucher sur un chien qui attend juste derrière la porte.
— Je suis vraiment désolée, s'exclame la jeune femme qui s'efforce d'empêcher le chien de suivre son maître.
Si elle n'avait pas tenu un énorme airedale terrier, Mme Beamish lui aurait fait un signe de tête et se serait éloignée. Elle a délibérément choisi de vivre loin de tous les endroits où les Anglais se trouvent; elle veut qu'on la laisse tranquille.
Seul le chien lui fait ignorer cette barrière qu’elle s’est imposée. Si seulement c'était un setter irlandais, mais cela aurait été trop demander! Cependant, c'est ce qui se rapproche le plus de ce qu'elle cherche — une épingle dans une meule de foin. Aussi, nerveusement mais avec une détermination qui affleure le désespoir, Mlle Beamish s'entend dire:
— Je me demande si vous pourriez m'aider...
De l'autre côté de la rue, il y a un café entouré d'orangers. Là, sur la terrasse, Mlle Beamish, un peu crispée, raconte son histoire à ce couple à l'aspect hippie, Jake et Merry. Ils sont très intéressés par le récit de Mue Beamish, mais ils n'ont bien sûr aucune idée où l'on pourrait trouver un setter irlandais.
— Faut-il absolument que ce soit un setter? demande Jake en repoussant de longues mèches frisées qui lui tombent sur le visage. Est-ce qu'un airedale ne ferait pas l'affaire? Madge va avoir des petits sous peu et il nous faudra trouver des foyers pour eux.
A la mention de son nom, Madge se lève en renversant presque la table. Mlle Beamish l'observe plutôt nerveusement. C'est un si gros chien!
— Ce sont des chiens de race et, si nous pouvons, nous allons les faire enregistrer en Angleterre, dit Merry, qui s'empresse de raconter leur histoire.
Jake est artiste et Merry enseigne l'anglais. Ils vivent en Espagne depuis plusieurs années et un ami leur a prêté un chalet sur la côte pour la période de Noël. Ce n'est qu'à un kilomètre de la plage, en face de la forêt de pins. Ils étaient à peine installés dans leur chalet lorsque Merry a dû retourner d'urgence en Angleterre, son père venant d'avoir une crise cardiaque. Il vit seul avec sa chienne. Pensant mourir sous peu, il lui avait fait promettre d'en prendre soin.
—Je ne pouvais pas dire non, n'est-ce pas? plaide-t-elIe . Aussi l'ai-je ramenée avec moi. Papa ne m'a pas dit qu'elle allait avoir des chiots. C'est seulement après avoir obtenu le certificat du vétérinaire pour l'amener ici que je m'en suis rendu compte. Je me suis affolée! Bien que Papa aille mieux, il n'est pas encore assez bien pour s'occuper de sa chienne. C'est pourquoi elle est ici.
Jake se mêle à la conversation.
— Le vétérinaire nous a dit qu'il y a un bon marché pour les chiens de race et nous essayons d'en savoir plus. Je viens juste de me renseigner par téléphone à ce sujet.
— Pauvre Madge! s'exclame Merry. Elle est si instable en ce moment! Nous espérons qu'elle va se calmer avant la naissance. Ce devrait être une période calme, ne pensez-vous pas?
Mlle Beamish doit admettre qu'elle ne sait rien sur ce sujet. Vers la fin de la conversation, elle accepte de tout faire pour persuader Pepe d'avoir un airedale au lieu d'un setter irlandais. De leur côté, Merry et Jake vont essayer de voir s'il est possible d'obtenir un setter.
à suivre