Le jardin de l'arc-en-ciel (suite)

Habituée au confort, Elaine recule devant l'aspect défraîchi de sa nouvelle chambre. Même les attentions touchantes — ours, jacinthe, dessin, sucettes — ne touchent pas son cœur fermé. Elaine fait connaissance de Mr. Owen, le père de famille.

— Daddy, coupa Janine sans attendre la réponse, je serai peut-être dans l'équipe des moins de douze ans pour le volley-ball; crois-tu que ce serait possible de mettre un poteau dans le jardin, pour que je puisse m'exercer?

— Puis-je Daddy? reprit Philip.

— Daddy, Daddy, clama Johnny, en proie à un souvenir subit, et raidi d'excitation, nous étions sur le pont quand le train a passé dessous, et toute la fumée nous a enveloppés.

— Crois-tu que c'est possible, Daddy? persista Janine.

— J'ai vu deux bébés agneaux dans le pré, et je les ai entendus pleurer, fit Francie dans un souffle qui parvint aux oreilles de son père par-dessus ce tintamarre.

Elle lui sourit avec ravissement, certaine que ce petit brin de nouvelle était le plus sensationnel de tout. Il lui sourit en retour, comprenant la douceur de ce premier signe du printemps pour une fillette de cinq ans.

— Puis-je, Daddy? insista Philip. (Il était un garçon très persévérant; je le découvris par la suite.)

— Pourrais-je, Daddy? dit Janine au même moment.

— Eh bien! oui, je suppose, fit paisiblement Mr. Owen. Il y a un vieux poteau au garage, Jan, on peut le fixer avec un fil de fer, et je verrai si je trouve une caisse et du treillis pour tes lapins, Philip. Et toi, Elaine, joues-tu au ballon?

— J'ai joué quelquefois à l'école, bredouillai-je, désirant qu'on me laisse tranquille.

Je me sentais terriblement méfiante à l'égard de ces enfants si confiants, et j'aurais voulu que Janine ne soit pas si enthousiaste de son ballon. Je n'avais jamais beaucoup aimé les jeux. Pendant les vacances je restais à la maison ou j'allais dans les magasins avec ma mère. Quand aurais-je appris à courir, à sauter et à jouer?

Je n'aimais pas non plus le pâté aux pommes de terre. Il était trop nourrissant et je voulais aller chez moi. Des larmes remplissaient mes yeux et elles seraient tombées si je n'avais alors remarqué que Francie m'observait à la dérobée, ses traits sans beauté illuminés d'une animation contenue.

À suivre