L'heure de la décision

Pourchassé par Saül qui cherche à le faire mourir, David doit se cacher. Son ami Jonathan ne l'a pas rejoint dans son exil. Mais il essaie une dernière fois de raisonner son père lors d'un repas. Saül s'emporte et Jonathan s'en va dans une ardente colère (1 Sam. 20, 34).

Jonathan a perdu ses dernières illusions. Son départ de la salle est une rupture ouverte avec son père, et celui qui lirait cette scène pour la première fois pourrait se demander: Que va-t-il se passer? Saül persécutera-t-il aussi son fils Jonathan? Allons-nous voir dorénavant Jonathan aux côtés de David? C'est réellement un tournant dans sa vie: il est à l'heure de la décision et sa vie en dépendra.

Il sort vers David aux champs. Tous deux réalisent en ce moment que cette entrevue sera peut-être la dernière. David connaîtra désormais la vie d'un exilé. Et quand il tombe, la face contre terre, et se prosterne par trois fois, ne montre-t-il pas qu'il se soumet entièrement aux voies mystérieuses de Dieu à son égard? Dans notre esprit surgit l'image d'un plus grand que lui, du vrai David, qui, dans le jardin de Gethsémané, tombe sur sa face en disant au Père: «Que ta volonté soit faite», et prie par trois fois, disant les mêmes paroles. Lorsque David, faible image de Christ, va s'engager dans son chemin de souffrance, il éprouve dans son âme l'amertume de l'abandon, de l'isolement; il pressent les angoisses qui l'attendent. «Ils pleurèrent l'un avec l'autre, jusqu'à ce que les pleurs de David devinrent excessifs» (v. 41). Et nous ne risquons guère de nous tromper en supposant que la raison de cette si grande douleur est dans le fait qu'il devra suivre ce chemin de rejet seul, sans son ami Jonathan.

Pour Jonathan, l'heure de la décision devient l'heure de la séparation. Quelle déception quand nous l'entendons dire à David: «Va en paix, selon que nous avons juré... Et David se leva et s'en alla; et Jonathan entra dans la ville» (v. 42, 43). Est-ce bien là le même Jonathan, qui s'était dépouillé de tout pour en revêtir son ami et l'avait défendu auprès de son père au péril de sa vie? Il a atteint ici la limite du dévouement dont il est capable. Il ne réalise pas quel privilège ce serait de partager les souffrances et le rejet du futur roi. Une chose lui manque: il n'est pas prêt à quitter père, famille ou maison, pour s'associer à un David méprisé. Sans doute, sa position à la cour et son respect pour son père rendaient une telle décision bien difficile — et nous nous garderons de le juger trop rapidement — mais il est évident qu'une foi plus réelle et plus profonde l'aurait fait agir différemment.

«David partit de là, et se sauva dans la caverne d'Adullam» (22, 1). Là, Dieu lui envoya quatre cents compagnons qui désiraient partager son rejet. Que de fois David, de son lieu fort, aura regardé vers ceux qui venaient chercher refuge auprès de lui, espérant voir Jonathan parmi eux! Combien son absence a dû le peiner! Sans doute, Jonathan ne l'a pas oublié complètement; il connaissait même sa retraite cachée dans le désert de Ziph.

Bravant la colère de son père, il vint lui dire: «Ne crains pas, car la main de Saül, mon père, ne te trouvera pas; et tu régneras sur Israël, et moi, je serai le second après toi» (23, 17). Cette affirmation était vraisemblablement conforme à la pensée de Dieu... si toutefois Jonathan s'était associé à David rejeté. Mais ici encore, «David demeura dans le bois, et Jonathan s'en alla à sa maison». Pauvre Jonathan, au lieu d'être le second après David sur le trône, il sera le premier dans le terrible jugement que Dieu va faire tomber sur son père (31, 2) !

Pourtant le profond attachement de Jonathan était indiscutable. Mais il n'a pas suivi David jusqu'au bout et a été entraîné avec son père Saül dans la ruine. Une chose lui manquait, et son histoire nous prouve qu'il ne suffit pas d'un amour vrai et sincère pour la personne de Christ pour l'honorer jusqu'à la fin de notre course. Cette constatation troublante doit nous faire beaucoup réfléchir à la solennelle leçon que Dieu nous donne par la vie de Jonathan. Nous aimerions tant que son histoire s'arrête à l'épisode de 1 Samuel 18! Mais, pour notre instruction, Dieu ne nous révèle pas seulement les premiers actes de ses serviteurs, mais aussi les derniers.

Chers amis, quel avertissement que la fin de l'histoire de Jonathan! Il a été placé, comme nous le sommes souvent, devant un choix à faire. Malgré son affection réelle pour David, il a mal choisi. Nombreuses sont les décisions qui modifient complètement le cours de notre vie! Sommes-nous prêts à suivre Christ coûte que coûte? Pour ceux qui auraient tendance à glisser vers le monde, rappelons avec tristesse les paroles douloureuses du Seigneur à ses apôtres: «Et vous, voulez-vous aussi vous en aller?» (Jean 6, 67). Le prophète Jérémie n'a-t-il pas lancé cet appel touchant: «Reviens, Israël l'infi­dèle, dit l'Eternel; je ne ferai pas peser sur vous un visage irrité, car je suis bon, dit l'Eternel; je ne garderai pas ma colère à toujours. Seulement, reconnais ton iniquité» (3, 12)?