L'heure de la décision
Le récit de l'amitié qui unissait David et Jonathan est un des plus émouvants de la Parole de Dieu. C'est une amitié pure, noble et sans aucun égoïsme. Et pourtant, sans qu'il y ait eu entre eux la moindre dispute, leurs relations se sont détériorées graduellement et leurs chemins se sont séparés. Par ce récit, Dieu veut nous enseigner une leçon profitable. L'amour de Jonathan pour David est une image de l'attachement du croyant à Christ, qui peut diminuer dangereusement, au point de l'éloigner complètement de lui. Le Seigneur attache un grand prix à notre affection, et il est sensible à tout déclin dans notre amour. Voilà pourquoi l'histoire de Jonathan est si instructive pour nous.
Examinons d'un peu plus près la première et la dernière entrevue des deux jeunes gens (1 Sam. 18 et 20). Au chapitre 17, le jeune David vient de remporter une victoire éclatante sur le géant Goliath. Après quarante jours d'humiliation et de tension, pendant lesquels le Philistin de plus de trois mètres s'est présenté sur la ligne de bataille matin et soir (v. 16), c'est l'explosion de joie, les cris de victoire, la défaite des Philistins (v. 52). Au moment où le glorieux vainqueur paraît devant Saül et Jonathan, le fils du roi contemple avec admiration ce jeune berger qui porte les trophées de sa victoire, la tête et les armes de Goliath. Il est attiré par la personne et la beauté morale de David plus encore que par son triomphe. «L'âme de Jonathan se lia à l'âme de David; et Jonathan l'aima comme son âme» (18, 1). Le fils du roi, qui avait peu auparavant remporté par la foi une grande victoire dans la lutte contre les Philistins (chap. 14), n'éprouve aucun sentiment d'envie ou d'amertume en se voyant brusquement dépassé dans la faveur du peuple; au contraire, il réalise son néant et se dépouille de ce qu'il possède pour l'offrir en hommage au vainqueur: sa robe, ses vêtements, son épée, son arc et sa ceinture. Spectacle étrange! Le simple berger, déjà oint secrètement par Samuel comme roi (16, 13), est ici revêtu de tous les symboles royaux.
Jonathan n'est-il pas une belle figure du croyant qui, réalisant la grandeur de la victoire du Seigneur sur la puissance de Satan à la croix, s'attache à la personne de son Sauveur? Des liens intimes, une affection et une communion profondes naissent de la contemplation de ses gloires variées, de ses perfections infinies. Comme on voudrait voir beaucoup de jeunes chrétiens s'attacher au Seigneur de tout leur cœur (Actes 11, 23), dès leur conversion, avec le même enthousiasme, la même ardeur, qu'un Jonathan dont l'âme se lie à celle de David! Qui oserait mettre en doute la sincérité et la profondeur de cette affection réciproque? Elle a été un baume pour David au milieu de ses afflictions, et quand il a appris la mort de Jonathan sur la montagne de Guilboa, il a prononcé une complainte aux accents déchirants. «Je suis dans l'angoisse à cause de toi, Jonathan, mon frère! Tu étais pour moi plein de charmes; ton amour pour moi était merveilleux» (2 Sam. 1, 26).
La première histoire de Jonathan est un exemple magnifique; la dernière, au chapitre 20, est profondément affligeante. Sans doute, dans les chapitres intermédiaires (18 et 19), il a essayé à plusieurs reprises d'intervenir auprès de son père comme médiateur. Quand David s'écrie: «Qu'ai-je fait? Quelle est mon iniquité, et quel est mon péché devant ton père, qu'il cherche ma vie?... Il n'y a qu'un pas entre moi et la mort!» (20, 1, 3), Jonathan, aveuglé par son affection naturelle pour son père, n'est pas aussi alarmé. Il promet cependant de sonder Saül (v. 12), afin de connaître ses intentions et d'en informer David. Il semble toujours compter sur la possibilité d'un revirement chez son père; il n'a pas encore réalisé la ruine totale de la chair. Au cours du repas de la nouvelle lune, Saül demande: «Pourquoi le fils d'Isaï n'est-il venu au repas ni hier ni aujourd'hui?» (y. 27). Jonathan répond calmement à la question, mais le roi, incapable de se contenir plus longtemps, injurie et son fils et sa propre épouse: «Fils de la femme perverse et rebelle... tu as choisi le fils d'Isaï à ta honte» (v. 30). Et lorsque Jonathan a le courage de prendre ouvertement parti pour David en disant: «Pourquoi serait-il mis à mort? Qu'a-t-il fait?» (y. 32), Saül jette sa lance contre lui pour le frapper. La Parole ajoute que «Jonathan se leva de table dans une ardente colère... car il était affligé à cause de David, parce que son père l'avait outragé» (v. 34). Jamais Jonathan n'a été aussi grand, aussi noble que dans ce moment pathétique, où il prend la défense de David méprisé! Il ne mentionne pas l'injure faite à lui-même et à sa mère, mais il bondit sous l'outrage fait à David. Quelle leçon aussi pour nous, qui sommes souvent bien plus disposés à revendiquer nos droits que ceux du Seigneur, qui sommes profondément vexés ou offensés par la moindre injure personnelle, mais qui supportons que l'on traîne dans la boue le nom et les droits du Seigneur. L'ardente colère de Jonathan en présence de l'endurcissement de son père était selon Dieu (comparer aussi avec celle de Moïse en Exode 11, 8 et celle du Seigneur en Marc 3, 5).
À suivre
