Des pas dans la nuit

Bien des mois se sont écoulés depuis le départ du maître du domaine et seul l'esclave Fidélis semble encore attendre son retour.

Un jour, on annonça que l'intendant invitait tout le monde à un banquet dans la grande salle. Peut-être, pensa Fidélis, l'intendant annoncera-t-il le retour du maître. Il arriva au banquet les yeux brillants d'espoir et d'excitation.

Il regarda autour de lui avec stupéfaction. Les tables à tréteaux étaient surchargées de victuailles. Deux moutons du troupeau de son maître avaient été abattus et apprêtés en ragoût qu'on avait fait mijoter dans du miel. Ils trônaient au milieu d'un amoncellement de sucreries et autres confiseries qui avaient visiblement été confectionnées à partir d'ingrédients puisés dans les réserves du maître. Alors l'intendant se leva et frappa sur la table. Au milieu d'un silence de mort, il annonça qu'il avait reçu des nouvelles concernant le décès du maître et qu'à partir de ce jour, c'était lui le nouveau maître des lieux.

A ces mots, Fidélis sortit en hâte de la salle, courut à sa paillasse à proximité de la porte d'entrée et versa toutes les larmes de son corps. Le tapage qui provenait de la grande salle augmentait au fur et à mesure que la nuit avançait; mais Fidélis resta couché par terre dans la plus grande tristesse, essayant de penser à ce qu'il allait faire, car jamais, au grand jamais, il ne voulait appartenir au nouveau maître.

Soudain, le gros chien à côté de lui se raidit et celui qui était à ses pieds grogna et leva la tête. Fidélis s'assit et écouta, mais il ne put entendre que les éclats de rire d'hommes ivres s'élevant de la grande salle. Alors les chiens se mirent à aboyer éperdument. Fidélis essaya de les retenir mais ils s'élancèrent comme des éclairs et bondirent sur la silhouette élancée qu'ils connaissaient si bien. Alors Fidélis n'eut plus l'ombre d'un doute. Il courut à sa rencontre et regarda son maître, le cœur trop ému pour parler.

— Couché! ordonna le maître. Allons du calme! Et les chiens s'allongèrent en agitant joyeusement leur queue. Puis le maître observa le visage blanc et ravagé de larmes tendu vers le sien et il sut que quelque chose n'allait vraiment pas!

─ Mais, Fidélis, dit-il gentiment, n'y a-t-il que toi pour m'accueillir à mon retour? Où sont les autres serviteurs? Quel est ce vacarme, et pourquoi y a-t-il de la lumière dans la grande salle à manger?

─ Ils ont organisé un banquet, maître, murmura Fidélis. Ils te croyaient mort...

Et il cacha son visage dans ses mains. Quand le maître reprit la parole, sa voix était triste et grave:

─ Comment se fait-il, mon garçon, que tu sois le seul à ne pas participer au banquet?

Alors Fidélis retrouva l'usage de la parole et vida son cœur:

─ N'as-tu pas payé un grand prix pour moi, maître, et ne suis-je pas ton serviteur pour toujours? Et n'as-tu pas promis de revenir? Comment aurais-je pu promettre fidélité à un autre?

─ Pas un serviteur, Fidélis, mais un fils pour toujours, dit le maître. Viens, et entrons...

Le mal règne dans le monde, et les hommes ont oublié que Jésus a promis de revenir. Pourtant, il tient promesse. En tant que chrétiens, nous devons être aussi zélés et persévérants au travail que si Christ devait revenir aujourd'hui même!