Un esprit brisé

«Les sacrifices de Dieu saut un esprit brisé»(Ps. 51, 17).

Brisé: quel mot désagréable et négatif! Que fait-on d'un objet cassé? On le jette ou, s'il est réparé, il en garde toujours une trace. Et pourtant c'est justement ce que Dieu demande à l'homme, avant tout sacrifice, effort ou bonne œuvre: un esprit brisé, une volonté brisée pour mettre la sienne à la place. Pourquoi? Parce que la volonté de l'homme est la seule chose dans sa création dont Dieu ne puisse rien faire. Par le péché, elle a été irrémédiablement corrompue1.

1 Corrompre: gâter, souiller, altérer une chose.

L'Éternel invite Jérémie à descendre dans la maison du potier pour lui montrer l'artisan faisant unvase (Jér. 18, 1-6). Le vase est ensuite gâté et le potier recommence son ouvrage comme il lui plaît. Cette parabole s'applique à Israël; toutefois nous pouvons y voir aussi une allusion à la création de l'homme gâtée par le péché. Il a alors fallu une nouvelle création — Christ et ceux qui sont en lui (2 Cor. 5, 17) — qui soit conforme à la volonté de son Créateur: «comme il plut aux yeux du potier de le faire». Dieu a pu dire de son Fils bien-aimé, le Seigneur Jésus: «En toi j'ai trouvé mon plaisir» (Marc 1, 11).

Nulle part la perfection de l'obéissance du Seigneur n'a brillé comme à Gethsémané (Marc 14, 32-36). Pour la première fois dans la vie de Celui qui avait dit: «Je suis descendu du ciel, non pour faire ma volonté, mais la volonté de celui qui m'a envoyé» (Jean 6, 38), une divergence paraît surgir entre la pensée du Père et la sienne. Si cela avait été possible, la volonté personnelle de Christ était de n'avoir rien à faire avec le péché et de ne pas voir s'interrompre la communion qui l'unissait continuellement à son Père. Mais la volonté de Dieu, qui voulait nous sauver, fut alors présentée au Sauveur comme une coupe amère1: dans l'angoisse du combat, il l'accepta. Il l'accepta de la main même de son Père, c'est-à-dire sans mettre en question que cela vienne de lui, sans douter de son amour, de sa sagesse, de sa fidélité. Quant à nous, combien de fois, lorsque nous nous soumettons, n'en reste-t-il pas de l'aigreur, de l'amertume!

1 Celte coupe symbolise les souffrances du Sauveur sous le jugement de Dieu cause de nos péchés.

Exerçons-nous à découvrir en nous toutes les manifestations de cette volonté mauvaise. Comment le faire enpratique? Recherchons d'abord avec droiture et      prière quels sont les désirs les plus secrets de notre cœur. Posons‑nous ensuite la question: «Suis-je prêt à renoncer à cet objet, à ce projet? Suis-je disposé à abandonner mes droits, mon point de vue?» Puis donnons sans réserve au Seigneur, la même réponse qu'il fit à son Père: «Non pas ce que je veux, moi, mais ce que tu veux, toi!» (Marc 14, 36), Alors il nous laissera peut-être ce à quoi nous avions renoncé pour lui. Mais nous en disposerons d'une autre manière: pour son service et avec un esprit brisé.

Si au contraire nous ne cédons pas, nous serons d'abord malheureux dans notre conscience; ensuite nous obligerons Dieu à intervenir d'une façon extérieure et douloureuse. Quand un croyant est arrêté par une maladie, un échec ou toute autre chose, ce n'est pas son corps que Dieu veut briser, ni son cœur; c'est sa volonté rebelle.

Epreuves, portes fermées, personnes placées près de nous pour éprouver notre patience, déceptions diverses dans notre vie de croyant, toutes ces choses n'ont en général pas d'autre but. Ce ne sont pas, comme nous les considérons souvent, des obstacles. L'obstacle se trouve en nous, c'est notre volonté. La Parole nous la présente sous des noms divers: la chair, le vieil homme, le moi... Et le travail qui correspond au brisement est appelé selon le cas: affranchissement, jugement de la chair, mort à soi-même (parce qu'un mort n'a plus de volonté).

Il ne faut pas confondre cette volonté propre de l'homme avec l'énergie ou la force de volonté: le chrétien ne doit pas être passif ou amorphe! L'énergie, comme toutes nos capacités (mémoire, intelligence, santé), n'est qu'un outil entre les mains de celui qui l'utilise. Mise au service du Seigneur, elle devient une chose très précieuse. Entraînons-nous à l'endurance et à l'effort, à une époque où la force de caractère est une qualité de plus en plus rare parmi la jeunesse! Les facilités de la vie moderne diluent l'énergie; nous ne sommes plus habitués à faire ce qui nous coûte, ce qui ne nous plaît pas. Et si nous ne l'apprenons pas tôt ou tard, nous ne serons jamais de bons soldats de Jésus Christ.

Souviens-toi des cruchesdes trois cents hommes forts de Gédéon qui devaient être cassées pour que la flamme des torches devienne visible. La Bible nous compare à des vases de terre, qui doivent être brisés pour que le trésor qu'ils renferment, Christ et sa vie en nous, soit manifesté et puisse être vu de tous. Sous quelle forme se manifeste-t-il alors? Eh bien, selon les deux caractères essentiels de Dieu: la lumière (comme les torches de Gédéon), et l'amour, que nous voyons dans le geste inoubliable de Marie, répandant sur les pieds du Seigneur «le parfum pur et sans mélange d'un vase d'albâtre brisé».