Christ et l'Antichrist (Ésaïe 22: 15-25)

A. Remmers

«Et je mettrai la clef de la maison de David sur son épaule; et il ouvrira, et personne ne fermera; et il fermera, et personne n'ouvrira» (verset 22).

Le passage qui est devant nous forme une sorte d'appendice à «l'oracle touchant le désert de la mer», qui décrit le jugement de Babylone (21: 1-10), ainsi qu'à «l'oracle touchant la vallée de vision» dans lequel est annoncé le jugement sur Jérusalem par l'Assyrien (22: 1-14). Plusieurs prophéties de ces chapitres ont déjà trouvé un accomplissement partiel dans le passé; mais l'ordre dans lequel elles sont données nous amène à conclure qu'il ne s'agit pas ici, en première ligne, d'événements autrefois imminents, mais bien d'événements qui auront leur accomplissement après l'enlèvement des croyants au ciel. En contraste avec ce qui s'est passé autrefois, il y aura d'abord le jugement de Babylone, puis seulement ensuite viendra le châtiment de Jérusalem par la première attaque de l'Assyrien.

Ainsi que nous le savons par d'autres passages de la parole de Dieu, l'Antichrist, le faux roi à Jérusalem, doit être éliminé et être remplacé par Christ, le Roi des rois. Cet événement est représenté ici au moyen de Shebna et d'Eliakim. Par ce qui arrive à ces deux hommes haut placés à la cour du roi Ézéchias, nous avons devant nous une image prophétique pour les derniers jours. On trouve plusieurs fois cela dans l'Ancien Testament, par exemple avec Saül et David, ou avec Haman et Mardochée.

Shebna

Shebna est présenté ici comme «intendant» «établi sur la maison» du roi. C'était une position de grande importance, comme le montre l'exemple de Jotham, fils d'Ozias, établi «chef de la maison du roi» et jugeant le peuple du pays (2 Chroniques 26: 21). Le fait que le nom du père de Shebna ne soit pas mentionné nous incite à penser que cet homme était parvenu à une haute position alors qu'il était d'une descendance très humble ou étrangère. Il n'est rien dit non plus dans la Parole au sujet de l'origine de l'Antichrist. Nous savons que ce sera un Juif qui «n'aura point égard au Dieu de ses pères» (Daniel 11: 37), mais il ne nous est donné aucune précision sur son ascendance.

Ésaïe reçoit l'ordre du «Seigneur, l'Éternel des armées», d'aller «auprès de cet intendant, auprès de Shebna» et de lui demander: «Qu'as-tu ici, et qui as-tu ici, que tu te creuses un sépulcre ici?» (versets 15, 16). Shebna n'avait manifestement aucune relation avec Jérusalem et Juda, la ville et le peuple de Dieu; mais il voulait se faire un nom et assurer sa mémoire jusque dans un avenir lointain en se faisant creuser un sépulcre coûteux dans un rocher élevé. C'était le symbole d'un orgueil qui, dans un jour futur, aura son paroxysme dans «l'homme de péché», «le fils de perdition» (cf. Daniel 11: 36, 37; 2 Thessaloniciens 2: 3, 4). De plus, un sépulcre parle de mort et non de vie.

Toutefois, le Seigneur «enroulera en pelote» avec mépris cet homme orgueilleux, et le «roulera comme une boule dans un pays spacieux». Lui qui était un opprobre pour la maison de son Seigneur sera renversé de sa haute position et envoyé en exil (verset 19). Là, il devra mourir sans obsèques grandioses et sans sépulcre somptueux. On peut comprendre la portée de cette sentence si on sait la grande importance d'un ensevelissement de classe en ce temps-là (versets 17, 18; cf. 14: 15-20). Bien plus terrible encore sera la part de l'Antichrist, le faux prophète: il sera pris avec la bête, le chef de l'empire romain, et tous deux seront «jetés vifs dans l'étang de feu embrasé par le soufre» (Apocalypse 19: 20).

Eliakim

A la place de l'infidèle et orgueilleux Shebna, le Seigneur, «en ce jour-là», appellera son serviteur Eliakim, fils de Hilkija (Eliakim signifie: «Dieu rétablit»; cf. 49: 6). Si quelqu'un, jusqu'ici, n'avait pas vu clairement le rapport avec les temps de la fin, ce rapport lui paraîtra dès maintenant de plus en plus clair. Avec l'expression «en ce jour-là», Ésaïe veut presque toujours parler du temps à venir dans lequel Dieu se tournera de nouveau vers son peuple, d'abord en jugement, et finalement en grâce (cf. 2: 11, 17, 20; 3: 7, 18; 4: 1, 2;…). Ensuite, l'Éternel nomme Eliakim «mon serviteur»: il emploie ainsi un nom que nous rencontrons à plusieurs reprises comme titre du Messie dans la seconde grande division du livre (cf. 42: 1; Matthieu 12: 18). Enfin, c'est l'Éternel lui-même qui fera approcher cet homme qu'il connaît déjà comme son fidèle serviteur (verset 20; cf. 2 Rois 18: 18).

En premier lieu, il le revêtira de la tunique et de la ceinture de Shebna, que celui-ci avait portées à tort. Ces vêtements étaient les symboles de la dignité des personnes haut placées et des sacrificateurs (cf. Lévitique 8: 13). Il est expressément parlé du port de la ceinture; celle-ci est déjà mentionnée au chapitre 11(verset 5) comme marque distinctive du Messie (cf. Apocalypse 1: 13). Ensuite l'Éternel lui confiera le gouvernement exercé jusqu'ici par Shebna (cf. 9: 6). Ainsi Eliakim dispensera une protection paternelle aux habitants de Jérusalem et à la maison de Juda (verset 21; cf. Genèse 45: 8).

Mais cela n'est pas tout. Dieu mettra «la clef de la maison de David sur son épaule; et il ouvrira, et personne ne fermera; et il fermera, et personne n'ouvrira» (verset 22). C'est presque avec les mêmes paroles que le Seigneur Jésus se présente dans la lettre prophétique adressée à l'assemblée à Philadelphie (Apocalypse 3: 7; cf. Apocalypse 1: 18). Ce qui est dit ici d'Eliakim s'applique en fin de compte à Christ qui est «le saint» et «le véritable», aussi bien dans le temps de la grâce que durant le règne millénaire. La «clef (de la maison) de David» est le symbole de son juste pouvoir de décision comme Fils de David dans le règne millénaire, pouvoir auquel personne ne peut résister. Dieu lui a donné toute autorité dans le ciel et sur la terre (Matthieu 28: 18). Lui seul décide qui peut entrer dans les bénédictions que Dieu a préparées dès la fondation du monde (cf. Matthieu 25: 31-46).

En même temps, il sera comme «un clou» fixé «dans un lieu sûr» et «un trône de gloire pour la maison de son père», la maison de David (verset 23; cf. Jérémie 17: 12; Luc 1: 32). Un clou sert à fixer et à soutenir; c'est une image de l'appui et de la force de Dieu (Esdras 9: 8). Eliakim est donc une figure du Messie duquel tout dépendra durant le règne millénaire, même le service de la maison de Dieu, et cela jusqu'aux plus petits vases (verset 24; cf. Zacharie 10: 4). «Les descendants et les rejetons» sont les hommes en relation avec lui qui exerceront le service. La sainteté des ustensiles et des récipients dans le règne millénaire est décrite en Zacharie 14: 20 et 21 dans un langage très expressif: «En ce jour-là, il y aura sur les clochettes des chevaux: Sainteté à l'Éternel; et les chaudières dans la maison de l'Éternel seront comme les bassins devant l'autel. Et toute chaudière dans Jérusalem et en Juda sera une chose sainte, consacrée à l'Éternel des armées».

La fin de l'Antichrist

Après cette brève description de la gloire du Messie, on trouve encore une fois, dans le dernier verset du chapitre, l'annonce du jugement de l'Antichrist. Il a eu l'audace de concentrer toute la gloire et l'honneur sur lui-même. Mais, avec tous ses partisans, il sera détruit, «car l'Éternel a parlé» (verset 25; cf. 2 Thessaloniciens 2: 4; Apocalypse 19: 20, 21).

La double mention du clou aux versets 23 et 25 a conduit certains commentateurs à penser que ce dernier verset concernait aussi Eliakim. Mais ce serait en contradiction avec la belle image de la gloire messianique présentée en cet homme fidèle. Le Christ glorifié ne sera ni ôté, ni brisé, ni ne tombera! «Sa domination est une domination éternelle, qui ne passera pas, et son royaume, un royaume qui ne sera pas détruit» (Daniel 7: 14). Il ne peut s'agir de la même personne, puisque les deux versets 20 et 25 se réaliseront au même moment, «en ce jour-là».

L'utilisation répétée du mot «clou» — pour désigner aussi bien Eliakim que Shebna — est en rapport avec le fait que l'Antichrist sera un imitateur de Christ. Le grand antagoniste du Messie se présentera avec «toute sorte de miracles et signes et prodiges de mensonges». Et Jésus Christ était, selon le témoignage de Pierre, un «homme approuvé de Dieu auprès de vous par les miracles et les prodiges et les signes que Dieu a faits par lui au milieu de vous» (2 Thessaloniciens 2: 9; Actes des Apôtres 2: 22). L'expression «en ce jour-là» rattache le jugement final de Shebna, comme image de l'Antichrist, à la manifestation simultanée et à l'établissement de Celui dont Eliakim est le type.