Le triomphe de Christ et notre part avec lui

P. Diedrichs

Quel tableau admirable que celui de la victoire de Christ sur tous ses ennemis et de ses immenses résultats pour les siens! Conscient de la grandeur de ce sujet qui produit dans nos cœurs la reconnaissance et la louange, nous livrons ici quelques points de réflexion spirituelle tels que sa victoire sur le monde, sur Satan, le chef de ce monde et sur la mort, conséquence du péché.

Ces trois aspects de son œuvre sont tellement liés les uns aux autres, comme aussi avec d'autres points de doctrine (car l'enseignement divin forme un tout indissociable), que nous passerons souvent d'un élément à l'autre. Nous axerons cependant ces lignes sur trois étapes essentielles: le temps du ministère du Seigneur sur la terre, les heures de la croix, et la résurrection de Christ, événement fondamental du christianisme.

Victoire remportée pendant sa vie

La vie du Seigneur Jésus a été tout entière une vie à la gloire de Dieu, préparant l'œuvre immense qu'il allait accomplir à la croix. Cette vie de perfection et de victoire a démontré qu'il était la victime parfaite, nécessaire à la réalisation des conseils de Dieu, l'agneau préconnu dès avant la fondation du monde.

Dans l'humanité qu'il avait prise, le Christ Jésus a été «obéissant jusqu'à la mort, et à la mort de la croix» (Philippiens 2:8). Mais nous ne pouvons oublier que, lorsqu'il est venu sur la terre, il a rencontré dès sa naissance, et plus encore lors de son ministère de grâce et de bonté, l'opposition irréductible du monde, de son chef Satan et des instruments de ce dernier (Matthieu 2:13; Luc 4:1-13; Jean 5:16; 7:1; 19:6).

Le monde peut être considéré sous trois aspects différents:

  • un aspect matériel, les cieux et la terre préparée par Dieu lui-même pour être la demeure de l'homme (Genèse 1:1, 10; 1 Timothée 1:15);
  • un aspect humain, l'ensemble de l'humanité (Jean 3:16);
  • un aspect moral, le vaste système organisé sans Dieu qui s'est développé sous l'influence de Satan depuis la chute de l'homme (Jean 17:16). C'est celui que nous avons en vue ici.

Christ a été l'objet de la haine du monde, car sa sainteté et sa pureté absolues le jugeaient. Il a été parfait dans sa vie d'homme de foi, opposant aux principes du monde des principes divins et ne pactisant jamais avec le monde. Il a manifesté l'amour en présence de la haine, la justice en face de l'iniquité; il a présenté la vérité sur une scène de mensonge; il a fait le bien là où le mal était répandu partout (Psaumes 109:5; Actes des Apôtres 10:38). Il n'y avait rien en lui qui puisse donner prise à Satan (Jean 14:30). Après l'avoir vaincu au désert, il a pillé ses biens pendant tout son ministère sur la terre (Matthieu 12:29; Luc 11:22). L'Écriture nous offre le tableau merveilleux de la puissance du Fils de Dieu dans son humanité parfaite.

Le croyant lui aussi vit dans ce monde opposé à Dieu. Christ est encore rejeté et méprisé, car d'autres objets attirent et gouvernent le cœur des hommes. Les siens, à sa suite, sont appelés à être par leur foi, et au travers des épreuves, vainqueurs du monde. «Tout ce qui est né de Dieu est victorieux du monde; et c'est ici la victoire qui a vaincu le monde, savoir notre foi. Qui est celui qui est victorieux du monde, sinon celui qui croit que Jésus est le Fils de Dieu?» (1 Jean 5:4, 5).

Nous disposons d'armes puissantes et efficaces pour vaincre le monde et son chef Satan. L'apôtre Jean, dans sa première épître, insiste sur la valeur de l'obéissance à la Parole comme protection contre le monde: «Je vous ai écrit, jeunes gens, parce que vous êtes forts, et que la parole de Dieu demeure en vous, et que vous avez vaincu le méchant» (1 Jean 2:14). C'est ainsi que nous pourrons rejeter les principes du monde, si profondément caractérisés par les convoitises et l'orgueil de l'homme (verset 16).

L'apôtre Paul, de son côté, décrit de manière particulièrement vivante les différentes pièces d'une armure que l'Homme parfait avait revêtue sur la terre et qui ne le quittait jamais. Nous sommes, nous aussi, invités à la revêtir à sa suite (Éphésiens 6:10-18). Il avait la vérité, l'expression parfaite de la pensée divine pour ceinture, et la justice pratique pour cuirasse. Il tenait d'une main ferme le bouclier d'une foi toujours vigilante, lui le Chef et le consommateur de la foi (Hébreux 12:2). La parole de Dieu dans la puissance de l'Esprit était son épée, et il l'a utilisée victorieusement au désert répondant par trois fois au tentateur: «Il est écrit». Il a été l'homme de prière, entièrement dépendant de son Père. C'est cette armure par excellence qu'il nous faut revêtir et qui sera notre protection contre les artifices du diable. Ce sont ces armes qu'il a lui-même utilisées si parfaitement que nous devons apprendre à manier contre les attaques du méchant. Il s'agit de manifester les caractères du nouvel homme, de Christ lui-même que nous avons revêtu (Colossiens 3:10; Galates 3:27). Ainsi, nous pourrons résister à la puissance spirituelle de méchanceté qui est dans les lieux célestes.

Victoire remportée à la croix

Selon Hébreux 2:14, Satan a sur les hommes «le pouvoir1 de la mort». Ayant fait tomber Adam dans la désobéissance, il peut se prévaloir du juste jugement de Dieu sur l'homme pécheur (Genèse 2:17) pour exercer un pouvoir maléfique sur l'homme devenu esclave du péché (Romains 6:16). Il se sert de la puissance du péché sur l'homme, mais aussi de la crainte de la mort et de la condamnation, pour tenir l'homme en esclavage. Il se fait craindre à la place de Dieu en effrayant les hommes. Mais, «par la mort» de Christ, il a été rendu impuissant à l'égard des croyants. L'Ancien Testament nous fournit une image de cela. Goliath, le Philistin, terrorisait Israël (1 Samuel 17:4-11); mais David l'a abattu avec sa fronde, et l'a mis à mort en utilisant la propre épée du géant.

1 Le pouvoir ou la force, la puissance (kratos), non l'activité souveraine (ce n'est pas «exousia» qui signifie la puissance avec l'autorité pour l'exercer). Bien que Dieu seul fasse mourir et vivre (1 Samuel 2:6), il emploie dans son gouvernement des moyens et des agents, et Satan est l'un d'eux (cf. l'histoire de Job et le cas d'Hyménée et Alexandre en 1 Timothée 1:20). Ce dernier peut frapper l'homme de maladie ou même de mort, mais il est toujours soumis à l'autorité souveraine de Dieu (cf. Job 1:12; 2:6).

Ainsi, par la mort expiatoire de Christ, Satan est mis hors d'état d'utiliser ce pouvoir de la mort contre les croyants, pour les retenir dans la servitude. Cela ne signifie pas que la mort cesse d'être pour notre chair le roi des terreurs (Job 18:14), mais la promesse divine concernant le salut de nos corps comme de nos âmes est certaine: «Mais nous-mêmes aussi… nous soupirons en nous-mêmes, attendant l'adoption, la délivrance de notre corps. Car nous avons été sauvés en espérance» (Romains 8:23, 24). Oui, le chrétien affranchi peut dire avec l'apôtre: «Pour moi, vivre c'est Christ; et mourir, un gain» (Philippiens 1:21)! Quelle délivrance! Quel heureux état!

Satan est donc un ennemi déjà jugé; il a été condamné à la croix. Le Seigneur dit: «Maintenant est le jugement de ce monde; maintenant le chef de ce monde sera jeté dehors» (Jean 12:31), et plus loin: «Le chef de ce monde est jugé» (16:11). Il sera bientôt chassé du ciel (Apocalypse 12:8, 9), puis lié dans l'abîme pour le temps du Millénium (20:2), et enfin jeté dans l'étang de feu pour l'éternité (20:10). La tête du serpent ancien a été brisée à la croix (Genèse 2:15).

Les principautés des ténèbres sont dépouillées de leur puissance oppressive. Leur défaite a été publiquement manifestée, Christ ayant triomphé d'elles dans l'œuvre de la croix (Colossiens 2:15). Ainsi en Exode 14:30, quand le peuple de Dieu eut traversé la mer Rouge, image de la mort de Christ pour nous, il vit les Égyptiens morts sur le rivage de la mer: l'ennemi était alors réduit à l'impuissance à l'égard d'Israël. Cependant un peu plus tard, au début de la traversée du désert, Amalek attaque Israël (Exode 17:8-16). C'est une figure de Satan agissant par le moyen de notre chair. Mais Josué, type de l'Esprit de Christ opérant dans le croyant, lui résiste et obtient une victoire éclatante, alors que, dans le même temps, sur le sommet de la colline, Moïse est le type d'un Christ vainqueur intercédant pour les siens dans le ciel.

Ces images de l'Ancien Testament, confirmées par les vérités du Nouveau, sont très claires et ont des conséquences pratiques pour nous. Si Satan nous attaque, il s'agit de lui résister en nous appuyant sur la victoire de Christ: «Résistez au diable, et il s'enfuira de vous» (Jacques 4:7). N'oublions pas cependant que l'ennemi a prise sur le vieil homme: c'est dans la mesure où nous le tiendrons dans la mort (la mort de Christ) que nous serons des vainqueurs (Romains 6:6, 11). Combien il est important que, après avoir saisi par la foi que nous sommes morts avec Christ, nous en soyons pénétrés dans notre vie pratique. Car tout en étant assurés que la puissance de Satan a été vaincue à la croix, nous pourrions nous laisser envelopper par ses ruses. Il s'agit, en tenant notre vieil homme comme ayant été crucifié avec Christ, de mortifier nos membres qui sont sur la terre — autrement dit, les convoitises qui demeurent en nous (Colossiens 3:5-7) — et cela par l'Esprit qui est la puissance de la vie de Christ en nous.

Quelle dette de reconnaissance n'avons-nous pas à l'égard de notre glorieux Rédempteur! Sur la croix, notre ennemi redoutable a été vaincu en dehors de nous, mais pour nous! Nous sommes, quant à nous-mêmes, sans force devant lui, mais lui est sans force devant Christ. Et Christ est en nous!

Victoire liée à la résurrection de Christ

Mais la Parole nous conduit plus loin dans ce déroulement admirable des voies de Dieu, jusqu'à l'aboutissement suprême de l'œuvre de la croix: la résurrection de Christ, témoignage de l'acceptation par Dieu d'une œuvre parfaite et de la satisfaction infinie qu'il en a éprouvée. La résurrection de Christ est étroitement liée à son ascension, comme cela apparaît dans le message de Pierre en Actes 2. Jésus ressuscité a été exalté par la droite de Dieu (verset 33), cette élévation de Christ dans la gloire étant également riche de conséquences, notamment l'envoi de l'Esprit Saint. Le Seigneur ressuscité rappelle aux disciples d'Emmaüs que, aussi bien que son sacrifice, cette phase glorieuse était inscrite dans les conseils divins: «Ne fallait-il pas que le Christ souffrît ces choses, et qu'il entrât dans sa gloire?» (Luc 24:26).

La mort, qui avait été introduite par le péché, est vaincue et annulée par la résurrection de Christ d'entre les morts. «Notre Sauveur Jésus Christ… a annulé la mort et a fait luire la vie et l'incorruptibilité par l'évangile» (2 Timothée 1:10). Les conséquences de sa résurrection pour nous-mêmes sont à la mesure de sa puissance et de sa grâce: sa propre vie de résurrection nous est communiquée par le don du Saint Esprit et nous introduit dans le domaine de la nouvelle création (Jean 20:22).

Le monde, dans la personne des principaux sacrificateurs, se voit contraint d'inventer un mensonge pour motiver la troublante réalité du tombeau vide (Matthieu 28:11-15). Or le Seigneur avait d'avance, et à plusieurs reprises, annoncé sa résurrection, soit aux Juifs (Jean 2:18-22), soit à ses disciples (Matthieu 16:21).

C'est qu'en définitive, le fait que nous sommes morts et ressuscités avec Christ nous place sur un terrain entièrement différent de celui du monde — le monde nous est crucifié et nous au monde (Galates 6:14). Ce même fait, d'autre part, nous permet de chercher «les choses qui sont en haut, où le Christ est assis à la droite de Dieu», de penser «aux choses qui sont en haut, non pas à celles qui sont sur la terre» (Colossiens 3:1, 2). Et l'apôtre ajoute: «Car… votre vie est cachée avec le Christ en Dieu» (verset 3). Nous sommes appelés à penser aux choses qui sont en haut, non pas simplement de temps à autre, mais continuellement. Et Christ est le seul objet propre à élever notre âme au-dessus de nous-mêmes et du monde.

Quant à l'ennemi de nos âmes, il ne peut tenir tête à la puissance qui l'a vaincu. Il n'est pas encore brisé sous les pieds des rachetés (Romains 16:20), mais il est sans force vis-à-vis de ceux qui se fortifient dans le Seigneur et dans la puissance de sa force (Éphésiens 6:10), sans force devant la puissance de Dieu qui a opéré dans la résurrection de Christ lui-même (Éphésiens 1:19). Avons-nous appris à puiser notre force spirituelle dans cette puissance divine illimitée que le Seigneur a en réserve pour ceux qui se confient en lui?

Si nous portons nos regards vers l'avenir, nous voyons la mort engloutie en victoire à la résurrection des saints célestes (1 Corinthiens 15:54; 1 Thessaloniciens 4:16, 17). Quel triomphe sur Satan qui a entraîné l'homme dans le péché et la mort! Oui, Christ tient les clefs de la mort et du hadès (Apocalypse 1:18): il est le maître absolu des corps et des âmes, que ce soit en rapport avec les croyants lors de sa venue dans les nuées (la résurrection de vie) ou en rapport avec les incrédules au grand trône blanc (la résurrection de jugement) (Jean 5:28, 29; Apocalypse 20:13, 14). C'est alors, avant l'état éternel, que la mort, en tant que dernier ennemi de Christ, sera définitivement abolie (1 Corinthiens 15:26).

Les rachetés dont l'appel est céleste, qu'ils appartiennent à l'Église ou aux temps précédents, sont vus, dans l'Apocalypse, après l'enlèvement, autour du trône de Dieu dans le ciel (Apocalypse 4; 5), entourant l'Agneau, puis associés à leur Seigneur revenant en puissance sur la terre pour établir son règne millénaire (chapitre 19).

En Apocalypse 4:4, les saints glorifiés sont revêtus de dignité royale, portant des couronnes d'or. Quel bonheur sera le nôtre lorsque nous nous prosternerons devant le trône de Dieu, nous dépouillant de ces couronnes en présence de Celui qui n'est autre que le Fils de Dieu Créateur à qui revient toute gloire (verset 10)! Au chapitre 5 (verset 9), les rachetés sont des sacrificateurs chantant le cantique nouveau à la gloire de l'Agneau rédempteur. Au chapitre 19 (verset 14), ils forment le cortège du Vainqueur, Roi des rois et Seigneur des seigneurs. Ils le suivent et partagent sa victoire puis son règne de justice et de paix (20:6).

Combien ces visions glorieuses font vibrer nos cœurs de reconnaissance pour Celui qui nous a acquis une telle part avec lui! Elles devraient nous détacher plus complètement d'un monde qui a crucifié le Seigneur de gloire (1 Corinthiens 2:7, 8). Car dès aujourd'hui, de même que le grand apôtre des nations, nous avons le privilège de participer au triomphe de Christ. Quelle gloire pour nous, quel sujet d'actions de grâces! Cela devrait imprimer, comme c'était le cas pour Paul, un caractère de victoire sur toute notre vie de foi dans ce monde. Il pouvait dire: «Or grâces à Dieu qui nous mène toujours en triomphe dans le Christ et manifeste par nous l'odeur de sa connaissance en tout lieu. Car nous sommes la bonne odeur de Christ pour Dieu» (2 Corinthiens 2:14, 15). Qu'il nous soit donné de faire monter, aujourd'hui encore, cette bonne odeur en témoignage autour de nous!

Ainsi, quelles que soient les épreuves et les peines qui sont attachées à notre chemin sur la terre, «dans toutes ces choses, nous sommes plus que vainqueurs par celui qui nous a aimés» (Romains 8:37). Fixons donc les yeux sur lui, le chef et le consommateur de la foi (Hébreux 12:2). Bientôt nous l'accompagnerons à sa venue en gloire, «quand il viendra pour être, dans ce jour-là, glorifié dans ses saints et admiré dans tous ceux qui auront cru» (2 Thessaloniciens 1:10) et que toute langue confessera que Jésus Christ est Seigneur, à la gloire de Dieu le Père (Philippiens 2:8-11).