Le règne millénaire (Ésaïe 11 et 12)

A. Remmers

«Et il sortira un rejeton du tronc d'Isaï, et une branche de ses racines fructifiera» (Ésaïe 11:1).

Le germe (11:1, 2)

En contraste avec l'imposante grandeur de l'Assyrie, comparée à une forêt magnifique mais finalement anéantie (Ésaïe 10:18, 33 et suivants), il y a la prophétie bien connue concernant le «rejeton du tronc d'Isaï». Ce rejeton sortira de la souche, coupée mais non pas complètement desséchée, de la descendance d'Isaï et fructifiera comme une branche de ses racines (cf. 53:2). Déjà au chapitre 4, il est parlé du «germe de l'Éternel» qui sera «pour splendeur et pour gloire» (verset 2); on a là déjà une annonce de l'abaissement profond du Messie d'Israël, du Fils de Dieu dans son incarnation, mais aussi des «gloires qui suivraient» (1 Pierre 1:11). Un «rejeton» est petit et a peu d'apparence, mais il est aussi un signe de vie et d'espérance.

La grandeur et la gloire de la maison royale de David s'étaient éteintes depuis longtemps. De l'arbre, image de la grandeur de l'homme, il ne restait plus qu'une souche, lorsque le Seigneur Jésus est né à Bethléhem dans une extrême pauvreté. Plus rien n'était visible de l'ancienne splendeur de cette dynastie dont descendait aussi bien Marie, la mère du Seigneur, que Joseph. C'est pourquoi il n'est pas appelé ici le germe de David (cf. Jérémie 23:5), mais il est mis en relation avec Isaï, le père de David. Cela nous rappelle l'origine très humble de cette famille, comme aussi le mépris dont déjà «le fils d'Isaï» — qui était pourtant l'homme selon le cœur de Dieu — a dû faire l'expérience, comme type de Christ (cf. 1 Samuel 20:27, 31; 25:10). Cette branche, en apparence si petite et si insignifiante, produira un jour un fruit abondant pour Dieu.

Nous retrouvons cette «branche» (en hébreu: nétser) dans le Nouveau Testament: «…en sorte que fût accompli ce qui avait été dit par les prophètes: Il sera appelé Nazaréen» (Matthieu 2:23). Toutefois nous ne trouvons le mot sous cette forme dans aucun livre prophétique de l'Ancien Testament. Comme auteur inspiré, Matthieu a mis en relation l'expression «un homme dont le nom est Germe (en hébreu: zemach)» en Zacharie 6:12, avec le mot nétser «branche» en Ésaïe 11:1 et avec le nom Nazareth qui en dérive — le nom d'une ville de Galilée méprisée par les Juifs (cf. Ésaïe 9:1).

Celui qui est désigné ici comme le «rejeton» et la «branche» sera rempli de l'Esprit de l'Éternel; cela concerne aussi bien sa première venue — comme un homme humble et méprisé — que son apparition en gloire. Les sept désignations du Saint Esprit que nous avons dans le verset 2 rappellent les «sept lampes de feu» brûlant devant le trône et les «sept yeux» de l'Agneau, symboles des «sept Esprits de Dieu» (Apocalypse 4:5; 5:6). Le chiffre sept est l'expression de la perfection de l'Esprit dont le Messie est rempli pour l'administration du gouvernement du royaume de Dieu (verset 2). «L'esprit de sagesse et d'intelligence» se lie à son aptitude à régner; «l'esprit de conseil et de force» est en rapport avec les décisions qu'il prend et exécute (cf. «Conseiller, Dieu fort» — Ésaïe 9:6); «l'esprit de connaissance et de crainte de l'Éternel» évoque son intelligence profonde des pensées de son Dieu et Père, et sa dépendance de lui dans une parfaite harmonie de cœur. «Celui qui domine parmi les hommes sera juste, dominant en la crainte de Dieu» (2 Samuel 23:3).

Son règne (versets 3-5)

Ainsi, selon le propos de Dieu, l'homme Christ Jésus est destiné à couronner comme chef sur toutes choses, durant son règne de mille ans, «l'administration de la plénitude des temps» (cf. Éphésiens 1:10). Comme le «second homme», le «dernier Adam», il trouve son plaisir dans la crainte de l'Éternel d'une manière qui ne pouvait jamais être pour aucun autre homme.

«Il ne jugera pas d'après la vue de ses yeux, et ne reprendra pas selon l'ouïe de ses oreilles», c'est-à-dire à la manière humaine, qui trop souvent se fonde sur l'apparence extérieure, mais il jugera selon la connaissance et la sagesse divines (cf. 1 Samuel 16:7). Qui sont les «misérables» et les «débonnaires de la terre» qui feront l'expérience de sa justice et de sa droiture? Ce sont les «pauvres en esprit» et les «débonnaires» auxquels le Roi, aux jours de son abaissement, a promis le royaume des cieux et l'héritage du pays. Sous son règne de justice, de paix et de bénédiction, le futur résidu croyant, qui aura eu faim et soif de la justice durant la grande tribulation, sera pleinement rassasié (Matthieu 5:3-6; cf. Psaumes 72:12-14).

Toutefois, avant d'entrer dans son règne de paix et de justice, il exercera le jugement (verset 4). Lors de son apparition, il frappera la terre avec la verge de sa bouche, c'est-à-dire par sa parole (cf. Joël 2:11; Apocalypse 19:15). «Le méchant», le faux roi d'Israël, l'Antichrist, celui qui est aussi appelé «l'inique» (2 Thessaloniciens 2:8), sera l'objet particulier de son jugement. Le vrai roi d'Israël le fera mourir par le souffle de ses lèvres. Ses reins ceints de la justice et ses flancs revêtus de la fidélité évoquent sa fermeté et sa détermination dans l'exercice du jugement et du gouvernement (cf. Apocalypse 1:13; 19:11).

Le règne de paix (versets 6-10)

«Et le loup habitera avec l'agneau, et le léopard couchera avec le chevreau» (verset 6; cf. Ésaïe 65:25).

Ces versets ne sont pas — comme certains l'ont pensé — une image de la conversion et de la vie nouvelle dans le temps de la grâce, ni une représentation symbolique du règne millénaire ou de l'éternité. Non, nous avons ici une description littérale de la nature transformée lors du futur règne de paix, lors «du rétablissement de toutes choses dont Dieu a parlé par la bouche de ses saints prophètes de tout temps» (Actes des Apôtres 3:21). Les prophéties de l'Ancien Testament et l'enseignement du Nouveau témoignent clairement que l'état actuel de la création est une conséquence du péché et qu'une profonde transformation aura lieu après l'apparition du Seigneur Jésus en gloire (Ésaïe 14:7; 35:1; Osée 2:18; Romains 8:19-22).

Avant le péché, les animaux vivaient aussi de nourriture végétale (Genèse 1:30). C'est seulement lorsque le sol a été maudit à cause de l'homme qu'un changement doit s'être produit dans ce domaine (Genèse 3:17). Un nouveau changement interviendra lors du règne millénaire. L'agressivité des animaux entre eux et envers l'homme cessera. Le loup ne fera pas de mal à l'agneau, pas plus que le léopard au chevreau. Le veau et le jeune lion, la vache et l'ourse paîtront paisiblement ensemble, car «le lion mangera de la paille comme le bœuf». Un petit enfant conduira un troupeau de veaux, de jeunes lions et de bêtes grasses, et les nourrissons même ne seront plus exposés à aucun danger de la nature.

Ce ne sera toutefois pas seulement dans le monde animal, mais aussi parmi les hommes, que prendra fin la violence. Dans toute la sainte montagne de l'Éternel, expression qui désigne «la terre sainte» (cf. Ésaïe 57:13; Psaumes 78:54; Zacharie 2:12), il ne se fera plus de mal. En outre, «la terre sera pleine de la connaissance de l'Éternel, comme les eaux couvrent le fond de la mer» (verset 9).

Au verset 10, nous voyons de nouveau apparaître la «racine d'Isaï» qui réalisera tout cela. Ce mot «racine» (en hébreu: schoresch) peut signifier aussi bien la racine que le rejeton qui en sort (cf. verset 1 et 53:2). C'est pourquoi le Seigneur Jésus peut se nommer «la racine et la postérité de David» en Apocalypse 22:16. Comme vrai Dieu et vrai homme, il est à la fois l'origine et le descendant de David. La «racine d'Isaï», jadis si méprisée, se tient maintenant là comme une bannière pour tous les peuples, non pas toutefois comme une bannière de guerre, mais comme point de départ et centre de la paix, que toutes les nations rechercheront avec joie (cf. Psaumes 72:8-11, 17; Romains 15:12). De la même manière que la nuée de la gloire de Dieu remplissait et caractérisait jadis son habitation terrestre, ainsi aussi le repos du Roi des rois sera gloire (verset 10; cf. Exode 40:34, 35).

Le rassemblement d'Israël (versets 11-16)

Le prophète se tourne maintenant vers le peuple d'Israël. L'Éternel avait déjà étendu une fois sa main pour délivrer son peuple de l'esclavage de l'Égypte (Exode 6:6). Mais «en ce jour-là», il le fera «encore une seconde fois, pour acquérir le résidu de son peuple qui sera demeuré de reste» (verset 11). Il ne peut être question ici du retour de la captivité babylonienne, en l'an 536, qui ne concernait que Juda. Ceux qui sont revenus à cette époque ne venaient pas de l'Assyrie, de la Basse et de la Haute-Égypte, de l'Ethiopie, d'Elam, de Hamath et de l'ensemble du territoire situé autour de la Méditerranée, mais de Babylone (cf. Esdras 1). «En ce jour-là», Dieu «élèvera un étendard devant les nations, et rassemblera les exilés d'Israël, et réunira les dispersés de Juda des quatre bouts de la terre» (verset 12; cf. 49:22). Sur l'ordre de Dieu, les nations renverront ceux qui appartiennent à son peuple terrestre. Ce que sa providence, de façon presque incompréhensible, a permis dans les années 1933 à 1945 a conduit à un accomplissement partiel de la prophétie par le retour de nombreux Juifs dans leur pays et par la création de l'Etat d'Israël en 1948. Mais «les exilés d'Israël» appartenant aux dix tribus ne sont, pour autant qu'il nous est possible de le savoir et d'en juger, pas encore rentrés. Avant tout, il manque encore, dans l'ensemble, la repentance et le retour du peuple «à celui qui le frappe» (9:13).

Mais quand il retournera réellement à Dieu, la jalousie séculaire d'Ephraïm cessera aussi — cette jalousie qui avait eu pour conséquence, en dernier lieu, le partage du royaume sous Jéroboam (cf. Juges 8:1; 12:1; 1 Rois 11:26). Toutes les tribus d'Israël seront réunies fraternellement en un seul peuple, comme cela n'a plus jamais été le cas depuis le temps de Salomon (verset 13).

Unis ainsi, ils vaincront aussi bien les Philistins, leurs ennemis à l'ouest, qu'Edom, Moab et Ammon à l'est (verset 14; cf. Jérémie 47-49). Les trois derniers peuples nommés échapperont, selon Daniel 11:41, à l'assaut de l'Assyrien et seront châtiés par Israël, l'instrument dans la main du Messie (cf. Zacharie 12:6). Mais tandis qu'il y aura une restauration pour Moab et pour Ammon, Edom deviendra un désert perpétuel (Jérémie 48:47; 49:6, 13). La réapparition des peuplades de l'Ancien Testament que l'on pourrait tenir pour disparues depuis longtemps ne doit pas nous étonner. Le même Dieu qui fera revenir sur la scène les descendants des dix tribus encore disparues aujourd'hui, fera aussi réapparaître en temps voulu les descendants de leurs ennemis d'autrefois et punira leur méchanceté.

Enfin, par «l'impétuosité de son vent», dans l'exercice de ses jugements, l'Éternel opérera des transformations géographiques en faveur de son peuple. Il «desséchera la langue de la mer d'Égypte» — probablement le bras ouest de la mer Rouge appelé le golfe de Suez — et il fendra l'Euphrate en sept ruisseaux qui pourront être traversés à pied (verset 15). De même que Dieu, autrefois, avait frayé un «chemin» à travers la mer Rouge pour son peuple, afin qu'il puisse quitter l'Égypte, de même «il y aura un chemin battu pour le résidu de son peuple» pour qu'il puisse revenir de l'Assyrie (verset 16). Lors du règne millénaire, il y aura même «un chemin battu de l'Égypte à l'Assyrie» (Ésaïe 19:23).

Chant de louange (chapitre 12)

«Et tu diras en ce jour-là: Je te célébrerai, Éternel, car tu étais en colère contre moi, et ta colère s'est détournée, et tu m'as consolé» (verset 1).

Placé devant la gloire du Messie, devant la délivrance qu'il a opérée pour Israël et les bénédictions de son règne, Israël chantera un cantique de louange, comme jadis sur le rivage de la mer Rouge (Exode 15; Osée 2:15). Il y a ici en fait deux cantiques qui commencent l'un et l'autre par les mots «en ce jour-là». Les versets 1 et 2 sont au singulier et ont pour objet la délivrance d'Israël. Les versets 4 à 6 sont au pluriel; les rachetés d'Israël y sont invités à publier au monde entier les grands faits de Dieu, et à se réjouir.

Le premier cantique commence par une action de grâces du résidu. Il a passé par de grandes détresses parce que l'Éternel, avec raison, était en colère contre son peuple; mais celui-ci s'est repenti et il est retourné à Dieu. Le but de Dieu est atteint; sa colère s'est détournée. Ceux qui ont reçu le Messie par la foi ont été richement consolés par sa présence.

Le peuple peut maintenant chanter: «Voici, Dieu est mon salut». Il n'est pas difficile de reconnaître dans le mot «salut» (en hébreu: jeshua) — qu'Ésaïe aime tant — la similitude avec le nom de Jésus, en hébreu: Jehoshua, «l'Éternel est salut». Quand Israël, son peuple terrestre, l'aura accepté comme Sauveur, lui qui est la source du salut, toute crainte aura disparu et Jah, l'Éternel (Jehovah), sera le motif et l'objet de son cantique (verset 2). Il est rare que les deux noms de Jah et Jéhovah se trouvent l'un à côté de l'autre comme ici (cf. 26:4). Jéhovah est le Dieu éternel qui s'abaisse en grâce jusqu'à l'homme; et particulièrement, c'est le Dieu de l'alliance avec son peuple terrestre (cf. Exode 3:14, 15). Comme Jah, il est l'Absolu, l'Immuable.

Puis le prophète interrompt pour un instant son appel à la reconnaissance, pour attirer l'attention sur la promesse des inépuisables «fontaines du salut», auxquelles les rachetés d'Israël puiseront l'eau de la vie avec joie durant le règne millénaire (verset 3).

En liaison directe avec cela, nous avons l'annonce que les rachetés d'Israël célébreront l'Éternel, qu'ils invoqueront son nom merveilleux et qu'ils feront connaître ses actes et la grandeur de son nom parmi les peuples de toute la terre (verset 4). Un appel particulier à pousser des cris de joie et à exulter s'adresse à Jérusalem, nommée ici habitante de Sion, au milieu de laquelle demeure «le Saint d'Israël». Celui qu'ils ont jadis dédaigné et méprisé prendra alors la place qui lui revient au milieu de son peuple restauré, et recevra tout honneur! Le peuple doit encore passer par de profondes vallées avant d'atteindre un tel sommet.

Quel incomparable privilège est le nôtre, nous qui sommes devenus enfants de Dieu par la foi en son Fils, de pouvoir déjà maintenant adorer le Père en Esprit et en vérité comme de vrais adorateurs!