Mephibosheth, fils de Jonathan

E. Argaud

Trois personnages émergent dans l'histoire de Mephibosheth et, par chacun d'eux, Dieu nous enseigne.

  • David use envers le petit-fils de Saül d'une bonté qui nous rappelle celle, bien plus grande, dont Dieu a usé envers nous.
  • Mephibosheth nous montre ce que doit être l'attachement du fidèle à celui qui l'a sauvé et dont il attend le retour pour être avec lui.
  • La conduite de Tsiba, qui ne craint pas de salir son maître par des propos incontrôlés, est pour nous un avertissement sérieux.

1. Méconnaissance de la grâce (2 Samuel 4:4)

Apprenant la mort de Saül et de Jonathan, la femme qui a la charge du fils de Jonathan — un enfant de cinq ans — redoute la vengeance de David contre la maison de Saül et s'enfuit. Dans sa fuite, elle laisse tomber l'enfant qui restera infirme toute sa vie, boiteux des deux pieds. C'était bien mal connaître le cœur de David. N'avait-elle pas appris comment David, dans la caverne d'En Guédi et dans le désert de Ziph (1 Samuel 24; 26) avait épargné l'ennemi qui le poursuivait pour le faire mourir? N'avait-elle pas entendu des échos de l'attachement de David pour Jonathan? Bien loin de penser à se venger, David avait composé une touchante complainte lors de la mort de Saül et de Jonathan (2 Samuel 1).

Nos cœurs sont naturellement si durs que la bonté de Dieu nous surprend toujours et nous dépasse. Pensons à Pierre pêchant dans le lac de Génésareth: il avait travaillé toute la nuit et il n'avait rien pris. Jésus arrive et il accorde à Pierre une prise de poissons telle que la nacelle enfonçait. Pierre reconnaît la grandeur de celui qui a opéré un tel miracle et manifesté tant de bonté à son égard. Il lui dit: «Seigneur, retire-toi de moi, car je suis un homme pécheur» (Luc 5:8). Mais le Seigneur ne se retire pas. Il lui a donné, il lui donnera encore davantage: «Ne crains pas, dorénavant tu prendras des hommes». N'oublions jamais que notre Dieu est le Dieu de la grâce et que nous sommes les objets de sa grâce.

2. La bonté de Dieu (2 Samuel 9)

David, lui, n'avait pas oublié la bonté dont Dieu avait usé envers lui. L'Éternel lui rappelle: «Je t'ai pris des parcs, d'auprès du menu bétail, pour que tu fusses prince sur mon peuple, sur Israël; et j'ai été avec toi partout où tu as marché; et j'ai retranché tous tes ennemis de devant toi, et je t'ai fait un grand nom» (2 Samuel 7:8, 9). Alors David s'assied devant l'Éternel et dit: «Qui suis-je, Seigneur Éternel! et quelle est ma maison, que tu m'aies amené jusqu'ici?… Est-ce là la manière de l'homme?» (versets 18, 19).

Objet de la bonté de Dieu, il veut user de la même bonté envers ceux de la maison de son ennemi. Alors, il lance cet appel émouvant: «Y a-t-il encore quelqu'un qui soit demeuré de reste de la maison de Saül? et j'userai de bonté envers lui à cause de Jonathan» (9:1). N'est-ce pas déjà l'écho de l'évangile? Y a-t-il encore quelqu'un qui ne soit pas sauvé? Y aurait-il encore quelqu'un parmi nos lecteurs qui soit «demeuré de reste»? Dieu cherche le pécheur coupable, non pour le punir mais pour le sauver.

Il se trouvait là «quelqu'un»: un infirme qui se cachait à Lodebar (nom qui évoque un pays sans pâturages). Il avait peur que le roi ne se venge de toute la méchanceté de son grand-père. Sur l'insistance de David, on le fait venir. Devant le roi, Mephibosheth se prosterne et attend le verdict. Il entend: «Ne crains point, car certainement j'userai de bonté envers toi à cause de Jonathan» (9:7). Cette bonté dépasse l'entendement de celui qui reconnaît sa misère, se comparant à un «chien mort», sans aucune valeur. David lui rendra tous les champs de Saül et lui donnera une place à sa table pour y manger le pain chaque jour.

Les bénédictions promises à Mephibosheth ne sont rien à côté de celles que Dieu nous a promises pour le temps présent et pour l'éternité.

3. La trahison de Tsiba, serviteur de Saül (2 Samuel 16:1-4)

Les années ont passé et voici une terrible épreuve pour le cœur de David: la révolte de son fils Absalom. Le roi fuit en pleurant par la montée des Oliviers (2 Samuel 15:30). Tête couverte et pieds nus, il gravit la pente, tandis qu'Absalom entre dans Jérusalem. C'est alors que Tsiba, serviteur de Saül, vient à la rencontre de David avec des ânes chargés de provisions. Mais ne nous trompons pas sur ses vrais sentiments. C'est par intérêt personnel qu'il agit ainsi, plus que par affection pour le roi. Il manque de droiture, il prête à Mephibosheth des pensées qui n'étaient pas dans son cœur. Peut-être Mephibosheth, comme son père Jonathan, a-t-il manqué de courage pour suivre David. Il était boiteux, mais son infirmité était-elle un empêchement suffisant pour ne pas suivre son bienfaiteur? Dieu le sait; Dieu seul lit dans les cœurs. En tout cas, David manque de clairvoyance; il écoute Tsiba, croit ce qu'il lui dit et revient sur sa précédente promesse: il reprend à Mephibosheth les biens qu'il lui avait rendus et les donne à Tsiba.

4. Le retour du roi (2 Samuel 19:24-30)

Le gouvernement de Dieu va s'exercer avec rigueur sur celui qui, en conspirant contre David son père, s'élevait contre le propos de Dieu. Au cours d'un combat, la mule que montait Absalom entra dans une forêt touffue. Son cavalier embarrassa sa chevelure dans les branches et resta suspendu entre ciel et terre. Joab vint sur lui et lui enfonça trois javelots dans le cœur (2 Samuel 18:14). Ainsi mourut celui qui était «si fort à louer pour sa beauté» et qui s'enorgueillissait de son opulente chevelure (14:25, 26). Grande fut la peine de David en apprenant la mort de son fils rebelle. Il monta dans sa chambre, pleurant et disant: «Mon fils Absalom! mon fils! mon fils Absalom! Fussé-je mort à ta place!» (18:33).

David revient à Jérusalem. Mephibosheth descend à sa rencontre. David l'accueille fraîchement, par un reproche: «Pourquoi n'es-tu pas allé avec moi, Mephibosheth?» (19:25). Sans vouloir se justifier, Mephibosheth déclare qu'il aurait bien voulu le suivre, mais que Tsiba l'a trompé et l'a même calomnié devant lui. Mais il reconnaît toute la grandeur de David et s'en remet à son juste jugement. Il rappelle qu'il était un homme mort, quand il avait été admis à la table royale. David perçoit la trahison de Tsiba et veut réparer son erreur de jugement, bien qu'il ne puisse le faire qu'imparfaitement: «Toi et Tsiba, partagez les champs», lui dit-il. Mephibosheth lui répond: «Qu'il prenne même le tout, puisque le roi, mon Seigneur, est revenu en paix».

Nous pouvons admirer et devrions imiter l'attitude de Mephibosheth. David absent, c'est le vide dans le cœur du fils de Jonathan. Il ne soigne pas sa barbe et ne lave pas ses vêtements. Le monde est devenu pour lui comme un désert. Et nous pensons à Marie de Magdala qui se tenait près du sépulcre vide et pleurait. Deux disciples étaient venus comme elle au sépulcre; ils l'avaient trouvé vide et ils étaient rentrés chez eux. Marie n'avait plus de «chez elle». II lui fallait Jésus. Et nous, comment attendons-nous le retour du Seigneur? Sommes-nous assez détachés de toutes les choses de la terre, étrangers dans ce monde et tels que seule la venue du Seigneur comblera tous nos vœux?

5. La dernière mention de Mephibosheth (2 Samuel 21)

C'est par ruse que les Gabaonites avaient trompé Josué et étaient entrés au milieu du peuple d'Israël. «On n'interrogea point la bouche de l'Éternel» (Josué 9:14), et ainsi Josué et les princes avaient conclu une alliance avec eux. Plus tard, poussé par un zèle charnel, Saül voulut les exterminer.

Les années ont passé et semblent avoir effacé le forfait. Mais Dieu n'oublie rien et va revendiquer la gloire de son nom, car les princes d'Israël s'étaient engagés «par serment au nom de l'Éternel» (versets 18, 19). Une famine de trois ans amène David à rechercher la face de l'Éternel. Quand les Gabaonites demandent la mort de sept fils de celui qui avait voulu les détruire (2 Samuel 21:1-6), David se souvient du serment qu'il avait fait à Jonathan: «L'Éternel sera entre moi et toi, et entre ma semence et ta semence, à toujours» (1 Samuel 20:42) et il épargne Mephibosheth (2 Samuel 21:7): fidélité et grâce.

6. Mephibosheth, figure du résidu

Si l'on peut dégager quelque enseignement moral de l'histoire de Mephibosheth, il faut aussi discerner en lui une figure de ce qui reste du peuple d'Israël dispersé parmi les nations — le résidu. Il est encore à «Lodebar», dans un monde sans ressources. Il devra connaître la colère divine exercée par Celui dont on a crucifié le Fils Bien-aimé. C'est le juste gouvernement de Dieu. Et puis, l'appel de la grâce se fera entendre, plus doux, plus pressant encore que celui de David: «Y a-t-il encore quelqu'un qui soit demeuré de reste?» Alors, ils viendront, volant «comme les colombes vers leurs colombiers» (Ésaïe 60:8). Dans l'humiliation, prenant sur eux le péché de leurs pères, «ils regarderont vers… celui qu'ils auront percé, et ils se lamenteront» (Zacharie 12:10). Dès lors, Dieu pourra les bénir. Ils retrouveront leur terre, comme Mephibosheth a retrouvé ses champs, et ils entreront dans une ère de bénédictions plus grandes que ce qui n'avait jamais été connu dans le passé. Mephibosheth assis en paix à la table du roi est une image prophétique du peuple d'Israël goûtant les bénédictions milléniales.

7. Conclusion

Mephibosheth, c'est l'homme perdu dans un monde sans ressources. Il se cache loin de Dieu, redoutant un juste jugement. Mais Dieu le cherche, car il ne veut pas la mort du pécheur mais sa conversion et sa vie. Et comme il ne veut pas venir à Dieu, c'est Dieu qui vient vers lui dans la personne de son Fils. Terrible rencontre entre le Dieu saint et l'homme coupable? Pas du tout. A cause de Jonathan, David peut faire grâce; et à cause de Christ et de son sacrifice, Dieu sauve le pécheur. Il le sauve et le bénit. «De la poussière il fait lever le misérable… pour le faire asseoir avec les nobles» (1 Samuel 2:8). Rien ni personne ne pourra lui ravir son bonheur; ni les mensonges d'un Tsiba ni les exigences légales des Gabaonites ne pourront le priver de ses bénédictions. Jésus donne la vie éternelle à ceux qui écoutent sa voix, et personne ne peut les ravir ni de sa main ni de celle de son Père (Jean 10:28, 29).