Emmener l'arche de l'alliance?

Emmener l'arche de l'alliance? E.E. Hücking

A l'époque où Eli, le sacrificateur, était près de la fin de sa carrière, il y eut une guerre entre Israël et les Philistins (1 Samuel 4). Il n'y avait là rien de très exceptionnel, car les Philistins étaient les ennemis constants d'Israël et cherchaient toujours à lui disputer le territoire. Cette guerre avait pourtant un caractère très particulier: Dans une vision, Dieu avait communiqué au jeune Samuel qu'il voulait exercer son jugement sur la maison d'Eli, «à cause de l'iniquité qu'il connaît, parce que ses fils se sont avilis et qu'il ne les a pas retenus» (3:13). Cette sentence commençait à s'exécuter.

Elle a eu son exécution complète plus tard, lorsque la sacrificature a été transférée de la descendance d'Ithamar, l'un des fils d'Aaron, à celle d'Eléazar, un autre de ses fils. C'est à Salomon qu'a été confiée la tâche de rendre effectif ce jugement. Il a chassé Abiathar de la sacrificature, bien qu'il ait été autrefois un homme fidèle, qu'il ait «porté l'arche du Seigneur Éternel devant David», et qu'il ait été affligé en tout ce en quoi David avait été affligé (1 Rois 2:26, 27, 35). Salomon l'a remplacé par Tsadok, descendant d'Eléazar.

En 1 Samuel 4, la guerre avec les Philistins tourne en bataille décisive. Les Israélites essuient une défaite et doivent reconnaître que l'Éternel les a «battus devant les Philistins» (verset 3). Ils ont donc compris que Dieu est intervenu contre eux. Mais au lieu de rechercher sérieusement sa face dans la prière, ils mettent à exécution une étrange idée: «Prenons à nous, de Silo, l'arche de l'alliance de l'Éternel, et qu'elle vienne au milieu de nous et nous sauve de la main de nos ennemis» (verset 3). Ce que le Dieu invisible leur avait refusé, l'arche de l'alliance, le signe visible de sa présence devait l'opérer pour eux. Un tel plan pouvait-il réussir?

Israël dans l'allégresse

Lorsque l'arche de l'alliance est entrée dans le camp, «tout Israël se mit à pousser de grands cris, de sorte que la terre en frémit» (verset 5). Mais cela ne leur a servi à rien. Les Philistins ont entendu le bruit de ces cris, et ont bien vite compris ce que cela impliquait. Ils se sont souvenus de la puissance que Dieu avait déployée autrefois contre les Égyptiens. Ce qui avait été rapporté en son temps à Rahab (Josué 2:8-11) les a remplis de l'énergie du désespoir. Ainsi stimulés, ils ont combattu avec acharnement. Et le résultat: «Israël fut battu… et la défaite fut très grande» (verset 10).

Non seulement Dieu a refusé son aide à Israël, mais il a aussi permis que l'arche de l'alliance tombe entre les mains des Philistins. Si Israël s'était attendu à tout — certes ce n'était pas à cela! Dieu ne pouvait pourtant pas faire une telle chose! Aussi longtemps que l'arche était au milieu d'eux, ils devaient être en sécurité! Mais Dieu ne se laisse pas mener par l'homme, même s'il s'agit de son peuple. Il est vrai que l'arche de l'alliance allait au-devant d'un avenir mouvementé, mais Dieu veillait à ce que partout où elle irait, les hommes soient mis en face de Sa sainteté. Et cela, si nécessaire, d'une manière très douloureuse. Finalement, ce n'est que David qui lui a «trouvé un lieu» en Sion — «des demeures pour le Puissant de Jacob» — même s'il ne s'est agi d'abord que d'une tente (Psaumes 132:5, 6).

Ce temps agité pour l'arche a une certaine correspondance avec le temps agité du rejet de David. Il n'a pris fin que lorsque lui-même a trouvé le repos en Sion, la «ville de David». Ainsi, nous pouvons admirer une fois de plus, dans la parole de Dieu, la manière dont tout contribue à placer devant nous l'objet suprême dont Dieu veut nous entretenir. Car ces circonstances ont sans aucun doute une valeur typique en rapport avec le Seigneur Jésus et l'établissement de son règne.

David dans les pleurs

Nous portons maintenant nos regards sur un autre événement. «Et David monta par la montée des Oliviers, montant et pleurant; et il avait la tête couverte et marchait nu-pieds, et tout le peuple qui était avec lui montait, chacun ayant sa tête couverte, et en montant ils pleuraient» (2 Samuel 15:30). Que s'était-il passé? David, le roi d'Israël, fuyait devant son propre fils Absalom qui convoitait son trône. Absalom avait habilement «dérobé les cœurs des hommes d'Israël» en mettant en question la justice de son père dans les jugements, et en se présentant lui-même comme le défenseur des opprimés. La conjuration faite par Absalom était devenue si puissante que David avait dû fuir de Jérusalem. Il n'était cependant pas seul. Un groupe de fidèles n'avait pas craint de vivre avec lui l'incertitude et les privations, et l'avait suivi. Le roi venait de passer le torrent du Cédron. «Et voici Tsadok aussi, et tous les Lévites avec lui, portant l'arche de l'alliance de Dieu, et ils posèrent l'arche de Dieu, et Abiathar monta, jusqu'à ce que tout le peuple eût achevé de passer hors de la ville» (2 Samuel 15:24).

Nous pouvons imaginer ce que cela a dû être pour David, non seulement de constater la fidélité d'un grand nombre de ses sujets, mais aussi de voir sa position confirmée par le fait que l'arche de l'alliance prenait avec lui le chemin de l'incertitude, sans qu'il y soit pour rien. S'il avait raisonné comme les Israélites aux jours d'Eli, il aurait exulté. Mais que fait David?

«Et le roi dit à Tsadok: Reporte l'arche de Dieu dans la ville; si je trouve grâce aux yeux de l'Éternel, alors il me ramènera, et me la fera voir, elle et sa demeure. Et s'il dit ainsi: Je ne prends point de plaisir en toi; — me voici, qu'il fasse de moi ce qui sera bon à ses yeux» (versets 25, 26).

Quelle humilité, quelle soumission à la volonté de Dieu! David ne voulait pas que l'arche de Dieu, pour la demeure de laquelle il s'était tellement engagé, perde sa place à cause de lui. Peut-être ressentait-il que les circonstances qu'il vivait étaient les conséquences de son péché avec Bath-Shéba — quand bien même ce péché lui avait été pardonné (cf. 2 Samuel 12:10). Toutefois, son amour pour Dieu et pour «l'arche de sa force» était au-dessus de tout et déterminait sa conduite. Il se plaçait lui-même entièrement dans la main de Dieu.

Ainsi, Tsadok et Abiathar sont retournés avec l'arche à Jérusalem. Ils y sont demeurés et Dieu les a utilisés, eux et leurs fils, pour le plus grand profit de David. Ils étaient bien placés pour le tenir au courant de ce qui se passait à Jérusalem (15:28) et, plus tard, pour faciliter son retour (19:11-15). Mais Dieu lui-même a fait en sorte que la conjuration échoue et que David puisse revenir en paix.

L'application pour nous

L'application pratique de ce que nous venons de considérer est simple. Dieu ne nous a pas donné des promesses et des richesses spirituelles pour que nous en disposions à notre convenance. S'il est vrai que nous pouvons nous reposer sans réserve sur ses promesses et avoir un recours illimité aux ressources de la foi, à la prière par exemple, nous devons cependant rester dépendants de lui. «Que ta volonté soit faite!» — telle doit être la disposition fondamentale de nos cœurs, même si l'expression n'est pas toujours sur nos lèvres. En Dieu, il n'y a point de «porte-bonheur». Il demeure le Dieu souverain, même si, dans sa grâce, il s'engage envers nous par ses promesses.

Prenons un exemple. Nous partons en voyage, et nous avons notre Bible avec nous. Mais la Bible dans nos bagages ne nous garantit pas la protection divine. Nous la lisons avec prière et nous nous nourrissons d'elle. Nous éprouvons alors la proximité avec Dieu et nous jouissons de sa communion; et cela nous donnera la certitude d'être en sûreté. Ainsi, nous pouvons compter sur sa protection, même sans avoir de garantie que notre voyage sera exempt d'accident. La pensée «Que ta volonté soit faite!» ne nous apparaît plus comme une restriction et elle nous rend heureux.

Si nous vivons dans la fidélité au Seigneur, en aimant sa Parole et en la prenant à cœur, il y a nécessairement une bénédiction. Mais ne pensons pas que cette bénédiction doive nécessairement nous être accordée selon l'idée que nous nous étions faite. A cet égard, nous pensons souvent d'une manière trop rigide. La confiance sans réserve que David montre ici est très instructive pour nous.