Connaître Dieu comme Père (suite)

S. Fayard et J.A. Monard

3.  Etapes de la révélation du Père par le Fils

Dès le début de son ministère, le Seigneur Jésus a révélé le Père. Non seulement il s'est présenté lui-même comme étant le Fils de Dieu, envoyé par lui pour le faire connaître, mais il a mis ceux qui le recevaient en relation avec Dieu comme étant leur Père à eux aussi. Cependant, l'introduction des croyants dans cette relation filiale est fondée sur l'œuvre de la rédemption, et celle-ci n'a été accomplie qu'à la fin du ministère du Seigneur, par sa mort et sa résurrection. Il en résulte que la révélation du Père par le Fils a eu un caractère progressif.

Au commencement du ministère de Jésus

L'évangile de Matthieu nous présente de façon détaillée le message que le Seigneur a adressé aux Juifs lorsqu'il s'est présenté à eux comme leur Messie. «Jésus parcourait toute la Galilée, enseignant dans leurs synagogues, et prêchant l'évangile du royaume, et guérissant toute sorte de maladies» (4:23). Puis l'évangile nous donne, dans les chapitres 5, 6 et 7, la substance de son enseignement — ce que nous appelons le sermon sur la montagne. Dans ces discours, Dieu est d'emblée présenté comme le «Père» de ceux qui sont les disciples de Jésus.

Ce qui frappe, ce sont les expressions fréquemment utilisées là, et encore dans les chapitres suivants: «votre Père qui est dans les cieux» et «votre Père céleste» (5:16, 45, 48; 6:1, 9, 14, 26, 32; 7:11…), qu'on ne trouve jamais ni dans les Actes ni dans les épîtres. Elles évoquent une certaine distance, et ne correspondent pas tout à fait à la position chrétienne, telle qu'elle sera révélée plus tard1.

1 Les années durant lesquelles le Seigneur a exercé son ministère sur la terre constituent une période de transition entre la dispensation de la loi et celle de l'Église. La pleine révélation du christianisme repose sur la mort et la résurrection de Christ, sur son élévation dans la gloire, et sur la présence du Saint Esprit sur la terre. Le Seigneur lui même a d'ailleurs averti ses disciples qu'il avait encore beaucoup de choses à leur dire, mais qu'ils ne pouvaient pas les supporter alors (cf. Jean 16:12).

Il faut néanmoins remarquer qu'à ce moment-là Jésus disait aussi, en parlant de Dieu: «mon Père qui est dans les cieux» et «mon Père céleste» (7:21; 10:32, 33; 12:50; 15:13; 16:17…). Et ainsi, les disciples étaient déjà en quelque mesure introduits dans la position qui était la sienne comme homme sur la terre.

A la fin de son ministère

Dans ses entretiens avec ses disciples juste avant sa mort, tels que nous les rapportent les chapitres 13 à 16 de l'évangile de Jean, le Seigneur envisage son départ imminent et la nouvelle situation qui va résulter pour eux de son absence de la terre et de sa présence au ciel. En particulier, il leur annonce la venue du Consolateur, l'Esprit de vérité, pour être avec eux éternellement (14:16), et les bénédictions incomparables qui en résulteront.

Dans le chapitre 16, le Seigneur leur parle de ce qui aura lieu après sa résurrection. «En ce jour-là vous ne me ferez pas de demandes. En vérité, en vérité, je vous dis que toutes les choses que vous demanderez au Père en mon nom, il vous les donnera. Jusqu'à présent vous n'avez rien demandé en mon nom; demandez, et vous recevrez, afin que votre joie soit accomplie» (versets 23, 24). Ces paroles nous font comprendre que le Seigneur était jusqu'alors comme l'intermédiaire entre les disciples et le Père, mais que, dorénavant, ils vont être en contact direct avec lui. Ils n'auront pas à présenter leurs demandes au Seigneur afin qu'il les transmette au Père, mais ils s'adresseront directement au Père dans une entière liberté. Pour quelle raison? — «Car le Père lui-même vous aime» (verset 27). Jésus enseigne ici à ses disciples une nouvelle manière de prier, inconnue jusqu'alors: prier le Père au nom du Seigneur Jésus. Nous avons peut-être trop l'habitude de prononcer ces mots à la fin de nos prières sans en réaliser la portée. Lorsque nous présentons une demande à Dieu au nom du Seigneur Jésus, nous l'associons à notre requête. Nous faisons nos demandes dans la conscience qu'elles sont selon la pensée du Seigneur. Et nous demandons à Dieu de les recevoir comme si elles étaient exprimées par son Fils.

Le Seigneur fait ces révélations aux siens avant sa mort, mais elles concernent le temps qui suivra sa résurrection.

Ayant achevé ce qu'il avait à dire à ses disciples, le Seigneur se tourne vers son Père et s'adresse à lui devant eux. Ils ont alors le privilège d'assister à cet entretien unique que rapporte le chapitre 17.

Le Seigneur s'exprime en considérant son œuvre comme achevée (verset 4), et il en envisage les résultats. Lui-même quitte ce monde et y laisse ses disciples. Dans une grâce parfaite, il rappelle qu'ils l'ont vraiment reçu comme l'envoyé du Père, et qu'ils ont reçu et cru la parole qu'il leur a transmise de sa part (verset 8). Ils ont été ainsi mis en relation avec le Père.

Et maintenant que Jésus quitte ce monde hostile dans lequel il avait fidèlement gardé ses disciples, il les confie à la garde de son Père (verset 11). Il lui demande: «Sanctifie-les par la vérité; ta parole est la vérité» (verset 17). Il ajoute: «Et moi, je me sanctifie moi-même pour eux» (verset 19). Se sanctifier, c'est se mettre à part pour Dieu. Le Seigneur fait allusion ici à son départ de ce monde. La position qu'il va prendre au ciel, hors de la terre, va les lier eux-mêmes au ciel et déterminer leur caractère céleste. Par le fait de leur union vitale avec Christ par le Saint Esprit et de la position céleste de leur Sauveur et Seigneur, ils vont être moralement retirés de ce monde pour être des gens du ciel. Et le Seigneur les envoie «dans ce monde» — dont ils ne sont pas — pour y être ses témoins, comme lui-même y avait été envoyé par le Père (verset 18). Mais bientôt, ils seront avec lui dans la gloire.

Le Seigneur termine en disant à son Père: «Je leur ai fait connaître ton nom, et je le leur ferai connaître, afin que l'amour dont tu m'as aimé soit en eux, et moi en eux» (verset 26). Il leur avait révélé le Père. Dans la mesure où cela était possible alors, ils avaient reçu ses paroles. Mais dorénavant, sur le fondement de son œuvre entièrement achevée et par l'action en eux du Saint Esprit qu'ils allaient bientôt recevoir, il continuerait à leur faire connaître le nom du Père. Quant à l'amour du Père, au sujet duquel il venait de faire la déclaration merveilleuse: «Tu les as aimés comme tu m'as aimé» (verset 23), ils allaient en jouir de façon plus profonde. Son œuvre en eux allait les établir dans cet amour de manière à faire déborder leurs cœurs.

Après sa résurrection

De façon générale, quand le Seigneur Jésus parle de Dieu, il le désigne comme «son Père» ou «le Père». Ce langage est bien naturel puisque Jésus est le Fils de Dieu. Et c'est par le nom de «Père» qu'il s'adresse à lui dans toutes les prières qui nous sont rapportées dans les évangiles, à une exception près2. Cette exception, c'est le cri qu'il fait entendre lors des trois heures de ténèbres de la croix: «Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné?» (Matthieu 27:46). Là, il se trouve devant Dieu comme notre substitut, l'homme parfait qui s'est chargé de nos péchés pour les expier, et pour lesquels il endure la colère de Dieu.

2 cf. Matthieu 11:25, 26; 26:39, 42; Luc 23:34, 46; Jean 11:41; 12:27, 28; 17:11, 21, 24, 25.

Avant la venue de Jésus sur la terre, les croyants ont pu s'adresser à «Dieu» sous divers caractères (Éternel, Tout-Puissant, Très-Haut, Dieu Fort…),

mais jamais comme à leur «Père». Comme nous venons de le voir, depuis la venue de Jésus, ce Dieu leur a été révélé comme «Père» et ils ont pu l'appeler: «Notre Père qui es dans les cieux» (Matthieu 6:9) ou simplement: «Père» (Luc 11:2).

Mais dès la résurrection de Jésus, leur relation avec leur Dieu et Père s'enrichit encore. Au matin de ce jour de victoire, le Sauveur fait transmettre ce message aux siens par Marie de Magdala: «Va vers mes frères, et dis-leur: Je monte vers mon Père et votre Père, et vers mon Dieu et votre Dieu» (Jean 20:17). Il dit en substance: Celui qui est mon Père est votre Père, et celui qui est mon Dieu est votre Dieu. Les disciples, et tous les rachetés avec eux, sont introduits dans la relation où Jésus se trouve vis-à-vis de son Dieu et Père. C'est le glorieux résultat de l'œuvre de la rédemption. Les croyants sont absolument purifiés de leurs péchés, «rendus parfaits à perpétuité» (Hébreux 10:14). Etant unis à Christ — c'est-à-dire faits un avec lui — ils sont «rendus agréables dans le Bien-aimé» (Éphésiens 1:6). Dieu les voit dans son Fils, et ainsi ils sont dans la pleine faveur de Dieu (Romains 5:2).

Nous sommes liés à Christ d'une manière si réelle et si profonde que Dieu est pour nous ce qu'il est pour Christ lui-même. C'est ce que suggère l'expression que nous trouvons quelques fois dans les épîtres: «Le Dieu et Père de notre Seigneur Jésus Christ» (2 Corinthiens 1:3; Éphésiens 1:3; 1 Pierre 1:3).

«Va vers mes frères…», dit le Seigneur à Marie. «Il n'a pas honte de les appeler frères» (Hébreux 2:11). Quel témoignage à l'efficacité de l'œuvre de salut qu'il a accomplie pour eux, et pour nous!

Remarquons que le Seigneur ne dit pas à Marie: Dis à mes frères: Je monte vers notre Père et notre Dieu. Il a une place à part. S'il y a une gloire qu'il donne aux siens (Jean 17:22), il y a aussi une gloire personnelle qui n'appartient qu'à lui et que les siens contempleront (verset 24). L'Écriture maintient soigneusement sa prééminence. Même si Dieu nous a «prédestinés à être conformes à l'image de son Fils», celui-ci demeure «premier-né entre plusieurs frères» (Romains 8:29).

Nous avons donc rencontré successivement, dans le chapitre précédent puis dans celui-ci, trois raisons fondamentales de la relation des croyants avec Dieu comme Père:

  • ils ont été engendrés de lui,
  • ils ont été adoptés par lui,
  • ils ont été unis à Christ, le Fils de Dieu.

À suivre