Première épître aux Corinthiens (suite)

F.B. Hole

Chapitre 3

Dans les premiers versets du chapitre 3, en termes très clairs, l'apôtre met les Corinthiens en face de leur véritable état. Ayant «été enrichis… en toute parole et toute connaissance» (1:5) ils pouvaient s'être imaginés dignes de grands éloges. Mais en fait, c'est un blâme sévère qu'ils reçoivent: ils n'étaient pas «spirituels» mais «charnels».

Ils n'étaient pas des hommes naturels — car cette expression désigne l'homme étranger à la vie de Dieu. Ils n'étaient pas des hommes spirituels — car de tels hommes sont éclairés et dirigés par l'Esprit de Dieu. C'étaient des hommes charnels. L'homme charnel, comme nous le présente ce passage, est un homme qui, bien que possédant l'Esprit, n'est pas dirigé par l'Esprit, mais par la chair. A cause de leur état charnel, Paul les avait nourris jusque-là de lait et non de viande. Cela signifie qu'il ne leur avait enseigné que les éléments de la foi, et ne leur avait guère parlé de la sagesse cachée de Dieu dont il est question au chapitre 2.

Les Corinthiens auraient pu se sentir froissés de l'accusation de Paul et être tentés de la réfuter. Paul étaye donc son affirmation en faisant de nouveau allusion à leurs divisions sous des chefs de partis, ce qui générait des jalousies et des conflits. En tout cela, ils marchaient selon l'homme et non selon l'Esprit de Dieu.

Et si l'apôtre Paul nous écrivait aujourd'hui, que pourrait-il dire, si ce n'est les mêmes choses dans un langage beaucoup plus sévère? En effet, la division des véritables chrétiens en partis ou en sectes ne pourrait guère être plus grande qu'elle ne l'est aujourd'hui. Et si nous écartions le reproche en objectant: Ne sommes-nous pas sérieux, n'avons-nous pas de grandes lumières, n'interprétons-nous pas l'Écriture correctement? — il pourrait nous répondre: Puisque les uns disent: je suis de A; d'autres, je suis de B; plusieurs, je suis de X; et un grand nombre, je suis de Z — n'êtes-vous pas charnels?

Nous disons cela tout en étant bien conscients qu'il y a des chrétiens spirituels; et il y en avait parmi les Corinthiens, comme nous le verrons plus loin. Mais soyons bien sûrs que ceux qui sont vraiment spirituels seront les derniers à se présenter comme des exceptions, à se distinguer et à se mettre en avant. Ils savent qu'un tel comportement ne ferait qu'encourager le mal dénoncé ici, car ils deviendraient rapidement des chefs de partis. Au contraire, leur spiritualité s'exprimera dans une réelle humilité d'esprit, et dans ce genre de confession qui fait sien le péché du peuple de Dieu. Ils prieront dans l'esprit d'Esdras. Celui-ci disait: «Nos iniquités se sont multipliées par-dessus nos têtes, et notre coulpe a grandi jusqu'aux cieux», même s'il avait personnellement une bien petite part dans le mal qu'il confessait, et était lui-même caractérisé par une piété exceptionnelle (Esdras 9:6).

Le même esprit d'humilité caractérise Paul dans ce passage. Il rejette catégoriquement toute place en vue, que ce soit pour lui ou pour Apollos. Ils ne sont rien de plus que des serviteurs par lesquels Dieu se plaît à travailler. Dieu est le grand Ouvrier. Dans ce passage (versets 5 à 11) les Corinthiens sont vus de deux manières: comme «le labourage de Dieu» et comme «l'édifice de Dieu». Paul et Apollos ne sont que des «collaborateurs de Dieu» (verset 9). Ce ne sont pas des ouvriers concurrents, encore moins des ouvriers antagonistes. Ce sont des collaborateurs, sous l'autorité de Dieu.

Chacun a cependant un travail bien distinct. Dans le champ, Paul plante, puis Apollos arrose les jeunes pousses. Dans le bâtiment, Paul est le sage architecte qui a posé le fondement, et Apollos construit par-dessus. Leurs activités sont différentes, mais l'objet en est unique (versets 7 et 8). En eux-mêmes, Paul et Apollos ne sont rien, mais ils travaillent chacun dans la sphère qui leur est assignée. Ils sont un quant à leur objet et à leur but, bien que chacun d'eux doive finalement être récompensé selon son propre travail. C'est ainsi que Dieu maintient parmi ses serviteurs tout à la fois l'unité et la diversité, et il ne doit y avoir aucun tiraillement entre l'un et l'autre.

Il en était ainsi de Paul et d'Apollos. Mais ce ne sont pas les seuls ouvriers qui ont pris part au travail à Corinthe. A la fin du verset 10, l'application de cette image s'élargit jusqu'à embrasser «chacun», c'est-à-dire tous ceux qui ont contribué à l'œuvre à Corinthe. Cela s'applique également, bien sûr, à tous ceux qui collaborent d'une manière ou d'une autre à l'œuvre de Dieu, où que ce soit et à n'importe quelle époque — donc aussi à nous aujourd'hui.

Le fondement avait été correctement et définitivement posé par Paul, lorsqu'il était venu à Corinthe, où il avait demeuré un an et demi. C'était le vrai fondement: Jésus Christ. Mais une question se posait quant à ses successeurs. Non pas tellement quant à la manière dont ils bâtissaient, mais quant aux matériaux qu'ils utilisaient. S'agissait-il de matériaux précieux et capables de résister au feu, ou de matériaux de peu de valeur, facilement consumables? Le jour approche où tout sera éprouvé par le feu. Toutes choses seront alors manifestées. Le vrai caractère de tous nos travaux sera révélé. Et il ne s'agira pas alors de la quantité de travail accompli, mais de sa qualité. Cette pensée que «le jour le fera connaître» doit nous sonder.

Lorsque ce jour répandra sa lumière sur nous et mettra tout à l'épreuve, il se peut que notre ouvrage demeure. S'il en est ainsi, nous recevrons une récompense. Dieu veuille que ce soit le cas pour chacun de nous!

D'un autre côté, il se pourrait que notre ouvrage soit consumé et anéanti, mais que nous-mêmes nous soyons sauvés, «comme à travers le feu». Lorsque les trois jeunes Hébreux passèrent à travers le feu, comme le rapporte Daniel 3, eux-mêmes et leurs habits ne furent aucunement touchés: seuls leurs liens furent consumés. Quelle perte pour nous si nous devions sortir du feu nus, dépouillés de tout ce avec quoi nous nous étions parés comme étant le fruit de nos travaux sur la terre!

Mais de plus, nous voyons qu'il y avait un doute dans l'esprit de l'apôtre quant à savoir si tous ceux qui avaient travaillé à Corinthe étaient vraiment des croyants. D'où l'avertissement solennel des versets 16 et 17. Il existe des œuvres dont l'effet est absolument destructeur pour l'édifice. Cela soulève une autre question importante: Quelle est la nature de ce bâtiment qui est le temple de Dieu?

L'apôtre demande aux Corinthiens s'ils ignoraient que, étant le temple de Dieu, ils portaient le caractère de ce temple. En eux comme étant son temple, Dieu habitait par son Esprit. Cela leur donnait collectivement un caractère particulier de sainteté. Faire un travail qui «corrompt» ou «détruit» le temple de Dieu est une chose terriblement grave. Et si, dans le jour qui vient, l'œuvre de quelqu'un est trouvée porter ce caractère destructeur, Dieu le détruira.

Apparemment, quelques-uns de ceux qui circulaient en ces jours-là, et qui, comme Paul le craignait, faisaient une œuvre destructrice, étaient des hommes richement pourvus de la sagesse de ce monde, qui se présentaient parmi les croyants comme des gens d'une classe supérieure. Cela peut expliquer les paroles très sévères des versets 18 à 20. La sagesse de ce monde est folie pour Dieu. Que personne ne se trompe lui-même à ce propos! Et si des ouvriers de destruction continuent leur travail, se trompant eux-mêmes et trompant les autres, ne nous laissons pas tromper par eux.

Quelle malédiction, quelle destruction, attend les docteurs modernes de la chrétienté, les critiques destructeurs de l'Écriture Sainte! Etant remplis de la sagesse de ce monde, ils se permettent de nier et de contredire la sagesse de Dieu. Ils peuvent imaginer que leurs seuls opposants sont des chrétiens peu instruits ou vieux jeu, mais ils oublient le jour qui révélera le jugement de Dieu. Que ce jour soit sans cesse devant nos yeux!

«Que personne donc ne se glorifie dans les hommes!» Quelques-uns de ceux dans lesquels les Corinthiens se glorifiaient étaient peut-être des personnages peu recommandables. Mais ne nous glorifions même pas dans les meilleurs des hommes. D'une part, aucun homme n'en est digne, comme le chapitre 1 nous l'a montré. Et d'autre part, comme cela est souligné ici, la grâce nous a donné une place qui devrait nous ôter toute idée de nous glorifier dans un simple être humain. «Toutes choses» sont à nous. Toutes choses? C'est une affirmation plutôt surprenante. S'agit-il vraiment de toutes choses? Eh! bien, regardons l'immense domaine esquissé par le verset 22. Les meilleurs des saints d'un côté et le monde de l'autre. La vie d'un côté et la mort de l'autre. Les choses présentes d'un côté et les choses à venir de l'autre. Toutes sont à nous.

Comment sont-elles à nous? Le verset 23 donne la réponse. Elles sont à nous parce que nous sommes à Christ, et Christ à Dieu. Toutes choses sont à Dieu; personne ne peut mettre cela en question; c'est là que nous commençons. Mais ensuite, Dieu a son Christ, qui est l'héritier de toutes choses. Or Christ veut entrer pratiquement en possession de tout ce qui lui revient en mettant ses saints en possession de toutes ces choses. Quelle merveille! On trouve une allusion à cela au chapitre 7 de Daniel. «L'Ancien des jours» s'assied sur le trône suprême. Lorsqu'il l'a fait, «quelqu'un comme un Fils d'homme» apparaît, et on lui donne «la domination et l'honneur et la royauté». Et ce n'est pas tout. Le temps arrive où «les saints des lieux très hauts» reçoivent le royaume. Il vaut la peine de lire ce chapitre avant de continuer.

Donc toutes choses sont à nous et nous ne devons jamais l'oublier. Le souvenir de cela nous élèvera au-dessus du monde et de tous ses attraits trompeurs, au-dessus de la sagesse de ce monde, au-dessus de toute envie de nous glorifier dans l'homme, et même dans le meilleur des saints.

Chapitre 4

Les hommes de ce monde — et souvent aussi des prédicateurs modernes — ont les yeux fixés vers la terre. Ils professent une religion purement terrestre, dont le but est de produire un peu plus d'ordre à la surface des choses, mais qui, en même temps, néglige complètement le fond. Mais qu'en était-il de Paul et d'Apollos? Qu'étaient-ils? Avait-on sujet de se glorifier en eux? Ils n'étaient que des serviteurs et des administrateurs. Le chapitre 4 commence par rappeler que la vertu essentielle d'un administrateur, c'est la fidélité. Et cela ramène nos pensées vers «le jour» qui rendra manifeste toute chose (cf. 3:13).

 Au verset 3, l'expression «jugement d'homme» est, si on la traduit littéralement, «jour d'homme», ce qui souligne tout à la fois la relation et le contraste avec «le jour» qui va venir. Dans la lumière de ce «jour», Paul n'était pas particulièrement troublé ou préoccupé par un jugement d'homme, fût-il celui des Corinthiens eux-mêmes. S'ils avaient été dans une bonne condition spirituelle, l'apôtre aurait certainement écouté avec patience les critiques qu'ils auraient pu avoir à lui faire. Mais ils étaient charnels, et par conséquent, leur jugement n'avait que peu de valeur. C'est ce que Paul leur fait savoir.

De plus, Paul avait une bonne conscience. Et il précise: «Je n'ai rien sur ma conscience; mais par là je ne suis pas justifié» (verset 4). Ah! si seulement nous pouvions tous parler ainsi! — si nous étions assez fidèles à ce que nous avons appris de la pensée de Dieu pour entretenir toujours une bonne conscience! Mais Paul lui-même devait admettre que cela ne le justifiait pas; il devait être jugé non par ce qu'il savait de lui même, mais par le Seigneur et par ce que le Seigneur savait. Il en est de même pour nous. Il y a une grande différence entre les normes fournies par nos consciences et celles qui sont fondées sur l'omniscience du Seigneur.

Qu'est-ce que le Seigneur sait? Le verset 5 nous le déclare; et c'est l'un des versets les plus scrutateurs de la Bible. Lorsque le Seigneur viendra, il apparaîtra au grand jour, et les rayons de sa lumière feront un travail semblable à celui des rayons X. Ce verset est écrit, non pas au sujet du mal grossier qui se commet dans le monde sans Dieu, mais au sujet des actions qui ont lieu parmi les chrétiens.

Ils sont innombrables, les tristes événements qui ont eu lieu parmi les saints de Dieu! — les uns d'une nature plus ou moins privée, les autres publics et ecclésiastiques. Nous pouvons former nos jugements et même devenir de violents partisans d'une cause; et en même temps, il peut y avoir des coins sombres qui échappent à nos yeux, dans lesquels des choses cachées sont tenues en secret. Il peut y avoir dans les cœurs des motifs secrets, entièrement voilés à notre vue. Tout sera révélé à la lumière du jour. La cour d'appel de dernière instance se tiendra en la présence du Seigneur. Et son verdict pourra infirmer de manière irrévocable tous les verdicts des cours inférieures. Si nous avons l'impression d'être mal jugés, ayons patience. Et si nous sommes prêts à entreprendre une action énergique, prenons bien garde.

Cherchons bien dans les coins sombres, pour voir s'il n'y a pas des choses cachées qui devraient venir à la lumière. Scrutons nos propres cœurs pour voir si de mauvais motifs ne s'y cachent pas. Laissons-nous d'abord sonder par le Seigneur de façon patiente et répétée, spécialement s'il s'agit d'une action ecclésiastique qui peut avoir beaucoup de conséquences.

«Et alors chacun recevra sa louange de la part de Dieu» (verset 5). Cela ne signifie pas que tout homme recevra une louange, mais que tous ceux qui en recevront une la recevront de la part de Dieu et non pas de leurs semblables. Les Corinthiens avaient leurs chefs de partis. Ils louaient ceux-ci de façon extravagante et ils condamnaient ceux-là — chacun à son gré. Cela n'avait aucune valeur. Que Dieu nous donne la grâce d'éviter ce genre de choses! La seule louange qui ait de la valeur est celle qui vient de Dieu.

Le verset 6 nous montre que les véritables chefs de partis à Corinthe étaient d'autres personnes que Paul et Apollos. Il s'agissait probablement de conducteurs locaux doués, ou peut-être même de frères de tendance judaïsante qui les visitaient; l'apôtre fait plus clairement allusion à ces personnes dans la seconde épître. Paul évite de mentionner leurs noms, mais il veut que chacun apprenne à ne pas s'enfler «pour l'un contre un autre». Personne n'a de raisons de se vanter, aussi brillant que soit son don, parce que tout don vient de Dieu.

Cette manière de se glorifier dans l'homme vient de l'esprit du monde. Et si le monde s'infiltre sournoisement en un endroit, il va bientôt s'infiltrer en d'autres. C'est ce qu'il avait fait parmi les Corinthiens. Ils étaient rassasiés et riches, et régnaient comme des rois, menant une vie agréable, tandis que leur Seigneur était toujours rejeté et que les apôtres du Seigneur partageaient son rejet. Il y a une pointe d'ironie dans les mots «je voudrais bien que vous régnassiez, afin que nous aussi nous régnassions avec vous!» (verset 8). Les saints régneront lorsque Christ régnera, et les apôtres seront alors sur leurs trônes.

Quel tableau des apôtres nous avons dans les versets 9 à 13! Il n'a pas besoin de commentaires, mais laissons-le se graver dans nos esprits. Paul nous donne ce tableau, non pas pour nous faire honte, mais pour nous avertir. Mais sans aucun doute, nous devons être honteux aussi bien qu'avertis. Paul était un père spirituel pour les Corinthiens, et pas simplement un instructeur, car il avait été l'instrument de leur conversion. Nous aussi, en tant que Gentils, nous avons été convertis par son moyen, bien qu'indirectement, et il est notre instructeur par ses écrits inspirés. Prenons-le donc comme modèle, et imitons sa foi et son dévouement.

Les derniers versets de ce chapitre montrent que quelques-uns parmi les Corinthiens non seulement couraient après des chefs de partis et étaient mondains, mais qu'ils étaient pétris d'amour-propre et remplis d'orgueil. A de telles personnes, l'apôtre écrit en termes très clairs. Pour le moment, Timothée était venu leur rappeler ce qui était juste et bienséant, les faire souvenir de ses voies en Christ, mais Paul prévoyait de venir bientôt lui-même. Et lorsqu'il viendrait dans la puissance du royaume de Dieu, avec l'autorité de Dieu, ces frères enflés d'orgueil pourraient se mesurer eux-mêmes à lui, s'ils le désiraient.

Mais le désiraient-ils? Cela aurait pour effet d'anéantir leurs prétentions démesurées! N'était-il pas bien préférable qu'ils s'humilient eux-mêmes devant Dieu et qu'ils permettent ainsi à Paul de les visiter dans un esprit beaucoup plus heureux?

Et, en terminant la lecture de ce chapitre, ne serait-il pas opportun pour chacun de nous de nous laisser sonder et de nous humilier devant Dieu?

À suivre