Connaître Dieu comme Père (suite)

S. Fayard  et J.A. Monard

2.  Les croyants, des enfants de Dieu

Les mentions du Père, dans l'Ancien Testament

Dieu ne s'est pas révélé comme Père avant que son Fils vienne sur la terre pour le faire connaître. Dans les très rares passages de l'Ancien Testament où Dieu est appelé «père», ce mot signifie simplement qu'il est à l'origine de l'existence. Il n'implique pas une véritable relation filiale. Comme Créateur, il est à l'origine de tous les hommes, et dans ce sens il peut être appelé leur père. «Or maintenant, Éternel, tu es notre père: nous sommes l'argile, tu es celui qui nous a formés, et nous sommes tous l'ouvrage de tes mains» (Ésaïe 64:8). «N'y a-t-il pas pour nous tous un seul père? Un seul Dieu ne nous a-t-il pas créés?» (Malachie 2:10)1. Comme Celui qui avait appelé le peuple d'Israël à l'existence et l'avait racheté de la servitude d'Égypte, il est parfois appelé «père»: «N'est-il pas ton père, qui t'a acheté? C'est lui qui t'a fait et qui t'a établi» (Deutéronome 32:6). «Toi, Éternel, tu es notre Père; ton nom est: Notre Rédempteur, de tout temps» (Ésaïe 63:16).

1 Le même sens du mot «père» se trouve aussi dans le Nouveau Testament: «Il y a un seul Dieu et Père de tous, qui est au-dessus de tout, et partout, et en nous tous» (Éphésiens 4:6).

Dans quelques passages, les soins de Dieu envers les siens ou envers son peuple sont assimilés aux soins d'un père envers ses enfants: «L'Éternel, ton Dieu, t'a porté comme un homme porte son fils, dans tout le chemin où vous avez marché» (Deutéronome 1:31); «Comme un père a compassion de ses fils, l'Éternel a compassion de ceux qui le craignent» (Psaumes 103:13). Ces passages sont très précieux à nos cœurs parce qu'ils sont aussi vrais pour nous, mais ils n'expriment pas la relation caractéristique du christianisme. Les Israélites n'étaient pas des «enfants de Dieu» dans le plein sens du terme. Ils ne pouvaient connaître cette relation filiale.

La relation d'enfant

Le Fils de Dieu s'est présenté à Israël, le peuple terrestre de Dieu, et n'a pas été reçu. «Il vint chez soi; et les siens ne l'ont pas reçu. Mais à tous ceux qui l'ont reçu, il leur a donné le droit d'être enfants de Dieu, savoir à ceux qui croient en son nom» (Jean 1:11, 12). Cette déclaration, tout au début du quatrième évangile, établit de la manière la plus forte le contraste entre les croyants et les incrédules, entre ceux qui reçoivent Jésus et ceux qui le rejettent. Les premiers reçoivent la vie éternelle et deviennent des «enfants de Dieu». Les autres restent sans relation avec lui et la colère de Dieu demeure sur eux: «Qui croit au Fils a la vie éternelle; mais qui désobéit au Fils ne verra pas la vie, mais la colère de Dieu demeure sur lui» (Jean 3:36).

La relation d'enfants dans laquelle les croyants sont introduits découle d'une œuvre de Dieu dans le cœur, y produisant une nouvelle vie. Il y a donc une nouvelle naissance, d'ordre spirituel, dont Dieu est l'auteur. Ceux qui ont cru en Jésus sont «nés de Dieu». Cette naissance-là n'est pas selon le mode propre à la nature humaine: ceux qui passent par elle «sont nés, non pas de sang, ni de la volonté de la chair, ni de la volonté de l'homme, mais de Dieu» (Jean 1:13).

Le point de départ de la vie divine dans une âme, de «la vie éternelle», a donc deux aspects. Il y a le côté de l'homme et le côté de Dieu. Par la foi, l'homme reçoit la parole de Dieu et le Sauveur qu'elle lui révèle. Parallèlement, Dieu opère une œuvre de vivification: par sa Parole, il engendre une nouvelle vie. Ainsi le croyant «participe de la nature divine» (2 Pierre 1:4).

La nouvelle naissance

Si donc nous sommes «enfants de Dieu», c'est parce que nous sommes «nés de Dieu», c'est parce que nous avons été «engendrés de lui». Ces expressions sont caractéristiques des écrits de Jean2. La même vérité se trouve aussi dans l'épître de Jacques: «De sa propre volonté, il nous a engendrés par la parole de la vérité, pour que nous soyons une sorte de prémices de ses créatures» (1:18) — et dans la première épître de Pierre: «Vous… êtes régénérés, non par une semence corruptible, mais par une semence incorruptible, par la vivante et permanente parole de Dieu» (1:23).

Tout cela est clairement révélé dans l'entretien de Jésus avec Nicodème, en Jean 3. Le Seigneur place ce docteur de la loi devant la nécessité: «Il vous faut être né de nouveau» (verset 7). Sans cette nouvelle naissance, il est impossible «d'entrer dans le royaume de Dieu», ni même de le «voir» (versets 3, 5). De même que l'enfant

2 Voir 1 Jean 2:29; 3:9; 4:7; 5:1, 4, 18.

reçoit de ses parents une nature semblable à la leur, le croyant reçoit de Dieu, à la nouvelle naissance, une nouvelle nature qui porte le caractère de celui qui l'a engendré: «Ce qui est né de la chair est chair; et ce qui est né de l'Esprit est esprit» (verset 6). Cette opération divine est mystérieuse, comme celle du «vent», qui «souffle où il veut», dont on «entend le son», mais dont on «ne sait pas d'où il vient, ni où il va». «Il en est ainsi», dit le Seigneur, «de tout homme qui est né de l'Esprit» (verset 8).

Soulignons les différentes expressions employées par le Seigneur dans cet entretien:

  • être né de nouveau (versets 3, 7),
  • être né d'eau3 et de l'Esprit (verset 5),
  • être né de l'Esprit (versets 6, 8).

En parlant de cet être nouveau, résultat de la merveilleuse opération de Dieu dans un homme, l'apôtre Jean dira: «La semence de Dieu demeure en lui» (1 Jean 3:9).

Tous les croyants de l'Ancien Testament ont sans doute été vivifiés d'une façon semblable; mais ces grandes choses n'étaient pas révélées. La relation d'enfant de Dieu n'était pas connue. Elle ne pouvait l'être avant la venue du Fils de Dieu.

L'adoption

 «Avant la fondation du monde», Dieu nous a «prédestinés pour nous adopter pour lui par Jésus Christ» (Éphésiens 1:4, 5). Le mot adopter (ou adoption) exprime la pensée que des personnes qui n'étaient pas des enfants sont introduites dans la position de fils, avec

3 L'eau est une figure de la Parole; c'est cette parole qui est la semence, cf. 1 Pierre 1:23.

tous les privilèges qui en découlent. Une telle faveur, accordée par Dieu à des pécheurs qui en étaient absolument indignes, est «à la louange de la gloire de sa grâce» (verset 6). Maintenant, notre misère morale et notre indignité appartiennent au passé: dans sa grâce, «il nous a rendus agréables dans le Bien-aimé» (verset 6).

L'épître aux Galates, adressée à des chrétiens en danger de se placer sous la loi, rappelle comment Dieu a délivré de leur position d'esclavage, tant des Juifs sous la loi que des gens des nations sans loi, pour en faire des fils: «Mais, quand l'accomplissement du temps est venu, Dieu a envoyé son Fils, né de femme, né sous la loi, afin qu'il rachetât ceux qui étaient sous la loi, afin que nous recevions l'adoption» (Galates 4:4, 5). En ce qui concerne le Fils de Dieu, il n'est pas question d'adoption. Il était Fils de toute éternité. Mais il est venu dans la condition où étaient ceux qu'il devait racheter («né de femme, né sous la loi»), et il les a introduits dans la position de fils qui était la sienne. A quelle hauteur le salut est présenté ici!

L'apôtre continue: «Et, parce que vous êtes fils, Dieu a envoyé l'Esprit de son Fils dans nos cœurs, criant: Abba, Père: de sorte que tu n'es plus esclave, mais fils; et si, fils, héritier aussi par Dieu» (versets 6, 7). Remarquons le rôle du Saint Esprit. En ceux qui ont été sanctifiés par l'œuvre de Christ et qui sont ainsi devenus des fils, Dieu peut faire habiter le Saint Esprit. La présence de cette personne divine leur donne conscience de la relation filiale dans laquelle ils sont, de sorte que leur cœur peut s'épancher en toute liberté vers Dieu en lui disant: Père.

Tout ceci est confirmé par un passage similaire de l'épître aux Romains: «Car vous n'avez pas reçu un esprit de servitude pour être derechef dans la crainte, mais vous avez reçu l'Esprit d'adoption, par lequel nous crions: Abba, Père! L'Esprit lui-même rend témoignage avec notre esprit, que nous sommes enfants de Dieu; et si nous sommes enfants, nous sommes aussi héritiers; héritiers de Dieu, cohéritiers de Christ» (8:15-17). Remarquons le double témoignage mentionné au verset 16, témoignage rendu par l'esprit du croyant et par l'Esprit de Dieu qui demeure en lui. Par la foi, le croyant reçoit les déclarations de la Parole et s'appuie sur elles. Et l'Esprit de Dieu donne une puissance divine à ces déclarations pour que le croyant en ait une pleine certitude.

Dans les relations humaines, être adopté et être engendré s'excluent mutuellement. Celui qui a été engendré par un homme n'a aucun besoin d'être adopté par lui. Et l'enfant adopté n'a pas été engendré par son père adoptif, mais possède nécessairement l'hérédité d'un autre. En revanche, dans le salut que Dieu nous donne, l'adoption et le fait d'être engendré vont de pair et se complètent.

  • Quand nous sommes envisagés comme ayant été retirés d'un état d'éloignement de Dieu et amenés à lui comme enfants, il est dit que nous avons été adoptés. C'est l'enseignement de Paul.
  • Quand l'accent est mis sur la nouvelle vie que nous avons reçue de Dieu et sur l'origine divine de la nouvelle nature que nous avons reçue, il est dit que nous sommes nés de Dieu, que nous avons été engendrés de lui. C'est l'enseignement de Jean.

Outre les trois passages sur lesquels nous venons de nous arrêter (Romains 8:15; Galates 4:5; Éphésiens 1:5), l'Écriture mentionne encore deux fois l'adoption. En Romains 8:23: «Nous soupirons en nous-mêmes, attendant l'adoption, la délivrance de notre corps». Notre plein salut, les résultats complets de notre adoption ne seront atteints que lorsque nous serons revêtus de nos corps glorieux, à la venue du Seigneur.

Et en Romains 9:4, en énumérant les privilèges des Israélites, l'apôtre rappelle qu'ils avaient l'adoption. Cette pensée rejoint ce que nous avons vu au début de ce chapitre. Si dans un certain sens, Dieu pouvait être appelé le Père d'Israël, c'est qu'il avait adopté ce peuple. Moïse est chargé de dire au Pharaon: «Ainsi a dit l'Éternel: Israël est mon fils, mon premier-né… Laisse aller mon fils pour qu'il me serve» (Exode 4:22, 23). Et au moment où il place les Israélites devant leur responsabilité de marcher d'une manière différente des nations païennes, Moïse peut leur dire: «Vous êtes les fils de l'Éternel, votre Dieu» (Deutéronome 14:1). Mais comme dit plus haut, cette relation — de caractère collectif — est sans commune mesure avec celle dans laquelle le Fils de Dieu a introduit ses rachetés.

Le premier-né et ses frères

Le psaume 22 place prophétiquement devant nous les souffrances de Christ à la croix, particulièrement celles de l'abandon. Après le cri de détresse adressé à son Dieu: «Sauve-moi de la gueule du lion», nous entendons le chant de la délivrance: «Tu m'as répondu d'entre les cornes des buffles» (verset 21). Puis vient la mention de ceux qui trouveront leur délivrance dans la sienne: «J'annoncerai ton nom à mes frères, je te louerai au milieu de la congrégation» (verset 22). L'épître aux Hébreux cite ce passage en y ajoutant une remarque particulièrement touchante: «Il n'a pas honte de les appeler frères, disant: J'annoncerai ton nom à mes frères; au milieu de l'assemblée je chanterai tes louanges» (2:12).

C'est ainsi que, le jour de sa résurrection, le Seigneur dit à Marie de Magdala: «Va vers mes frères, et dis-leur: Je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu» (Jean 20:17).

Dans un passage remarquable de l'épître aux Romains, l'apôtre dévoile le propos éternel de Dieu: «Ceux qu'il a préconnus, il les a aussi prédestinés à être conformes à l'image de son Fils, pour qu'il soit premier-né entre plusieurs frères. Et ceux qu'il a prédestinés, il les a aussi appelés; et ceux qu'il a appelés, il les a aussi justifiés; et ceux qu'il a justifiés, il les a aussi glorifiés» (Romains 8:29, 30). Les desseins de Dieu à l'égard de ses rachetés sont intimement liés à ses desseins à l'égard de son Fils. Dieu veut avoir une famille dans laquelle ses rachetés sont introduits par grâce et dans laquelle son Fils est le «premier-né». Dans cette famille, il est nécessaire que tous les enfants soient dans un état de perfection, et par conséquent il faut que des hommes autrefois éloignés, perdus, coupables et souillés soient «appelés», «justifiés» et «glorifiés». Dieu veut qu'ils soient rendus «conformes à l'image de son Fils». Tel est le résultat parfait de l'œuvre de Christ.

Ce résultat sera complètement atteint lorsque nos corps mortels seront transformés et rendus conformes à celui de Christ (Philippiens 3:21). «Quand il sera manifesté, nous lui serons semblables, car nous le verrons comme il est» (1 Jean 3:2). Mais, pour lui ressembler, devons-nous attendre ce jour-là? Non! Dieu attend de ses enfants qu'ils reproduisent dès maintenant les traits de la nouvelle nature qu'ils ont reçue, et que l'on voie en eux les caractères moraux qui ont brillé en Christ, l'homme parfait (cf. 1 Jean 2:6; 2 Corinthiens 3:18).

À suivre