Babel — Babylone

A. Remmers

Le nom de Babel ou de Babylone (sa forme grecque) se rencontre d'un bout à l'autre des Écritures. La première mention est en Genèse 10:10: «Le commencement de son royaume fut Babel…». Et dans l'Apocalypse, Babylone est la puissance de méchanceté des derniers temps (18:21). Pour comprendre la signification de Babel et son influence néfaste sur le peuple de Dieu, il faut considérer son histoire et son caractère.

Babel dans l'Ancien Testament

Le fondateur de Babel est Nimrod (Genèse 10:9, 10), un «puissant chasseur devant l'Éternel», autrement dit: un homme de pouvoir. La tour de Babel (Genèse 11) est un symbole de la glorification et de la déification de l'homme, dans son désir d'atteindre le ciel par ses propres forces (Genèse 11:4; Ésaïe 14:13; Jérémie 51:53). Babylone est devenue ainsi le symbole de l'idolâtrie (Ésaïe 21:9; Jérémie 50:38) et du commerce des choses précieuses de ce monde qui séduisent le cœur de l'homme (cf. Josué 7:21; Apocalypse 18:11-14). La signification du nom de Babel est indiquée en Genèse 11:9: c'est «confusion».

Du point de vue historique, l'empire babylonien a déployé sa plus grande puissance après le déclin de l'Assyrie, soit dans les années 626 à 539 avant J.C. C'est au cours de cette période qu'ont eu lieu les attaques décisives de Babylone contre le royaume de Juda (605, 597 et 586), qui ont eu pour conséquences l'assujettissement de ce dernier et sa déportation durant soixante-dix ans. (Les habitants du royaume d'Israël, les dix tribus, avaient déjà été emmenés en captivité par l'Assyrien en l'an 721). C'est ainsi que, par suite de sa désobéissance et de son obstination, le peuple de Dieu est tombé sous l'influence et sous la domination de cette puissance idolâtre.

En l'an 539 avant J.C., Babylone a été conquise par les Mèdes et les Perses (Jérémie 13:17; Daniel 5:31), et en l'an 537, un résidu juif a pu remonter à Jérusalem (Esdras 1). Après son annexion à l'empire perse, la ville de Babylone a perdu progressivement son importance. Elle a toutefois été encore peuplée jusqu'en l'an 1000 après J.C., en particulier par des Juifs (cf. 1 Pierre 5:13), avant d'être entièrement désertée et de tomber en ruine.

Les quatre empires

Dans les prophéties bibliques, Babylone est vue comme le symbole de l'idolâtrie et de l'oppression du peuple de Dieu. Elle a été la première puissance qui a conquis la ville de Jérusalem; elle a mis fin à la royauté que Dieu avait établie en Israël et a emmené le peuple en captivité.

C'est au moment de ces événements qu'ont commencé «les temps des nations» (Luc 21:24). Dans ses voies gouvernementales envers la terre, Dieu a placé alors la domination entre les mains des puissances païennes. Ce temps, qui durera jusqu'à l'apparition de Christ, est divisé dans la parole de Dieu en quatre périodes qu'il est important de connaître pour la compréhension des prophéties (Daniel 2; 7; Zacharie 1:6):

  1.  l'empire babylonien,
  2. l'empire médo-perse,
  3. l'empire grec,
  4. l'empire romain.

En Daniel 2, ces quatre empires sont vus en songe dans une perspective humaine par Nebucadnetsar, roi de Babylone. Ils apparaissent comme une imposante statue dont la tête d'or le représente lui-même (Daniel 2:38). La poitrine et les bras d'argent désignent l'empire médo-perse (cf. Daniel 5:26-28), le ventre et les cuisses d'airain, l'empire grec (Daniel 8:20, 21), et enfin, les jambes de fer et les pieds en partie de fer et en partie d'argile, l'empire romain. La pierre qui se détache sans intervention humaine et qui broie d'abord les pieds puis toute la statue est Christ dont le royaume «ne sera jamais détruit» — son royaume «ne passera point à un autre peuple» (Daniel 2:44).

 En Daniel 7, les quatre empires sont révélés au prophète dans la perspective divine. Il voit quatre animaux sauvages différents monter de la mer. Ceux-ci représentent le véritable caractère de ces empires: violence et incompréhension totale des pensées de Dieu. Babylone est vue là sous la forme d'un lion, la Perse, sous celle d'un ours, la Grèce, sous celle d'un léopard, et Rome, sous celle d'une bête effrayante et puissante ayant dix cornes. Cette bête est cependant tuée avant que la domination soit donnée à Celui qui vient «comme un fils d'homme» «avec les nuées des cieux». Là encore, Christ est vu comme le vainqueur définitif.

Babylone dans le Nouveau Testament

Tous ces empires ont eu leur période de gloire et ont disparu. L'empire romain, qui a connu le point culminant de sa puissance au temps de la naissance de Christ (cf. Luc 2:1), s'est effondré en l'an 476 après J.C. (du moins l'empire romain d'occident). Mais, dans des temps futurs, il retrouvera un regain de vie pour une courte période (Daniel 7:25; Apocalypse 13:5), avant que le Seigneur Jésus l'anéantisse par son apparition: «La bête que tu as vue était, et n'est pas, et va monter de l'abîme et aller à la perdition» (Apocalypse 17:8; cf. 19:19, 20). Cette bête, qui monte à la fois de la mer et de l'abîme, a dix cornes, comme la quatrième bête de Daniel (Apocalypse 13:1). Elle est semblable à un léopard (la Grèce), ses pieds sont comme ceux d'un ours (la Perse), et sa bouche est comme celle d'un lion (Babylone) (13:2). Ainsi, l'empire romain ressuscité réunit en lui-même les caractères de tous les empires antérieurs, donc aussi les caractères de la Babylone historique. L'inversion de l'ordre chronologique des empires s'explique par le fait que Jean les voit rétrospectivement.

Après l'enlèvement des croyants dans le ciel, une autre Babylone jouera encore une fois un rôle terrible sur cette terre. Sous la conduite de Rome, la puissance religieuse et commerciale de la chrétienté sans vie et sans Christ deviendra Babylone, «la grande prostituée qui est assise sur plusieurs eaux» et dont l'influence s'étend presque au monde entier (Apocalypse 17:15, 18). Elle sera aussi caractérisée, comme le fut Babylone dans l'Ancien Testament, par le mélange de la religion et du monde, dans la «confusion» à son plus haut degré. Elle recevra puissance et influence de la bête aux sept têtes et aux dix cornes — le chef de l'empire romain ressuscité — sur lequel elle est assise (Apocalypse 17:1-3).

Dans l'Apocalypse, le nom de Babylone a un caractère symbolique. Il n'a aucun rapport avec la ville ou l'empire du Proche-Orient, mais avec une puissance religieuse et commerciale en étroite relation avec l'empire romain de l'Europe de l'ouest dont le siège sera la Rome des «sept montagnes» (Apocalypse 17:9, 18). L'empire romain lui-même aura aussi les caractères de la Babylone de l'Ancien Testament (cf. l'expression «la bouche d'un lion» en Apocalypse 13:2 avec les mots «comme un lion» en Daniel 7:4). Le parallèle entre la Babylone antique et la Babylone future ne se trouve pas dans la situation géographique et la puissance militaire, mais bien dans la concordance de la dépravation morale de ces systèmes, tous deux étant les grands antagonistes de Dieu et des siens.

Alors que la Babylone de l'Ancien Testament a été renversée par les Mèdes et les Perses (Ésaïe 13:17; Jérémie 51:11; cf. Daniel 2:39; 5:28), celle du Nouveau Testament sera anéantie par les dix rois de l'empire romain qui «haïront la prostituée et la rendront déserte et nue, et mangeront sa chair et la brûleront au feu», un jugement qui en fin de compte vient de Dieu (Apocalypse 17:16, 17; 18:8).

Si la prophétie de l'Ancien Testament relative à la chute de Babylone (Ésaïe 13; 14; 46; 47; Jérémie 50; 51) s'est partiellement réalisée lors de sa conquête par les Mèdes et les Perses, elle ne trouvera son plein accomplissement que dans le jugement de la Babylone future. Comme la victoire sur la Babylone antique a ouvert le chemin au résidu pour son retour dans la terre d'Israël, de même l'élimination de Babylone, «la grande prostituée», préparera le chemin pour les noces de l'Agneau avec son épouse dans le ciel, pour le rétablissement d'Israël dans ses relations avec Dieu, et pour le règne de mille ans.