La mission difficile d'Ésaïe (Ésaïe 6)

A. Remmers

Le prophète voit l'Éternel des armées

Ozias ou Azaria, roi de Juda, avait fort bien commencé; hélas! il a mal fini. «Quand il fut devenu fort, son cœur s'éleva jusqu'à le perdre» (2 Chroniques 26:16). En effet, il a eu l'audace d'entrer dans le temple pour y faire fumer l'encens — fonction qui n'appartenait qu'aux sacrificateurs, fils d'Aaron. En conséquence de ce péché, il a fini sa vie lépreux, dans une maison d'isolement. Ésaïe a vécu ces événements et en a même écrit l'histoire, dans un livre qui ne nous est pas conservé (2 Chroniques 26:22). Tout cela a sans doute pesé sur le cœur du prophète, qui discernait clairement l'état du peuple et de ses conducteurs, et qui, de la part de Dieu, devait le condamner sévèrement.

«L'année de la mort du roi Ozias», il est accordé à Ésaïe de voir «le Seigneur» dans le temple, «assis sur un trône haut et élevé» (Ésaïe 6:1). Les rois de la terre apparaissent et disparaissent, mais le Seigneur est Celui qui ne change pas, Celui qui demeure éternellement le Même. Au-dessus du trône, le prophète aperçoit des «séraphins», mot qui signifie «brûlants». Ils sont les symboles de la sainteté de Dieu — «car aussi notre Dieu est un feu consumant» (Hébreux 12:29). Avec leurs six ailes, ils ressemblent aux quatre animaux que l'on voit avec le trône de Dieu en Apocalypse 4; comme ceux-ci, ils disent continuellement: «Saint, saint, saint…» (Apocalypse 4:8). Par respect, ils se couvrent le visage; dans l'humilité, ils se couvrent les pieds; et ils sont continuellement prêts à servir «l'Éternel des armées», dont la gloire remplit toute la terre. L'ébranlement des seuils et la fumée qui remplit la maison rappellent la frayeur qu'avait produite l'apparition du Dieu d'Israël au Sinaï (verset 4; Exode 19:18).

Cette vision, de même que la description du trône de Dieu en Ezéchiel 1, nous montre que les prophètes de l'Ancien Testament n'ont pu voir que partiellement le rayonnement de la gloire divine. Alors que Jean — dans la mesure où cela est possible à une créature — a pu la contempler à face découverte.

Sans qu'il ait pu le savoir, Ésaïe a contemplé ici la gloire du Fils de Dieu (Jean 12:41) — de Celui qui est «l'image du Dieu invisible», «le resplendissement de sa gloire et l'empreinte de sa substance» (Colossiens 1:15; Hébreux 1:3). Au début de son Évangile, Jean déclare son existence éternelle: «Au commencement était la Parole; et la Parole était auprès de Dieu; et la Parole était Dieu (Jean 1:1). Avant que la grâce et la vérité soient parfaitement manifestées en Jésus (1:17), chaque apparition de la gloire de Dieu produisait nécessairement sur l'homme la crainte et l'effroi.

Le prophète, qui précédemment avait prononcé les six «malheurs» du jugement sur son peuple, s'écrie maintenant, tandis qu'il est placé en face de la sainteté divine qui scrute son âme et de la gloire divine qui l'accable: «Malheur à moi! car je suis perdu» (verset 5). Dans la présence de Dieu, il ne voit pas seulement le péché et la dépravation du peuple; il voit qu'il est lui-même un homme aux lèvres impures, indigne de contempler le vrai roi, l'Éternel des armées. Devant la parfaite sainteté de Dieu, personne ne peut tenir. Mais, la confession du prophète, qui ne se place nullement au-dessus de son peuple, est agréable à Dieu. Il dit lui-même: «J'habite le lieu haut élevé et saint, et avec celui qui est abattu et d'un esprit contrit» (Ésaïe 57:15).

Alors, l'autel apparaît. C'est l'autel d'airain, dont le feu fait monter vers Dieu l'odeur agréable de l'offrande, et qui apporte la propitiation et le pardon (Lévitique 4:31). Avec un charbon ardent pris de dessus l'autel, l'un des séraphins touche les lèvres impures du prophète, dont le péché est ainsi ôté (versets 6 et 7).

Quelle magnifique image nous avons ici de la vraie expiation et de la sanctification! La sainteté de Dieu, dont les yeux sont trop purs pour voir le mal, exigeait une expiation parfaite du péché. Par l'offrande que Jésus Christ a faite de lui-même à la croix, et par le jugement divin qu'il a pris sur lui et qu'il a épuisé, cette expiation a été faite de manière complète et une fois pour toutes. La sainteté de Dieu est satisfaite. Dans son amour, sa grâce et sa miséricorde, il a donné son propre Fils pour cela, et il offre un plein salut à tous ceux qui viennent à lui dans la repentance et la foi.

Nous venons de dire que cette scène est une «image», parce qu'elle ne nous décrit pas la conversion d'Ésaïe. Il avait déjà la foi en Dieu. Seulement, comme tous les croyants de l'Ancien Testament, il ne pouvait pas connaître la signification profonde de la propitiation et du pardon. Cependant, dans l'image que nous avons ici, le principe en est clairement montré. De la même manière, le souverain sacrificateur Joshua apprend de façon concrète, en présence de l'Ange de l'Éternel, quel est le principe de la purification; ses vêtements sales sont ôtés, et il est revêtu d'habits de fête (Zacharie 3:1-5).

Dans ce passage, il ne s'agit pas non plus de l'appel d'Ésaïe au service de prophète, mais d'une mission particulière qui lui est confiée, et pour laquelle Dieu le prépare de cette manière. A ce sujet, nous pouvons penser à Pierre qui, devant la gloire et la puissance du Fils de Dieu devenu homme, s'écrie: «Seigneur, retire-toi de moi, car je suis un homme pécheur», et qui reçoit au même moment la mission: «Ne crains pas; dorénavant tu prendras des hommes» (Luc 5:8-10).

La mission du prophète

Ésaïe entend maintenant la voix du Seigneur disant: «Qui enverrai-je, et qui ira pour nous?» Le pluriel, comme dans la déclaration de Genèse 1, «Faisons l'homme à notre image», laisse déjà percevoir la pluralité des personnes divines. Comme quelqu'un de tout aussi coupable que le peuple entier, mais qui a conscience d'être pardonné, Ésaïe est dans les dispositions intérieures convenables. Ainsi préparé à répondre à cet appel, il dit: «Me voici, envoie-moi» (verset 8).

Il reçoit la mission d'annoncer à «ce peuple» — que maintenant Dieu n'appelle plus «mon peuple», comme au début du livre (cf. 1:3) — l'endurcissement imminent qui va l'atteindre. Cet endurcissement des cœurs n'était pas un acte arbitraire de Dieu, mais sa dernière réponse à la dureté de cœur de son peuple terrestre, qui avait mis de côté avec mépris tous les soins de son amour. Le pharaon d'Égypte avait déjà connu un tel jugement parce qu'il n'avait pas voulu laisser les Israélites sortir de son pays; et après l'enlèvement des croyants, la chrétienté subira un sort semblable (Exode 7:13; 9:12; 2 Thessaloniciens 2:10-12). Dans les jours d'Ésaïe, l'endurcissement annoncé consistait en ceci: les hommes entendraient mais ne comprendraient pas, ils verraient mais ne connaîtraient pas. Ils deviendraient spirituellement sourds et aveugles. La conversion et la guérison du peuple ne seraient plus possibles.

Cette prophétie a trouvé son premier accomplissement à l'époque de la captivité babylonienne, lorsque le courroux de Dieu contre son peuple est devenu si grand «qu'il n'y eut plus de remède» (2 Chroniques 36:15, 16). Cependant, lorsque les Juifs, environ sept siècles plus tard, ont rejeté tout d'abord le Messie que Dieu leur avait envoyé, puis le témoignage du Saint Esprit concernant un Christ glorifié dans le ciel, ces paroles prophétiques ont eu leur réalisation définitive. C'est pourquoi elles sont citées plusieurs fois dans le Nouveau Testament (Matthieu 13:14; Marc 4:12; Luc 8:10; Jean 12:40; Actes des Apôtres 28:26). Cet état de choses subsiste encore aujourd'hui, et durera «jusqu'à ce que la plénitude des nations soit entrée; et ainsi tout Israël sera sauvé» (Romains 11:25, 26). Après l'enlèvement des croyants, Dieu se tournera de nouveau vers son peuple terrestre et le recevra en grâce, mais seulement après une discipline sévère.

Ésaïe savait certainement, par la loi et par les psaumes, que Dieu «ne contestera pas à jamais» et qu'il «ne garde pas sa colère à toujours» (Deutéronome 30; Psaumes 103:9). Aussi pose-t-il immédiatement la question: «Jusques à quand, Seigneur?» (verset 11). Il ne pouvait cependant pas recevoir une réponse correspondant à ce que nous connaissons aujourd'hui. Il lui est dit seulement: «Jusqu'à ce que les villes soient dévastées, de sorte qu'il n'y ait pas d'habitants, et les maisons, de sorte qu'il n'y ait pas d'hommes, et que le sol soit réduit en entière désolation, et que l'Éternel en ait éloigné les hommes, et que la solitude soit grande au milieu du pays» (versets 11, 12). Le prophète devait vivre l'anéantissement du royaume du nord, mais non la désolation de Jérusalem par Nebucadnetsar, environ un siècle plus tard. Après sa mort, sept cents ans devront encore s'écouler jusqu'à ce que les Romains accomplissent une seconde destruction du temple et de la ville (en l'an 70). Ainsi que nous le savons par les Écritures, «le temps de la détresse pour Jacob» est encore futur (Jérémie 30:7). Cependant, quelque proche que puisse être ce temps, nous nous trouverons auparavant réunis auprès de notre bien-aimé Seigneur, dans la maison du Père.

Toutes les dévastations précédentes, comme aussi celle qui doit arriver dans le temps de tribulation à venir, ne sont pourtant pas équivalentes à une extinction totale du peuple d'Israël. Un petit résidu sera préservé, dans l'avenir aussi, à travers les jugements qui l'attendent: «il y aura encore là un dixième; et il reviendra et il sera brouté, comme le térébinthe et le chêne, dont le tronc reste quand ils sont abattus» (verset 13). D'un tronc apparemment mort, de nouvelles pousses peuvent s'élever. C'est ainsi qu'un jour, dans le peuple de Dieu, «la semence sainte» — le résidu croyant — sera là pour la gloire de Dieu et pour la bénédiction de la terre.