Le Seigneur juge son peuple (Ésaïe 5)

A. Remmers

«Un cantique de mon bien-aimé, sur sa vigne»

Ce chapitre commence par une prophétie sur le peuple d'Israël, plus précisément sur «la maison d'Israël» et «les hommes de Juda» (verset 7). Le fait que cette prophétie soit appelée «un cantique» ne doit pas nous surprendre. Déjà Moïse, dans son dernier cantique, parle du jugement de Dieu sur Israël (Deutéronome 32); et nous trouvons divers cantiques prophétiques dans l'Apocalypse (5:9; 14:3; 15:3). Rappelons aussi que de grandes portions des livres prophétiques de l'Ancien Testament sont écrites dans un langage et une forme poétiques — bien que cela soit parfois difficile ou impossible à rendre dans une traduction (cf. Lamentations de Jérémie 1:1 note).

Le cantique d'Ésaïe est en même temps une parabole. Le Seigneur Jésus lui-même enseignait souvent sous forme de paraboles. Dans l'une d'elles, il utilise une comparaison semblable à celle d'Ésaïe 5 (Matthieu 21:33-41). Dans les deux cas, la vigne est une image du peuple d'Israël ou des Juifs.

Il n'y a guère de plante qui exige autant de travail que le cep de vigne, jusqu'à ce que le fruit attendu apparaisse. Il en résulte que la vigne ou le cep sont particulièrement aptes à représenter Israël, le peuple terrestre de Dieu, objet de ses soins attentifs et persévérants. Cette image est plusieurs fois utilisée dans l'Ancien Testament (Jérémie 2:21; Osée 9:10; 10:1; Joël 1:7). Dans ce cantique adressé à son «bien-aimé» au sujet de «sa vigne», Ésaïe parle donc du Dieu d'Israël et de son peuple terrestre. Le «coteau fertile» est le pays de Canaan dans lequel l'Éternel avait conduit son peuple et l'avait richement béni. Il ne l'avait laissé manquer de rien: il lui avait donné sa loi, les sacrificateurs et les prophètes; il lui avait accordé aide et protection (cf. Romains 9:4, 5). Il aurait donc pu attendre de sa vigne du fruit en abondance, mais au lieu «de bons raisins», il n'a trouvé que «des raisins sauvages».

Alors Dieu s'adresse aux habitants de Jérusalem et aux hommes de Juda, et leur demande ce qu'il aurait encore pu faire de plus pour sa vigne (versets 3, 4). Il ne pouvait être donné que cette réponse humiliante:

rien! L'homme est manifesté comme étant incapable par lui-même de répondre à ce que Dieu attend de lui. Il en a été ainsi non seulement pour Israël, mais aussi pour la chrétienté — et, en vérité, il en est ainsi pour chaque homme individuellement.

En conclusion, Dieu prononce alors son jugement sur sa vigne. Il abattra sa haie et sa clôture — ce qui constitue sa protection — de sorte que chacun pourra y entrer et la fouler aux pieds. Elle ne sera ni taillée ni sarclée; les ronces et les épines, symboles du sol maudit, y monteront; et le ciel restera fermé sur elle afin que la pluie indispensable ne tombe pas pour l'arroser (versets 5, 6; cf. Deutéronome 11:17).

Le verset 7 fournit la clé de la parabole: «Car la vigne de l'Éternel des armées est la maison d'Israël, et les hommes de Juda sont la plante de ses délices. Et il s'attendait au juste jugement (mischpath), et voici l'effusion de sang (mispach), — à la justice (zedaqah), et voici un cri! (zeaqah)». Les mots hébreux, arrangés de façon poétique, soulignent le sérieux du jugement de Dieu.

La parabole de la vigne énoncée par le Seigneur Jésus en Matthieu 21 va encore plus loin: le fils du maître de la vigne est tué par les cultivateurs (verset 39). Par le rejet du Fils de Dieu, les Juifs ont amené sur eux le jugement d'une mise à l'écart pour un temps. Et Dieu révèle au monde entier qu'il n'attend dorénavant plus aucun fruit de ses créatures responsables — du moins sur le terrain de leur propre capacité.

Cependant, le Fils de Dieu, envoyé du ciel et rejeté par son peuple terrestre, a commencé sur cette terre une œuvre entièrement nouvelle. Elle est décrite par les paroles du Seigneur en Jean 15: «Moi, je suis le vrai cep, et mon Père est le cultivateur» (verset 1). Celui qui se trouve dans une relation vitale avec le vrai Cep — une relation de foi — porte du fruit par lequel Dieu est glorifié, du fruit qui demeure (versets 8, 16).

Les six «Malheur à ceux qui…!»

Dans les six «Malheur…!» qui suivent, tous les péchés du peuple ne sont pas dénoncés, mais seulement quelques fautes particulièrement saillantes des plus responsables d'entre eux (cf. chapitre 3). De même aussi, le Seigneur Jésus a prononcé sept «Malheur à vous…!», en s'adressant particulièrement aux scribes et aux pharisiens, les conducteurs aveugles des Juifs de son temps (Matthieu 23:13et suivants ).

Le premier «Malheur…!» (Ésaïe 5:8-10) concerne ceux qui sont possédés par le désir d'acquérir des richesses toujours plus grandes. En ajoutant «maison à maison» et en joignant «champ à champ», ils négligent totalement le fait que le pays est la propriété de l'Éternel (cf. Lévitique 25:23). Cependant, plus ils amassent, moins ils posséderont. Les récoltes se fondront entre leurs mains.

Le deuxième «Malheur…!» (versets 11-17) est prononcé contre ceux qui recherchent les plaisirs mondains et qui ne prennent pas garde à l'œuvre de l'Éternel. C'est pourquoi, sous le gouvernement divin, le peuple sera emmené en captivité, parce qu'il a méprisé la connaissance de Dieu et de ses pensées (cf. Osée 4:6). Beaucoup mourront et deviendront la proie du shéol — l'empire des morts. Les grands et les petits seront abaissés ensemble dans la poussière, tandis que «l'Éternel des armées… le Dieu saint, sera sanctifié en justice» (verset 16; cf. 2:11, 17).

Le troisième «Malheur…!» (versets 18, 19) s'adresse aux moqueurs qui ne prennent pas au sérieux le châtiment de Dieu annoncé par les prophètes, parce qu'il n'a pas encore été exécuté. Mais s'il tarde, c'est en raison de la longanimité de Dieu. Ces hommes pensent que le jugement ne viendra jamais; par conséquent, ils vivent dans l'injustice, l'hypocrisie et le péché (cf. 2 Pierre 3:4; Ecclésiaste 8:11).

Le quatrième «Malheur…!» (verset 20) est prononcé sur ceux qui mettent sens dessus dessous tous les principes moraux: ils appellent le mal bien et le bien mal, ils mettent les ténèbres pour la lumière, l'amer pour le doux et inversement. La parole de Dieu nous fournit de saines et saintes normes; lorsque celles-ci sont abandonnées, c'est la désorientation morale complète.

Le cinquième «Malheur…!» (verset 21) s'en prend à ceux qui sont sages et intelligents à leurs propres yeux, mais qui de fait sont les plus grands insensés, et ainsi les ennemis de la vraie et divine sagesse (cf. Proverbes 3:7; 26:5, 12, 16; 28:11).

Enfin le sixième «Malheur…!» (versets 22, 23), en quelque sorte un résumé des cinq précédents, est adressé à «ceux qui sont forts pour boire du vin»; il vise ceux qui recherchent les plaisirs, qui vivent dans l'injustice et renversent les principes moraux. Ces héros des boissons fortes sont les puissants du pays qui s'enrichissent par la corruption et qui pervertissent le droit et la justice.

La verge de Dieu

Cependant, l'Éternel des armées, le Saint d'Israël, ne peut pas laisser impuni le fait que son peuple, et particulièrement ses conducteurs, méprisent sa loi (verset 24). Le jugement viendra sur eux comme un feu et les anéantira entièrement — racine et fleur — (cf. Malachie 4:1). Dans une sainte colère, l'Éternel frappera son peuple.

La forme verbale du passé, utilisée au verset 25, ne doit pas nous faire oublier que ce qui est écrit ici était encore à venir à cette époque — comme cela l'est encore aujourd'hui quant à son résultat final. Les prophéties de l'Ancien Testament ont souvent un accomplissement à court terme qui correspond dans son caractère, sinon dans sa pleine réalisation, aux jugements encore futurs qui sont l'accomplissement définitif de la prophétie. Cela semble bien être évoqué par les mots qui suivent: «Pour tout cela, sa colère ne s'est pas détournée, et sa main est encore étendue» (cf. 9:12, 17, 21; 10:4).

Dans les versets 26 à 30, nous pouvons certainement voir les invasions des Assyriens en Israël et des Chaldéens en Juda; mais l'accomplissement définitif de cette prophétie est encore futur, même si, dans ce passage, il n'est donné encore aucun détail à ce sujet (cf. toutefois 10:5, 12).

Dieu lui-même appellera les «nations lointaines» (verset 26). Sur son ordre, un puissant ennemi viendra attaquer le pays d'Israël, et rien ne pourra le retenir. Les versets 27 et 28 donnent une description expressive de son armée; elle viendra avec une grande rapidité, ne connaîtra aucune fatigue et sera parfaitement équipée. Face à son attaque, le peuple sera sans puissance. La détresse et la désolation s'étendront dans tout le pays et la lumière du ciel sera obscurcie. Cette prophétie fait allusion en premier lieu à Sankhérib, mais elle aura son plein accomplissement dans les derniers jours, lorsque les Assyriens — qui ne sont pas encore nommés dans ce passage — viendront contre Jérusalem et la prendront, après avoir submergé tout le pays. On en trouve les détails dans les chapitres suivants (cf. 7:17, 18; 8:7; 10:5).