La lettre à Laodicée (suite et fin) - Apocalypse 3:14-22

Ch. Briem

Ni froid ni bouillant

«Je connais tes œuvres, — que tu n'es ni froid ni bouillant» (verset 15).

L'indifférence — voilà le caractère principal de la chrétienté aujourd'hui. Il n'y a ni le froid d'un rejet direct et ouvert du Seigneur, ni la chaleur d'un réel attachement à lui. On maintient extérieurement le nom de Christ, on professe être un chrétien, mais on n'a pas de cœur pour Celui dont on porte le nom.

L'indulgence et la tolérance sont placées au plus haut niveau de l'échelle des valeurs. Tout est supporté avec compréhension, même le mal. L'essentiel, c'est que chacun soit sincèrement convaincu de ce qu'il pense. Toutes les conceptions religieuses sont considérées comme également bonnes. Il n'y a ni zèle pour ce qui plaît au Seigneur, ni rejet de ce qui l'outrage.

D'où provient cette indifférence totale? Où cette tiédeur et cette insensibilité effrayantes ont-elles leurs racines? Il n'y a qu'une réponse possible: Le Seigneur Jésus n'est pas réellement aimé. Le déclin a commencé à Ephèse par l'abandon du premier amour, et il s'achève dans l'absence totale de cet amour pour le Seigneur, à Laodicée. Ce n'est pas l'ignorance de la vérité qui conduit à la tiédeur, mais le fait qu'on ne l'apprécie pas — parce qu'on n'apprécie pas Christ.

Le Seigneur dit: «Je voudrais que tu fusses ou froid ou bouillant». Serait-il bon que Laodicée soit froid? Un rejet ouvert non seulement serait plus franc, mais laisserait un peu d'espoir. Bien souvent, des ennemis déclarés de Christ ont été vaincus par la grâce de Dieu. Mais la tiédeur est un état sans espoir.

Riche et pourtant pauvre

«Tu dis: Je suis riche, et je me suis enrichi, et je n'ai besoin de rien…» (verset 17).

A l'indifférence à la personne et aux intérêts de Christ s'ajoute un autre mal: la fierté de soi-même. On se glorifie d'être riche — riche en biens spirituels et en biens terrestres, riche en influence et en intelligence, riche en dignités et en fonctions, riche en culture et en instruction, riche en activités philanthropiques et sociales, riche en compétence spécialisée et en discernement pour pouvoir distinguer si cette partie ou celle-là de la Bible est réellement la parole de Dieu, ou si aucune des deux ne l'est. De chacun des éléments mentionnés ci-dessus, il ne serait pas difficile de donner de multiples exemples tirés du monde chrétien actuel. Mais leur énumération peut suffire; nous voyons tout cela journellement autour de nous si nous avons des yeux pour le voir. Posons-nous encore une fois la question: Y a-t-il jamais eu une époque marquée plus que la nôtre par de telles choses? On est riche, on est devenu riche, et on n'a besoin de rien. On n'a aucun désir pour les choses divines; on n'a que faire, en particulier, de la rédemption et du Rédempteur.

La neutralité à l'égard de Christ et de la vérité, associée à la satisfaction de soi-même parce qu'on pense posséder tout ce qui est important — voilà l'état de Laodicée. L'évangile de la grâce de Dieu est remplacé par une espèce d'évangile de l'amabilité humaine. En fait Christ a été remplacé par l'homme naturel. C'est là le point le plus effrayant, et c'est la base de tout.

«Et… tu ne connais pas que, toi, tu es le malheureux et le misérable, et pauvre, et aveugle, et nu…» (verset 17).

A la prétention et à la satisfaction de soi-même se joint l'ignorance, l'insensibilité à l'égard de son propre état et de sa propre situation. Combien, dans la chrétienté, se croient riches dans le sens donné ici et pensent posséder ce qu'ils estiment digne de leurs efforts! Et pourtant, aux yeux de Dieu, ils sont pauvres, et aveugles, et nus. Ils pensent ne pas avoir besoin de l'œuvre rédemptrice de Christ, et en réalité ils ne possèdent rien de ce qui est de Dieu et de ce qui est durable devant lui. On professe être chrétien, mais la vie divine est absente. Et on n'en est nullement conscient.

L'un de nos lecteurs serait-il l'un de ces chrétiens qui, tout en ayant le nom de vivre, sont spirituellement morts? (Cf. Apocalypse 3:1.) Alors qu'il écoute le conseil du Seigneur Jésus! C'est encore le jour de la grâce; vous pouvez encore venir à Lui et acheter de Lui, «sans argent et sans prix» (Ésaïe 55:1), ce qui rend réellement riche et heureux.

Le conseil du Seigneur

«Je te conseille d'acheter de moi de l'or passé au feu, afin que tu deviennes riche, et des vêtements blancs, afin que tu sois vêtu et que la honte de ta nudité ne paraisse pas, et un collyre pour oindre tes yeux, afin que tu voies» (verset 18).

Quelle immense grâce du Seigneur de faire encore une telle offre, malgré l'indifférence qui lui est témoignée! Il conseille d'acheter de lui trois choses: de l'or, des vêtements blancs et un collyre.

Cette offre du Seigneur fait clairement ressortir que Laodicée ne possède pas ces trois choses. Il est vrai qu'il y a là aussi des croyants, et le Seigneur s'adresse à eux dans les versets qui suivent. Mais la profession chrétienne telle qu'elle se présente aujourd'hui est caractérisée par l'absence de ces trois choses — l'or, les vêtements blancs et le collyre.

Quant au Seigneur, il se tient dehors, à la porte, en dehors de ce système, et il frappe — non à la porte de Laodicée mais, individuellement, à celle du croyant qui peut encore se trouver associé à cela.

L'or passé au feu est un symbole de la justice divine — une justice qui a été éprouvée dans le feu du jugement divin à Golgotha et qui est comptée à tous ceux qui croient en Jésus (Romains 3:26). Christ «nous a été fait sagesse de la part de Dieu, et justice, et sainteté, et rédemption» (1 Corinthiens 1:30). Combien y a-t-il aujourd'hui, dans la chrétienté, de personnes qui ne possèdent pas l'or de la justice divine et qui, à ce point de vue essentiel, sont pauvres! Et combien y en a-t-il qui s'appuient sur leur propre justice, sur leurs propres efforts! Mais aux yeux de Dieu, cette justice-là est «comme un vêtement souillé» (Ésaïe 64:6). Paul ne voulait pas l'avoir — cette «justice qui est de la loi» — parce qu'il avait trouvé, par la foi, «la justice qui est de Dieu» (Philippiens 3:9).

Les vêtements blancs sont une image de la justice pratique du croyant. Nous trouvons cette pensée déjà dans la lettre à Sardes (3:4). Au chapitre 19, il nous est dit clairement: «car le fin lin, ce sont les justices des saints» (verset 8). Les «vêtements blancs» doivent être vus des hommes. Mais il n'y a que celui qui possède «l'or» de la justice divine qui peut porter devant les hommes les «vêtements blancs» de la justice pratique. Si le Seigneur Jésus habite pratiquement dans nos cœurs par la foi (Éphésiens 3:17), il sera vu en nous par ceux qui nous entourent.

Tels sont les «vêtements blancs». Les chrétiens professants de Laodicée ne les ont pas. Ils peuvent bien montrer quelque zèle en faveur de leur prochain et, par là, chercher à se vêtir de leurs propres œuvres. Mais le Seigneur dit que, de cette manière, la honte de leur nudité ne peut pas être couverte.

Il leur manque aussi le vrai collyre, c'est-à-dire le Saint Esprit, «l'onction de la part du Saint1» (1 Jean 2:20). Seule l'onction du Saint Esprit peut ôter l'aveuglement de l'homme naturel et lui donner un vrai discernement spirituel.

1 C'est-à-dire: de la part de Christ.

L'esprit humain se glorifie aujourd'hui de ses grandes découvertes, mais pour tout cela il n'est pas plus avancé qu'une mèche sèche dans une lampe qui n'a pas d'huile. Déjà dans la parabole des dix vierges, le Seigneur Jésus avait montré qu'une partie de la chrétienté aurait bien une lampe (une profession chrétienne), mais pas d'huile (le Saint Esprit) (Matthieu 25:1-13). Et au moment décisif où l'on aurait le plus besoin de la lumière, les lampes s'éteignent.

L'esprit de Laodicée

Encore un mot d'avertissement aux vrais croyants. Nous avons vu ce qui caractérise la chrétienté dans sa dernière phase, dans ce tableau de la tiédeur laodicéenne où manque tout ce qui est de Dieu. Et nous allons voir bientôt ce que le Seigneur fera de cette profession creuse. Mais n'oublions pas que nous sommes tous en danger de nous laisser entraîner, plus ou moins, dans l'esprit de Laodicée.

Quand, par l'intermédiaire de l'apôtre Jean à Patmos, le Seigneur a fait envoyer cette lettre à l'assemblée qui se trouvait à Laodicée, le mal n'y était certainement pas encore arrivé à son plein développement — comme il l'est aujourd'hui dans la «Laodicée» au sens figuré. Et il y avait certainement de vrais croyants dans cette assemblée. Mais le germe de tout le mal décrit était déjà là, sinon le Seigneur n'aurait pas parlé ainsi. Et c'est en cela que se trouve un sérieux avertissement pour nous. Nous pouvons bien ne pas être «Laodicée» dans le sens de l'image prophétique, et revêtir pourtant des caractères laodicéens.

Qui voudrait contester que parmi nous, enfants de Dieu, il peut aussi y avoir une attitude de tiédeur et d'indifférence à l'égard du Seigneur et de ses intérêts? Et sommes-nous dépourvus de l'esprit de satisfaction de soi-même? Ne nous arrive-t-il pas, beaucoup trop légèrement, d'être fiers des richesses spirituelles pour lesquelles nos pères ont combattu — pas nous-mêmes — et qui nous ont été données par la pure grâce de Dieu? Ne nous comportons-nous pas souvent comme des gens qui ne possèdent rien de plus que les biens de ce monde? Notre vue spirituelle n'est-elle pas parfois gravement affaiblie, de sorte que nous ne voyons plus à distance et que notre regard a de la peine à s'élever au-dessus des choses terrestres?

Ce sont des questions auxquelles chacun de nous doit réfléchir, en se plaçant réellement dans la lumière de Dieu. Prenons-y garde, la lettre à Laodicée s'achève elle aussi par les mots: «Que celui qui a des oreilles écoute ce que l'Esprit dit aux assemblées» (3:22).

Être vomi de la bouche du Seigneur

«Ainsi, parce que tu es tiède et que tu n'es ni froid ni bouillant, je vais te vomir de ma bouche» (verset 16).

Le Seigneur n'emploie probablement à aucun autre endroit de la Parole un terme aussi méprisant: vomir. La tiédeur, l'indifférence, est à ses yeux le plus mauvais état qui soit. Cet état appelle sa plus entière réprobation; il provoque son dégoût. Ainsi, il ne va pas tarder à mettre fin à ce qui aurait dû être un témoignage pour lui sur la terre.

Quand la «lampe» ne répand plus la lumière divine, le Seigneur va bientôt la balayer définitivement de la terre. Il ne va plus reconnaître cette chrétienté professante comme étant le porteur de sa lumière dans ce monde. Ce rejet n'a pas encore eu lieu, parce que le Seigneur n'est pas encore venu pour prendre auprès de lui son Épouse. Il ne va jamais vomir de sa bouche un seul des siens; il les a rachetés par son sang précieux. Il a déclaré: «Je ne mettrai point dehors celui qui vient à moi» (Jean 6:37). Mais pour la chrétienté comme telle, le jugement est proche. «Voici, le juge se tient devant la porte» (Jacques 5:9).

Dans l'exécution du jugement, il y aura, comme dans le cas du peuple d'Israël, différentes étapes. Il y a d'abord l'avertissement. C'est ce que nous entendons aujourd'hui. Ensuite le Seigneur Jésus enlèvera les vrais croyants de la terre et les prendra avec lui en l'air (1 Thessaloniciens 4:16, 17), afin de les amener dans la maison du Père. Ce sera un événement infiniment heureux pour nous, mais pour la chrétienté sans vie qui sera laissée sur la terre, ce sera le décret de condamnation le plus solennel. En effet, il y aura alors une séparation irréversible, qui ne pourra jamais être remise en cause. Ainsi, il semble bien que le moment de l'enlèvement des saints soit le même que celui où le Seigneur vomira de sa bouche la profession chrétienne sans vie. Pourrait-il montrer son dégoût pour Laodicée et la rejeter d'une manière plus claire qu'en prenant les saints célestes auprès de lui dans la gloire?

Après l'enlèvement des croyants, Laodicée subsistera certainement encore un moment sur la terre, sous une forme ou une autre; mais elle ne sera plus reconnue comme une lampe. Le diable s'emparera rapidement de la chrétienté sans vie qui restera, jusqu'à ce qu'elle soit finalement englobée dans le jugement définitif de la grande Babylone (Apocalypse 18). Alors il n'y aura plus ni «lampes» ni chrétienté quelconque sur la terre, pas même sous la forme d'une profession extérieure.

C'est l'aboutissement d'un développement profondément triste et humiliant de l'Église comme lampe sur la terre. Pourtant le Seigneur a tracé un chemin pour le fidèle dans tous les temps — un chemin sur lequel il peut marcher et glorifier son Maître.