Le livre du prophète Malachie (suite)

F.B. Hole

Chapitre 3

La réponse complète aux questions soulevées à la fin du chapitre précédent, c'est que Dieu lui-même allait intervenir personnellement. Au premier verset, nous avons d'abord «mon messager», ou «mon ange». «Il préparera le chemin devant moi» — le «moi», ici, représentant évidemment l'Éternel. Puis nous avons «le Seigneur», qui est «l'Ange de l'alliance», nettement distinct du messager mentionné précédemment. De cette manière extrêmement concise, le Messie qui vient est identifié à l'Éternel qui l'envoie. Dans ce verset remarquable, les deux venues de Christ sont prédites, sans être toutefois distinguées l'une de l'autre, ce qui est aussi le cas en Ésaïe 61:2. A sa première venue, il est clair que le messager précurseur était Jean le Baptiseur, qui préparait le chemin du Seigneur et qui venait dans l'esprit et la puissance d'Elie (Matthieu 11:10; Luc 1:17). Quant à l'»Elie» dont parle Malachie 4:5, il doit venir avant «le grand et terrible jour de l'Éternel» — le jour du jugement. Jean vint selon le modèle d'Elie, mais avant la venue du Messie en grâce.

Et voici que «soudain», «le Seigneur» est venu «à son temple». Lorsqu'on l'attendait, on se réjouissait de sa venue; mais quand il est apparu, on n'a rien trouvé en lui qui soit digne d'intérêt, comme Ésaïe l'avait annoncé (cf. Ésaïe 53:2, 3). C'est pourquoi il a été rejeté et crucifié, comme nous le savons; mais cela n'est pas révélé ici. En revanche, nos pensées sont d'emblée dirigées vers sa seconde venue, lorsqu'il sera «comme un feu d'affineur, et comme la potasse des foulons», qui éprouvent et qui purifient. Et qui subsistera alors devant lui? En ce temps-là, il sera assis dans toute sa majesté sur son trône, non plus debout comme le prisonnier de Pilate dans le prétoire.

Ainsi, comme nous l'avons dit, les deux venues du Seigneur sont prédites ici; et le fait que la première se soit très exactement accomplie nous donne l'assurance que la seconde s'accomplira non moins exactement, quand le temps sera venu.

Aux jours de Malachie, tout cela n'était pas révélé clairement. Mais le peuple d'alors pouvait savoir que les choses devraient arriver à un dénouement, que leur état devrait être jugé par une intervention de Dieu telle qu'ils n'en avaient jamais connue auparavant. Alors, toute leur hypocrisie et leur autosatisfaction s'effondreraient, et la vérité viendrait en lumière.

Il peut être utile de faire ici une digression pour faire ressortir deux choses. Tout d'abord, derrière ce misérable état moral si clairement manifesté, il y avait le travail de l'adversaire. Il agissait de façon que le Christ soit rejeté, lorsqu'il viendrait en grâce. Quelques siècles s'écoulèrent et l'état de choses décrit par Malachie devint l'esprit des pharisiens et des sadducéens, tel que nous le trouvons dans les évangiles et le livre des Actes. Les premiers pratiquaient avec ardeur une religion faite de formes extérieures, alors que les seconds étaient portés vers l'intellectualisme et rejetaient ce que leur raison ne pouvait admettre. Les uns et les autres étaient parfaitement sûrs d'eux-mêmes, et s'offensaient de tout ce qui pouvait affaiblir leur prestige. L'état d'esprit qui régnait au temps de Malachie s'était alors tellement aggravé que, lorsque le Messie arriva, ils n'en éprouvèrent aucune joie. C'est ce que nous voyons en Matthieu 2:3. Nous ne sommes pas surpris qu'un méchant roi comme Hérode ait été troublé, lorsque la naissance du Christ lui a été annoncée par les mages de l'Orient. Mais il est dit: «et tout Jérusalem avec lui». Cela signifie évidemment que les pharisiens et les sadducéens ont été troublés avec lui. Ces hommes religieux connaissaient pourtant les Écritures; en réponse à la question d'Hérode, ils ont pu aussitôt citer Michée 5:2.

Toutefois, cette connaissance n'a servi pratiquement qu'à fournir à Hérode l'occasion de chercher à tuer l'enfant qui était le Messie. Il n'est dit nulle part qu'ils aient fait quelque chose pour l'en empêcher, ni qu'ils aient acclamé la venue du Messie.

Il y avait aussi, bien sûr, un travail de Dieu qui s'accomplissait au sein du peuple au temps de Malachie, comme nous allons bientôt le voir. Ce travail produisait du fruit, et il s'est poursuivi jusqu'à la venue de Christ; nous en avons la preuve, au début de l'évangile de Luc, dans le tableau si touchant des âmes pieuses qui ont accueilli le Sauveur avec joie. Au cours des années, cependant, ces âmes ont été peu nombreuses et généralement peu connues.

Il y a une deuxième chose que nous désirons placer sur le cœur de nos lecteurs. Cette tendance à la satisfaction de soi, qui repousse toute critique et s'en offusque, tendance déjà évidente au temps de Malachie et encore beaucoup plus à la venue de Christ, est prédite en Apocalypse 3 comme devant caractériser la fin de l'histoire de l'Église. Nous faisons allusion à l'assemblée de Laodicée. Elle dit: «Je suis riche, et je me suis enrichi» — spirituellement, sans doute, autant que matériellement; et elle peut même ajouter: «Je n'ai besoin de rien». N'avoir besoin de rien, c'est, pratiquement, prétendre être parfait. C'est se placer au-dessus de toute critique, et si elle vient, la recevoir avec amertume, comme le peuple le faisait lorsque Malachie prophétisait.

La ruine extérieure d'Israël avait commencé à peu près lorsque «la femme Jésabel», épouse d'Achab, avait poussé les dix tribus au culte de Baal. Puis, en ce qui concerne les deux tribus, il y avait eu, aux jours de Jérémie, cet état de mort spirituelle qui avait abouti à la captivité. Ensuite, dans sa miséricorde, Dieu avait permis à un résidu de revenir dans le pays et de rétablir le service du temple. Parmi eux se trouvaient beaucoup d'âmes vraiment pieuses et craignant Dieu. Toutefois, c'est au sein de ce résidu que s'étaient développés les maux dont nous venons de parler.

Remarquons maintenant cette pénible analogie qui, sans être claire et distincte, n'en est pas moins là. Les messages adressés aux sept assemblées nous donnent un aperçu prophétique des «choses qui doivent arriver bientôt» (Apocalypse 1:1). Dans la dernière partie d'Apocalypse 2, nous trouvons «la femme Jésabel» exerçant l'autorité dans l'Église, alors que celle-ci est arrivée au stade de Thyatire. Cela est suivi par l'état de mort spirituelle qui caractérise Sardes; puis il y a une certaine mesure de guérison avec Philadelphie — rien de spectaculaire, certes, car cette assemblée n'a que «peu de force» et ces vertus plutôt relatives d'avoir gardé la parole du Seigneur alors que d'autres l'oubliaient, et de ne pas avoir renié son nom contrairement à d'autres.

Mais ensuite vient Laodicée. Si Dieu a accordé une guérison partielle au cours des deux derniers siècles, et si quelques-uns d'entre nous en ont reçu un héritage de bénédiction spirituelle, soyons sérieusement en garde contre cet esprit laodicéen d'occupation de soi-même et de suffisance auquel nous sommes si facilement enclins! Aujourd'hui, nous n'avons pas seulement des intellectuels de haute classe qui croient avoir une conception moderne du christianisme au-dessus de toute critique, mais nous avons aussi des esprits mystiques, portés sur l'aspect expérimental des choses, et qui ont eux aussi l'impression d'être entrés dans un domaine au-delà de toute critique. Ils se sentent «riches», parce qu'ils ont acquis ces «richesses» que sont une plus grande lumière et des révélations plus complètes.

Cette «illusion laodicéenne» — si nous pouvons l'appeler ainsi — nous la voyons commencer au temps de Malachie. Elle est malheureusement évidente aujourd'hui, et c'est pourquoi nous devons être sur nos gardes. C'est une tendance profonde de la chair qui est en chacun de nous. Les plus mondains sont tentés de se glorifier de leur sagesse ou de leur noblesse, et les plus spirituels, de leurs expériences spirituelles, imaginaires ou réelles. Mais le seul terrain sur lequel nous pouvons nous glorifier sans danger, c'est celui qu'indique l'apôtre Paul: «que celui qui se glorifie, se glorifie dans le Seigneur» (1 Corinthiens 1:31).

Le premier verset de notre chapitre, comme nous l'avons vu, contient certaines prophéties qui se sont réalisées à la première venue de Christ. Mais les deux versets suivants mettent clairement l'accent sur sa seconde venue. C'est alors que le feu de l'affineur entrera en action, avec son effet purificateur. Nous avons là un symbole de jugement (verset 5). Le fait de présenter les deux venues du Seigneur conjointement n'est pas exceptionnel dans les prophéties de l'Ancien Testament. Il en est ainsi, par exemple, dans les derniers chapitres d'Ésaïe, où sont placés devant nous le Serviteur de l'Éternel humilié, en même temps que le bras puissant de l'Éternel accomplissant ses desseins. Le chapitre 53, qui annonce les souffrances du Serviteur, commence par la question: «A qui le bras de l'Éternel a-t-il été révélé?» — autrement dit: Qui peut identifier ce bras glorieux et invincible avec le Serviteur humilié et méprisé? Ce n'était pas aussi clair au temps du prophète que pour nous aujourd'hui, qui pouvons avec joie les identifier l'un à l'autre.

Ce que sa seconde venue accomplira nous est dit aux versets 4 et 5. Il y aura d'abord une œuvre de purification, et finalement les offrandes d'un peuple restauré seront pures et agréables à l'Éternel comme au commencement. La «potasse des foulons» aura produit son effet. De même aussi, le «feu de l'affineur» aura agi pour juger et ôter tous les péchés et tous les maux qui sévissaient alors si gravement parmi le peuple. La crainte de Dieu habitera dans les cœurs et s'exprimera dans la vie pratique.

La garantie de tout cela se trouve au verset 6. C'est le caractère immuable de l'Éternel. Et alors, on aurait pu s'attendre à la conclusion: Et vous, fils de Jacob, vous devez être consumés — mais c'est le contraire. Dieu fait preuve d'une grande patience, et il est puissant pour accomplir ses desseins à la fin. A la question: «Dieu a-t-il rejeté son peuple?», l'apôtre Paul répond aussitôt: «Qu'ainsi n'advienne!» (Romains 11:1). Lors de la seconde venue de Christ, le jugement tombera sur les Juifs, mais un résidu pieux d'entre les «fils de Jacob» sera épargné et béni. La même chose, bien sûr, est vraie aujourd'hui.

Au verset 7, le prophète revient à son sujet précédent et reproche aux Juifs, d'une manière générale, de s'être éloignés de Dieu et de sa Parole. En même temps, il leur promet que, s'ils reviennent à lui, l'Éternel reviendra à eux. L'accusation qu'il leur fait ici était manifestement fondée; pourtant ils ne veulent pas l'admettre et ils la contestent. Une nouvelle fois, le reproche les irrite et ils le rejettent. Aussi, au verset 8, le prophète porte-t-il contre eux une accusation encore plus précise: ils frustraient Dieu en gardant pour eux-mêmes ce qui lui était dû selon la loi.

Vont-ils l'admettre? Non; une fois de plus ils contestent l'accusation! Le prophète doit alors leur dire que «les dîmes et les offrandes élevées» n'ont pas été données, et qu'ils ont dépensé pour eux-mêmes ce qui aurait dû revenir à Dieu. Voilà ce qui avait fait tomber sur eux la malédiction, selon le gouvernement de Dieu. Au début de la prophétie d'Aggée, nous avons vu que leurs ancêtres avaient agi de la même manière — bien que peut-être un peu moins gravement — lorsqu'ils avaient arrêté la construction de la maison de l'Éternel et s'étaient mis à bâtir de belles demeures pour eux-mêmes. Dans les deux cas, le principe est le même: on donne la première place à ses propres affaires, et on accorde à Dieu le surplus éventuel.

N'est-ce pas ce qui se fait couramment dans la chrétienté aujourd'hui, même parmi de vrais chrétiens? Nous craignons fort qu'un reproche semblable puisse être fait à beaucoup d'entre nous! Rien d'étonnant, alors, si nous voyons si peu de résultats dans le travail que nous faisons!

Ils avaient donc frustré Dieu, et le prophète devait les mettre en face de ce fait solennel. Mais il pouvait aussi leur affirmer que s'ils revenaient de leur mauvaise conduite et donnaient à Dieu ce qui lui était dû, alors il leur ouvrirait «les écluses des cieux» et les comblerait au-delà de leurs besoins. Cela est dit ici à propos des biens matériels, mais il est toujours vrai que Dieu «peut faire infiniment plus que tout ce que nous demandons ou pensons» (Éphésiens 3:20). Il n'y a aucune limite de son côté à lui; tandis que de notre côté, il y a souvent des manquements semblables à ceux qui sont décrits ici.

Le merveilleux état de choses promis aux versets 11 et 12 ne se réalisera que dans le siècle à venir, lorsque Christ reviendra. C'est seulement alors que Dieu sera pleinement reconnu et que ses droits seront entièrement satisfaits. La terre d'Israël sera enfin «un pays de délices», lorsque Christ sera assis sur son trône. Au temps de Malachie, les choses étaient bien différentes, et le peuple était spirituellement éloigné de Dieu. C'est ce qui est de nouveau placé devant nous, une dernière fois, aux versets 13 et 14.

Leurs paroles, en effet, avaient été «fortes» contre l'Éternel — et ce livre de Malachie en témoigne abondamment. Mais ils ne voulaient même pas admettre cela. Sauf erreur, le prophète cite leurs propres paroles non moins de douze fois, et dans huit cas elles ont pour objet de réfuter avec indignation ce dont Dieu devait les accuser. Ils n'étaient pas prêts à admettre quoi que ce soit, et ils s'irritaient de ce que Dieu leur disait. Et ils refusaient même de reconnaître qu'ils s'étaient irrités et avaient nié la vérité.

Si nous jetons un coup d'œil à des passages tels que Jérémie 2:30; 5:3; 7:28 et Sophonie 3:2, nous nous apercevons qu'un état d'esprit analogue régnait parmi le peuple, à Jérusalem, juste avant la destruction de la ville par Nebucadnetsar. Ceux qui refusent la correction montrent par là même combien les reproches sont mérités. Aux jours de Malachie, comme nous le voyons, aucune correction n'était reçue; et nous retrouvons le même état d'esprit en Apocalypse 3, où Laodicée se dit si riche qu'elle n'a besoin de rien — donc pas besoin de correction. Prenons bien garde au danger qui nous menace de ce côté-là, et qui se fait toujours plus sérieux au fur et à mesure que nous approchons de la fin de l'histoire de l'Église.

Les effets désastreux de cet état d'esprit, nous les voyons aux versets 14 et 15. Le peuple avait servi Dieu d'une manière officielle et formelle, et ils avaient l'impression de n'en retirer aucun avantage matériel — ce qui était tout ce qu'ils désiraient. C'est pourquoi leur sens des valeurs était entièrement perverti. Ils tenaient pour heureux les orgueilleux, et le mal parmi eux était exalté. C'est exactement ce que nous voyons dans le récit des évangiles, où le fier pharisien était considéré comme l'homme heureux. C'est pour cela que, dans le sermon sur la montagne, la toute première béatitude que prononce le Seigneur est: «Bienheureux les pauvres en esprit, car c'est à eux qu'est le royaume des cieux» (Matthieu 5:3). Être «pauvre en esprit», c'est exactement le contraire d'être fier en esprit, orgueilleux, comme l'étaient les chefs du peuple au temps de Malachie et au jour de la venue de Christ. Il est bien à craindre que cet orgueil spirituel soit toujours vivace aujourd'hui.

Au verset 16, nous trouvons quelque chose qui répond mieux à cette déclaration de notre Seigneur en Matthieu 5. Au milieu de cette arrogance et de ce refus de toute correction, il y avait un résidu pieux. Ils sont appelés: «ceux qui craignent l'Éternel». Leur respect de Dieu et de sa volonté était le principe directeur de leurs vies. Cela les mettait en contraste absolu avec l'ensemble des sacrificateurs et du peuple qui les entouraient.

Les traits caractéristiques de ces hommes pieux sont fort instructifs. La crainte de l'Éternel était la chose fondamentale; et elle les amenait à penser «à son nom». Ils savaient qu'ils étaient un peuple appelé à être en relation avec l'Éternel, de la manière que lui-même avait révélée à leurs pères. Ils étaient donc responsables de vivre en harmonie avec cette révélation, afin que son nom soit honoré. Par conséquent, comme le montre le verset 18, ils pouvaient être reconnus comme étant des justes, et de ceux qui servent Dieu.

Voilà ce qu'ils étaient relativement à Dieu. Mais il en découlait pour eux d'heureuses conséquences. Ils ne demeuraient pas isolés les uns des autres, mais se reconnaissaient entre eux et se recherchaient pour s'aider et s'encourager spirituellement. Cela était si agréable à Dieu que, même si aucune trace n'en était laissée sur la terre, «un livre de souvenir a été écrit devant lui». Quel honneur!

Dans les premiers chapitres de l'Évangile de Luc, quelques siècles plus tard, un résidu pieux est toujours là. Le sujet de leurs conversations nous est rapporté. Anne, dans son grand âge, «parlait de lui à tous ceux qui, à Jérusalem, attendaient la délivrance» — et qui n'étaient certainement pas très nombreux. La venue du Messie depuis si longtemps attendu était son unique sujet de conversation.

Dans le message adressé à l'assemblée de Philadelphie, en Apocalypse 3: on trouve des traits de caractère analogues. Malgré leur «peu de force», ces chrétiens avaient eux aussi gardé la parole du Seigneur, et n'avaient pas renié son nom. Or ce nom, à la lumière duquel ils marchaient, avait des exigences qui dépassaient de beaucoup tout ce qui pouvait être connu au temps de Malachie, et même au jour où Anne «parlait de lui».

Il est encourageant de savoir que, même au jour le plus sombre, Dieu maintient un témoignage pour lui-même. Recherchons l'humilité, et demandons à Dieu qu'il nous accorde la grâce de faire partie de ce témoignage aujourd'hui. Comme le montre ce passage de l'Écriture, il a beaucoup de prix pour lui.

À suivre