La lettre à Laodicée (Apocalypse 3:14-22)

Ch. Briem

La chrétienté dans sa dernière phase

Si le Seigneur, juste avant de confier à Jean les messages destinés aux sept assemblées, parle du mystère des sept étoiles et des sept lampes d'or (Apocalypse 1:20), cela nous donne une indication claire du fait que ces lettres ont une portée qui dépasse leur application historique, actuelle au moment où elles ont été écrites. Car dans l'application directe aux assemblées qui existaient alors, il n'y a rien de mystérieux. En fait, ces lettres ne nous offrent pas seulement un aperçu très instructif de l'état dans lequel étaient alors les diverses assemblées d'Asie (la province romaine d'Asie), mais elles nous donnent une description prophétique de l'état de toute la chrétienté professante en sept périodes successives — se recouvrant d'ailleurs en partie.

Aperçu des sept lettres (Apocalypse 2; 3)

La lettre à Ephèse (2:2-7) nous donne une image de l'Église — ou assemblée — à l'époque du dernier des apôtres et dans les années qui ont suivi son départ. Les points positifs sont la séparation du mal et le maintien de l'ordre divin. Le point négatif, c'est l'abandon du premier amour, de la fraîcheur de leur attachement entier au Seigneur Jésus.

A Smyrne (2:8-11), nous avons le tableau d'une Église souffrante. C'est la période dans laquelle les chrétiens ont été persécutés jusqu'au sang par les Romains. Par une persécution jusqu'à la mort, Satan s'est efforcé d'exterminer la jeune Église. Mais le sang des martyrs était, comme il l'a toujours été, la semence de l'Église. A cette assemblée, le Seigneur n'a aucun reproche à faire.

Pergame (2:12-17) nous montre comment l'Église, sous l'empereur Constantin le Grand, est devenue une Église d'état. Après la cessation des persécutions (en l'an 313), elle s'est, pour ainsi dire, mariée au monde. Par là, elle s'est trouvée habiter dans le même lieu que Satan. Les jours de fête païens sont devenus des jours de fête chrétiens. On a mélangé les éléments chrétiens et païens. Pourtant, le Seigneur peut encore reconnaître que cette assemblée tient ferme son nom et garde la foi chrétienne.

La quatrième période de l'histoire de l'Église responsable nous est présentée par l'assemblée de Thyatire (2:18-29). On voit là l'Église du Moyen Age, depuis l'an 600 environ. Le Seigneur peut approuver l'amour et la persévérance dans le service, mais il doit blâmer sévèrement la fornication spirituelle (le mélange avec le monde) et l'idolâtrie. C'est dans cette épître qu'il parle pour la première fois de sa venue — indication du fait que cet état de Thyatire doit subsister jusqu'à son retour. Pour la première fois aussi, un résidu est distingué de la masse des chrétiens professants — ce sont les «autres qui sont à Thyatire». Ce résidu seul peut être reconnu du Seigneur. Dans sa position, ce groupe de fidèles croyants est considéré par le Seigneur comme étant la vraie Église à ce moment-là. Il y a là un principe divin, que l'Écriture nous montre valable dans tous les temps, lorsque l'ensemble est devenu infidèle.

A Sardes (3:1-6) nous avons l'état du protestantisme dans les temps qui ont suivi la Réforme, c'est-à-dire depuis la fin du 16e siècle environ. La caractéristique dominante de cette période, c'est l'absence de vie malgré le maintien des vérités doctrinales. Ici aussi les vrais croyants sont considérés comme un résidu. Il n'y en a qu'un petit nombre, à Sardes, dont le Seigneur peut dire qu'ils ne se sont pas souillés avec le mal. Ils montrent qu'ils ont une vraie marche chrétienne. Mais dans leur ensemble, les chrétiens professants seront traités comme le monde: lors de son apparition, le Seigneur viendra sur eux en jugement comme un voleur.

Philadelphie (3:7-13) présente la période de réveil qui a commencé dans la première moitié du 19e siècle. Elle a été caractérisée par une grande fidélité, et par l'attachement au Seigneur et à sa Parole. Beaucoup de vérités de l'Écriture qui, dans les siècles précédents, étaient tombées dans l'oubli par l'infidélité de l'homme ont été redécouvertes et répandues avec puissance dans le monde entier. L'amour fraternel (c'est la signification du nom de Philadelphie) a été la base de leur communion pratique. En contraste avec «ceux qui habitent sur la terre», sur lesquels le Seigneur fera venir «l'heure de l'épreuve», ils ont réalisé qu'ils étaient étrangers sur la terre. Le Seigneur reconnaît qu'ils ont «gardé la parole de sa patience», en attendant son retour pour les enlever auprès de lui.

Il ne leur fait pas de reproche; au contraire, il leur donne — et cela pour la première fois — l'assurance de son retour prochain: «Je viens bientôt». Il indique par là deux choses: premièrement, que par ce retour il les délivrera de l'heure de la tribulation qui va venir sur la terre entière, et deuxièmement, qu'au sein de la chrétienté professante, Philadelphie existera jusqu'à ce qu'il vienne comme «l'étoile du matin».

Ces caractères que le Seigneur apprécie tant ne se trouveront que dans un résidu, tandis que la profession chrétienne dans son ensemble suivra un autre chemin — d'où le dernier message, celui qui est adressé à Laodicée (3:14-22). Les caractéristiques principales de cette période, qui a commencé au 19e siècle et qui dure encore aujourd'hui, sont la tiédeur, l'indifférence, le matérialisme, le rationalisme et la satisfaction de soi-même. Tout ce qui est vraiment chrétien et divin fait défaut. En considérant la dernière phase de l'Église responsable sur la terre, le Seigneur ne trouve pas la moindre chose à approuver. Aussi ne parle-t-il plus de sa venue, mais annonce qu'il va vomir de sa bouche cette profession sans vie.

Après cette vue d'ensemble, nous allons maintenant nous occuper de façon plus détaillée de la lettre à Laodicée. Elle a pour nous une signification toute particulière, puisqu'elle décrit la dernière phase de la chrétienté et qu'elle met chaque vrai chrétien en garde contre les traits de caractère qui la rendent si abominable aux yeux de Christ.

«Et à l'ange de l'assemblée qui est à Laodicée, écris: Voici ce que dit l'Amen, le témoin fidèle et véritable, le commencement de la création de Dieu: Je connais tes œuvres, — que tu n'es ni froid ni bouillant…» (3:14, 15).

Christ — l'Amen

Sur le fond sombre du tableau de Laodicée, la manière dont le Seigneur Jésus se présente à cette assemblée est particulièrement belle. Il s'intitule tout d'abord l'Amen. «Amen» signifie «vraiment, certainement». A la fin d'une prière, ce mot a la fonction d'une confirmation: Ainsi soit-il!

La clé qui nous permet de comprendre ce nom du Seigneur se trouve en 2 Corinthiens 1:20: «Car autant il y a de promesses de Dieu, en lui est le oui et en lui l'amen, à la gloire de Dieu par nous». Toutes les promesses de Dieu trouvent dans le Seigneur Jésus leur confirmation et leur sûreté. Christ est, pour ainsi dire, le dernier mot de Dieu, son Amen. Quelle consolation il y a là pour nous, bien aimés! Même si l'assemblée a entièrement manqué à garder ce que Dieu lui avait confié, Christ prend sa place et assure, sur la base d'une rédemption accomplie, la réalisation de toutes les promesses que Dieu a faites aux siens.

Si, aujourd'hui, toutes les valeurs chrétiennes sont renversées, si l'ordre moral est abandonné, le Seigneur Jésus demeure «l'Amen».

Christ — le témoin fidèle et véritable

Le deuxième nom que prend ici le Seigneur — «le témoin fidèle et véritable» — est lui aussi en rapport avec ce que l'assemblée aurait dû être. «Vous serez mes témoins», avait dit le Seigneur ressuscité avant de monter au ciel (Actes des Apôtres 1:8). C'est là précisément la signification symbolique des «lampes d'or». Dans ce monde de ténèbres, il s'agit de faire briller la lumière de Christ, la lumière divine sur sa personne excellente, sur la valeur de son œuvre, et sur les conséquences merveilleuses de celle-ci pour les hommes. De façon analogue, l'apôtre Paul compare les croyants à «la lettre de Christ», par laquelle les hommes peuvent découvrir qui est Christ (2 Corinthiens 3:3). Hélas! quelle misère dans notre témoignage personnel et collectif à cet égard!

Et pourtant, lorsque les individus sont défaillants, lorsque l'assemblée n'accomplit pas sa mission, Dieu ne peut pas se laisser sans témoins. Christ est fidèle; il l'a été et il le sera toujours. Ainsi, le Seigneur Jésus prend aussi à cet égard la place que l'assemblée infidèle aurait dû occuper, et se présente lui-même comme «le témoin fidèle et véritable» (cf. Apocalypse 1:5). Dans sa vie et dans sa mort, il a été un témoignage parfait de tout ce que Dieu est. Il a révélé d'une manière merveilleuse l'amour et la sainteté de Dieu. Et maintenant encore, comme Fils de l'homme glorifié dans le ciel, il poursuit ce service par le Saint Esprit et témoigne de toutes les bénédictions et de toutes les joies que l'on trouve en lui, «le second homme» (1 Corinthiens 15:47).

Christ — le commencement de la création de Dieu

Le troisième nom que prend le Seigneur — «le commencement de la création de Dieu» — a été parfois mal compris. Christ n'est pas une créature; il est le point de départ de tout ce que Dieu a fait et qu'il fera. Christ n'est pas seulement l'aboutissement — l'amen — de toutes les pensées de Dieu; il est aussi sa première pensée, le commencement de tout. Il était déjà le commencement de la première création, et l'épître aux Colossiens nous dit que «toutes choses ont été créées par lui et pour lui» (1:16). Mais «lui est avant toutes choses, et toutes choses subsistent par lui» (verset 17). Et ce passage mentionne ensuite trois gloires du Seigneur qui vont bien au-delà de la première création, au-delà des choses visibles: il est «le chef (la tête) du corps, de l'assemblée», il est «le commencement» et il est «le premier-né d'entre les morts» (verset 18).

Comme «le commencement», il est le chef de la nouvelle création, de ce nouvel ordre de choses spirituel qui est fondé sur sa mort et sa résurrection d'entre les morts, et dont l'apôtre Paul parle en 2 Corinthiens 5:«Si quelqu'un est en Christ, c'est une nouvelle création: les choses vieilles sont passées; voici, toutes choses sont faites nouvelles; et toutes sont du Dieu qui nous a réconciliés avec lui-même par Christ» (versets 17, 18).

Si la chrétienté avait — disons même: si nous avions retenu fermement le Seigneur Jésus comme le commencement, le chef de la nouvelle création (et c'est l'objet principal de l'épître aux Colossiens — voir 2:19), nous n'aurions pas glissé sur cette terrible pente qui aboutit à l'état que décrit la lettre à Laodicée. N'est-il pas significatif que l'assemblée à Laodicée ne soit mentionnée que dans un seul autre livre du Nouveau Testament… qui est justement l'épître aux Colossiens? Et combien sont significatives les paroles de l'apôtre: «Et quand la lettre aura été lue parmi vous, faites qu'elle soit lue aussi dans l'assemblée des Laodicéens» (Colossiens 4:16)! Nous pouvons certainement en retirer cette instruction: Si nous avions retenu fermement Christ, le chef, si nous avions serré dans nos cœurs l'enseignement développé dans l'épître aux Colossiens, la chrétienté ne serait pas arrivée dans l'état honteux qui est décrit dans la lettre à Laodicée, et que nous voyons tous les jours autour de nous.

Principes démocratiques

La signification du mot «Laodicée» — les droits du peuple — est riche d'enseignements. Les principes démocratiques peuvent avoir leur place dans la société humaine, dans les structures politiques du monde; mais dans le domaine chrétien, ce ne sont pas les droits du peuple qui comptent, ce sont ceux du Seigneur. Y a-t-il eu une époque dans laquelle, plus qu'aujourd'hui, les hommes ont revendiqué leurs droits? L'homme fait valoir ses prétentions, même dans le domaine spirituel. On écoute la voix du peuple, et on trouve cela tout à fait normal. Mais qui écoute la voix du Seigneur Jésus, la voix de sa Parole? Où ses droits sont-ils reconnus — lui qui est le chef du corps, le chef de l'assemblée?

Et ceci nous conduit à une autre pensée. «Laodicée» résulte du fait que l'on rejette le témoignage de «Philadelphie». A Philadelphie, on n'écoutait pas la voix du peuple, mais celle du Seigneur; en effet, lui-même lui dit: «Tu as gardé ma parole…». A Philadelphie, ce n’étaient pas les droits du peuple qui étaient maintenus, mais ceux du Seigneur — il lui dit: «…et tu n'as pas renié mon nom» (3:8). Philadelphie et Laodicée présentent le contraste le plus complet.

Dans la période de Philadelphie, Dieu a donné beaucoup de clarté sur la vérité de l'évangile et a ouvert une porte toute grande pour sa propagation. L'évangile a été apporté à d'innombrables personnes, et des multitudes se sont converties, sur tous les continents. Beaucoup ont abandonné les églises et les communautés d'institution humaine auxquelles ils se rattachaient et se sont rassemblés au nom seul du Seigneur Jésus. Par la mise en pratique de l'amour fraternel, ils constituaient un puissant témoignage au vrai esprit du christianisme. Leurs actions et leurs pensées étaient marquées par l'attente du retour de leur Seigneur pour enlever au ciel son assemblée — ainsi qu'il a dit: «Je viens bientôt» (Apocalypse 3:11; 22:20).

Or tout cela a été vu, en partie admiré, et finalement mis de côté. Le résultat en est «Laodicée» — la chrétienté dans sa forme actuelle.

On ne peut guère dire que «Laodicée» découle de «Philadelphie». «Laodicée» est plutôt le résultat du fait que la chrétienté a appris à connaître, puis a rejeté, la vérité de Dieu telle qu'elle avait été présentée par «Philadelphie».

Un point encore. Les différentes lettres décrivent des états moraux par lesquels la profession chrétienne s'est caractérisée, ou se caractérise, à différentes époques de son histoire sur la terre. «Thyatire», «Sardes» et «Philadelphie» vont jusqu'au retour du Seigneur, ainsi qu'en témoigne la mention de sa venue dans les trois lettres qui leur sont adressées. Elles subsistent encore côte-à-côte aujourd'hui, bien que les époques où ont été vus leurs traits les plus caractéristiques soient révolues. Les temps où l'état de la chrétienté était caractérisé de façon particulière par «Thyatire», «Sardes» ou «Philadelphie» — en bien ou en mal — sont certainement passés. Cependant, aujourd'hui encore, «Philadelphie» existe. Que ce soit notre vœu profond d'en faire partie!

À suivre