Le livre du prophète Malachie

F.B. Hole

Chapitre 1er

A la différence des prophètes Aggée et Zacharie, qui nous fournissent des dates relatives à leurs déclarations, Malachie ne nous donne aucun détail de cette sorte. Toutefois, il semble bien qu'il a écrit environ un siècle après eux. Ses paroles révèlent donc le peu d'effet produit par le ministère de ces deux premiers prophètes sur l'ensemble du peuple rentré dans le pays. Au cours de notre lecture de ce livre, nous remarquerons que chaque déclaration que le prophète doit faire — généralement à titre de réprimande — est réfutée. Le peuple et ses conducteurs n'étaient pas prêts à reconnaître leurs torts. Ils étaient parfaitement satisfaits d'eux-mêmes.

Satisfaits d'eux-mêmes, certes, mais pas de Dieu! C'est pourquoi, lors de la première déclaration du prophète — «Je vous ai aimés, dit l'Éternel» — ils contestent aussitôt. En ce temps-là, bien des afflictions étaient la part des Juifs rentrés dans leur terre. Dieu le permettait comme châtiment, à cause de leur état moral. Ils s'irritaient de ces épreuves qu'ils interprétaient comme de la dureté — le contraire même de l'amour! C'est pourquoi ils réfutaient insolemment cette déclaration, en disant: «En quoi nous as-tu aimés?»

Dieu répond à cette question en leur rappelant son attitude et sa manière d'agir dès le début: il avait aimé Jacob et haï Esaü. L'estimation des hommes pourrait être l'inverse: Jacob s'était avili par des machinations malhonnêtes, alors qu'Esaü était un homme sympathique et courageux. Oui, mais le «droit d'aînesse» — qui était porteur, nous pouvons le penser, de la promesse de la venue du Messie — avait si peu de valeur pour Esaü qu'il l'a vendu pour un potage de lentilles (Genèse 25: 34), tandis que Jacob l'estimait d'un grand prix. Peut-être avons-nous ici la toute première indication du fait que la question: «Que pensez-vous de Christ?» est toujours le test déterminant.

Or Dieu a maintenu son jugement à l'égard d'Esaü, comme le montrent les versets 4 et 5, magnifiant ainsi son nom «par-delà les confins d'Israël». Le peuple d'Israël, en revanche, avait été mis en relation avec Dieu; et celui-ci avait pris à leur égard la place d'un père (verset 6). C'est l'amour qui avait établi cette relation. Mais comment les fils d'Israël avaient-ils répondu à cet amour?

Dieu leur était à la fois un Père et un Maître. L'honneur et la crainte lui étaient également dus, et pourtant les sacrificateurs eux-mêmes avaient méprisé son nom. Ils auraient dû être les premiers à vénérer son nom et à agir en conséquence. Ils ne l'avaient pas fait, de sorte que la main de Dieu en gouvernement s'était tournée contre eux. Et ils considéraient cela comme un désaveu de l'amour qu'il avait autrefois témoigné à leur nation.

Il n'en était pourtant rien — pas plus que les châtiments paternels qui atteignent ses saints aujourd'hui ne sont un désaveu de son amour pour eux (voir Hébreux 12: 6). Rappelons-nous bien cela, et lorsque des épreuves nous atteignent, ne posons jamais la question: Si Dieu m'aimait, m'enverrait-il — ou permettrait-il — ces choses?

Nous voyons ici que les sacrificateurs n'acceptent en aucune manière le reproche qui leur est fait. Ils le réfutent en disant: «En quoi avons-nous méprisé ton nom?» Et ceci amène une accusation plus spécifique: ils offraient du «pain souillé» sur l'autel de Dieu, et le verset 8 ajoute de plus amples détails à cet égard. Les offrandes qu'ils apportaient étaient de nature à montrer qu'ils tenaient la «table de l'Éternel» pour «méprisable». Nous ne pensons pas qu'ils déclaraient cela en ces termes précis, mais c'était ce que leurs actes proclamaient, car, comme nous le savons bien, les actes sont plus éloquents que les mots, et Dieu sait parfaitement les interpréter.

Le fait est qu'ils offraient à Dieu des bêtes qu'ils n'auraient jamais présentées à un gouverneur. Ils faisaient passer leurs intérêts personnels avant le service de Dieu. Cela ne nous parle-t-il pas? La chair, en chacun de nous, a naturellement et facilement tendance à accorder la première place à nos intérêts terrestres, et à considérer «le royaume de Dieu et sa justice» comme quelque chose qui vient à point pour combler les petits vides que nous laisse la poursuite de nos propres affaires. Nous oublions facilement les paroles du Seigneur en Matthieu 6: 32 et 33.

Par la bouche du prophète, Dieu annonce aux Juifs que, bien que son nom soit profané, il le rendra «grand» (verset 11), et cela même parmi les nations qu'ils méprisaient tant! Quand les sages et les puissants se montrent infidèles, Dieu se tourne vers les faibles et les méprisés pour accomplir ses desseins (voir 1 Corinthiens 1: 26-29). Et qu'en est-il de la réalisation de cette prédiction? Elle sera littéralement accomplie pendant le Millénium, mais nous pouvons en faire une application spirituelle même au temps présent. Il nous faut admettre humblement que beaucoup d'entre nous qui vivons dans la facilité et le luxe, nous occuperons peut-être le dernier rang dans le royaume, au jour des rétributions, alors que seront au premier rang ces humbles croyants qui ne sont souvent que de «petits enfants» en Christ, mais qui, lors de la persécution, vivent et meurent pour leur foi.

Les trois derniers versets mettent de nouveau le doigt sur les maux qui se manifestaient alors. Sur deux points, le prophète reproche aux fils d'Israël leurs paroles outrageuses. Ils disaient: «La table du Seigneur est souillée», et «Voilà, quel ennui!» à propos du service rendu. Ils avaient eux-mêmes souillé cette table, et, si le cœur n'est pas engagé dans le service de Dieu, quelle source d'ennui il peut en effet devenir! Avoir la «forme de la piété» sans la «puissance» mène à tous les maux énumérés en 2 Timothée 3: 1-5.

Nous ne devons jamais oublier les derniers mots de notre chapitre. En Christ, nous connaissons Dieu comme le Dieu de toute grâce, mais en même temps, il est «un grand roi», et son nom est «terrible» — c'est-à-dire digne d'être vénéré — «parmi les nations». Sa grâce n'annule aucunement sa majesté. En fait, sa majesté rehausse sa grâce.

Chapitre 2

Ce chapitre est la suite des avertissements solennels qui viennent de nous occuper. Les sacrificateurs, qui étaient pour ainsi dire l'élite de la tribu de Lévi, sont encore dénoncés pour leurs pratiques coupables, et avertis qu'une malédiction était déjà sur eux. Aux versets 4 et 6, Dieu leur rappelle son alliance d'autrefois avec cette tribu, et comment, pendant un temps, ils ont été fidèles et ont marché convenablement devant leur Dieu. Maintenant, tout avait malheureusement changé. Ainsi qu'il le fait toujours, Dieu considère leur défection à la lumière de leur appel et de leur état initial. Nous pouvons bien nous demander où nous en sommes nous-mêmes, à la lumière de l'appel et de l'état de l'Église primitive, tels qu'on les voit dans les premiers chapitres des Actes! Il y a là de quoi sonder profondément nos cœurs.

Une autre chose très sérieuse, à propos des sacrificateurs de ce temps-là, est mise en lumière aux versets 7 et 8. Le sacrificateur était appelé à être «le messager de l'Éternel»; il devait bien connaître la loi afin de pouvoir la transmettre au peuple. Bien que la «loi de vérité» ait été dans la bouche de Lévi au commencement, il n'en était plus ainsi aux jours de Malachie. Cette loi n'était plus ni dans les cœurs ni sur les lèvres des sacrificateurs. Non seulement ils s'étaient eux-mêmes écartés du chemin, mais ils avaient fait broncher beaucoup de gens, qui s'étaient également écartés du chemin. Ils avaient ainsi corrompu l'alliance que Dieu avait faite avec leur tribu.

Encore une fois, nous devons remarquer que Dieu revient toujours à ce qu'il a établi au commencement. Les «commencements» de l'homme sont imparfaits. Ses inventions sont d'abord grossières, puis se perfectionnent avec le temps. Dieu, lui, établit ce qui est parfait en son temps et à sa place. Si les hommes pensent l'améliorer, en fait ils le dégradent. En ce qui concerne les choses de Dieu aujourd'hui, souvenons-nous de cela! Dans l'histoire de l'Église, dès que l'abandon de la vérité devint évident, l'Esprit de Dieu commença à insister sur «ce qui était dès le commencement»; c'est ce que l'on voit dans les épîtres de Jean. Au milieu de la confusion qui règne dans la chrétienté, nous sommes sur un terrain sûr et juste si nous revenons, en ce qui concerne la foi et la vie pratique, à la simplicité de ce que Dieu a établi au commencement de cette dispensation.

Les versets 9 à 13 montrent ensuite comment l'abandon des desseins et du plan de Dieu avait conduit au désordre et corrompu toute la conduite du peuple lui-même. Les sacrificateurs étaient devenus méprisables aux yeux du peuple, et des pratiques malhonnêtes avaient cours parmi celui-ci. L'idolâtrie s'était insinuée, et le sanctuaire de l'Éternel était profané. Lorsque le jugement de Dieu était tombé sur eux à cause de cela, il y avait eu beaucoup de gémissements et l'autel avait été couvert de larmes. Mais ce n'était pas une vraie repentance; ce n'était qu'une protestation contre leurs malheurs. C'est pourquoi Dieu n'y avait pas eu égard.

Cette indifférence de la part de Dieu leur apparaissait comme une offense, aussi demandaient-ils avec irritation: «Pourquoi?» — question à laquelle il est répondu par une accusation encore plus précise contre eux. Il y avait en effet beaucoup d'infidélité conjugale; on agissait perfidement envers sa femme et on la répudiait, au mépris du propos de Dieu quant au mariage — dans lequel l'homme et la femme ne sont plus qu'un. Ici encore, nous constatons que le dessein originel de Dieu demeure inébranlable, même si les hommes le méprisent et l'oublient. Lorsque Dieu est ignoré et ses intérêts oubliés, la confusion s'introduit jusque dans nos affaires personnelles.

Nous devons aussi remarquer que lorsqu'on tolère un mal de cette sorte, il se propage et persiste. Quelques siècles plus tard, quand le Seigneur était sur la terre, les pharisiens lui ont soumis la question: «Est-il permis à un homme de répudier sa femme pour quelque cause que ce soit?» (Matthieu 19: 3). Ces pratiques relâchées avaient toujours cours. Nous savons comment notre Seigneur les renvoya aussitôt à ce que Dieu avait établi «dès le commencement».

Arrivés à ce stade dans notre lecture, nous ne sommes pas surpris par le dernier verset du chapitre 2. Ils avaient en effet «fatigué» l'Éternel par leurs paroles, refusant d'admettre tous les reproches qui leur étaient faits, et les réfutant même d'une manière insolente. Cette dernière remontrance, ils la recevaient avec la même suffisance, disant: «En quoi l'avons-nous fatigué?» Ils n'étaient pas prêts à admettre quoi que ce soit, préférant calomnier Dieu lui-même!

Aussi le prophète est-il amené à justifier l'accusation qu'il a portée contre eux. Tout d'abord, il y en avait qui cherchaient, pour ainsi dire, à associer Dieu à leur péché — comme si Dieu l'approuvait, et appelait le mal bien! De nos jours, c'est une façon de faire assez courante dans le monde religieux. Nombreux sont ceux qui prétendent servir Dieu et lui plaire tout en ayant des pratiques totalement étrangères à la vérité.

D'autres, moins rusés mais plus audacieux que les premiers, ne cherchaient pas à associer Dieu à leur péché. Apparemment, ils mettaient en doute le jugement de Dieu lorsqu'il les reprenait par la bouche du prophète. Par leur question: «Où est le Dieu de jugement?» ils n'insinuaient peut-être pas que Dieu n'avait pas le droit de juger, mais qu'il n'avait pas exercé son droit de jugement. Quel que soit le sens exact de leurs propos, il est clair qu'ils s'efforçaient d'éliminer Dieu et sa Parole. L'état d'esprit qui engendre cette manière de raisonner et de se justifier est loin d'avoir disparu aujourd'hui.

A suivre