Jonathan (1 Samuel 13 à 29)

M. Allovon

Jonathan, fils de Saül

Des années après la délivrance que l'Éternel avait opérée à Mitspa en réponse à la prière instante de Samuel (7: 5-14), Israël subissait à nouveau la pression des Philistins. C'était l'ennemi de toujours, l'ennemi intérieur, celui qui habitait dans le pays que l'Éternel avait donné à Israël et n'en avait jamais été chassé. Israël n'était pas en guerre ouverte avec les Philistins à ce moment-là, mais il subissait leur loi sans se rendre compte de leurs artifices (13: 19-21). Les Philistins avaient profité de leurs relations de voisinage avec Israël pour accaparer toute la compétence et l'activité économique dans le travail du fer. Ils lui offraient délibérément des services, sans doute à bon compte, pour la fourniture et l'entretien de ses outils agricoles. Ils étaient arrivés ainsi à les priver des armes nécessaires pour la guerre. De même, le monde est volontiers coopératif avec les chrétiens s'il peut ainsi les priver de leurs armes spirituelles.

«Et il arriva que, le jour du combat, il ne se trouva ni épée ni lance dans la main de tout le peuple qui était avec Saül et avec Jonathan; il ne s'en trouvait que chez Saül et chez Jonathan, son fils» (13: 22). Jonathan, le premier, prend conscience de la nécessité de secouer le joug des Philistins et il «frappa le poste des Philistins qui était à Guéba» (verset 3). Ce poste des Philistins, établi dans une des villes de sacrificateurs en Benjamin (Josué 21: 17), était le symbole de l'assujettissement d'Israël à son ennemi intérieur.

Sérieux avertissement pour nous qui, dans l'environnement du monde gouverné par les convoitises de la chair, perdons facilement conscience de leur emprise sur nous.

Jonathan, homme de foi

Cette première victoire de Jonathan montre qu'il est l'homme de foi dont l'Éternel se sert pour faire du bien à son peuple. Elle suscite la colère des Philistins qui s'assemblent pour faire la guerre contre Israël et contraignent Saül et tout le peuple à descendre à Guilgal. Mais Saül, bien qu'il se soit attribué la victoire de Jonathan en la publiant (13: 3, 4), tremble de peur à la perspective d'être attaqué par les Philistins. Il ne sait pas attendre le temps fixé par Samuel, il offre lui-même l'holocauste et se voit rejeté par l'Éternel à cause de sa désobéissance. Saül étant moralement mis de côté, Jonathan mène seul le combat de la foi. Loin d'être effrayé parce que le peuple se disperse, ou découragé par la position d'infériorité stratégique de la troupe d'Israël, il se tient prêt à combattre au signal que Dieu voudra lui donner. Son attente: «peut-être que l'Éternel opérera pour nous» est motivée par la certitude que «rien n'empêche l'Éternel de sauver, avec beaucoup ou avec peu de gens» (14: 6). Il partage cette attitude avec son compagnon, son porteur d'armes, mais ne peut pas s'associer Saül.

Jonathan se découvre sans crainte au regard de l'ennemi et reçoit alors l'indication que Dieu va le livrer en sa main. Sans se laisser arrêter par la difficulté et la souffrance, il gravit la pente abrupte «avec ses mains et ses pieds», suivi par son porteur d'armes. Répondant à la foi de ces deux combattants, l'Éternel fait tomber une vingtaine de Philistins sous les coups de Jonathan et de son compagnon. L'épouvante saisit alors le camp des Philistins assemblés à Micmash. L'événement ne se limite pas à l'exploit de deux guerriers. C'est «une frayeur de Dieu» qui s'abat sur les ennemis du peuple d'Israël, parce que ces deux hommes sont, par la foi, les instruments du dessein de Dieu à ce moment-là. Il en résulte une grande victoire de tout le peuple qui contraint les Philistins à se retirer dans leurs villes (verset 46).

Jonathan illustre l'énergie de la foi qui, dans un contexte de passivité générale, fait marcher et agir avec Dieu malgré une certaine solitude. Et cet acte de foi est en bénédiction pour l'ensemble. En toute circonstance, il y a un chemin préparé par Dieu pour la foi; il ne peut être discerné et suivi que par elle. «La voie de l'Éternel est la force pour l'homme intègre, mais elle est la ruine pour les ouvriers d'iniquité» (Proverbes 10: 29).

La conduite de Jonathan, artisan de la victoire, est si peu comprise par Saül, dépourvu de foi et de discernement, que l'action et le vœu intempestifs de celui-ci auraient conduit à la mort de Jonathan si Dieu n'avait pris soin que Saül soit désavoué par le peuple. La grande victoire amorcée par l'acte de foi de Jonathan a pour résultat d'affermir la royauté de Saül sur Israël (14: 46), mais celui-ci n'entre pas dans le chemin de la foi. Sa désobéissance renouvelée aux ordres que l'Éternel lui donne par Samuel au sujet d'Amalek entraîne son rejet définitif (chapitre 15).

David, choisi par l'Éternel et vainqueur de Goliath

L'Éternel envoie alors Samuel pour oindre celui qu'il a choisi pour régner sur Israël. C'est David, l'homme selon son cœur, l'humble berger méconnu dans la maison de son père mais connu de celui qui regarde au cœur (16: 7). Ses caractères ont pourtant attiré l'attention. Un jeune homme en informe Saül: «Voici, j'ai vu un fils d'Isaï, le Bethléhémite, qui sait jouer, un homme fort et vaillant, et un homme de guerre, et qui a l'intelligence des choses, et un bel homme, et l'Éternel est avec lui» (verset 18). Saül l'appelle auprès de lui et David devient à la fois son joueur de harpe et son porteur d'armes. Saül l'aime à cause des services qu'il lui rend, sans toutefois le connaître vraiment: il l'oublie vite.

Nombreux sont ceux qui aujourd'hui voudraient trouver en Christ un apaisement d'esprit et du secours dans leurs difficultés, mais ne savent ou ne veulent pas discerner en lui le Seigneur, le Fils de Dieu qui l'a donné pour seul Sauveur.

Quand les Philistins se rassemblent à nouveau pour combattre Israël, enhardis par la force surhumaine de leur champion Goliath, Saül et ses serviteurs se rassemblent aussi, mais ils sont effrayés par les outrages du géant et par son apparence terrifiante. Aucun des hommes forts de Saül ne peut relever le défi de Goliath. Jonathan lui-même ne paraît pas: le combat à livrer était d'une autre mesure que ceux qu'il avait remportés jusque-là. Il était réservé au véritable «oint de l'Éternel» de détruire le grand adversaire. Mais personne ne pense à David alors que, congédié pour un temps par Saül, il était retourné prendre soin de ses brebis. David, envoyé par son père pour servir ses frères, est méprisé par eux, mais ses paroles de ferme confiance en l'Éternel ne peuvent passer inaperçues.

Elles sont rapportées à Saül. Celui-ci le convoque et lui parle avec dédain, comme à un inconnu: «Tu n'es pas capable d'aller contre ce Philistin pour combattre avec lui» (17: 33). Mais il doit s'incliner devant le témoignage et la confiance de David: «L'Éternel qui m'a délivré de la patte du lion et de la patte de l'ours, lui me délivrera de la main de ce Philistin» (verset 37). David refuse l'armure et l'épée que Saül lui offre et s'avance seul contre Goliath, sans autre équipement que sa tenue de berger, sa fronde à la main.

L'affrontement ne se produit pas d'abord par les armes mais par des paroles. Goliath exprime son écrasant mépris pour David et le maudit par ses dieux. David ne méprise pas Goliath et reconnaît la force de ses armes, mais il déclare: «Je viens à toi au nom de l'Éternel des armées, du Dieu des troupes rangées d'Israël, que tu as outragé. En ce jour, l'Éternel te livrera en ma main; et je te frapperai… et toute la terre saura qu'il y a un Dieu pour Israël» (versets 45, 46). Le combat est comme déjà livré et son issue certaine puisque «la bataille est à l'Éternel». Dirigée par l'Éternel, la pierre lancée par la fronde de David pénètre le front du géant qui est aussitôt abattu. David s'avance, tire l'épée de Goliath et lui coupe la tête.

Cette victoire de David, l'oint de l'Éternel, sur le grand adversaire d'Israël est une image saisissante de celle de Christ — de celui qui, par la mort, a rendu «impuissant celui qui avait le pouvoir de la mort, c'est-à-dire le diable» (Hébreux 2: 14).

Jonathan s'attache à David

David est amené à Saül par Abner, le chef de l'armée. La tête du Philistin à la main, il se tient là devant Saül et ses officiers, admiratifs et pourtant réticents: cet exploit les sauve et les humilie. Comment celui dont on ignore même le nom a-t-il pu l'accomplir? Seul un homme se détache. Jonathan, fils de Saül, héritier présomptif du trône, héros national en Israël, s'avance, se dépouille de sa robe de prince et la donne à David. Il dépose à ses pieds ses vêtements, son épée, son arc et sa ceinture. Son âme s'est attachée à celle de David: «Jonathan l'aima comme son âme» (18: 1). Plus rien d'autre ne compte pour Jonathan. Non seulement il apprécie sans aucune vexation ni réticence le haut fait d'un plus puissant que lui, mais son cœur est gagné par la beauté morale de celui dont l'humilité égale la force et le courage. Il renonce à son titre parce qu'il a discerné en David celui à qui sont dues la royauté et la soumission. En même temps, il l'acquiert comme objet de son affection, de son amour, de son dévouement. Il fait alliance avec David et se montrera indéfectible dans son amitié.

Avons-nous été ainsi «saisis» par Christ, dont la grandeur et la victoire, la beauté et la grâce, dépassent infiniment celles de David? L'apôtre Paul l'a été; il dit: «Je regarde même aussi toutes choses comme étant une perte, à cause de l'excellence de la connaissance du Christ Jésus, mon Seigneur, à cause duquel j'ai fait la perte de toutes» (Philippiens 3: 8).

David est pourchassé par Saül

La victoire de David et les succès qu'il remporte lui confèrent un grand prestige auprès de tout Israël. Les serviteurs de Saül, puis sa fille Mical, l'apprécient et l'aiment à leur manière. Mais la jalousie de Saül se transforme vite en haine. David, menacé plusieurs fois, doit se tenir sur ses gardes et même se cacher.

Seul Jonathan montre pour David un attachement sans faille. Alors que les serviteurs de Saül participent à ses mauvais desseins, Jonathan résiste à son père qui veut faire mourir David et il le défend avec ardeur. Il fait valoir que les succès militaires de David sont très avantageux pour le roi et pour Israël, et Saül se laisse convaincre une fois (19: 1-6). Après avoir été à nouveau en danger de mort et obligé de s'enfuir, David vient vers Jonathan qui s'engage à faire la lumière sur les intentions de Saül. Jonathan est convaincu que David doit régner et il lui fait promettre d'user de bonté envers lui et envers sa famille quand il sera assis sur le trône. «Et Jonathan fit encore jurer David par l'amour qu'il lui portait; car il l'aimait comme il aimait son âme» (20: 17).

Il s'expose à la colère de son père et au jet de sa lance en essayant d'expliquer l'absence de David. En mettant sa vie en danger pour David, Jonathan montre qu'il l'estimait plus que lui-même: «il était affligé à cause de David, parce que son père l'avait outragé» (verset 34). Saül avait cette fois outragé et menacé personnellement Jonathan, mais ce n'est pas cela qui est la cause principale de sa souffrance, c'est l'outrage à David.

De même, nous aussi, en présence du mépris du monde, nous devrions ressentir plus fortement l'outrage fait à Christ que ce qui nous blesse personnellement.

David est visité par Jonathan

La rencontre qui suit entre David et Jonathan est marquée par beaucoup de larmes, surtout de la part de David. C'est le début de l'errance du proscrit. «Et David se leva et s'en alla; et Jonathan entra dans la ville» (20: 43). Pendant plusieurs années (chapitres 21-30), David va errer d'un lieu fort à l'autre, dans les déserts et les cavernes, rejoint par des hommes en détresse qui l'ont reconnu pour leur chef, mais pourchassé par Saül «comme on poursuivrait une perdrix dans les montagnes» (26: 20).

Pendant tout ce temps, Jonathan reste à la cour du roi, son père, mais ne participe pas à son action. Une fois encore, en secret, il rend visite à David au désert de Ziph, dans un bois, et l'encourage (23: 16-18). Jonathan renouvelle son alliance avec David, dans sa conviction que celui-ci doit régner. Il paraît surtout préoccupé de son propre sort et de celui de sa famille, et il ne songe pas à rejoindre David, comme son affection aurait dû l'y conduire. Lors d'un entretien précédent, il avait dit, en reconnaissant la précarité de sa position près de Saül: «Si je suis encore vivant, — n'est-ce pas, tu useras envers moi de la bonté de l'Éternel» (20: 14). Cette fois, il déclare: «Tu régneras sur Israël, et moi, je serai le second après toi» (23: 17). Certainement David désirait beaucoup que Jonathan lui soit associé de près quand il régnerait, et il n'était guère nécessaire que celui-ci lui demande d'user de bonté envers les siens. Mais Jonathan n'a pas su choisir d'être dans l'affliction avec David et de partager son rejet plutôt que de continuer à jouir pour un temps des avantages qu'il avait à la cour de Saül. La conclusion de la dernière rencontre des deux amis résonne tristement: «David demeura dans le bois, et Jonathan s'en alla à sa maison» (23: 18).

Posons-nous la question à nous-mêmes, chacun en particulier: Le Seigneur a du prix pour moi et je pense l'aimer. Mais suis-je disposé en pratique à le suivre de près alors qu'il est encore rejeté, à partager le mépris dont il est l'objet, au prix de quelque renoncement?

Jonathan sur la montagne de Guilboa

Les Philistins s'assemblent une nouvelle fois pour faire la guerre contre Israël. Saül est effrayé car l'Éternel ne lui répond plus (28: 4-6). Sa déchéance morale est telle qu'il va consulter une femme qui évoque les esprits. L'Éternel intervient alors par Samuel pour confirmer à Saül son rejet et lui annoncer sa mort prochaine: «Demain, toi et tes fils, vous serez avec moi; l'Éternel livrera aussi l'armée d'Israël en la main des Philistins» (verset 19). Les fils de Saül qui lui sont associés doivent partager son sort. Et le lendemain, sur la montagne de Guilboa, «les Philistins pressèrent fortement Saül et ses fils; et les Philistins frappèrent Jonathan, et Abinadab, et Malki Shua, fils de Saül» (31: 2).

Qui peut mesurer les conséquences d'une association délibérée d'un chrétien avec ce que le Seigneur a déjà jugé?

David en deuil de Jonathan

Rien n'est plus touchant que la complainte que David a prononcée sur Saül et Jonathan quand il a appris leur mort. Il rappelle leurs hauts faits; il oublie même tout le tort que lui a causé Saül et invite Israël à mener deuil sur lui. Il ne fait aucun reproche mais doit dire avec beaucoup de douleur: «Saül et Jonathan, aimés et agréables dans leur vie, n'ont pas été séparés dans leur mort» (2 Samuel 1: 23). Sa profonde affection pour Jonathan et son poignant regret se traduisent de façon éloquente: «Comment Jonathan a-t-il été tué sur tes hauts lieux! Je suis dans l'angoisse à cause de toi, Jonathan, mon frère» (versets 25, 26). Était-ce possible que Jonathan ait péri de la main des Philistins, ces ennemis qu'ils avaient l'un et l'autre victorieusement combattus avec le secours de l'Éternel? Il n'avait pas su se mettre à l'abri près de celui que Dieu avait choisi, comme David l'avait dit à Abiathar: «Près de moi tu seras bien gardé» (22: 23). L'amour de Jonathan était grand et pur. David l'avait apprécié et le rappelle: «Tu étais pour moi plein de charmes; ton amour pour moi était merveilleux, plus grand que l'amour des femmes» (verset 26). Mais l'amour de David pour Jonathan le surpasse de beaucoup et subsiste au-delà de la mort.

Nous nous laissons difficilement enseigner par les exemples dont l'Écriture est si riche. Si pourtant celui de Jonathan nous poussait à nous attacher au Seigneur pour le suivre de près, en acceptant d'être rejeté avec lui… combien de dommages nous seraient épargnés! Et le Seigneur ne serait pas privé de la joie de nous donner son approbation.

La bonté de David envers le fils de Jonathan

Après la mort de Saül, David, oint pour roi sur la tribu de Juda, a montré beaucoup d'égards pour la famille de Saül. Il en a montré même envers Abner, le chef de l'armée, qui a essayé de conserver le trône d'Israël à Ish-Bosheth, fils de Saül (2 Samuel 2: 12). Et quand David régna sur tout Israël, le souvenir de Jonathan lui inspira cet appel: «Y a-t-il encore quelqu'un… de la maison de Saül? et j'userai de bonté envers lui à cause de Jonathan». Mephibosheth, le fils de Jonathan, bien qu'il soit «boiteux des deux pieds», goûte alors cette «bonté de Dieu» à la table du roi, comme un de ses fils (2 Samuel 9). C'est lui qui reçoit les bienfaits que David avait en réserve pour Jonathan.

Quelle image de la bonté avec laquelle le Seigneur se souvient de chacun de ceux qui l'aiment, oubliant même leurs défaillances! Laissons-nous stimuler pour aimer le Seigneur d'une façon concrète, en cherchant sa présence, comme les deux disciples qui lui ont demandé: «Où demeures-tu?» (Jean 1: 39). Lui-même a dit: «Si quelqu'un me sert, qu'il me suive; et où je suis, moi, là aussi sera mon serviteur» (1 Jean 12: 26).