Joseph (suite et fin)

J. Muller

3. Joseph retrouve sa famille

Il restait à régler la question majeure du relèvement des dix frères de Joseph coupables de l'avoir vendu (Genèse 42-45). C'est par un retour vers lui que ce relèvement pourra s'opérer. De même, par l'action de l'esprit de grâce et de supplications qui aura été répandu sur lui, le résidu de la nation juive regardera plus tard vers Christ, «Celui qu'ils auront percé» (Zacharie 12: 10), pour reconnaître alors: «L'Éternel a fait tomber sur lui l'iniquité de nous tous» (Ésaïe 53: 6). Rien n'est plus émouvant que le travail de la grâce de Dieu pour opérer la restauration des dix frères de Joseph — figure d'Israël — par le service d'amour de Joseph — figure de Christ — et de l'homme préposé sur sa maison — figure du Saint Esprit (Genèse 43: 16, 19; 44: 1, 4). Leur conscience endurcie devait être réveillée à leur crime avant qu'ils puissent retrouver une relation d'affection avec leur frère. C'est la raison de l'apparente dureté de Joseph à leur égard, qui voilait la profondeur de son amour pour eux (42: 7, 30). L'extrême famine en Égypte et en Canaan a été le moyen providentiel de Dieu pour opérer son travail. Ainsi, Dieu nous parle souvent par les épreuves de la vie (Job 36: 7-10; Osée 5: 15); l'homme ne peut apprendre à connaître Dieu qu'à travers ses besoins!

Envoyés par leur père Jacob, les frères de Joseph sont descendus deux fois en Égypte pour y chercher du blé (Actes des Apôtres 7: 12, 13). La première fois, Joseph les reconnaît, mais eux ne le reconnaissent pas (Genèse 42: 7, 8). Ils se prosternent devant lui, accomplissant ainsi à leur insu le songe de leur jeune frère, 22 ans auparavant (37: 7, 9; 42: 6). Dans les voies de Dieu, le temps ne compte pas. Au moment de repartir avec leurs sacs de blé, ils sont accusés par Joseph d'être des espions, malgré leur prétention à être «d'honnêtes gens» (42: 11). Siméon est gardé prisonnier et, pour augmenter leur désarroi, Joseph fait remettre l'argent de chacun dans son sac; il leur impose en outre la condition formelle d'amener Benjamin avec eux lors de leur prochain voyage. Leurs paroles prouvent déjà le réveil de leur conscience: «Certainement nous sommes coupables à l'égard de notre frère; car nous avons vu la détresse de son âme quand il nous demandait grâce, et nous ne l'avons pas écouté;… voici, son sang est redemandé… Qu'est-ce que Dieu nous a fait? (42: 21, 22, 28).

A leur second voyage, les frères de Joseph se prosternent à nouveau devant lui (43: 26, 28) avant de manger le pain ensemble avec lui. Au matin, ils sont renvoyés avec leur argent dans leurs sacs remplis de vivres. A leur insu, Joseph avait fait placer sa propre coupe d'argent dans le sac de Benjamin, son jeune frère. Lorsque le fait est révélé, le dénouement est proche. Juda présente un plaidoyer émouvant à son frère Joseph qu'il n'a pas encore reconnu (44: 16-34). Il n'est plus question pour personne de se justifier, et, pour la seconde fois, les circonstances sont reconnues comme ordonnées de Dieu: «Que dirons-nous à mon seigneur?… Dieu a trouvé l'iniquité de tes serviteurs» (verset 16). C'est ainsi qu'à tout homme convaincu de péché, et dont la bouche est fermée, Dieu révèle sa justice et le pardon gratuit par sa grâce (Romains 3: 19, 24).

Du point de vue prophétique, Juda représente ici le résidu Juif traversant les dernières épreuves de la tribulation avant de reconnaître son Messie rejeté, tandis que Benjamin est une figure de Christ chargé de la culpabilité de son peuple. On se souviendra que Benjamin, encore enfant auprès de son père Jacob, n'avait pas été impliqué dans le complot contre Joseph pour le vendre en Égypte. Il était comme mis en garde pour apparaître au temps propre pour la délivrance. Christ, Agneau de Dieu, n'a-t-il pas été «préconnu dès avant la fondation du monde, mais manifesté à la fin des temps pour nous» (1 Pierre 1: 20)?

Le moment est venu pour Joseph de se faire reconnaître de ses frères: «Je suis Joseph… Je suis Joseph, votre frère, que vous avez vendu» (45: 3, 4). Il reconnaît la main de Dieu tout au long de sa merveilleuse histoire: dans sa descente en Égypte, dans la grande délivrance de sa famille par son moyen, dans sa puissance sur le trône (45: 5, 7, 9). Le premier message que Joseph confie à ses frères pour leur père Jacob est de lui raconter toute sa gloire (verset 13). N'est-ce pas le grand privilège de ceux auxquels Christ a révélé le nom du Père (Psaumes 22: 22; Jean 20: 17), de lui parler des gloires infinies de son Fils?

Joseph presse ensuite ses frères de faire descendre leur père auprès de lui, pour qu'ils goûtent ensemble «ce qu'il y a de meilleur», sans regrets pour leurs meubles laissés en Canaan (verset 18, 20). C'est ainsi que le chrétien est invité à laisser en arrière les choses du monde pour jouir des bénédictions célestes en Christ, ces biens meilleurs et permanents liés à une meilleure cité, la cité céleste (1 Timothée 6: 17; Hébreux 10: 34; 11: 16). La recommandation de Joseph à ses frères de ne pas se quereller en chemin (verset 24) rappelle aux chrétiens que la jouissance de leurs privilèges spirituels ne les dispense pas de veiller soigneusement sur leur conduite!

Lorsque Joseph apprend par Juda l'arrivée de Jacob en Égypte, il attelle promptement son char pour se porter au-devant de son père (46: 29). Dans un temps à venir, il sera dit au Messie, le divin Joseph: «Et, prospérant dans ta magnificence, mène en avant ton char, à cause de la vérité et de la débonnaireté et de la justice» (Psaumes 45: 4). La communion du père et de son fils bien-aimé dans la pleine satisfaction de leur cœur au moment où ils se retrouvent après 22 ans de séparation est d'une grande beauté.

Sous le sceptre de justice de Joseph en Égypte, sa famille traverse les cinq dernières années de famine, puis goûte une prospérité sans égale dans le pays de Goshen (Genèse 45: 11; 47: 11, 12, 27). A ce moment, la bénédiction du peuple de Dieu lui est accordée dans une terre étrangère — Ramsès en Égypte — et non dans la terre de la promesse. Il en est de même des croyants juifs du temps actuel: ils ont leur part dans l'Église — vue en figure dans Asnath —, avant que Dieu ne reprenne ses relations avec Israël sur la terre. Toutes les bénédictions présentes et futures, d'ordre céleste ou terrestre, reposent sur Christ berger et pierre d'Israël, selon la remarquable prophétie de Jacob au sujet de Joseph (Genèse 49: 22-26). La branche vivante de Joseph porte du fruit et franchit les limites d'Israël pour atteindre les collines éternelles! Mais Joseph demeure «celui qui a été mis à part de ses frères» (Deutéronome 33: 16).

Le droit de premier-né dans la famille de Jacob ayant été transféré de Ruben à Joseph (1 Chroniques 5: 1), celui-ci, comme héritier, reçoit la double portion d'héritage. C'est ainsi que «l'administration de la plénitude des temps» ramènera à Christ le monde nouveau comme sa «possession acquise» par la rédemption (Éphésiens 1: 10, 14). Tout sera enfin à la louange de sa grâce et de sa gloire.

4. Joseph en Égypte jusqu'à sa mort

Jacob passe les dernières années de sa vie auprès de Joseph en Égypte. Sentant sa fin prochaine, Jacob «bénit chacun des fils de Joseph, et adora, appuyé sur le bout de son bâton» (Hébreux 11: 21). Le droit à l'héritage de Joseph (comme premier-né, il avait une double portion) devait être transféré à ses deux fils, privilège qui sera conservé jusque dans le Millénium (Ezéchiel 47: 13). Jacob adopte donc Ephraïm et Manassé comme ses propres enfants, avant de prononcer sur eux une bénédiction spéciale (Genèse 48: 8-22). Conscient de la pensée de Dieu, Jacob agit en prophète et inverse l'ordre de leur naissance: le plus jeune, Ephraïm, devait avoir la prééminence sur Manassé. En vain, Joseph veut arrêter son père; avec douceur et fermeté, Jacob tient bon: «Je le sais, mon fils, je le sais…» (verset 19). N'est-il pas remarquable qu'au terme d'une vie mouvementée, Israël (et non pas Jacob ici) manifeste plus d'intelligence spirituelle que son fils Joseph, dont la Parole ne relate par ailleurs aucun manquement?

Jacob meurt «dans la foi» (Hébreux 11: 13), et Joseph le pleure pendant 40 jours. A leur tour, les Égyptiens le pleurent 70 jours, puis accompagnent Joseph et ses frères en Canaan pour enterrer Jacob auprès de ses pères, conformément à sa demande (49: 29). L'aire d'Atad (Abel Mitsraïm) garde le souvenir des grandes et profondes lamentations prononcées sur ce pauvre berger, objet de l'abomination des Égyptiens (46: 34), mais honoré comme un prince dans sa mort (50: 1-13). Jésus, le méprisé du peuple, a été avec le riche dans sa mort (Ésaïe 53: 9).

De retour en Égypte, une dernière épreuve attend Joseph. Incertains de l'attitude de Joseph à leur égard, et dans le doute de son amour pour eux, ses frères craignent que le départ de leur père ne soit l'occasion pour Joseph d'exercer sa vengeance (50: 15-21). C'était bien peu connaître le cœur de Joseph que de lui prêter de pareils sentiments. Ils se prosternent une dernière fois devant leur frère, en signe de soumission. En définitive, c'est Joseph lui-même qui console ses frères et parle à leur cœur.

La fin de la vie de Joseph est résumée en peu de mots. Sa gloire à la cour du Pharaon n'est plus en vue. La providence divine l'avait placé là au moment propre pour le salut des siens; désormais, il termine sa vie dans l'intimité familiale. Il verra les fils de ses fils, jusqu'à la troisième génération. Au terme de sa vie, son double acte de foi est de prédire le retour des fils d'Israël dans le pays de la promesse, et de donner des ordres pour que ses os y soient transportés (versets 24, 25; Hébreux 11: 22). Moïse et Josué ont respecté scrupuleusement cette volonté (Exode 13: 19; Josué 24: 32) et les restes du patriarche reposent à Sichem, dans l'attente du jour glorieux de la résurrection.

Le retour d'Israël dans sa terre avait déjà été annoncé par Dieu à Abram (Genèse 15: 13, 14; Actes des Apôtres 7: 6, 7). Jacob et Joseph en sont pleinement assurés (Genèse 48: 21; 50: 24). Le livre de la Genèse, qui contient un trésor de principes moraux, se termine sur la mort de Joseph, alors que l'habitation du peuple de Dieu est encore en Égypte. La délivrance de la maison de servitude et le merveilleux sujet de la rédemption seront développés dans le livre de l'Exode.

5. Les pleurs de Joseph

La délicatesse et la profondeur des sentiments de Joseph sont soulignées par le fait qu'il verse des larmes à sept occasions mémorables de sa vie:

  1. Lorsqu'il revoit ses dix frères à leur premier voyage en Égypte (42: 24). Il est touché de constater le premier réveil de leur conscience à leur crime.
  2. Lorsqu'il revoit Benjamin au cours de la deuxième venue en Égypte (43: 30). Il ne semble pas que Joseph ait reconnu Benjamin, qui avait maintenant 34 ans, alors qu'il n'était qu'un enfant de 10 ans lorsque Joseph avait été séparé de sa famille. Son émotion est bien compréhensible!
  1. Lorsqu'il se fait connaître à ses 11 frères (45: 2). Le terme de la discipline pour les frères de Joseph est aussi le terme des souffrances de Joseph dans le travail de son âme à leur égard.
  2. Lorsqu'il embrasse Benjamin, puis ses autres frères (45: 14). Les liens du sang entre les deux frères, tous deux fils de Rachel, l'épouse aimée de leur père, s'expriment de manière touchante.
  3.  Lorsqu'il revoit son père Jacob (46: 29). Joseph est toujours le bien-aimé de son père.
  4. A la mort de Jacob (50: 1). Dans ce chapitre, Joseph est vu particulièrement comme homme; toute sa conduite et ses sentiments sont ceux d'un homme noble (Ésaïe 32: 8).
  5. Devant les craintes injustifiées de ses frères à son égard (50: 17). Ne nous arrive-t-il pas de douter de l'amour du Seigneur à notre égard, si même nous ne nous laissons pas envahir par des craintes incrédules?

Ainsi, pendant sa vie, Joseph a versé des larmes, comme beaucoup d'hommes de foi de l'Ancien et du Nouveau Testaments le feront à sa suite. On pense à David et à Jonathan, puis à Jérémie, qui pleure sur l'état du peuple de Dieu et sur la ruine de Jérusalem (Jérémie 9: 1; Lamentations de Jérémie 1: 16). Dans sa sollicitude pour les assemblées, l'apôtre Paul versera beaucoup de larmes, avant de pleurer sur la ruine de l'Église (2 Corinthiens 2: 4; Philippiens 3: 18). Timothée, son cher enfant dans la foi, imitera l'apôtre (2 Timothée 1: 4). Toutes ces larmes auront été précieusement recueillies par Dieu (Psaumes 56: 8). Et si nous versons beaucoup de larmes aujourd'hui, nous avons l'espérance d'une consolation éternelle: «Le soir, les pleurs viennent loger avec nous, et le matin il y a un chant de joie» (Psaumes 30: 5; Ésaïe 51, 11; 2 Thessaloniciens 2: 16; Apocalypse 21: 4).

Joseph, par sa touchante histoire, dirige les yeux de notre foi vers le divin Joseph, «Christ la puissance de Dieu et la sagesse de Dieu» (1 Corinthiens 1: 24).