Le discours d’Abija (2 Chroniques 13)

J.A Monard

Que penser du discours prononcé par Abija, roi de Juda, sur la montagne de Tsemaraïm — discours adressé à Jéroboam et à son armée qui viennent l’attaquer? La réponse n’est peut-être pas évidente. D’une part, on a le sentiment qu’Abija est satisfait de lui-même et se vante. D’autre part, toutes les affirmations de son discours paraissent justes; et finalement, Dieu accorde à Juda la victoire sur son envahisseur. Cette intervention de Dieu est-elle le signe de son approbation?

L’état d’Israël et de Juda à cette époque

En conséquence de l’infidélité de Salomon, le royaume d’Israël a été divisé. Dix tribus ont été données à Jéroboam et deux seulement sont restées à la famille de David.

Jéroboam, dans le but de créer un centre d’unité religieuse dans son royaume, a établi des veaux d’or à Béthel et à Dan, au sud et au nord de son territoire. Il a institué des sacrificateurs et des cérémonies religieuses à son idée, et a dissuadé son peuple d’aller adorer l’Éternel à Jérusalem. De cette manière, il a conduit les dix tribus à l’idolâtrie. Jusqu’à la fin de leur histoire sera rappelé «son péché par lequel il avait fait pécher Israël» (1 Rois 15:26; … 2 Rois 15:9, 18, 24, 28).

Parallèlement à Jéroboam, Roboam a régné sur les deux tribus de Juda et de Benjamin. Le culte de l’Éternel a été maintenu à Jérusalem, les sacrificateurs ont continué d’accomplir leur service selon les prescriptions de la loi. De l’ensemble du pays sont venus à Jérusalem des hommes «qui avaient mis leur cœur à chercher l’Éternel, le Dieu d’Israël»; ils ont servi à fortifier le royaume de Juda qui, pendant une brève période, a marché dans un bon chemin (2 Chroniques 11:13-17).

Mais bientôt, hélas! «Roboam… abandonna la loi de l’Éternel, et tout Israël avec lui» (12:1). Le gouvernement de Dieu en discipline sur Juda, et l’intervention d’un prophète qu’on a écouté dans une certaine mesure, ont freiné quelque peu le développement du mal (12:2-8). Néanmoins, Juda a suivi à distance le chemin des dix tribus: «Ils bâtirent, eux aussi, pour eux-mêmes, des hauts lieux, et des statues, et des ashères, sur toute haute colline et sous tout arbre vert» (1 Rois 14:23). Et d’autres abominations, semblables à celles des païens, se commettaient dans le pays (verset 24).

L’Écriture donne peu de détails concernant le comportement d’Abija — ou Abijam — fils et successeur de Roboam. Son règne, de trois ans seulement, se résume ainsi: «Et il marcha dans tous les péchés de son père, que celui-ci avait pratiqués avant lui; et son cœur ne fut pas parfait avec l’Éternel, son Dieu, comme le cœur de David, son père» (1 Rois 15:3). Et si Dieu a fait subsister son royaume, ce n’est nullement en raison de sa fidélité, mais «à cause de David» (versets 4 et 5).

Le discours sur la montagne de Tsemaraïm

Jéroboam, avec les dix tribus, viennent attaquer le royaume de Juda. Abija voit en face de lui une armée deux fois plus nombreuse que la sienne (2 Chroniques 13:3). Du haut d’une montagne, il adresse un discours à ses adversaires, pour les dissuader de venir contre lui (versets 4-12).

Ce qui est frappant, dans ce discours, c’est qu’il ne comporte que des affirmations justes… et que pourtant il sonne faux. Abija rappelle les dons de Dieu et ses promesses à David, la révolte de Jéroboam, puis les veaux d’or et le culte corrompu établi en Israël. En contraste, il décrit le culte qui, à Jérusalem, se rend conformément à la loi de Moïse. Il ose même affirmer: «Mais pour nous, l’Éternel est notre Dieu, et nous ne l’avons pas abandonné» (verset 10). Et encore: «Nous avons avec nous, à notre tête, Dieu et ses sacrificateurs, et les trompettes au son éclatant… Fils d’Israël, ne faites pas la guerre contre l’Éternel, le Dieu de vos pères; car vous ne réussirez pas!» (verset 12). Quant à l’aspect extérieur des choses, tout cela était juste. Et il est indéniable que l’attaque de Jéroboam contre le royaume de Juda allait à l’encontre de la volonté de Dieu, qui était de maintenir «une lampe» à Jérusalem (1 Rois 15:4).

Mais n’est-il pas extrêmement pénible d’entendre un homme mettre en évidence les fautes des autres, tout en affirmant sa propre justice et le bon état de son peuple? Et cela d’autant plus que le témoignage que Dieu nous rend à son sujet est bien différent! Le livre des Chroniques passe sous silence cet aspect des choses, mais le livre des Rois nous dit qu’Abija a marché dans le même mauvais chemin que son père Roboam (1 Rois 15:3). Dans ces conditions, quelle valeur pouvait avoir l’affirmation que Dieu était avec Juda? Ce n’était qu’une vaine prétention.

Dieu pouvait-il se satisfaire du culte extérieurement correct qui se rendait encore à Jérusalem? Pouvait-il être avec ceux dont le cœur s’était éloigné de lui — et en particulier avec ce roi? Que cette vanterie est triste!

La grâce de Dieu envers les hommes de Juda

Le discours d’Abija n’a eu aucun effet, ni persuasif ni dissuasif, sur Jéroboam et son armée. Ils ont poursuivi leur attaque. Encerclé par ses ennemis, Juda s’est trouvé dans la détresse. Et alors: «ils crièrent à l’Éternel» (2 Chroniques 13:14). Dans sa grâce, Dieu répondit à leur cri. «Dieu frappa Jéroboam et tout Israël, devant Abija et Juda» (verset 15). Il n’est pas parlé de la foi d’Abija, mais de celle des hommes de son peuple. «Les fils de Juda furent affermis, car ils s’appuyaient sur l’Éternel, le Dieu de leurs pères» (verset 18). C’est ainsi que Dieu répond à ceux qui s’attendent à lui.

Le chapitre ne mentionne ni louange ni reconnaissance au Dieu qui avait opéré une grande délivrance. Il se termine en nous disant qu’»Abija… prit quatorze femmes, et engendra vingt-deux fils et seize filles» (verset 21). Abija marche dans les voies mondaines de Salomon.

Vaine prétention ou acte de foi?

Le Dieu qui sonde les cœurs, sait, lui seul, quel était l’état réel d’Abija. Quoi qu’il en soit, son histoire nous donne une instruction solennelle. Elle nous montre que la conscience d’être extérieurement dans le chemin de Dieu peut nous amener à prononcer des paroles de jugement à l’égard de ceux qui sont manifestement dans un mauvais chemin, et des paroles de satisfaction de soi-même qui ne font que trahir l’orgueil de nos cœurs. Et, comme il en était pour Abija, notre estimation de nous-mêmes peut être fort différente de celle de Dieu.

C’est dans des états d’esprit et de cœur diamétralement opposés que l’on peut affirmer que Dieu est avec nous. On peut le faire en raison d’une hardiesse de mauvais aloi, fondée sur sa propre justice et sur sa religion extérieurement correcte. On peut le faire aussi en raison d’une hardiesse légitime, reconnue et approuvée de Dieu, fondée sur la certitude de la foi. Une telle hardiesse s’allie parfaitement à l’humilité. C’est ce que nous montre l’exemple suivant.

La hardiesse de David devant Goliath

Le récit de 1 Samuel 17 est bien connu. Ce n’est certainement pas à cause de «l’orgueil de son cœur» — même si son frère aîné l’en accuse (verset 28) — que David était venu dans la vallée d’Ela. Son père l’y avait envoyé avec une mission particulière. Et lorsque le jeune homme avait vu le peuple d’Israël tremblant devant les Philistins, lorsqu’il avait entendu le géant Goliath outrager «les troupes rangées du Dieu vivant» (verset 36), son cœur avait été ému. Jeune berger, dans la solitude des pâturages, il avait fait l’expérience de la bonté et de la puissance de Dieu (verset 34-37). Et en ce jour de détresse, Dieu ne serait-il pas à même de délivrer son peuple? Ne répondrait-il pas à la foi de celui qui s’appuie entièrement sur lui? C’est sur Dieu que David compte, et non sur sa fronde — ni sur ses mérites ou sur ceux d’Israël. Quelle hardiesse magnifique dans les paroles qu’il adresse au géant tandis qu’il s’approche de lui! «En ce jour, l’Éternel te livrera en ma main; et je te frapperai, et j’ôterai ta tête de dessus toi, et je donnerai en ce jour les cadavres du camp des Philistins aux oiseaux des cieux et aux animaux de la terre; et toute la terre saura qu’il y a un Dieu pour Israël; et toute cette congrégation saura que ce n’est ni par l’épée, ni par la lance, que l’Éternel sauve» (versets 46, 47).

Que l’exemple de David nous encourage! Et que celui de son arrière-petit-fils Abija nous serve de sérieuse mise en garde!

 

«La sagesse est avec les hommes modestes» (Proverbes 11:2)

«L’orgueil va devant la ruine, et l’esprit hautain devant la chute» (16:18)

«L’orgueil d’un homme l’abaisse, mais celui qui est humble d’esprit acquiert la gloire» (29:23)