Jacob et la grâce de Dieu (suite)

J. Muller

7. La descente en Égypte

«Au temps du soir il y aura de la lumière» (Zacharie 14:7). Joseph, au faîte de sa gloire en Égypte, se fait alors reconnaître de ses frères, et les envoie chercher leur père. Dieu avait tout conduit pour sa gloire, et pour le bien de Jacob et de toute sa famille (Genèse 45:7, 21-26; Psaumes 105:17).

Ce n'est que lorsqu'il voit les chariots que Joseph avait envoyés pour le transporter que l'esprit de Jacob se ranime. Alors, c'est Israël qui dit, dans l'élan de son cœur: «C'est assez! Joseph mon fils vit encore; j'irai, et je le verrai avant que je meure». C'est la satisfaction du cœur qui se confie en Dieu, confirmée lorsque son cher enfant Joseph pleurera sur son cou (Genèse 46:29, 30).

À Beër-Shéba, Israël offre des sacrifices à Dieu, et prend à nouveau la place d'adorateur. Lorsque Dieu se révèle à lui dans des visions de la nuit (comme la première fois à Béthel), Jacob lui répond promptement. C'est ainsi que l'obéissance et la soumission à la volonté de Dieu découlent naturellement de la dépendance de lui. Mais la foi n'est jamais un acte d'imitation: ainsi, Dieu avait commandé à Isaac de ne pas descendre en Égypte, alors qu'il invite son fils Jacob à le faire (26:2; 46:3). En obéissant, Israël est assuré de la bénédiction, mais aussi de la communion avec Dieu dans sa marche.

Satisfaction du cœur, adoration de Dieu, dépendance de lui, obéissance à sa volonté et communion avec lui: ces vertus morales forment le fruit paisible de la justice produit par la discipline (Hébreux 12:11).

Notre Dieu n'est-il pas un Dieu toujours fidèle? (Deutéronome 32:4).

8. Jacob en Égypte

Jacob s'installe en Égypte avec toute sa famille, (au total 70 personnes) dans le pays de Goshen et de Ramsès, la meilleure partie du pays (Genèse 45:18; 47:11). Les épreuves sont désormais terminées et Israël goûte personnellement 17 ans de repos et de sécurité, tandis que sa famille prospère extrêmement (47:27). La répulsion des Égyptiens pour les bergers — ce qu'étaient Jacob et les siens — a rendu plus simple pour Jacob la séparation pour Dieu de ce monde idolâtre au milieu duquel il vivait.

Joseph présente son père au Pharaon (47:7-10). Jacob lui déclare: «les jours des années de ma vie ont été courts et mauvais». En effet, sa vie avait été agitée par beaucoup de difficultés et de peines. Mais c'est à Jacob, l'humble berger, que revient l'honneur de bénir le Pharaon, le plus puissant roi de la terre, et non l'inverse. «Or, sans contredit, le moindre est béni par celui qui est plus excellent» (Hébreux 7:7). Cette scène étonnante nous rappelle la comparution de Paul, prisonnier des nations, devant Agrippa et toute sa pompe royale. Avec la dignité d'un homme qui se tient devant Dieu, l'apôtre peut lui dire: «Plût à Dieu que non seulement toi, mais aussi tous ceux qui m'entendent aujourd'hui, vous deveniez de toutes manières tel que je suis, hormis ces liens» (Actes des Apôtres 26:29).

9. Le terme de la vie de Jacob

(a)  Les instructions touchant son enterrement — Dieu avait promis à Jacob que son fils Joseph mettrait sa main sur ses yeux — à sa mort (Genèse 46:4). Sentant sa fin prochaine, Jacob s'ouvre donc naturellement à lui, et lui donne l'instruction, qui sera confirmée par un serment, de l'enterrer dans le sépulcre de ses pères à Hébron. Joseph respectera scrupuleusement la volonté de son père (47:29, 30; 49:29-33; 50:13); et, par la foi, il donnera à ses frères des instructions identiques touchant ses propres os (50:24, 25; Hébreux 11:22).

(b)  Jacob adorateur — Le dernier acte de foi de Jacob est celui de l'adoration: «Israël se prosterna sur le chevet du lit», expression que la version des Septante et le Nouveau Testament rendent par: «Il adora, appuyé sur le bout de son bâton» (47:31; Hébreux 11:21). Tel est le service le plus élevé que Dieu confie à sa famille céleste, pour le temps présent et pour l'éternité.

(c)  La bénédiction de Joseph et de ses deux fils — Auparavant, Jacob bénit spécialement son fils Joseph et, par la foi, il bénit aussi «chacun des fils de Joseph» (48:1-22; Hébreux 11:21). Nés d'une mère égyptienne, Manassé et Éphraïm auraient pu être considérés comme des étrangers, et, comme tels, ne pas hériter des bénédictions. Aussi, Jacob les adopte-t-il comme ses propres enfants, au même titre que ses autres fils (verset 5). Ce faisant, il établit Joseph comme son héritier avec le droit d'aînesse. Telle était bien la volonté de Dieu: il fallait que Joseph prenne la place de son frère Ruben pour recevoir une double portion (verset 22; 1 Chroniques 5:1, 2; Ézéchiel 47:13).

En bénissant les deux fils de Joseph, Jacob croise à dessein ses mains pour accorder à Éphraïm, le plus jeune, la position de premier-né, malgré les objections de Joseph (versets 17-20). À ce moment, c'est Jacob qui a la pensée de Dieu, plutôt que son fils Joseph. Alors que les yeux de son corps sont appesantis par l'âge (verset 10), les yeux de son cœur sont éclairés par la lumière divine. Quel chemin moral parcouru par Israël depuis les sombres années où il achetait son droit d'aînesse à son frère Ésaü et s'emparait par ruse de la bénédiction paternelle!

(d)  Un dernier regard en arrière — Ouvrant alors son cœur à Joseph, Jacob prononce les paroles les plus touchantes de sa vie. Il évoque deux étapes de sa longue carrière: Luz (qui est Béthel), pour rappeler tous les soins de Dieu à son égard (versets 3, 4), et Éphrath (qui est Bethléhem), là où il avait perdu Rachel, son épouse bien-aimée, la mère de Joseph, quelque 50 ans auparavant (verset 7). Il est certaines blessures de nos cœurs qui ne seront guéries que lorsque Dieu aura essuyé toute larme de nos yeux (Apocalypse 21:4)!

Jacob atteint le sommet moral de sa vie lorsqu'il prononce ces merveilleuses paroles de confiance et de reconnaissance: «Le Dieu devant la face duquel ont marché mes pères, Abraham et Isaac, le Dieu qui a été mon berger depuis que je suis jusqu'à ce jour, l'Ange qui m'a délivré de tout mal…» (versets 15, 16). Les jours «courts et mauvais» mentionnés devant le Pharaon sont maintenant oubliés, pour faire place à la jouissance de la pure grâce de Dieu.

(e)  Jacob prophète — Avant sa mort, Jacob appelle ses fils auprès de lui pour leur révéler leur avenir (Genèse 49:1-27). Ses paroles sont à rapprocher de celles de Moïse à la fin de sa vie (Deutéronome 33). Jacob donne une prophétie qui met en relief la responsabilité du peuple terrestre et le dessein de Dieu par Christ, tandis que Moïse prononce une bénédiction qui trouve sa source dans l'amour de Dieu pour le peuple auquel il a donné la loi et la sacrificature, et qu'il sauvera à la fin. Les douze tribus d'Israël sont présentées, non dans leur ordre généalogique, mais en rapport avec l'ordre moral de la prophétie. On peut apercevoir des caractères de Christ dans chacune des trois tribus de Joseph, Juda et Benjamin et reconnaître quelques traits généraux d'Israël et de son histoire dans les autres.

  • Ruben, Siméon et Lévi: Les trois aînés de Léa présentent l'état naturel d'Israël dans ses péchés: corruption (inceste de Ruben; Genèse 35:22) et violence (meurtre des fils de Hamor par Siméon et Lévi; Genèse 34).
  • Juda est l'instrument du décret de Dieu pour établir la puissance royale en Israël en vue de la venue du Messie (Shilo) à qui tous les peuples devront obéir.
  • Zabulon, Issacar et Dan: Après que le Messie est venu en Juda et a été rejeté, le peuple dispersé parmi les nations y cherche ses intérêts matériels, mais subit l'esclavage. Il est caractérisé à la fin par l'apostasie, jusqu'à ce qu'un résidu en détresse se tourne vers Dieu avec ce cri: «J'ai attendu ton salut, ô Éternel!» (verset 18).
  • Gad, Aser et Nephtali: L'Éternel enverra alors la délivrance avec la bénédiction et la liberté.
  • Joseph est l'objet de la prophétie la plus longue et la plus touchante. Celui qui a été haï et rejeté par ses frères préfigure Christ, berger et pierre d'Israël. Toutes les bénédictions dans le ciel et sur la terre découleront de lui.
  • Benjamin, le «fils de la droite» de son père, présente Christ dans l'exercice du juste jugement au jour de son triomphe. Il demeure le bien-aimé de l'Éternel (Deutéronome 33:12).

Alors Jacob expire, pour être «recueilli vers ses peuples» (49:33). Joseph pleure son père, avant que les Égyptiens n'embaument son corps et le pleurent à leur tour pendant 70 jours. Après le deuil dans l'aire d'Atad, au-delà du Jourdain, Joseph et ses frères enterrent leur père à Hébron, dans la caverne du champ de Macpéla, selon sa demande expresse. C'est là que repose le corps du patriarche, avec ses pères, dans l'attente du jour glorieux de la première résurrection et du retour de notre Sauveur pour nous prendre tous ensemble auprès de lui.