Les deux témoins (Apocalypse 11)

P. Bronner

Dieu donne puissance à ses deux témoins

Les richesses de ce chapitre ne se limitent pas aux touchantes marques d'attention de Dieu envers les siens. Elles concernent aussi sa puissance manifestée au milieu d'un monde hostile. Dieu est en effet capable de fortifier de simples humains afin qu'ils témoignent pour lui jusqu'à la mort, au sein d'une persécution générale sans égale. Ainsi, en ces temps si sombres, Dieu suscitera des prophètes, appelés «les deux témoins» (voir versets 3 et 10), qui feront luire avec éclat la lumière divine à la face du monde, avant d'être exécutés par leurs ennemis.

Ces deux témoins seront «les deux oliviers et les deux lampes qui se tiennent devant le Seigneur de la terre» (verset 4). Le chandelier placé autrefois dans le tabernacle du désert était alimenté par de l'huile d'olive broyée (Exode 27:20). L'olivier était donc l'arbre porteur du fruit permettant d'illuminer le lieu saint. Ainsi, l'olivier peut être l'image d'un croyant «portant du fruit» (Colossiens 1:10), et dont la vie rend un témoignage lumineux à la gloire de Dieu.

Autrefois, le prophète Zacharie eut la vision d'un chandelier d'or à sept lampes entouré de deux oliviers. L'application de cette vision était relative au temple qui devait alors être reconstruit, mais la similitude des visions de Jean et de Zacharie est saisissante et évidemment intentionnelle. La réponse donnée à Zacharie s'interrogeant sur la signification des oliviers et du chandelier fut la suivante: «Ni par force, ni par puissance, mais par mon Esprit, dit l'Éternel des armées» (Zacharie 4:6, 7).

Ce que devait comprendre Zacharie, et nous avec lui, c'est que seul un témoignage dont l'huile sainte, autrement dit l'Esprit Saint, est la source, peut être à la gloire de Dieu et manifester quelques rayons du sanctuaire. Non, Dieu n'a jamais compté sur la force et la sagesse humaines pour accomplir son œuvre. Celles-ci, même si elles sont parfois mises à l'épreuve, doivent finalement être rejetées. «Ni par force, ni par puissance, mais par mon Esprit» est une réponse qui établit l'un des piliers de la pensée de Dieu. Les «deux oliviers» des temps apocalyptiques agiront selon ce principe.

Dans l'évangile de Jean, le Seigneur nous donne un enseignement similaire digne d'être serré dans nos cœurs: «Comme le sarment ne peut pas porter de fruit de lui-même,… vous non plus vous ne le pouvez pas… Celui qui demeure en moi, et moi en lui, celui-là porte beaucoup de fruit; car, séparés de moi, vous ne pouvez rien faire» (Jean 15:4, 5). Certes, la personne divine qui est cette fois-ci devant nous est le Seigneur, et non plus le Saint Esprit. Mais la portée de l'enseignement est analogue. C'est par l'Esprit Saint que le croyant reçoit la force qui vient du Seigneur seul, et non de lui-même ou de son prochain. Cette vérité est si importante que nous retrouvons de nombreux passages qui la confirment, dans l'Apocalypse comme aussi ailleurs. Toute œuvre d'origine humaine, même religieuse et accompagnée des meilleures intentions, ne compte pas pour Dieu. Répétons ces versets de l'Ancien Testament: «Ainsi dit l'Éternel: Maudit l'homme qui se confie en l'homme, et qui fait de la chair son bras… Béni l'homme qui se confie en l'Éternel, et de qui l'Éternel est la confiance!» (Jérémie 17:5, 7).

Les deux prophètes reçoivent donc leur force d'en haut. «Je donnerai puissance à mes deux témoins», déclare justement la voix divine. Cette puissance est d'abord une vertu intérieure permettant à ces fidèles de rester moralement séparés du mal environnant. C'est ainsi qu'ils peuvent se tenir «devant le Seigneur de la terre» (verset 4), comme le faisait autrefois Elie (1 Rois 17:1). Leur disposition de cœur et leur attitude tiennent compte, en permanence, de ce qui plaît à Dieu. Ils ne cherchent ni leur propre gloire ni à plaire aux hommes. Ils sont prêts à obéir en tout temps aux ordres qui viennent d'en haut, quoi qu'il leur en coûte. Ah! que le désir de nous tenir devant notre Seigneur nous habite aussi, continuellement!

La force divine, ayant produit son œuvre intérieure, se manifeste ensuite dans les actes des deux témoins. Ceux-ci réunissent les témoignages rendus autrefois par Moïse et par Elie, qui figurent parmi les plus grands prophètes d'Israël. Cumuler leurs ministères respectifs se traduit par des prodiges impressionnants. Dieu le permet, car il veut, à travers des serviteurs méprisables aux yeux des hommes, magnifier sa gloire durant cette période d'opposition généralisée contre lui et contre les saints. Ainsi se réalise la parole de Malachie annonçant l'envoi d'Elie avant le grand et terrible jour de l'Éternel (Malachie 4:5)1. Par leurs paroles et leurs miracles, les deux témoins montrent, tant aux Juifs qu'aux nations, que Dieu reste le «Seigneur de la terre» (verset 4). Ils ressemblent à Elie, car ils envoient du feu sur leurs adversaires, retiennent la pluie et sont finalement enlevés au ciel. Leurs œuvres rappellent aussi celles de Moïse, car ils changent l'eau en sang et produisent toutes sortes de plaies.

1 Le Seigneur nous apprend que l'envoi de Jean le baptiseur était déjà un accomplissement partiel de cette prophétie (Matthieu 17:11-13).

Elie était le témoin de l'Éternel face à Israël apostat. Moïse multipliait les calamités sur l'Égypte, figure du monde qui opprime le peuple de Dieu. Les deux témoins de l'Apocalypse prophétisent à la fois contre Israël incrédule et contre les nations qui occupent Jérusalem. Mais, ce qui est frappant, c'est qu'ils rendent le témoignage de Moïse aussi bien contre des Juifs apostats qu'à l'encontre des nations; car Jérusalem a franchement adopté les caractères du monde. Cela est si vrai qu'elle est désormais appelée «Égypte», et aussi «Sodome», comme la cité corrompue qui dut être consumée par Dieu (Genèse 19; cf. Ésaïe 1:10). Censée porter le nom de Dieu, elle est en réalité marquée par le mal jusqu'à devenir un centre d'oppression et de corruption.

Remarquons qu'aujourd'hui, comme disciples de Jésus, nous sommes aussi les porte-parole du ciel au milieu du monde. Celui-ci est toujours opposé à Dieu, et souvent oppresseur ou corrompu. Il nous faut évangéliser «jusqu'au bout de la terre» (Actes des Apôtres 1:8) et défricher les territoires païens, mais la bonne nouvelle et ses préceptes doivent aussi être rappelés au sein de l'Église. Ne comprend-elle pas tant de «chrétiens» qui, vivant de fait loin de Dieu, s'adonnent à mille pratiques honteuses? Et comme nous le savons, la chrétienté, trop souvent infidèle et mondaine, n'a pas non plus manqué de persécuter les véritables saints.

Toutefois, quelque chose nous distingue des deux témoins de l'Apocalypse: il ne nous appartient pas de consumer nos adversaires ou de frapper la terre de plaies. Mais ce passage garde toute son importance. Il nous rappelle une fois de plus que la vengeance, la colère et le jugement succéderont à la grâce que nous proclamons. Il est bien solennel de savoir que la patience de Dieu touche à son terme. Conscients de cela, ayons à cœur de rendre notre témoignage dans l'humilité et la dépendance du Seigneur, pour la gloire de celui qui nous aime. Prenons exemple sur les deux prophètes qui achèveront leur témoignage (verset 7). À l'image de leur Maître (cf. Jean 17:4), ils s'acquitteront entièrement de leur tâche si difficile. Qu'en est-il de nous qui connaissons des temps tellement favorables, comparés aux leurs?

Un témoignage relatif à Jésus Christ

Comme nous l'avons vu, les deux oliviers de l'Apocalypse désignent les témoins du futur. Ceux de la vision de Zacharie représentaient «les deux fils de l'huile» (Zacharie 4:14), c'est-à-dire, à travers Zorobabel le descendant royal et Joshua le grand sacrificateur, la royauté et la sacrificature du Messie. La mention des «deux oliviers» dans notre passage suggère un message analogue: les deux témoins «prophétiseront» (verset 3), dénonçant bien sûr le péché, mais annonçant aussi la venue de celui que Dieu a établi Roi et Sacrificateur. Leur témoignage se rapportera donc à cette merveilleuse personne qu'est le Christ Jésus et à laquelle Dieu confie les deux plus glorieuses fonctions de son gouvernement!

Notre témoignage ne doit-il pas également se rapporter à la personne du Seigneur? Pour qu'il en soit ainsi, il faut qu'il remplisse notre cœur. Cultivons donc la piété, et il sera manifesté en nous. «Réveille-toi, toi qui dors, et relève-toi d'entre les morts, et le Christ luira sur toi» (Éphésiens 5:14).

Mais, parler de Jésus Christ expose le serviteur de Dieu à l'opprobre et, bien souvent, à une forme plus ou moins ouverte de persécution. Dans l'avenir, l'opposition du monde sera sans retenue vis-à-vis des deux prophètes. C'est pourquoi nous les voyons porter la marque du deuil2, ils sont affligés de l'oppression et de la méchanceté qui prévaut: «…ils prophétiseront mille deux cent soixante jours, vêtus de sacs» (verset 3). Heureusement, la durée de leur épreuve ne dépasse pas celle qu'a assignée le Seigneur de la terre. Dieu, qui mesure l'intensité de leur peine, a fixé la limite de leur ministère à la journée près. Ainsi qu'il agit continuellement envers nous, le Dieu de bonté et de fidélité ne permet pas qu'ils soient tentés au-delà de ce qu'ils peuvent supporter (1 Corinthiens 10:13).

2 Autrefois, on revêtait des sacs en signe de deuil (voir, par exemple, Esther 4:1; Daniel 9:3; Matthieu 11:21).

Mort et résurrection des deux témoins

Toutefois, les deux témoins connaissent une mort violente. «La bête qui monte de l'abîme leur fera la guerre, et les vaincra, et les mettra à mort; et leur corps mort sera étendu sur la place de la grande ville qui est appelée spirituellement Sodome et Égypte, où aussi leur Seigneur a été crucifié» (versets 7, 8). Peu avant la croix, le Seigneur Jésus déclarait aux siens assemblés autour de lui: «L'esclave n'est pas plus grand que son maître. S'ils m'ont persécuté, ils vous persécuteront aussi» (Jean 15:20). «Ils vous excluront des synagogues; même l'heure vient que quiconque vous tuera pensera rendre service à Dieu» (Jean 16:2). Cette parole s'est souvent vérifiée! Les martyrs chrétiens, connus ou inconnus, remplissent l'histoire de l'Église. Malgré les apparences, leur mort fut glorieuse, rappelant quelque peu celle de leur Maître. Les deux témoins de l'Apocalypse subissent un sort comparable. Une fois de plus, Jérusalem se révèle être «la ville qui tue les prophètes et qui lapide ceux qui lui sont envoyés» (Matthieu 23:37).

Les deux témoins ayant été tués, «ceux qui habitent sur la terre» (verset 10) font de grandes réjouissances en contemplant leurs dépouilles. Ils sont fiers de leur triomphe. Cependant, leur illusion disparaît lorsque Dieu manifeste une nouvelle fois sa puissance, cette fois-ci dans la résurrection de ses deux esclaves.

Assurément, toute victoire de Satan se retourne contre lui. N'en a-t-il pas déjà été ainsi à la croix? Qui donc semblait vainqueur lorsque Jésus rendait son esprit? La joie sinistre des meurtriers de Christ pouvait abonder dans le sentiment de leur victoire. Mais la résurrection du Seigneur allait bientôt attester que sa mort était la défaite définitive du diable et de ses serviteurs. La victoire du divin Crucifié fut entière. Elle constitue, de plus, une garantie formelle de la résurrection des croyants endormis, et en particulier de celle des deux témoins qui montent au ciel à la vue de leurs ennemis.

«Et à cette heure-là, il y eut un grand tremblement de terre; et la dixième partie de la ville tomba, et sept mille noms d'hommes furent tués dans le tremblement de terre; et les autres furent épouvantés et donnèrent gloire au Dieu du ciel» (verset 13). Dieu frappe. Les hommes lui rendent un hommage forcé mais ne manifestent aucune repentance.

Une fois de plus, il est évident que le temps de la grâce est passé. Le séisme annoncé ici contraste avec le tremblement de terre qui suivit la mort de Jésus. Les deux, certes, manifestent la puissance divine. Mais lors de l'un d'eux, des sépulcres se sont ouverts et de nombreux saints ont été ressuscités (Matthieu 27:52, 53): il n'a pas été une cause de mort et de douleur. La vie est la réponse sublime que Dieu a donnée dans sa grâce, aux croyants, au moment où l'homme venait de commettre le plus terrible affront contre lui en crucifiant Jésus. Elle sera aussi offerte aux pécheurs repentants durant les longs siècles de la grâce. Ah! si l'humanité savait aujourd'hui profiter de cette grâce si précieuse tant que son eau purifiante et bienfaisante coule encore à flots!