Le livre de Néhémie (fin)

F.B. Hole

Chapitre 11

Les deux versets qui introduisent ce chapitre nous surprendront peut-être. Nous aurions pu penser que Jérusalem étant désormais une ville fortifiée, chacun désirerait avoir le privilège d'y habiter. Mais ce ne fut manifestement pas le cas. Au contraire, les villes de la campagne de Juda avaient davantage d'attrait. On jeta donc le sort pour qu'un habitant sur dix, celui sur qui tomberait le sort, demeure obligatoirement dans la ville. Certains s'offrirent volontairement pour y habiter, et le peuple les bénit, comme si c'était un sacrifice de leur part.

Le reste du chapitre énumère les noms de ceux qui demeurèrent en fait à Jérusalem, et donne aussi des détails sur leur position et sur les services qu'ils rendirent. Il se peut que leurs noms ne signifient pas grand-chose pour nous, mais qu'ils aient de l'importance dans le jour futur de la restauration et de la bénédiction d'Israël.

Ce chapitre nous apprend, une fois de plus, qu'aucun sacrifice consenti, aucun service rendu pour l'œuvre et les intérêts de Dieu, n'est oublié, mais qu'il est enregistré devant lui. Les noms de ceux qui n'habitaient pas à Jérusalem, préférant se trouver en d'autres lieux, sont ici oubliés. Malachie nous dit qu'en son temps «un livre de souvenir a été écrit» devant l'Éternel, «pour ceux qui craignent l'Éternel, et pour ceux qui pensent à son nom» (Malachie 3:16). Ce «livre» n'est pas particulier au temps de Malachie. Il existait au temps de Néhémie, et il existe aujourd'hui encore. Ne l'oublions pas!

Chapitre 12

Les vingt-six premiers versets contiennent d'autres détails généalogiques remontant jusqu'aux jours de Zorobabel et de Jéshua, le grand sacrificateur1. Au verset 10, nous apprenons que Jéshua avait un petit-fils nommé Éliashib, qui était lui-même devenu grand sacrificateur et qui avait un fils nommé Joïada. Ces deux hommes sont mentionnés de nouveau au verset 22, et d'autres détails à leur sujet apparaissent au chapitre 13.

1 Jéshua est le grand sacrificateur en fonction à Jérusalem au moment du premier retour de la captivité (cf. Esdras 2:2; 3:1; 5:2; Aggée 1:1; …)

À partir du verset 27, il est question de la dédicace solennelle de la muraille. Bien que beaucoup de noms soient cités, le but n'est pas de présenter des généalogies, mais de montrer la manière dont ces hommes ont contribué à célébrer la grâce de Dieu lors de la dédicace de la muraille, qui était maintenant achevée. Pour cette joyeuse circonstance se sont assemblés ceux qui demeuraient en dehors de Jérusalem, ainsi que ceux qui habitaient dans la ville. Une chose, toutefois, était nécessaire: une purification devait être faite, non seulement celle des sacrificateurs et des Lévites, mais aussi celle du peuple, des portes et de la muraille elle-même (verset 30).

La leçon que nous devons en tirer peut se résumer en quelques mots: il n'y a pas de consécration sans purification. Il ne nous est pas dit comment cette purification a été effectuée, mais sans doute cela s'est fait d'une manière extérieure et visible. C'était la figure et l'ombre de ce travail intérieur dont David avait déjà quelque compréhension (cf. Psaumes 51:2; 119:9).

Une dédicace est une consécration à Dieu et à son service. Cela correspond à l'injonction de l'apôtre: «Je vous exhorte… à présenter vos corps en sacrifice vivant» (Romains 12:1). En tant que rachetés, nous ne nous appartenons pas à nous-mêmes, et Dieu veut que nos corps mêmes lui soient consacrés, à lui et à son service. Dans ce verset de Romains 12, après les mots «sacrifice vivant», il est ajouté: «saint, agréable à Dieu». Nous trouvons donc ici le même fait: ce qui est consacré à Dieu doit être purifié et saint, c'est-à-dire séparé pour lui de toute souillure. Les huit premiers chapitres de l'épître aux Romains exposent l'évangile dans tous ses détails merveilleux, et par cet évangile, nous sommes justifiés, purifiés, et mis à part pour Dieu.

Une fois la purification effectuée, la dédicace de la muraille a été caractérisée par trois choses. D'abord, par des actions de grâces et des chants de louange à Dieu. Puis, par une grande joie parmi le peuple, tandis qu'ils offraient leurs sacrifices, si bien que «la joie de Jérusalem s'entendait au loin» (verset 43). Enfin, on a apporté «les offrandes élevées», les «prémices», et les «dîmes». En tout ceci, nous voyons des analogies avec ce qui nous concerne: si une vraie consécration nous caractérise, Dieu recevra sa part en louange et en actions de grâces, nous aurons la joie dans nos cœurs, et les dons ne manqueront pas pour subvenir à l'œuvre de Dieu et aux besoins de ses serviteurs.

Chapitre 13

Malgré tout ce qu'il y a eu de bon lors de la dédicace de la muraille, les choses étaient loin d'être parfaites. Ce jour-là, on lut de nouveau dans le «livre de Moïse», et l'on y trouva ce qui était écrit touchant la séparation d'avec l'Ammonite et le Moabite, en Deutéronome 23 (versets 3 et 4). Les auditeurs furent de nouveau très affectés en voyant combien ils avaient manqué d'obéissance, et se séparèrent une nouvelle fois du «peuple mélangé». Ils durent encore découvrir combien, parmi les chefs mêmes du peuple, cet enseignement de la loi avait été méprisé.

Au chapitre 12 (verset 10), nous avons vu qu'Éliashib était un petit-fils de Jéshua, le grand sacrificateur. Il était lui-même grand sacrificateur (Néhémie 3:1; 13:28). Ainsi, dans les sphères religieuses les plus élevées, la loi était violée d'une manière flagrante (verset 4). En effet, Éliashib avait fait alliance avec Tobija, un des principaux opposants à l'œuvre de Dieu, et lui avait préparé une chambre dans l'enceinte du temple, à l'endroit où l'on entreposait les offrandes et d'autres choses précieuses. Il est même dit de sa demeure que c'était une «grande chambre». Si le chef religieux transgressait ainsi la loi aux yeux de tous, que pouvait-on attendre du peuple?

Le verset 6 nous explique comment on en était arrivé là. Douze années s'étaient maintenant écoulées depuis que Néhémie était arrivé à Jérusalem pour rebâtir la ville. Il était retourné vers Artaxerxès, qui l'avait établi gouverneur civil — d'où son absence de Jérusalem pour quelque temps. Ayant cependant obtenu du roi la permission d'y revenir, il découvrit cette situation qui l'affligea beaucoup. Il passa aussitôt à l'action, jetant dehors tous les effets de Tobija, purifiant la chambre et la rendant à l'usage qui lui était propre. Mais quelle tragédie! Voilà Néhémie, un homme qui n'était pas sacrificateur, qui devait non seulement reprendre celui qui était le «grand sacrificateur», mais aussi renverser ce qu'il avait fait! Hélas! cette tragédie s'est souvent répétée dans l'histoire de l'Église. Une fonction officielle n'est pas une garantie de pureté ni d'obéissance à la volonté de Dieu. A maintes reprises, Dieu a élevé des hommes humbles et méconnus pour ranimer quelque peu l'obéissance à sa volonté.

Néhémie étant de retour, cet incident concernant Éliashib l'incita évidemment à examiner d'autres choses de près. Le reste du chapitre nous montre en détail les pénibles découvertes qu'il fit. Ces fautes et ces transgressions de la loi étaient de trois ordres. Il y avait d'abord du relâchement quant au soutien matériel des Lévites et des chantres, et à l'entretien de la maison de Dieu en général. Le peuple ne voulait pas de ces dépenses, et n'apportait plus les dîmes de manière régulière. Il y avait ensuite de graves et ouvertes infractions à la loi concernant le sabbat. Le peuple lui-même le profanait et permettait aux Tyriens, et à d'autres, de faire du commerce avec eux le jour du sabbat, même dans Jérusalem. Ce pouvait être très commode, mais c'était en contradiction directe avec la loi. Enfin, il y avait des mariages avec des femmes étrangères, fait d'autant plus grave qu'il se produisait peu de temps après que ce mal avait été publiquement reconnu et ôté. Cette fois, le mal était encore plus flagrant, puisqu'il est question de femmes d'Asdod (ville des Philistins), outre celles d'Ammon et de Moab.

Dans ce dernier péché, la famille sacerdotale était encore au premier rang (verset 28). Un fils de Joïada, dont le nom n'est pas donné, petit-fils d'Éliashib, avait épousé une fille de Sanballat le Horonite. C'était un arrière-arrière-petit-fils de ce Jéshua, grand sacrificateur, à propos duquel le prophète Zacharie eut la vision remarquable qu'il décrit au chapitre 3 de sa prophétie. Dans ce chapitre, nous voyons qu'une promesse lui avait été faite: «Si tu marches dans mes voies, et si tu fais l'acquit de la charge que je te confie…» Quoi qu'ait fait ce Joshua (ou Jéshua), il est certain que ses descendants et successeurs n'ont pas marché dans les voies de Dieu, pas plus qu'ils n'ont fait «l'acquit de la charge» qu'il leur avait confiée. Néhémie s'en aperçut et, de ce fils de Joïada, il dit: «Je le chassai d'auprès de moi».

Nous pouvons en tirer une leçon supplémentaire: mépriser la volonté de Dieu et quitter son chemin est, si l'on peut dire, un mal contagieux. Le chapitre commence avec Éliashib qui fait alliance avec Tobija, l'Ammonite, et se termine avec son petit-fils qui s'allie d'une manière encore plus intime, par mariage, avec une fille de Sanballat, le Horonite. Or celui-ci était un adversaire encore plus éminent, puisque Tobija est présenté comme «le serviteur ammonite» au chapitre 2, verset 10. Si l'éloignement de Dieu et de sa Parole commence souvent d'une manière imperceptible, il peut très vite devenir aussi dévastateur qu'un torrent. Que cela aussi nous rende «sages à salut»!

Remarquons finalement ceci: de même que Néhémie doit dénoncer trois graves manquements parmi le peuple — ce qui l'amène en réel conflit avec plusieurs lorsqu'il veut rectifier ce qui est faux — ainsi aussi il supplie Dieu à trois reprises de se souvenir de lui en bien selon la grandeur de sa bonté (verset 22). Il parle de ses «bonnes actions» mais il compte sur la «bonté» de Dieu plutôt que sur une récompense (versets 14, 22, 31).

À première vue, on pourrait penser que Néhémie était un homme satisfait de lui-même. A la réflexion, nous pensons plutôt qu'il était très conscient de l'impopularité et de la réprobation quasi générale que lui avait valu son action énergique pour défendre la loi de Dieu. Etienne, le martyr, a dit: «Lequel des prophètes vos pères n'ont-ils pas persécuté?» (Actes des Apôtres 7:52). Ils les avaient tous persécutés, et Néhémie, sans être un prophète qui exprime des paroles qui condamnent, avait agi maintes fois en condamnation. Cela pouvait l'avoir exposé à l'hostilité générale, beaucoup plus que des mots ne l'auraient jamais fait.

Toute la mission que Néhémie avait reçue de Dieu impliquait la controverse, non seulement à l'extérieur, mais aussi — et peut-être avec encore plus d'âpreté — à l'intérieur. Néhémie avait conscience que si Dieu se souvenait de lui en bien, toute l'incompréhension des hommes ne comptait guère!

Notre fidélité à Dieu entraîne-t-elle pour nous aujourd'hui la condamnation du monde, ou même celle des croyants mondains? Alors, désirons simplement que Dieu se souvienne de nous en bien lorsque nous comparaîtrons devant le tribunal de Christ.