Souffrances et gloires

H. Smith

Le parfait Serviteur (Évangile selon Marc)

Marc 10:1-45

 

Cette portion de l'évangile place devant nous trois principes importants. Premièrement, le Seigneur reconnaît les relations naturelles telles qu'elles ont été établies à l'origine par Dieu, et ce qu'il y a de bon dans la créature. Il respecte le mariage (versets 2-12); il reçoit les enfants (versets 13-16); il reconnaît la droiture et l'amabilité naturelles (versets 17-22). Deuxièmement, les relations naturelles qui ont été établies et reconnues par Dieu ont été corrompues par l'homme. La relation du mariage a été altérée par la dureté du cœur de l'homme (verset 5); les enfants sont méprisés et ne comptent guère (verset 13); l'intégrité naturelle et les possessions terrestres sont employées pour séparer l'âme de Dieu, et empêcher les hommes d'entrer dans le royaume de Dieu (versets 22, 23). Troisièmement, la faillite de l'homme naturel est telle que ceux qui suivent Christ dans le royaume doivent être prêts à souffrir dans ce monde. Quelle que soit l'étendue de ses richesses terrestres, celui qui suit Christ doit charger la croix (verset 21), rencontrer la persécution (verset 30), et être prêt à prendre une place humble dans ce monde, en vue du monde à venir (verset 44). Christ, l'humble serviteur, donne l'exemple parfait d'un tel chemin (versets 33, 34, 45).

Versets 1-12

Le sujet du mariage est amené par la question des pharisiens au Seigneur: «Est-il permis à un homme de répudier sa femme?» Il est clair qu'ils ne désiraient pas réellement apprendre la vérité, car nous lisons qu'ils vinrent à lui «pour l'éprouver». Apparemment, ils espéraient que la réponse du Seigneur leur permettrait soit de l'accuser d'ignorer ce que Moïse avait dit, soit d'excuser la pratique relâchée qui était répandue parmi eux. Mais comme toujours, lorsque dans leur folie les hommes cherchent à éprouver le Seigneur, c'est leur propre état qui se trouve entièrement dévoilé.

A la question: «Est-il permis?» le Seigneur répond en faisant appel à la loi. «Qu'est-ce que Moïse vous a commandé?» Dans leur réponse, ils cherchent à détourner la question du Seigneur, en parlant, non pas de ce que Moïse a commandé, mais de ce que Moïse a permis. En agissant ainsi, ils démontraient à leur insu la dureté de leur cœur. Ils négligeaient les commandements positifs de Moïse et ne parlaient que de préceptes spéciaux institués en raison de leur propre dureté. Les commandements étaient en accord avec le cœur de Dieu pour l'homme, tandis que les préceptes quant au divorce répondaient à l'état de leur cœur.

Après avoir dénoncé la dureté du cœur de l'homme, le Seigneur présente la vérité quant à la relation du mariage selon l'ordre de la création, tel qu'il a été établi par Dieu dès le commencement. Le Seigneur reconnaît ainsi le lien du mariage et permet au chrétien d'envisager cette relation selon l'ordre de la création et non pas selon les préceptes des hommes.

Dans la maison, le Seigneur souligne encore devant ses disciples combien il est grave pour un homme d'annuler le lien du mariage afin de satisfaire à ses convoitises envers une autre femme. Aux yeux de Dieu, c'est tomber dans le péché le plus dégradant.

Versets 13-16

L'incident suivant nous montre que même les disciples étaient étrangers à la pensée du Seigneur quant aux petits enfants. Ils pensaient probablement que le Seigneur était trop grand pour remarquer ces petits, et qu'ils étaient trop insignifiants pour attirer son attention. En reprenant ceux qui apportaient leurs petits enfants pour que le Seigneur les bénisse, les disciples donnaient une image tout à fait fausse de leur Maître; ils ne voyaient pas ce qui est si beau dans un enfant, et reniaient les principes du royaume qu'ils professaient prêcher.

L'action des disciples suscite la juste indignation du Seigneur. Il répond à leurs misérables pensées en disant: «Laissez venir à moi les petits enfants; ne les en empêchez pas; car à de tels est le royaume de Dieu. Son cœur est prêt à accueillir les faibles et les simples. Bien que la racine du péché soit en eux, leur simplicité et leur confiance sont bien les traits dominants de ceux qui entrent dans le royaume de Dieu. Et de même que le Seigneur prit entre ses bras ces petits et les bénit, les bras éternels seront au-dessous de ceux qui placent leur confiance en lui avec simplicité et foi, et ses mains seront levées pour les bénir (Deutéronome 33:27; Luc 24:50).

Versets 17-22

Nous apprenons dans l'incident suivant que les qualités naturelles et les possessions terrestres, quelque valeur qu'elles aient à leur place, non seulement ne donnent pas l'entrée dans le royaume de Dieu, mais peuvent être un véritable obstacle à la bénédiction. La nature humaine, même dans ce qu'elle a de meilleur, n'a aucun sentiment du besoin qu'elle a de Christ, et ne parvient aucunement à comprendre la gloire de Christ.

Il y avait beaucoup de choses excellentes dans cet homme riche. Il était plein d'ardeur juvénile — il est dit qu'il «accourut». Il était prêt à admettre la supériorité de Christ, car il se jeta «à genoux devant lui». Il avait le désir de bien agir, puisqu'il demande: «Que ferai-je?» Extérieurement, il avait un caractère remarquable. Il n'avait pas été dépravé par la complaisance à l'égard du péché. En apparence, il avait gardé la loi. Il y avait beaucoup d'aspects aimables dans son caractère — fruit de la création —, des choses qui suscitèrent l'estime et l'amour du Seigneur. Quelqu'un a dit: «Il était aimable, bien disposé, et prêt à apprendre ce qui était bon; il avait été témoin de l'excellence de la vie et des œuvres de Jésus, et son cœur était touché de ce qu'il avait vu» (J.N.D.).

Pourtant, toutes ces qualités naturelles le laissaient sans vraie connaissance de la personne et de la gloire de Christ, et sans vraie conscience de l'état et du besoin de son propre cœur. Il pouvait discerner la perfection de Christ comme homme, mais non la gloire de sa personne comme Fils de Dieu. La nature, aussi excellente soit-elle, ne peut pas discerner Dieu en Christ. Ainsi, dans une autre occasion, le Seigneur peut dire à Pierre: «Tu es bienheureux… car la chair et le sang ne t'ont pas révélé cela, mais mon Père qui est dans les cieux». Le Seigneur, prenant le jeune homme sur son propre terrain, ne peut pas admettre qu'un homme soit bon: «Nul n'est bon, sinon un seul, Dieu». Effectivement, Christ était bon, mais il était Dieu. «Il était toujours Dieu, et Dieu devint un homme sans cesser, et sans pouvoir cesser, d'être Dieu» (J.N.D.).

En outre, n'ayant pas conscience de ses besoins, le jeune homme ne demande pas: «Que dois-je faire pour être sauvé?» mais «Que ferai-je afin que j'hérite de la vie éternelle?» Ses belles dispositions naturelles le rendaient aveugle au fait que, malgré toutes ses qualités, il était un pécheur perdu et avait besoin du salut. Le Seigneur soulève le voile et manifeste le véritable état de son cœur en lui disant: «Va, vends tout ce que tu as… et viens, suis-moi». Cela met en lumière le fait solennel qu'en dépit de son caractère aimable et bon, il avait un cœur qui préférait l'argent à Christ. C'est ainsi que nous lisons: «Et lui, affligé de cette parole, s'en alla tout triste». Quelle preuve éclatante que, pour Dieu, il n'y a aucun bien dans l'homme! Un caractère excellent ne donne aucune indication sur l'état moral du cœur. Il a été très justement écrit: «C'est ce qui gouverne le cœur, c'est le mobile qui le fait agir qui est la vraie mesure de l'état moral d'un homme, et non point ses qualités naturelles si agréables qu'elles soient. On trouve de bonnes qualités même chez les animaux; on doit les estimer, mais elles ne font pas du tout connaître l'état moral du cœur» (J.N.D.).

Christ lui-même était l'exemple parfait de la voie qu'il proposait au jeune homme. «Vous connaissez la grâce de notre Seigneur Jésus Christ, comment, étant riche, il a vécu dans la pauvreté pour vous, afin que par sa pauvreté vous fussiez enrichis» (2 Corinthiens 8:9). N'ayant pas discerné la gloire du Seigneur, ce jeune homme n'a pas vu sa grâce. Nous ne voyons jamais sa grâce avant d'avoir vu sa gloire.

Versets 23-27

Connaissant l'effet de ses paroles sur les disciples, le Seigneur, après les avoir regardés, souligne la leçon que nous avons à apprendre de ce jeune homme, en disant: «Combien difficilement ceux qui ont des biens entreront-ils dans le royaume de Dieu!» Les disciples sont très étonnés de ces paroles, car selon leur conception juive d'une bénédiction terrestre, ils considéraient les richesses et les biens comme une marque de la faveur de Dieu. En outre, ils pensaient peut-être dans leur cœur, comme nous-mêmes trop souvent: si seulement nous étions riches, que de bien nous pourrions faire! Pour répondre à ces difficultés, le Seigneur montre que le grand danger des richesses réside dans le fait que les hommes s'imaginent pouvoir s'assurer le salut et les bénédictions du royaume par le moyen des richesses, et qu'ainsi ils placent leur confiance en elles. Remarquons que le Seigneur ne parle pas d'un homme littéralement riche, mais de quelqu'un qui se confie dans les richesses. C'est un danger auquel le plus pauvre en biens matériels est exposé autant que le plus riche. Le Seigneur se sert d'une image pour montrer combien il est difficile pour un riche d'entrer dans le Royaume de Dieu. Étonnés, les disciples demandent: «Et qui peut être sauvé?» Le Seigneur nous répond: «Pour les hommes, cela est impossible, mais non pas pour Dieu». Leur question semble indiquer qu'il subsistait dans leur esprit la pensée que, dans une certaine mesure au moins, leur salut dépendait d'eux. Ils devaient apprendre, comme nous tous aussi, que notre salut est entièrement l'œuvre de Dieu et que l'homme n'y est pour rien. Ni la loi, ni la nature, ni les richesses, ni la pauvreté, ne sont pour quelque chose dans le salut de l'âme. Celui-ci repose entièrement sur la puissance de la grâce de Dieu, et ce qui est impossible pour l'homme est possible pour Dieu. Aussi nous lisons: «Vous êtes sauvés par la grâce, par la foi, et cela ne vient pas de vous, c'est le don de Dieu; non pas sur le principe des œuvres, afin que personne ne se glorifie» (Éphésiens 2:4-9).

Versets 28-31

Pierre fait remarquer que les douze avaient suivi la voie que le Seigneur avait indiquée au jeune homme et, en quelque sorte, demande ce qu'ils en retireraient. Le Seigneur répond que maintenant, en ce temps-ci, ils recevraient cent fois plus qu'ils n'avaient abandonné, avec des persécutions, et dans le siècle qui vient, la vie éternelle. Si nous quittons le cercle de nos parents inconvertis, nous réaliserons que nous sommes dans le cercle beaucoup plus vaste de la famille de Dieu. Il en résultera peut-être des persécutions de la part du milieu mondain dont nous sommes sortis, mais c'est le chemin qui mène à la vie. Les paroles du Seigneur indiquent toutefois que ce n'est pas le simple fait de tout quitter qui sera récompensé, mais le motif qui nous a fait agir ainsi. Cela ne doit pas être accompli pour s'exalter soi-même, ou même en vue d'une récompense, mais comme le dit le Seigneur: «Pour l'amour de moi et pour l'amour de l'évangile».

Le Seigneur ajoute une parole qui nous sonde: «Mais plusieurs qui sont les premiers seront les derniers; et les derniers seront les premiers». Voilà bien un avertissement contre la suffisance à laquelle nous sommes tous si enclins et qui marquait apparemment les paroles de Pierre lorsqu'il disait: «Voici, nous avons tout quitté». Qu'avait-il quitté en fait, sinon quelques vieux filets demandant à être raccommodés! Gardons-nous de nous vanter de ce que nous avons abandonné pour Christ. On a dit justement: «Ce n'est pas le début de la course qui est déterminant, c'est nécessairement son achèvement qui en est le point important. Dans cette course, il y a beaucoup d'étapes et, en outre, bien des faux pas, des chutes et des revers.» La vraie question n'est pas de savoir ce que nous avons abandonné dans le passé, mais ce que nous faisons aujourd'hui.

Versets 32-34

Les douze avaient tout quitté pour suivre Christ; mais ils avaient si peu calculé la dépense qu'immédiatement après, ils se trouvent dans un chemin qui les remplit de crainte. «Ils étaient stupéfiés» de voir le Seigneur s'engager délibérément dans un sentier qui comporterait l'épreuve et la persécution, et ils craignaient pour eux-mêmes. Le Seigneur ne leur cache pas les souffrances qu'il allait rencontrer. Il leur dit que, comme Fils de l'homme, il allait être livré aux chefs de la nation et des Gentils, qui ne lui épargneraient aucune insulte et le mettraient à mort, mais que le troisième jour il ressusciterait.

Versets 35-45

À ce moment-là, le Seigneur ne trouve parmi les douze aucun disciple capable d'entrer dans sa pensée, de sympathiser avec lui ou de comprendre la nécessité de ses souffrances. Préoccupés par la pensée d'un royaume sur la terre, Jacques et Jean viennent exprimer le désir d'y avoir une haute position, tout près du Seigneur lui-même. Il y avait en eux une vraie foi quant à l'établissement du royaume, mais, comme c'est si souvent le cas pour nous, la chair non jugée s'introduit vite dans le domaine de la foi. Ils considéraient le royaume comme une occasion d'avoir un avancement personnel, au lieu de le voir comme la sphère de la manifestation de la gloire de Christ. «Ce qui est né de la chair est chair», qu'il s'agisse des saints les plus ignorés ou d'éminents apôtres. Que de fois depuis ce jour la laideur de la chair s'est précisément trahie en ceux qui paraissaient être quelque chose!

Le Seigneur saisit l'occasion de cette question charnelle pour instruire ses disciples. Il souligne que le chemin menant à la gloire du royaume passe par la souffrance. Lui seul pouvait accomplir la rédemption par les souffrances de la croix, étant abandonné de Dieu. Mais les disciples auraient le privilège de boire la coupe des souffrances de la part des hommes. En outre, s'il pouvait leur garantir le privilège de souffrir pour son nom, il ne pouvait pas leur donner une place à sa droite dans le royaume. Il avait pris la place de serviteur, et il laissait au Père le soin de déclarer qui recevrait une place privilégiée au jour de la gloire.

La chair se trahit encore dans les dix; leur indignation à l'égard de Jacques et de Jean montre la jalousie à l'œuvre dans leur propre cœur. On a dit: «Ce n'est pas seulement par les manquements de l'un ou de l'autre que la chair se manifeste, mais par notre comportement vis-à-vis des manquements des autres, lorsqu'ils sont amenés au jour. L'indignation qui éclata parmi les dix montrait l'orgueil de leur propre cœur, tout autant que la demande des deux disciples qui désiraient la meilleure place».

Jésus les appelle auprès de lui et reprend les pensées charnelles des deux disciples, comme celles des dix, en plaçant devant eux le chemin de la vraie grandeur. S'il ne peut pas leur donner la première place dans la gloire, il peut leur montrer le chemin qui y conduit. Celui qui prend la dernière place sur la terre, comme étant l'esclave de tous, aura la première place dans la gloire. Le Fils de l'homme était le modèle parfait dans un tel chemin.