Le Seigneur est réellement ressuscité (suite)

F. von Kietzell

Chapitre 10 — «M'aimes-tu?» (Jean 21:15-17)

Les paroles que le Seigneur adresse maintenant à Pierre, après le repas, font briller la grâce inexprimable de Jésus. Elles sont la conclusion de son patient travail en vue de la restauration de ce disciple qui était tombé si bas.

Avant la chute de Simon, le Seigneur avait déjà prié pour lui, afin que sa foi ne défaille pas (Luc 22:31, 32). Et dès ce moment, nous voyons quel soin constant il avait pris d'un disciple qui ne se connaissait pas lui-même. Ses mains avaient réparé le mal que l'épée de Pierre, mue par un zèle charnel, avait accompli (Luc 22:49-51).

Après le reniement, il avait posé sur son pauvre disciple un regard plein de tristesse et de compassion, qui lui avait fait sentir sa culpabilité et lui avait fait verser les larmes d'une repentance sincère (Luc 22:61, 62). Après la résurrection, le Seigneur avait envoyé à Pierre un message spécial (Marc 16:7). Lorsqu'il lui était apparu peu après sa résurrection, il lui avait adressé des paroles de grâce et de pardon, pour qu'il puisse retrouver la joie de la communion avec lui (Luc 24:34). Ses «pieds» ayant été ainsi «lavés» — selon l'image de Jean 13 — Pierre pouvait, dès ce soir-là, prendre sa place parmi ceux que le Ressuscité salua en leur disant: «Paix vous soit!» Quel Seigneur nous avons! Il ne fait rien à moitié! Le passage que nous avons maintenant sous les yeux nous montre comment celui qui connaît les cœurs achève le travail de restauration d'un disciple qui avait été victime d'une trop grande confiance en soi.

Le comportement de Pierre ce matin-là, au bord de la mer, prouve que sa conscience avait été restaurée et purifiée. Mais si important que fût cela, il restait encore quelque chose à faire. La grâce avait ôté son péché, mais il fallait que ce disciple, dont la chute avait été si grave, en reconnaisse et en juge les causes profondes.

«Lors donc qu'ils eurent dîné…» — c'est par ces mots que le Saint Esprit introduit la scène. Pendant le repas, le Seigneur n'avait fait aucune allusion au passé. Il avait amené Simon à sa table, et lui avait fait goûter sa bonté. Ensuite seulement, il se tourne vers lui. Il sait choisir exactement le moment opportun, et le meilleur moyen d'atteindre son but!

«Lors donc qu'ils eurent dîné, Jésus dit à Simon Pierre: Simon, fils de Jonas, m'aimes-tu plus que ne font ceux-ci?» (verset 15). Les mots «fils de Jonas», rappelaient à Pierre son origine, d'où la grâce l'avait tiré. Cette manière de s'adresser à lui, à trois reprises, dut remuer profondément son cœur. Et combien plus encore les mots qui suivirent! «Plus pénétrante qu'aucune épée à deux tranchants», cette première question — «m'aimes-tu plus que ne font ceux-ci?» — dut l'atteindre tout particulièrement. «Si tous étaient scandalisés en toi, moi, je ne serai jamais scandalisé en toi», avait-il affirmé avant sa chute (Matthieu 26:33). Quelle confiance en soi! Sa chute avait été pour lui une preuve magistrale des illusions qu'il s'était faites sur son propre compte, non seulement cette nuit-là, mais bien d'autres fois auparavant!

«Il lui dit: Oui, Seigneur, tu sais que je t'aime. Il lui dit: Pais mes agneaux» (verset 15). N'était-ce pas un amour profond, ardent, qui avait poussé ce disciple à prononcer les paroles présomptueuses auxquelles la question du Seigneur faisait allusion? N'avait-il pas réellement risqué sa vie pour son Seigneur lorsqu'il avait tiré pour lui son épée, et lorsqu'il l'avait suivi jusque dans la cour du palais du souverain sacrificateur? Hélas, il s'était néanmoins bien trompé sur son propre cœur, puisque son amour n'avait pas supporté l'épreuve d'une question sarcastique de la part d'une servante! C'est pourquoi il s'exprime maintenant très prudemment, se rejetant sur Celui qui connaissait son cœur mieux que lui-même: «Oui, Seigneur, tu sais que je t'aime»1. Le Seigneur est satisfait de cette déclaration et y répond en confiant à Pierre les petits de son troupeau: «Pais mes agneaux».

1 Dans ses deux premières questions, le Seigneur emploie le mot grec «agapao», qui exprime un amour très fort, passionné. Pierre, de son côté, emploie le mot le plus faible «phileo», qui exprime plutôt un amour-amitié.

 «Il lui dit encore une seconde fois: Simon, fils de Jonas, m'aimes-tu?» (verset 16). Les mots «plus que ne font ceux-ci» ne figurent pas dans cette seconde question, comme pour dire: Peut-on même parler d'amour, de la part d'un disciple qui, un jour, s'est mis à faire des imprécations et à jurer: «Je ne connais pas cette homme dont vous parlez» (Marc 14:71)? Profondément humilié, Pierre répond dans les mêmes termes que précédemment. Maintenant, le Seigneur peut faire un pas de plus en chargeant Pierre d'une nouvelle mission: «Sois berger de mes brebis».

«Il lui dit pour la troisième fois: Simon, fils de Jonas, m'aimes-tu?» (verset 17). Cette fois, le Seigneur utilise la même expression que celle que Pierre avait employée dans ses réponses. Pouvait-on même parler d'amitié? N'y avait-il donc rien à quoi Pierre pût prétendre? Non, absolument rien. La triple question du Seigneur mettait à nu inexorablement — quoique aussi tendrement que possible — les recoins les plus obscurs du cœur de Pierre. Ce disciple comprenait maintenant qu'il ne pouvait se fier aucunement à ses propres sentiments. Il était au comble de l'humiliation, et c'est ce qu'expriment maintenant ses paroles d'une manière extrêmement touchante.

«Pierre fut attristé de ce qu'il lui disait pour la troisième fois: M'aimes-tu? Et il lui dit: Seigneur, tu connais toutes choses, tu sais que je t'aime» (Jean 21:17). Il renonce maintenant complètement à toute capacité de discerner «les pensées et les intentions» de son propre cœur. Il ne répond même pas par un «Oui, Seigneur», comme précédemment. Il laisse au Seigneur le soin d'apprécier ses sentiments, se remettant entre ses mains avec une confiance absolue.

Quelle leçon pour nous!

À suivre