La vallée de Sittim (Nombres 22 à 25)

P. Diedrichs

Une vision de bénédiction

Quarante années ont passé depuis la sortie d'Égypte. Après leurs victoires sur le roi des Amoréens et le roi de Basan, les fils d'Israël campent en face de Jéricho, dans la plaine à l'est du Jourdain, parmi les bosquets d'acacias (d'où le nom de Sittim donné à la région). La terre promise s'étend sous leurs yeux, de l'autre côté du fleuve. C'est l'ultime étape du voyage.

L'Éternel va se servir de Balaam, malgré son indignité, pour déclarer comment il considère dans sa grâce son peuple terrestre, arrivé à la fin de la traversée du désert, en dépit de ses manquements répétés et de ses inconséquences. Balak, roi de Moab, qui a peur d'Israël, conduira Balaam sur plusieurs sommets, espérant qu'il maudira le peuple de la part de l'Éternel. La question était en fait de savoir si Satan, dont Balak était l'instrument, réussirait dans son projet et forcerait pour ainsi dire la main à Dieu, en plaçant le peuple sous la malédiction qu'il avait effectivement méritée en raison de son infidélité. Pourrait-il ainsi lui fermer l'entrée du pays de Canaan? Pour nous, il s'agit de savoir si Satan peut priver aujourd'hui le peuple céleste de Dieu, arrivé à la fin de la traversée du désert de ce monde et tout aussi infidèle, de la jouissance des lieux célestes. La réponse, dans les deux cas, est: non, car la grâce de Dieu s'y oppose.

À quatre reprises, Balaam va prophétiser. En présence de Satan qui est derrière toute la scène, l'Éternel va dévoiler ses desseins de grâce et souligner la beauté qu'il trouve dans son peuple. Et nous avons alors quatre tableaux symboliques du peuple d'Israël tel que Dieu le considère dans sa grâce.

Premier tableau (23:7-10). C'est celui d'un peuple saint, mis à part pour Dieu, séparé du mal et des nations idolâtres plongées dans le mal. De même, l'Église est, quant à sa position, séparée du mal pour Dieu et donc séparée du monde — ce système organisé sans Dieu, où dominent la propre volonté de l'homme, l'orgueil, la corruption et la violence, sous l'influence cachée, mais combien réelle, de Satan. Cette séparation concerne tous les aspects du monde, en particulier les aspects politique, culturel, social, et aussi religieux, lorsque des églises, organisées sur des bases humaines, tolèrent des principes opposés à la parole de Dieu. Qu'il nous soit donné de la réaliser pratiquement!

Il est précieux de considérer l'Église, l'Assemblée de Celui qui est lumière et amour, vue d'en haut (verset 9), telle que lui la considère dans sa grâce. Christ la bâtit, comme «une habitation de Dieu par l'Esprit», pour qu'elle soit «un temple saint dans le Seigneur» (Éphésiens 2:21, 22) et une «maison spirituelle, une sainte sacrificature» (1 Pierre 2:5).

Deuxième tableau (23:18-24). Dieu déclare qu'il n'a pas aperçu d'iniquité en Jacob, ni n'a vu d'injustice en Israël. Fermant la bouche à Satan l'accusateur, Dieu proclame dans sa grâce la justice de son peuple terrestre quant à sa position devant lui. Ce peuple a été mis à l'abri du jugement de Dieu par le sang de l'agneau pascal, type de Christ accomplissant l'œuvre de l'expiation sur la croix. Ainsi aujourd'hui, ceux qui ont mis leur confiance en Jésus sont déclarés justes: «Qui intentera accusation contre des élus de Dieu? — C'est Dieu qui justifie; qui est celui qui condamne?» s'écrie l'apôtre, confirmant ainsi la parfaite sécurité du croyant (Romains 8:33, 34).

Troisième tableau (24:3-9). Par la bouche de Balaam, Dieu se plaît à décrire la beauté d'Israël et à rendre témoignage à sa puissance future. Ces tentes (verset 5), si belles aux yeux de Dieu, évoquent la beauté de son peuple céleste encore dans le désert de ce monde en attendant la gloire. Ainsi le Seigneur compare l'Église à une perle de très grand prix. C'est l'assemblée vue dans son unité et sa beauté, celle pour laquelle il a souffert et laissé sa vie, celle qu'il s'est acquise pour lui-même, pour la joie de son cœur (Matthieu 13:45, 46). Elle est maintenant l'habitation de Dieu par l'Esprit (Éphésiens 2:22) et cette présence est une source de puissance en témoignage qui coule au-dehors pour en abreuver d'autres (cf. verset 7 et Jean 7:38).

Quatrième tableau (24:15-19). Balaam proclame l'espérance glorieuse d'Israël, la venue de Christ. Pour le peuple terrestre, c'est sa venue en gloire (Ésaïe 11; 12); pour nous, c'est sa venue en grâce (2 Pierre 1:19; Apocalypse 22:16, 17) (sans oublier que nous l'accompagnerons lorsqu'il apparaîtra en gloire). L'étoile représente donc l'espérance de sa venue dans le cœur des croyants pendant la nuit de son absence, et le sceptre, l'annonce de son règne sur Israël. Pour les croyants du temps présent, l'étoile du matin, invisible pour le monde, est déjà levée dans leurs cœurs: c'est Christ lui-même dont nous jouissons déjà avant de le voir face à face. Il est encourageant d'être admis à contempler dans ce passage non seulement Israël vu «d'en haut», mais l'Église, telle que Christ la voit par anticipation depuis le ciel. Elle est toute pour lui, son épouse, mise à part du monde, justifiée par l'œuvre de la croix, et il la prépare en la purifiant par la Parole pour se la présenter, glorieuse, sainte, irréprochable (Éphésiens 5:25-27; Apocalypse 19:7, 8). Il est son espérance. Il vient bientôt pour la ravir auprès de lui pour toujours (Apocalypse 22:20). Tout ceci produit dans nos âmes la reconnaissance et entretient l'adoration!

Un temps de mise à l'épreuve

Quel choc constitue pour chacun de nous le chapitre 25 qui suit sans transition! Tableau tellement différent; page sombre de l'histoire d'Israël! Le séjour en Sittim se prolonge quelque peu et le peuple s'y installe (verset 1). Et le drame se produit: Israël se laisse aller au mal moral, à l'impureté suivie sans délai de l'idolâtrie. Or c'est la nouvelle génération qui est là en cette quarantième année de la traversée du désert — preuve de l'état irrémédiable du cœur naturel. Balaam est, en fait, l'instigateur d'un piège satanique contre Israël (Nombres 31:16; Apocalypse 2:14). Il cherche de nouveau à rendre la bénédiction de Dieu impossible à cause de l'état hautement condamnable du peuple. Quel contraste entre la position de témoignage qu'occupait Israël par la grâce de Dieu au milieu des nations idolâtres et cet égarement charnel! Impureté qui le conduit à s'attacher au faux dieu adoré sur le haut lieu de la montagne de Péor!

C'est là un solennel avertissement pour nous! Nous connaissons le propos de notre Dieu pour son Assemblée, appelée hors du monde pour rendre témoignage à Celui qui est maintenant glorifié dans le ciel. Pour cela elle doit rester séparée du mal et du monde (2 Corinthiens 6:14-18). Cette séparation pour Christ est liée à notre amour pour lui; elle n'est pas de forme mais de cœur. Son abandon, même momentané, peut être grave de conséquences. Prenons garde aux avances du monde, aux amitiés dans les relations professionnelles ou les études. Veillons sur nos enfants. Demandons-nous si nos foyers sont protégés de l'emprise terrible des médias de ce monde. Les pièges de Satan sont subtils, pour les uns d'ordre moral, pour les autres d'ordre spirituel (2 Corinthiens 7:1). L'une et l'autre forme sont souvent liées. En Sittim la fornication conduit à l'idolâtrie. L'impureté endurcit la conscience, obscurcit le jugement moral, ôte le sens (Osée 4:11).

En présence des effets de la colère de Dieu, les fils d'Israël se rassemblent en pleurs à l'entrée de la tente d'assignation (verset 6). Ainsi notre Dieu est parfois obligé de nous parler par une discipline sévère qui produit l'humiliation salutaire (Hébreux 12:7, 10-12). Son gouvernement peut même aller jusqu'à la maladie et la mort (1 Corinthiens 11:30-32; 1 Jean 5:16, 17).

Le Seigneur peut aussi employer un serviteur tel que Phinées (versets 7-13) qui revendique les droits de l'Éternel, étant jaloux pour lui. C'est ce qu'a fait Paul en 1 Corinthiens 5, dans le cadre nouveau du christianisme, en exhortant l'assemblée à faire face à ses responsabilités pour que le mal moral soit ôté et l'assemblée purifiée (versets 6, 7). Sinon, il aurait, comme apôtre, livré le fornicateur à Satan (versets 3-5). De même, il pressait les Galates d'obéir à la vérité (Galates 5:7), afin que l'erreur doctrinale qui les avait contaminés et rendus «insensés» (3:1) soit rejetée, et que celui qui les troublait en porte le jugement (5:8-10).

Israël, si près d'entrer dans le pays promis, manque complètement sur le plan de la responsabilité. Il est entraîné par Satan dans une forme d'idolâtrie et d'impureté extrêmement grave. Celle-ci est d'ailleurs prise en exemple en Apocalypse 2:14-16 pour caractériser un état de l'Église responsable. Mentionnant les Nicolaïtes particulièrement coupables, l'Esprit de Dieu ajoute: «Repens-toi donc; autrement je viens à toi promptement, et je combattrai contre eux par l'épée de ma bouche». C'est ce que Dieu a opéré en Nombres 25 par la main de Phinées, auquel il rend le témoignage: «il a détourné mon courroux… de sorte que je ne consumasse pas les fils d'Israël dans ma jalousie» (versets 6-11). Oui, il est bien vrai que «notre Dieu est un feu consumant» (Hébreux 12:29). Il est également vrai qu'il est «le Dieu de toute grâce» (1 Pierre 5:10). C'est cette grâce que nous voyons aussi se déployer ici à l'égard de son peuple coupable mais repentant.

Et il est encourageant de considérer comment l'Esprit de Dieu s'adresse aux fidèles qui sont dans une situation comparable à celle du temps de Pergame: «A celui qui vaincra, je lui donnerai de la manne cachée, et je lui donnerai un caillou blanc, et, sur le caillou, un nouveau nom écrit, que nul ne connaît, sinon celui qui le reçoit» (Apocalypse 2:17). Suprême consolation pour ceux qui cherchent à remonter le courant en résistant au mal dans la chrétienté. Aujourd'hui comme alors, il leur faut le puissant secours du Seigneur pour surmonter par la foi les obstacles liés à l'état moral de l'Église responsable. Comme Phinées en Nombres 25:12, ils auront en récompense le caillou blanc de l'approbation de Christ.