Des mains bien remplies

Jean Kœchlin

Le chapitre 29 du livre de l'Exode décrit la cérémonie de la consécration des sacrificateurs. Lavés puis revêtus de leurs saints vêtements, Aaron et ses fils étaient invités à s'approcher de l'autel pour faire leur service dans le lieu saint.

Mais il leur manquait encore l'essentiel, ce qui était la raison d'être de leur fonction, à savoir des sacrifices à offrir. L'institution même de la sacrificature sous-entendait ces sacrifices, et l'épître aux Hébreux nous rappelle que le souverain sacrificateur était établi «pour offrir des dons et des sacrifices», qu'il était même dans la nécessité de le faire (8:3; 7:27). Dieu avait d'autre part déclaré solennellement qu'on ne devait pas paraître à vide devant sa face (Exode 23:15).

Or que pouvaient-ils apporter, ces fils d'Aaron? Évidemment rien de ce qui vient de l'homme. Dès le début de l'histoire de l'humanité, ce principe était clairement établi. L'Éternel n'avait pas eu égard à l'offrande de Caïn, fruit de ses efforts et produit d'un sol maudit.

La réponse est donnée dans le terme même utilisé par l'Esprit de Dieu pour préparer les sacrificateurs à exercer leur fonction.

«Tu les consacreras» (28:41; 29:9) signifie littéralement: «tu rempliras leurs mains». Telle était l'injonction de l'Éternel à Moïse. Il leur serait fourni tout ce qu'ils auraient à présenter. David dira plus tard: «Tout vient de toi; et ce qui vient de ta main, nous te le donnons» (1 Chroniques 29:14). Dieu allait se charger de remplir lui-même ces mains vides, avec ce qui venait de la Sienne.

L'application spirituelle est évidente. Chaque racheté est aujourd'hui un sacrificateur. Jadis souillé et nu moralement, il est désormais lavé par le sang de Christ et revêtu de Sa justice. Il n'est plus question d'une classe particulière de croyants seuls qualifiés comme intermédiaires pour présenter la louange au nom du reste du peuple de Dieu. Chacun est établi pour son propre compte dans une relation personnelle avec le Père et fait partie de cette «sainte sacrificature» dont parle Pierre, investie d'une si haute fonction (1 Pierre 2:5). Mais l'apôtre ajoute: «pour offrir des sacrifices spirituels, agréables à Dieu par Jésus Christ». Ne pas «paraître à vide» devant notre Dieu, en particulier dans le culte collectif rendu à Dieu, est une injonction qui nous responsabilise. «Offrons donc, par lui, sans cesse à Dieu un sacrifice de louanges, c'est-à-dire le fruit des lèvres qui confessent son nom» (Hébreux 13:15).

Revenons à Aaron et à ses fils. Avant que leurs mains soient remplies et qu'ils puissent exercer leur office, les sacrificateurs vont avoir à les poser sur la tête d'un bélier dit de consécration. Ce geste sera le signe de leur identification avec la victime. Après quoi son sang devra être placé sur l'oreille, sur la main et sur le pied de chacun d'eux, rappelant que le prix payé réclamait en retour cette consécration de l'homme tout entier. Les saintes exigences de Dieu s'exerceraient désormais sur ses pensées, sur son service et sur sa marche. C'est ce qu'évoque Pierre quand il mentionne «l'obéissance et l'aspersion du sang de Jésus Christ» (1 Pierre 1:2).

Les mains du sacrificateur, d'abord posées sur la victime, puis sanctifiées par le sang de celle-ci, allaient maintenant pouvoir contenir ce qui devait être tournoyé devant l'Éternel et qui provenait de cette même victime. Et c'était des mains bien remplies que celles d'Aaron et de ses fils. Leur contenu se trouve détaillé au verset 22. Toutes les parties, même les moins apparentes, les plus secrètes, sont énumérées et font partie de l'offrande à l'Éternel. On aurait pu penser qu'il fallait lui réserver seulement les meilleurs morceaux, et que le réseau du foie ou la graisse des rognons, par exemple, ne convenaient pas pour une offrande à Dieu. Non pas, rien ne devait être perdu, tout était excellent, parce que tout parlait de Christ, de ses pensées intimes, de ses sentiments, de ses motifs.

En fait, à l'exception de la graisse qui est l'image connue de l'énergie intérieure, et de l'épaule droite qui évoque la force, nous ne saurions guère préciser la signification spirituelle des autres parties du sacrifice. Mais Celui à qui tout cela était offert savait en découvrir et en apprécier jusqu'au plus infime élément.

Le verset 23 nous apprend qu'un pain, un gâteau et une galette accompagnaient l'offrande proprement dite; ils préfiguraient, sous ses divers aspects, l'humanité parfaite du Seigneur Jésus Christ, le vrai Pain descendu du ciel (verset 23).

Le tout était alors placé sur les paumes des mains d'Aaron et de ses fils pour être à la fois élevé et tournoyé devant l'Éternel. Ces objets symboliques étaient de cette manière présentés et mis en évidence les uns après les autres devant Dieu qui en percevait la pleine valeur.

«Tu les prendras de leurs mains, — dit enfin l'Éternel à Moïse — et tu les feras fumer sur l'autel, sur l'holocauste, en odeur agréable devant l'Éternel» (verset 25). N'ayant fait que passer par les mains des sacrificateurs, ces diverses parties de l'offrande retournaient à Dieu pour exhaler, en relation avec l'holocauste, le parfum des perfections de Christ.

Et, puisqu'il s'agit du bélier de consécration, n'avons-nous pas dans ce sacrifice, offert une fois pour toutes au nom de la famille sacerdotale, le rappel de ce qui doit nous motiver dans notre propre consécration: l'exemple du dévouement sans réserve de Celui qui s'est livré lui-même pour nous, comme offrande et sacrifice à Dieu, en parfum de bonne odeur (Éphésiens 5:2)?

Ton cœur fut satisfait par toute l'excellence

De l'Agneau préconnu, sans tache et sans défaut:

Son entier dévouement, sa pleine obéissance,

Comme un parfum très pur, montaient vers toi là-haut.