Le livre d'Esdras (suite)

F.B. Hole

Chapitre 9

Dans sa miséricorde, Dieu produit des réveils. Mais l'histoire de tous ceux-ci semble être la même: un commencement magnifique suivi d'un déclin plus ou moins rapide. Nous avons une tendance constante à abandonner la source des eaux vives et à nous creuser des citernes crevassées, qui ne retiennent pas l'eau (cf. Jérémie 2:13). Il en a été ainsi depuis les temps anciens jusqu'à nos jours. Beaucoup d'entre nous ont hérité de bonnes choses des réveils que Dieu a accordés dans sa grâce, mais comment les gardons-nous et en tirons-nous profit? Soyons attentifs à ne pas les négliger et à ne pas les laisser glisser de nos mains.

Esdras avait été tellement béni par Dieu dans le service qu'il avait entrepris, qu'il arrivait probablement à Jérusalem avec de grands espoirs. Mais ce qu'il apprit bien vite par des chefs du peuple lui causa une très grande peine. Parmi ceux qui étaient alors dans le pays se trouvaient en effet certains chefs qui avaient conscience du triste déclin qui s'était produit. Ce qui avait commencé si magnifiquement sous Zorobabel et Jéshua s'était gravement détérioré. Non seulement des hommes du peuple, mais aussi des sacrificateurs, des Lévites et même des princes et des gouverneurs étaient impliqués dans ce péché. Ils n'avaient pas su maintenir la séparation nécessaire avec les diverses nations païennes qui les entouraient. En s'alliant avec elles par mariage, ils avaient appris leurs coutumes et s'étaient mis à pratiquer leurs sacrifices et leurs abominations.

Dans le Deutéronome, nous voyons que sept nations plus grandes et plus puissantes qu'Israël étaient dans le pays que Dieu leur avait donné. Les fils d'Israël devaient les détruire et ne pas s'allier par mariage avec elles, afin de ne pas être entraînés par leurs manières d'agir (Deutéronome 7:1-6). Même sous la conduite du fidèle Josué, cet ordre de Dieu n'avait été que partiellement accompli, et maintenant, bien des siècles plus tard, on constate encore les effets de ce manquement. Au premier verset de notre chapitre, les nations mentionnées sont à peu près les mêmes que celles que nous trouvons en Deutéronome 7, avec les Égyptiens en plus, ce qui porte leur nombre à huit.

Le peuple avait été averti par Moïse des effets désastreux qui découleraient d'une alliance avec ces nations, et ces effets se sont manifestés dans l'histoire des dix tribus, aussi bien que dans celle de Juda. Ce sont eux qui ont conduit à la dispersion et à la captivité. Et maintenant, Esdras apprend que le résidu de retour dans le pays est tombé dans le même piège, malgré un début magnifique. Il en est profondément accablé.

Il faut bien nous dire que le même piège encore, bien que sous une forme un peu différente, est en grande partie à l'origine de l'état de quasi-apostasie qui règne aujourd'hui dans la chrétienté. Ce mal s'est établi par l'alliance de l'Église et du monde sous l'empereur romain Constantin, ce qui, en quelques siècles, a élevé la papauté au rang de grande puissance mondiale. Plus tard, après la Réformation, on a créé des églises d'État dans lesquelles sont mêlées des personnes vraiment converties et des incroyants. L'effet désastreux de tout cela n'est que trop évident de tous côtés.

Nos yeux ont-ils été ouverts pour discerner la terrible faillite qui a caractérisé l'Église en cela? Et si oui, nos réactions ont-elles été tant soit peu semblables à celles d'Esdras? Considérons très attentivement l'effet que cette triste découverte a produit sur lui.

Voilà un homme tout à fait innocent du mal qui lui est révélé. Il prend sur lui les fautes au lieu de commencer par en accuser les coupables! Suivant les coutumes de ce temps-là, il déchire ses vêtements, et, non content de cela, il arrache ses cheveux et sa barbe, ce qui est sans doute très douloureux. Ayant fait cela, il s'assied «désolé». Il commence par s'humilier lui-même devant Dieu.

Un tel exemple est suivi d'un effet immédiat. Au sein du résidu qui était là, il y en avait qui étaient conscients de la transgression généralisée de la loi à ce sujet, mais qui manquaient d'énergie ou n'occupaient peut-être pas dans le peuple une position qui leur permette d'entreprendre quelque chose. Aussitôt stimulés par l'action énergique d'Esdras, ils se joignent à lui. C'était ceux qui «tremblaient aux paroles du Dieu d'Israël» (verset 4). C'est toujours à de tels que Dieu regardera dans sa miséricorde, comme le déclare Ésaïe 66:2.

Au temps de l'offrande du soir, qui en quelque mesure est un type du sacrifice de Christ, Esdras se lève, dans ses vêtements déchirés, et s'agenouille pour adresser à Dieu cette prière remarquable que rapportent les versets 6 à 15. Elle ne comporte aucune requête proprement dite, mais, du premier au dernier mot, elle n'est que l'humble expression d'un cœur brisé confessant des péchés auxquels il n'a lui-même aucunement participé. C'est un trait remarquable de toute cette confession: Esdras s'identifie lui-même avec le peuple et confesse leurs iniquités comme si elles étaient les siennes propres. Du commencement à la fin, il dit «nous», là où nous nous serions attendus à trouver «ils» et «eux». En outre, il reconnaît que les iniquités devant lesquelles il se trouve sont la répétition des péchés qui ont souillé le peuple depuis le début de son histoire. Mais ces péchés étaient rendus plus graves par le fait qu'ils se répétaient, après que Dieu avait fait preuve de tant de miséricorde envers eux, en les délivrant — par leur retour de Babylone — des conséquences gouvernementales de leurs fautes passées.

Ce chapitre d'Esdras nous donne un avertissement solennel. Laissons-le produire son effet dans nos cœurs. Dans l'histoire de la chrétienté, il y a eu de grandes manifestations de la miséricorde divine. Depuis la Réformation, des réveils ont eu lieu, qui tous ont été marqués par cette même tendance à retomber dans les fautes passées. Il serait bon que chaque croyant aujourd'hui s'agenouille devant Dieu, et exprime des paroles semblables à celles d'Esdras, jaillies de profondes convictions, et avec un cœur brisé comme le sien! Nous serions alors, très probablement, contraints de confesser notre propre participation au péché et à la souillure, au lieu de devoir nous identifier seulement, comme Esdras, avec ceux qui ont manqué.

Chapitre 10

Au verset 1, nous voyons Esdras sur ses genoux, rempli, tandis qu'il faisait sa confession, d'une profonde émotion qui s'exprimait par des pleurs. Certains d'entre nous sont peu portés à cultiver les émotions, et pourtant il faut reconnaître qu'une conviction profonde, qu'elle ait pour objet de bonnes ou de mauvaises choses, est forcément source d'émotion. On en a un double exemple en 2 Timothée 1:4. Paul n'était pas un théologien qui exposait la doctrine chrétienne d'une manière philosophique; il était un ardent serviteur de Christ, ému dans son esprit par ce qu'il prêchait, et par les besoins des saints aussi bien que par ceux des pécheurs. Il peut parler de Timothée comme de quelqu'un qui avait «une sincère sollicitude» à l'égard des croyants (Philippiens 2:20). Sachons cultiver aujourd'hui de tels sentiments.

Nous verrions alors plus souvent notre attitude et nos paroles produire véritablement de l'effet sur les autres, comme il en a été ici pour Esdras. Beaucoup, en Israël, avaient conscience de leur péché et de leur éloignement, mais n'avaient ni la foi ni l'énergie d'agir comme Esdras. Ce dernier ayant réveillé leur conscience quant à leur péché et à leur besoin, les voilà qui s'assemblent et pleurent comme lui. Un de leurs chefs, Shecania, va même jusqu'à déclarer que leur seule espérance à cet égard est de se séparer du mal dans lequel ils sont tombés, et d'obéir aux enseignements qu'ils avaient reçus dès le commencement. Il leur rappelle en fait ce que l'Éternel avait dit par Jérémie: «Enquérez-vous touchant les sentiers anciens, quelle est la bonne voie; et marchez-y» (Jérémie 6:16). Ce principe est toujours valable. Au commencement de chaque dispensation, Dieu fait connaître les «sentiers» qui conviennent à ce qu'il introduit et établit. Ces «sentiers» demeurent inchangés pendant toute la dispensation, et, si l'on s'aperçoit qu'on s'en est éloigné, il n'y a rien d'autre à faire qu'à y revenir.

Une responsabilité spéciale incombait à Esdras en cette affaire puisque, comme nous l'avons vu au début du chapitre 7, il avait disposé son cœur à rechercher, à faire, et à enseigner la loi de l'Éternel. Shecania reconnaît cela, aussi lui dit-il: «Lève-toi, car la chose repose sur toi» (verset 4), en l'assurant qu'il aura le soutien de ceux qui craignent Dieu pour ce qu'il doit entreprendre.

C'est ainsi que nous voyons Dieu opérer à ce moment-là, et il semble bien que ce soit sa manière habituelle d'agir. Tous les chrétiens ne sont pas qualifiés pour être les initiateurs d'une œuvre de Dieu, ni appelés à cela — pas même aux premiers temps de l'Église. Il nous est dit: «Souvenez-vous de vos conducteurs qui vous ont annoncé la parole de Dieu» (Hébreux 13:7). Les «conducteurs», pour être véritablement ceux qui conduisent, non seulement enseignent verbalement le chemin, mais y marchent eux-mêmes.

La conduite et les paroles d'Esdras ont eu un effet remarquable et immédiat, preuve que Dieu était avec lui. Pour la plupart, les hommes d'Israël ont été touchés et ont tremblé, en réalisant de quelle manière ils avaient transgressé la loi. Une forte pluie tombant du ciel ajoutait à leur détresse. Il a été décidé qu'ils confesseraient leur péché et renverraient les femmes étrangères, rompant ainsi les liens par lesquels ils s'étaient laissés prendre1.

1 Cette rupture du lien conjugal, sans doute à sa place à l'époque d'Esdras, ne serait pas juste aujourd'hui (cf. 1 Corinthiens 7:13-16).

Ces deux choses — la confession et la séparation du mal — apparaissent au verset 11. Il est malheureusement possible de confesser un mal tout en continuant à le faire. Et il est également possible de comprendre qu'un certain comportement est sans profit, et de l'abandonner, mais sans confesser avoir péché en cela. Mais quand la conviction de péché est authentique, il y a d'abord confession puis abandon de ce péché (voir Proverbes 28:13).

La suite de ce chapitre nous dit avec quel soin et quel ordre a été effectuée la tâche difficile et douloureuse de renvoyer les femmes étrangères, et de se délivrer ainsi de cette alliance coupable avec le monde. Si cela avait été fait d'une manière impulsive et légère, cela aurait pu jeter encore plus de déshonneur sur le nom de Dieu. Cela aussi parle à nos cœurs. Tandis que nous croissons dans la grâce, et que notre compréhension de la volonté de Dieu s'approfondit, il se peut que nous prenions conscience que certaines choses que nous jugions banales, sans importance, sont véritablement un piège et une entrave dans notre vie spirituelle. Finissons-en avec elles, mais d'une manière digne du Seigneur que nous servons et à qui nous obéissons. Si, par exemple, cela implique une perte d'un côté ou de l'autre, acceptons cette perte pour nous-mêmes, mais ne l'imposons pas à d'autres.

Le livre se termine par la longue énumération de ceux qui avaient été impliqués dans cette transgression. On peut être surpris de voir que les premiers noms cités au verset 18 sont ceux des fils de Jéshua, fils de Jotsadak, le grand sacrificateur, homme fidèle dont le nom est lié à celui de Zorobabel (2:2; 3:2; 5:2), et se retrouve dans les prophéties d'Aggée et de Zacharie. Certains de ses fils, sinon tous, avaient participé à ce péché. En fait, cela ne doit pas nous surprendre, car de semblables tragédies n'ont été que trop fréquentes. Il suffit de citer les cas d'Aaron et de ses deux fils, de Samuel et de ses fils, d'Eli et de ses fils, de David et de ses fils, d'Ézéchias et de son fils Manassé. Et la liste peut s'allonger jusqu'aux temps actuels. C'est un fait triste et humiliant que beaucoup de vrais et dévoués serviteurs du Seigneur ont eu des fils qui n'ont pas suivi les traces de leurs pères. Cela devrait nous inciter à prier ardemment pour les familles de ceux qui servent le Seigneur Jésus.

Remarquons enfin que les noms mentionnés sont ceux des hommes qui ont renvoyé leurs femmes étrangères et ont offert un sacrifice pour leur délit. S'il était à leur déshonneur d'avoir pris ces femmes, le fait de les renvoyer était à leur honneur, et c'est pourquoi leurs noms figurent dans ce récit. Ils étaient, pourrions-nous dire aujourd'hui, des pécheurs restaurés. Nous voyons là le résultat du ministère et de la marche fidèles d'Esdras qui avait été, en vérité, un «scribe versé dans la loi de Moïse».

C'est à celui-ci que je regarderai: à l'affligé, et à celui qui a l'esprit contrit et qui tremble à ma parole (Ésaïe 66:2).

Celui qui cache ses transgressions ne prospérera point, mais celui qui les confesse et les abandonne obtiendra miséricorde (Proverbes 28:13).