Le livre d'Esdras (suite)

F.B. Hole

Chapitre 4

Dans les premiers versets du chapitre 4, un autre trait frappant apparaît. Comme c'est toujours le cas quand s'opère un travail de Dieu, il y a des adversaires. Ici leur premier mouvement est séducteur. Ils arrivent en déclarant qu'ils recherchent et qu'ils servent le vrai Dieu, et ils offrent leur aide pour la construction de la «maison», comme de vrais collaborateurs. Cela met en lumière un cinquième trait caractéristique de ce réveil, d'une très grande importance: Zorobabel, Jéshua et les autres chefs refusent l'alliance proposée et maintiennent une position de séparation d'avec le monde qui les entoure. S'ils avaient accepté la proposition, l'œuvre aurait été ruinée dès le commencement.

Dans le dernier chapitre du livre de Néhémie, on découvre une grave défaillance sur ce point même, au grand détriment du travail. Des réveils, dans l'histoire de la chrétienté, ont souvent été gâchés pour la même raison. Prenons l'exemple de la Réformation: elle est demeurée bien en dessous de ce qu'elle aurait pu être, par le seul fait que beaucoup de ses conducteurs ont fait alliance avec des personnes et des puissances de ce monde, au point qu'ont éclaté des guerres de religion. Ainsi, la puissance et la spiritualité du réveil se sont rapidement évanouies.

Bien au contraire, sous Zorobabel et Jéshua, la ligne de démarcation entre le résidu d'Israël rentré chez lui et les multitudes mélangées qui demeuraient autour d'eux a été fidèlement respectée et les conséquences n'ont pas tardé à se manifester. Les divergences d'opinion, qui peuvent aisément engendrer les querelles ou la guerre, trouvent souvent leur solution, au moins pour un temps, dans un esprit de compromis. De chaque côté, on cède sur quelques points, et la paix est sauvegardée. Mais ici, rien de cela.

Le mot d'ordre, au lieu d'être le compromis, était la séparation. Il en est résulté une opposition acharnée, qui ne consistait pas seulement à «rendre lâches» les mains des travailleurs et à les effrayer, mais aussi à soudoyer contre eux des conseillers haut placés, et cela avec beaucoup de persistance. Et voici une sixième caractéristique qui doit retenir notre attention: si des croyants maintiennent la séparation d'avec le monde, ils devront subir l'opposition de celui-ci. C'est aussi vrai aujourd'hui qu'à tout autre moment de l'histoire. Si nous choisissons le compromis, nous éviterons peut-être l'opposition, mais nous perdrons notre force. Dans une position de séparation, nous devrons rencontrer l'hostilité d'une manière ou d'une autre, comme l'Écriture le dit: «Tous ceux aussi qui veulent vivre pieusement dans le Christ Jésus, seront persécutés» (2 Timothée 3:12). Cette opposition ne prend pas toujours la forme d'une violence extérieure, comme dans le cas de l'apôtre Paul. Elle peut aussi s'exercer de façon plus indirecte et plus subtile. L'absence de toute opposition ne serait pas à notre honneur, bien au contraire. Elle signifierait que notre redoutable adversaire sait qu'en ce qui concerne ses desseins, nous sommes inoffensifs, et qu'il peut nous laisser tranquilles.

Il en était tout autrement ici, et l'adversaire concentrait toutes ses forces contre ceux qui, sans compromis, étaient résolus à reconstruire la maison de Dieu, selon les prophéties. L'opposition a été acharnée et durable, puisque pas moins de quatre rois sont mentionnés dans les versets 5 à 7. Elle a commencé dès le règne de Cyrus et s'est poursuivie jusqu'à celui de Darius, que l'on peut identifier à celui qui porte le nom d'Hystaspe dans l'histoire profane. Entre ces deux rois s'est trouvé un Assuérus, non pas celui dont il est question dans le livre d'Esther, mais celui qui est connu sous le nom de Cambyse. Sous son règne, les adversaires ont été très actifs: ils ont écrit une lettre d'accusations contre les Juifs de Jérusalem, mais sans résultat apparent.

Vint ensuite le roi Artaxerxès du verset 7, l'usurpateur connu sous le nom de Smerdis dans l'histoire profane, qui n'a détenu le pouvoir que pendant peu de temps. Les adversaires des Juifs lui ont envoyé une nouvelle lettre. Ni le temps écoulé ni les échecs des premières démarches n'avaient fait diminuer leur opposition. Elle s'était plutôt renforcée, comme on le voit dans les versets 7 à 9. La lettre était envoyée au nom de certains hommes éminents d'entre les habitants du pays, et approuvée par neuf des peuplades ou tribus qui demeuraient alors dans les pays voisins de la Palestine. C'était évidemment un document imposant.

Une copie de cette lettre nous est donnée aux versets 11 à 16, et nous y voyons avec quelle habileté l'ennemi peut mêler le mensonge et la vérité, pour brouiller et dénaturer les problèmes.

La première chose qui nous frappe, c'est que cette lettre ne fait aucune allusion à ce que les Juifs étaient venus faire sur l'ordre de Cyrus: rebâtir la maison de Dieu. En revanche, ils ont beaucoup à dire sur la construction de la ville et de ses murailles. Il est possible que quelque petit travail de cette nature ait été fait alors — et leur ait fourni un prétexte — mais nous savons que rien de sérieux dans ce domaine n'a été accompli avant l'époque de Néhémie. Ce qu'ils affirmaient là au roi était tout simplement un mensonge.

Puis, ayant admis sans preuve qu'on était en train de reconstruire la ville, ils dénoncent celle-ci comme méchante et rebelle. Il est vrai que les derniers rois — et tout particulièrement Sédécias — avaient été des hommes méchants et indignes de confiance, qu'ils avaient violé leurs promesses et s'étaient révoltés. La ville avait toutefois été choisie initialement par Dieu, et c'est de lui qu'elle avait détenu son pouvoir. Ici, les ennemis de Juda trouvent dans la mauvaise conduite des derniers rois qui ont régné à Jérusalem l'occasion de salir toute l'histoire de cette ville. C'est un exemple frappant de la manière dont tout le travail de Dieu peut être déshonoré par des serviteurs infidèles, qui offrent ainsi à l'ennemi les occasions qu'il cherche.

Une autre chose frappante est la manière dont ces hommes présentent l'affaire. Il semblerait que tout leur souci est de sauvegarder les intérêts et la réputation du roi, et que, personnellement, ils sont peu concernés. Il était à prévoir que le souverain, un usurpateur, craindrait particulièrement tout ce qui risquait de menacer son autorité. Le grand adversaire qui se cachait derrière ces hommes ne manque pas d'habileté.

Les derniers versets de notre chapitre montrent que leur lettre produisit l'effet désiré. Dans ces temps reculés déjà, on gardait soigneusement des archives. Des recherches ayant été faites, les agissements coupables de Sédécias et d'autres furent révélés, ainsi que le grand pouvoir jadis exercé par des rois tels que David et Salomon. En conséquence, Artaxerxès donna l'ordre d'arrêter la construction. Forts du décret officiel, les adversaires firent cesser, «par force et par puissance», le travail de la maison de Dieu. Il pouvait sembler alors que les plans de Dieu étaient anéantis.

C'est ce qui s'est produit à maintes reprises dans la triste histoire du monde. Il pouvait sembler, au commencement, que le propos de Dieu en créant Adam était annulé par l'introduction du péché. Il pouvait sembler, plus tard, que l'appel que Dieu avait adressé à Abraham pour qu'il aille dans la Terre Promise était annulé lorsque sa postérité est descendue en Égypte. Et maintenant, il pouvait sembler que l'établissement de la maison de Dieu sur la terre par David et Salomon était annulé! Et il en a été de même dans l'histoire de la chrétienté, lorsque Dieu est intervenu en miséricorde pour produire des réveils. Toujours l'adversaire a été à l'œuvre et a trouvé des instruments humains à sa disposition. Il n'en a pas été autrement à une époque plus récente. Il nous suffit de considérer l'histoire des cent dernières années pour ne le voir que trop clairement.

Mais l'adversaire prévaudra-t-il en fin de compte? En ce qui concerne l'histoire placée devant nous, la réponse se trouve aux chapitres 5 et 6. Lorsque Dieu intervient, tout change! Et, finalement, Dieu intervient toujours. Que cela nous console et nous encourage!

À suivre