Trois prières de Daniel

J.P. Fuzier

À trois reprises, le livre de Daniel nous montre comment la prière est la ressource de la foi dans un temps d'épreuve.

Daniel a passé presque toute sa vie en exil, à Babylone. Il y était sans doute quand le temple et Jérusalem ont été détruits, le trône de David ôté et la responsabilité du gouvernement du monde confiée à Nebucadnetsar.

Le monarque chaldéen, pour affirmer son autorité absolue, avait été jusqu'à donner à Daniel et à ses compagnons des noms nouveaux, sous lesquels il voulait désormais les connaître et leur assigner une place de choix dans son vaste empire. Daniel et ses compagnons se soumettaient au roi de Babylone, sans oublier que le seul vrai Dieu les appelait par leurs véritables noms (cf. Ésaïe 43:1; Jean 10:14)). Quelle joie et quelle consolation pour le prophète d'entendre les paroles du messager de l'Éternel: «Daniel… tu es un bien-aimé», «Daniel, homme bien-aimé» (9:22, 23; 10:11).

Ce fidèle serviteur de Dieu reconnaissait l'autorité de Nebucadnetsar, sachant qu'elle résultait du gouvernement de Dieu à l'égard de son peuple rebelle et infidèle. Il éprouvait aussi que le peuple était désormais «Lo-Ammi» (Osée 1:9), de sorte que, dans tout son livre, il ne mentionne le nom de «l'Éternel notre Dieu» — le nom du Dieu de l'alliance  — qu'à l'occasion de sa prière et de sa confession (9:13, 14). Il reconnaît dans l'humiliation le changement de caractère des relations de Dieu avec son peuple terrestre.

Il est important, pour comprendre la conduite de Daniel, de se souvenir qu'il avait arrêté dans son cœur, de même que ses trois compagnons, de ne pas se souiller par les mets délicats du roi et par le vin qu'il buvait. Ils étaient ainsi «dans le monde», mais comme des étrangers, et y vivaient «en toute piété et honnêteté». Le récit du chapitre 1 sert de base morale et d'introduction à toutes les révélations de ce livre.

Supplication en commun (Daniel 2:12-23)

Lorsque le roi en colère décrète de détruire tous les sages de Babylone, Daniel demande, «avec prudence et avec sens», un délai pour présenter sa requête à Dieu. Il est sûr que son Dieu peut lui révéler le secret du roi, qui est en fait celui de Dieu, et il sait faire de cette circonstance une occasion de s'approcher de lui avec ses compagnons. «Le secret de l'Éternel est pour ceux qui le craignent» (Psaumes 25:14).

«Daniel s'en alla à sa maison». C'était le lieu où, à l'écart du monde, il recherchait habituellement la présence de Dieu et en partageait la bénédiction avec ses compagnons. Sous la forme voilée de l'Ancien Testament, ceci nous parle du privilège accordé aux quelques-uns rassemblés au nom du Seigneur Jésus. Le Dieu vivant, le Dieu qui avait fait alliance avec leurs pères, le «Dieu fidèle» (Deutéronome 32:4), entendrait cette prière.

Par la bouche d'Ézéchiel, l'Éternel a promis qu'il sera pour ses dispersés «comme un petit sanctuaire dans les pays où ils sont venus» (Ézéchiel 11:16); et alors même que la «maison de prière» (Matthieu 21:13) à Jérusalem sera détruite, les hommes pieux retrouveront la proximité du Dieu des cieux dans leur maison.

Les sages de Babylone n'étaient évidemment pas capables d'indiquer le secret que demandait le roi. Daniel et ses compagnons implorent les compassions de Dieu pour qu'ils ne soient pas détruits (verset 24). Dans cette réunion de prière, Daniel et ses amis combattent ensemble d'une même âme, d'accord sur la terre pour une même chose; et leur supplication est exaucée. Le chemin de la foi est le même dans tous les temps.

Aussitôt que le secret du roi est révélé, Daniel bénit le Dieu des cieux. La prière nous met en état de recevoir les communications de Dieu. Elle peut revêtir différentes formes, être individuelle ou collective, mais elle est, en fait, un état caractéristique du fidèle, car il est appelé à «prier sans cesse» (1 Thessaloniciens 5:17). Et l'exaucement de nos supplications devrait toujours produire aussitôt la reconnaissance de nos cœurs, en réponse spontanée à la grâce de Dieu.

Prières non interrompues (Daniel 6:10-27)

«Priant… et veillant à cela avec toute persévérance» (Éphésiens 6:18). «Or Daniel, quand il sut que l'écrit était signé, entra dans sa maison; et, ses fenêtres étant ouvertes dans sa chambre haute, du côté de Jérusalem, il s'agenouillait sur ses genoux trois fois le jour, et priait, et rendait grâce devant son Dieu, comme il avait fait auparavant» (verset 10). Il n'y avait aucune pensée de provocation dans sa conduite. La proclamation de l'édit du roi n'était pour lui qu'un évènement auquel il demeurait étranger. Son véritable souverain était le Dieu vivant, celui qu'il servait «continuellement», selon le témoignage du roi Darius lui-même (verset 16).

L'ordre du roi n'empêcha pas davantage Daniel de s'agenouiller dans sa maison qu'il ne le poussa à prier. Le prophète continua à faire simplement «comme auparavant»: il priait et rendait grâce, associant, comme nous sommes exhortés à le faire, la reconnaissance aux requêtes (cf. Philippiens 4:6). Il faisait cela devant son Dieu — et non devant les hommes (verset 11) — qui trouvèrent immédiatement dans sa conduite l'occasion qu'ils cherchaient.

La piété et la fidélité de Daniel s'étaient manifestées tout d'abord par son obéissance aux commandements de Dieu, à l'égard sans doute des animaux purs et impurs (Lévitique 11). Les premiers pas dans le chemin de l'obéissance nous amènent toujours à nous séparer de toute forme de mal. Daniel ne pouvait pas quitter les palais de Babylone, mais il pouvait y vivre en étranger (1 Pierre 2:11), sans prendre part à ce dont vivaient ses habitants, tout en étant «soumis à tout ordre humain» (verset 13). À l'obéissance à la parole de Dieu dans la séparation et la sobriété, s'associe la disposition à la vigilance et à la prière (cf. 1 Pierre 4:7). En un mot, Daniel marchait avec Dieu et se tenait devant lui.

Dès le moment où Daniel fut accusé par ses ennemis, le roi pensa à lui avec sollicitude et s'efforça de le délivrer. Mais il était sans pouvoir devant la loi des Mèdes et des Perses; il ne pouvait pas révoquer l'écrit qu'il avait signé. Quel puissant témoignage que celui de Daniel! Il ne consistait pas en discours ou en paroles tapageuses, mais en actes simples, en une conduite irréprochable devant le roi et les notables (versets 4, 5), de sorte que Darius savait que Daniel servait son Dieu, et le servait continuellement.

Dans l'épître aux Hébreux, le Saint Esprit présente la délivrance de Daniel — et celle d'autres croyants — comme un témoignage à la puissance de la foi: «par la foi… ils fermèrent la gueule des lions» (Hébreux 11:33). Daniel, lui, attribue sa délivrance à Dieu seul. Il n'y a pas là de contradiction; c'est bien plutôt la démonstration que la valeur et la puissance de la foi sont dans son objet: «Ayez foi en Dieu» (Marc 11:23).

Comme Nebucadnetsar en son temps, Darius est fortement impressionné par la manifestation de la puissance de Dieu; mais ni l'un ni l'autre ne le confessent comme leur Dieu. Il est pour eux le Dieu de Daniel et de ses compagnons (6:26; cf. 2:47; 3:28), un Dieu capable de révéler les secrets et de délivrer; mais il ne paraît pas que ces rois aient reçu le Dieu vivant et vrai par une foi personnelle. Nous pouvons dire qu'ils ont «été évangélisés», mais si la parole qu'ils ont entendue n'a pas été mêlée en eux avec de la foi, elle ne leur aura servi de rien (cf. Hébreux 4:2).

Prière, jeûne et confession (Daniel 9:1-21)

A la séparation du monde et de ce qu'il offre, à l'obéissance et à la confiance en la puissance de Dieu, Daniel ajoute ici la fidélité dans la lecture de ce qui constituait alors la Parole écrite.

Daniel comprend «par les livres» — par la parole de l'Éternel à Jérémie le prophète, communiquée moins de cent ans auparavant — quelle doit être la durée de la désolation de Jérusalem.

La Parole lui révèle deux grands faits: 1° Les désolations de Jérusalem, dont la mesure est fixée par la sagesse et la grâce de Dieu, vont prendre fin. 2° L'état moral du peuple est la cause de ses désolations.

La leçon pratique qu'en tire Daniel, et qui vaut aussi pour nous, est qu'il se sent coupable des infidélités de son peuple et de ses pères (verset 20), même s'il n'y a pas été personnellement associé. Il participe ainsi à la discipline (Hébreux 12:5-8), avec un cœur brisé et humilié (Psaumes 51:17). Bien que n'étant pas lui-même de la famille sacerdotale, il agit dans l'esprit d'un sacrificateur qui «mange du sacrifice pour le péché» (cf. Lévitique 6:17-19; 7:6, 7). Il intercède pour le peuple de Dieu. Et, l'associant dans son cœur à sa propre confession, il reconnaît d'abord que le péché d'Israël, son éloignement de Dieu, a pour origine son refus d'écouter la voix de l'Éternel et la transgression de sa loi.

Le péché est entré dans le monde parce que l'homme n'a pas obéi à la parole de Dieu. C'est aussi la source de toutes nos défaillances et de toutes nos infidélités. «Écouter (ou selon la note: obéir) est meilleur que sacrifice» (1 Samuel 15:22). N'oublions pas que, s'adressant aux sept assemblées d'Asie, le Seigneur conclut chaque message par ces paroles: «Que celui qui a des oreilles écoute ce que l'Esprit dit aux assemblées!» (Apocalypse 2; 3).

Dans sa confession, Daniel reconnaît: «Nous n'avons pas écouté la voix de l'Éternel» (verset 10; cf. versets 6, 11, 14). À cause de cela «ont été versés sur nous l'exécration et le serment qui sont écrits dans la loi de Moïse». Et Daniel déclare que Dieu est juste en tout cela (verset 14). Il accepte la discipline du Dieu juste que le peuple a si gravement offensé.

Mais Daniel sait qu'il a affaire à l'Éternel, le Saint d'Israël son Sauveur (Ésaïe 43:3). Il connaît sa miséricorde et va l'invoquer sous trois de ses caractères:

  • Premièrement, à cause de son amour: «pour l'amour du Seigneur, fais luire ta face sur ton sanctuaire désolé» (verset 17). Daniel s'exprime en accord avec la suite du passage dont nous venons de citer une partie: «Et moi, je t'ai aimé» (Ésaïe 43:4). Mais il lie la connaissance de l'amour du Seigneur à la gloire de son habitation au milieu de son peuple. La première requête de Daniel concerne donc le sanctuaire de Dieu. Là se trouve en effet le fondement des relations de Dieu avec son peuple. Peu après, au retour de la captivité de Babylone, Jéshua, les sacrificateurs et Zorobabel se lèveront et bâtiront l'autel du Dieu d'Israël (Esdras 3:13). Le sacrifice de Christ est la base des voies de Dieu en grâce et en amour envers les siens.
  • Deuxièmement, Daniel fait appel aux grandes compassions de Dieu en faveur de la ville appelée de son nom. Ceci porte nos pensées sur la deuxième étape de la restauration du peuple: l'autel et la maison étant premièrement rebâtis, la reconstruction de la muraille de Jérusalem pourra être entreprise et achevée. L'Éternel avait eu compassion de son peuple pour l'avertir avant que vienne son jugement sur sa ville (2 Chroniques 36:15), mais on s'était moqué des messagers de Dieu et on avait méprisé ses paroles. Sur quoi Daniel pouvait-il fonder son intercession, sinon sur la fidélité de Dieu et sur ses compassions? Car Israël demeure bien-aimé à cause des pères, et les dons de grâce et l'appel de Dieu sont sans repentir (Romains 11:28, 29).
  • Troisièmement, Daniel regarde à Dieu lui-même: «Ne tarde pas, à cause de toi-même, mon Dieu; car ta ville et ton peuple sont appelés de ton nom» (verset 19).

C'est le couronnement de l'intercession de Daniel. Il reconnaît en Dieu la source de tout bien, car Dieu trouve en lui-même et en lui seul les motifs de sa grâce. «Qui a connu la pensée du Seigneur ou qui a été son conseiller?… Car de lui, et par lui, et pour lui, sont toutes choses (Romains 11:34-36). Nous pouvons bien nous écrier aussi: «A lui soit la gloire éternellement!» En rappelant à Dieu qu'il avait, par pure grâce, mis son nom sur sa ville et sur son peuple, Daniel associait leur délivrance à la manifestation de la gloire de Dieu. «Non point à nous, mais à ton nom donne gloire, à cause de ta bonté, à cause de ta vérité (Psaumes 115:1).

Que devraient être aujourd'hui nos prières et nos supplications pour l'assemblée — pour toutes les assemblées de Dieu! Daniel en exil pouvait invoquer «le Dieu des cieux» (2:18, 19); mais dans la liberté que l'Esprit d'adoption donne aux enfants de Dieu, nous crions: «Abba, Père» (Romains 8:15, 16). Nous avons toujours accès au trône de la grâce et, non seulement nous connaissons le chemin des lieux saints, mais nous sommes encouragés à nous approcher, avec un cœur vrai, en pleine assurance de foi. Comme Daniel, et plus complètement que lui, nous avons «les livres», ou plutôt «le Livre», et l'Esprit de vérité pour nous conduire dans toute la vérité. Car Christ est venu; nous pouvons nous asseoir à ses pieds pour écouter sa parole; il nous a appris à prier le Père en pensant tout d'abord à sa gloire (Jean 16:23-26).

Ainsi, dans les temps de détresse que nous traversons, tandis que le Seigneur nous reprend et nous châtie — parce qu'il nous aime  —, puissions-nous, comme Daniel, prier pour la délivrance et la bénédiction de l'assemblée que Dieu s'est acquise par le sang de son propre Fils (Actes des Apôtres 20:28), l'assemblée que Christ a aimée et pour laquelle il s'est livré lui-même (Éphésiens 5:25).