Hors du camp

R.K. Campbell

L'apôtre attire l'attention, dans ces versets, sur le fait que Christ a été crucifié en dehors de Jérusalem, le centre du judaïsme. C'est pourquoi le croyant est exhorté à sortir vers lui, rejeté hors du camp, et à porter son opprobre. Mais avant d'étudier la partie de l'Écriture mentionnée ci-dessus, il sera utile pour une compréhension plus claire de notre sujet de considérer d'abord le camp d'Israël et l'exemple donné par Moïse dressant la tente d'assignation en dehors du camp.

Le camp idolâtre d'Israël

En Exode 32 où est mentionné le camp d'Israël, nous remarquons que, lorsque Dieu a été supplanté dans ce camp par l'idolâtrie du veau d'or, il se mit en colère et le jugement fut exécuté sur le peuple (versets 10, 27, 28). Le camp d'Israël avait été reconnu par Dieu comme lui appartenant et il avait habité au milieu d'eux, mais quand ils eurent fait et adoré un veau d'or, il ne pouvait plus les reconnaître comme son peuple.

L'homme avait travaillé avec son ciseau, il avait formé un dieu, lui avait bâti un autel, institué un jour de fête, offert des sacrifices; le peuple s'était assis pour manger et pour boire et s'était levé pour se divertir (versets 4-6). Israël s'était corrompu et Dieu ne pouvait le rencontrer dans ce camp idolâtre.

En Exode 33, Moïse comprend ce qui convient à la sainteté de Dieu au milieu d'un tel mal et agit en se séparant du camp d'Israël. «Et Moïse prit une tente, et la tendit pour lui hors du camp, loin du camp, et il l'appela la tente d'assignation1; et il arriva que tous ceux qui cherchaient l'Éternel sortirent vers la tente d'assignation qui était hors du camp… Et il arriva que, comme Moïse entrait dans la tente, la colonne de nuée descendit, et se tint à l'entrée de la tente, et l'Éternel parla avec Moïse… Et l'Éternel parlait avec Moïse face à face, comme un homme parle avec son ami» (versets 7-11).

1 En anglais: tente de réunion ou tente de rendez-vous. (Note du traducteur.)

Nous avons ici un exemple de ce que signifie sortir hors du camp et nous comprenons qu'il est nécessaire d'agir ainsi si nous voulons avoir la présence du Seigneur avec nous au jour où dominent le mal et l'apostasie. L'Éternel était maintenant en dehors du camp d'Israël, de sorte que Moïse s'en est séparé et a dressé la tente en dehors du camp idolâtre. Remarquez qu'il n'est pas seulement sorti du camp, mais «loin du camp» et qu'il a appelé cette tente séparée «la tente d'assignation». Cette tente devint alors le centre de rassemblement pour tous ceux qui cherchaient l'Éternel; ils sortirent vers elle, en dehors du camp corrompu. Le Seigneur mit ensuite le sceau de son approbation sur l'action de Moïse et de quelques autres et sur ce nouveau lieu de rassemblement par la colonne de nuée (symbole visible de la présence de Dieu) qui descendit et se tint à l'entrée de la tente d'assignation, et par le fait qu'il parla avec Moïse face à face dans l'intimité d'un homme qui parle à son ami.

Tout le peuple dans le camp vit la colonne de nuée qui se tenait à l'entrée de la tente d'assignation et ils se levèrent pour adorer, chacun à l'entrée de sa tente, montrant qu'ils réalisaient que le Seigneur n'accordait plus sa présence au camp souillé par l'idolâtrie, et qu'il reconnaissait le nouveau lieu de rassemblement en dehors du camp. Et cependant il semblerait que la plus grande partie n'ait pas agi pour se séparer du camp souillé, car «ils se prosternèrent, chacun à l'entrée de sa tente» (verset 10) au lieu de sortir vers la tente d'assignation hors du camp. L'application de tout ceci à l'état présent de la chrétienté devrait être tout à fait claire pour une âme pieuse. En plus de l'exhortation directe en Hébreux 13:13 à sortir vers Christ hors du camp, nous avons l'affirmation de Romains 15:4 que «toutes les choses qui ont été écrites auparavant ont été écrites pour notre instruction», de telle sorte que nous savons que l'exemple de Moïse et des autres se séparant de l'idolâtrie et du mal qui était dans le camp d'Israël donne au croyant des directives à une époque où la chrétienté est en ruine.

La chrétienté est devenue un camp idolâtre comme le camp d'Israël. Christ a été mis de côté et l'idolâtrie est pratiquée dans une grande partie de l'Église qui se dit chrétienne. L'homme a travaillé avec son ciseau et s'est façonné ses propres dieux.

On a formé des systèmes religieux sans tenir compte de la pensée de Dieu concernant son Église telle qu'elle est révélée dans les Écritures; l'autorité de Christ et l'action souveraine du Saint Esprit ont été pratiquement mises de côté par les systèmes humains.

On peut trouver toutes les formes de mal doctrinal et moral dans la chrétienté qui est devenue une «Babylone» de confusion et de corruption. Apocalypse 18 nous donne un tableau prophétique de cette Babylone dans son état final, à l'apogée du développement du mal. Il nous parle du jugement que Dieu exécutera sur elle. Nous lisons: «Elle est tombée, elle est tombée, Babylone la grande! et elle est devenue la demeure de démons, et le repaire de tout esprit immonde, et le repaire de tout oiseau immonde et exécrable… Sortez du milieu d'elle, mon peuple, afin que vous ne participiez pas à ses péchés» (versets 2, 4).

Comme Moïse autrefois, nous devons sortir de ce camp idolâtre, nous en séparer en nous tenant loin de son mal et de sa corruption si nous voulons avoir l'approbation du Seigneur et jouir de sa présence avec nous.

Le camp du judaïsme

Maintenant, nous allons considérer le camp que les croyants hébreux sont appelés à quitter pour aller vers Jésus Christ qui a souffert hors de la porte, vrai sacrifice pour le péché (Hébreux 13:13). L'auteur inspiré montre que Christ est en dehors de ce camp religieux et apostat du judaïsme, c'est pourquoi ceux qui l'aiment ont à sortir «vers lui hors du camp, portant son opprobre».

C'était la troisième fois que la gloire de Dieu était en dehors d'Israël; d'abord, au désert, comme nous l'avons vu en Exode 33; ensuite à Jérusalem aux jours d'Ézéchiel (Ézéchiel 10:18, 19; 11:23); la troisième fois, à la croix où la gloire de Dieu a été manifestée à la foi dans la face de Christ. C'est pourquoi ceux qui veulent rechercher le Seigneur et éprouver sa présence doivent sortir vers lui à la place de rejet et d'opprobre où le monde religieux d'alors l'a mis en dehors de son camp.

Il peut être utile de rechercher quelle est la nature du camp du judaïsme en dehors duquel Christ a été rejeté. En Hébreux 9:1-10, nous avons la description de ce camp, dont voici les traits distinctifs:

  1. Il était marqué par un «sanctuaire terrestre», un sanctuaire de ce monde, avec un mobilier et des ustensiles majestueux (versets 1, 2).
  2. Dans ce sanctuaire terrestre, il y avait une partie intérieure connue sous le nom de «saint des saints», séparée du reste par un voile. Les sacrificateurs entraient dans la première partie du tabernacle pour accomplir le service de Dieu, mais dans «le saint des saints», seul le souverain sacrificateur pouvait entrer une fois par an avec du sang pour ses péchés et ceux du peuple (versets 3-7). Dieu était dedans et l'homme dehors.
  3. Ainsi il n'y avait pas de libre accès à Dieu dans ces ordonnances pour le culte, «l'Esprit Saint indiquant ceci: le chemin des lieux saints n'a pas encore été manifesté» (verset 8).
  4. Il y avait une sacrificature ordonnée, un ordre de sacrificateurs distinct du peuple, qui se consacraient au service du sanctuaire et officiaient entre le peuple et Dieu. Le peuple n'avait pas de part directe à ce service (verset 6).
  5. Ce sanctuaire terrestre avec ses sacrificateurs et ses sacrifices ne pouvait pas donner aux adorateurs une conscience purifiée ni rendre parfaits ou accomplis devant Dieu ceux qui s'approchaient (Hébreux 9:9; 10:1-3).
  6. C'était un culte ordonné de Dieu pour la nation d'Israël dans la chair et il comprenait comme adorateurs toute la nation dans le camp. C'était ainsi une compagnie mélangée de croyants et d'incrédules (Hébreux 4:2; 1 Corinthiens 10:5).
  7. C'était une religion terrestre, établie sur la terre et adaptée à l'homme dans la chair, à laquelle aucune pensée d'opprobre n'était rattachée (Galates 5:11; 6:12, 13).

Ce qui précède est un aperçu rapide des traits caractéristiques du camp du judaïsme, que nous demanderons au lecteur de garder à l'esprit, car nous y ferons tout à l'heure allusion quand nous considérerons le contraste présenté par ce qui est la part et la position chrétiennes d'un côté, et de l'autre les traits communs au camp actuel de la chrétienté et au judaïsme.

Dieu a envoyé son Fils, le Messie promis, dans ce camp du judaïsme, mais il a été rejeté et mis à mort en dehors des portes de sa capitale, Jérusalem. La croix de Christ a mis un terme au système religieux de ce camp avec ses types et ses ombres; elle a introduit la nouvelle alliance de la grâce et une rédemption parfaite en Christ. Cependant Dieu a supporté cette nation jusqu'à ce qu'Etienne soit lapidé. À ce moment-là, Israël a été entièrement mis de côté comme nation et le camp du judaïsme entièrement renié par Dieu.

Mais de vrais croyants en Christ restaient encore attachés au judaïsme et des croyants hébreux étaient en danger d'abandonner la profession chrétienne pour revenir dans le camp. C'est pourquoi l'épître aux Hébreux a été écrite, quelque trente ans après la croix, leur montrant la plénitude des bénédictions qu'ils avaient en Christ et en son œuvre, et les exhortant à sortir vers Christ hors du camp apostat du judaïsme maintenant rejeté. C'est là la véritable place de l'Église, car le vin nouveau du christianisme ne peut pas être mis dans les vieilles outres du système légal du camp (Luc 5:37, 38). On ne peut pas suivre Christ ni l'adorer là où il est rejeté.

Le contraste du christianisme

Sur le fondement du seul sacrifice de Christ sur la croix, sacrifice expiatoire parfait et définitif, Dieu a formé l'Église, le jour de la Pentecôte, par la descente et le baptême du Saint Esprit, et il a instauré le christianisme dans son caractère céleste comme quelque chose qui lui appartenait et en quoi il prenait plaisir. Avec ses véritables caractères tels qu'ils sont donnés dans les Écritures, le christianisme céleste offre des traits exactement opposés à ceux que nous avons notés dans le camp du judaïsme. Nous donnons brièvement ci-après les différences; le lecteur peut comparer avec la liste des points spécifiques du judaïsme, pareillement numérotée, qu'il a trouvée aux pages précédentes:

1. Le sanctuaire chrétien est dans le ciel et non pas sur la terre. Christ est entré dans le ciel même et il paraît dans la présence de Dieu pour nous, comme ministre des lieux saints et du vrai tabernacle (Hébreux 8:2; 9:24).

2. Le voile à l'entrée du lieu très saint est déchiré et nous avons une pleine liberté pour entrer dans le lieu très saint par le sang de Jésus, par le chemin nouveau et vivant, à travers le voile déchiré (Hébreux 10:19, 20).

Dieu est venu vers l'homme dans la personne de Christ, et Christ est entré auprès de Dieu pour le croyant et a ouvert le chemin pour que nous puissions entrer dans le lieu très saint. Tout chrétien a sa place au-dedans du voile, dans le sanctuaire céleste.

3. Il y a ainsi un plein accès à Dieu. «Par lui nous avons, les uns et les autres (Juifs et Gentils) accès auprès du Père par un seul Esprit» (Éphésiens 2:18).

4. Tout croyant en Christ est saint, sacrificateur royal et il a le privilège d'offrir des sacrifices spirituels à Dieu. Il n'y a pas, dans le christianisme du Nouveau Testament, de classe spéciale de sacrificateurs distincte du peuple (1 Pierre 2:5, 9).

5. Par le seul sacrifice parfait et définitif de Christ, les croyants ont la conscience purifiée, ils sont sanctifiés et rendus parfaits à perpétuité devant Dieu, et ils sont assurés que Dieu ne se souviendra plus jamais de leurs péchés ni de leurs iniquités (Hébreux 9:14; 10:10, 14-17).

6. L'Église de Christ est composée d'un peuple qui a un lien vital avec Dieu par la nouvelle naissance, à l'exclusion de ceux qui n'ont qu'un lien extérieur avec Dieu par la naissance naturelle, comme c'était le cas en Israël. Seuls ceux qui sont «nés de nouveau» font partie de l'Église et peuvent adorer Dieu «en esprit et en vérité» (Jean 3:3; 4:24). Il n'y a pas de mélange — sauvés et non sauvés dans le culte de la vraie Église.

7. Le christianisme est absolument, formellement céleste. «Notre bourgeoisie est dans les cieux» (Philippiens 3:20). Il ne convient donc pas à l'homme dans la chair, il est au contraire un scandale pour un homme naturel. Ainsi l'opprobre de la croix et le rejet de Christ sont liés au vrai culte chrétien. «Tous ceux qui veulent avoir une belle apparence dans la chair, ceux-là vous contraignent à être circoncis (le judaïsme); seulement afin qu'ils ne soient pas persécutés à cause de la croix de Christ» (Galates 6:12).

Voilà quelques-uns des traits spécifiques du christianisme du Nouveau Testament, en contraste avec le camp du judaïsme. Ainsi, le vrai christianisme n'est pas un camp religieux sur la terre, mais une compagnie de croyants appelée hors du monde, unie à Christ, sa tête glorifiée dans le ciel. C'est vers lui que les croyants sont appelés à sortir hors du camp de la religion terrestre.

Le camp de la chrétienté

Nous avons noté les caractères et la position du vrai christianisme; une étude du Nouveau Testament les montrera manifestés dans l'Église au temps des apôtres. Mais un coup d'œil sur l'histoire de la chrétienté depuis lors et sur sa condition actuelle révèle le triste fait qu'elle a bien vite perdu son caractère céleste et les traits distinctifs de la vraie position chrétienne.

Ce qui portait le nom de christianisme et l'Église, qu'on peut appeler «la chrétienté», se sont bientôt installés sur la terre et sont devenus un amalgame de judaïsme et de christianisme. L'Église s'est rapidement judaïsée; les principes du judaïsme, religion adaptée à l'homme dans la chair, ont été adoptés, mélangés avec un peu de la vérité du christianisme. La chrétienté est donc vite devenue un camp religieux sur la terre, semblable au camp idolâtre d'Israël à l'époque de Moïse et au camp apostat du judaïsme.

Le camp hors duquel les croyants d'aujourd'hui sont appelés à sortir, c'est la chrétienté où les hommes ont réintroduit des éléments juifs sous le couvert de la grâce. Tout système dans lequel l'autorité de l'homme est établie et se substitue en pratique à l'autorité de Christ (ce qui est le cas partout où le «clergé» est reconnu comme distinct des «laïques») est un camp dont il faut se séparer.

Quant à ce qui constitue le camp, on a dit justement: «C'est tout lieu où Christ est reconnu comme Souverain de nom mais pas en réalité. Peu m'importe que l'autorité soit plus ou moins ancienne… Partout où il y a une organisation humaine qui prend la place de Christ, qui n'est pas selon la parole de Dieu telle qu'elle nous est donnée dans le Nouveau Testament, et surtout, partout où Christ n'est pas directement et immédiatement reconnu comme ayant l'autorité absolue par sa Parole et par son Esprit — là vous trouvez le camp» (S. Ridout).

Nous espérons que ces remarques aideront nos lecteurs à discerner ce qu'est le camp de nos jours, et leur permettront de mieux comprendre le verset d'Hébreux 13:13: «Ainsi donc, sortons vers lui hors du camp, portant son opprobre». Et que chacun de ceux qui le comprennent puisse recevoir du Saint Esprit l'énergie pour obéir à cette injonction divine! Ce n'est que là, dans la séparation de tout ce qui prend la place de Christ et le déshonore, qu'on peut goûter sa douce présence et connaître réellement l'adoration en esprit et en vérité. Cette position en dehors du camp, auprès d'un Christ ici-bas rejeté, correspond à notre part céleste avec lui là-haut. Pour pouvoir réellement entrer au-dedans du voile comme adorateurs, nous devons sortir hors du camp avec Christ, ici sur la terre. C'est un grand principe que le croyant pieux doit suivre au jour de ruine et de désordre de l'Église.

Sortons vers Christ

Nous aimerions souligner que le fait de sortir vers Christ est le côté positif de cette séparation du camp et c'est ce qui devrait être le vrai motif et le vrai but d'une rupture avec le camp. Il n'y a que cela qui peut soutenir le croyant dans les épreuves et les peines de ce chemin négatif de séparation. Christ dans toutes ses beautés, ses gloires, lui qui suffit à tout, doit être l'objet du cœur, celui que l'âme désire et pour qui elle se sépare. C'est la raison pour laquelle l'auteur de l'épître aux Hébreux présente à travers toute l'épître les gloires de Christ, sa personne et son œuvre pleinement suffisantes, et appelle ensuite les croyants, dans le dernier chapitre, à se séparer du camp du judaïsme.

L'âme doit languir après Christ, désirer marcher avec lui, être sous sa direction et sous le contrôle du Saint Esprit. Se séparer pour quelque autre motif que ce soit n'est pas à la hauteur de ce que signifie: sortir vers Christ hors du camp. Si quelqu'un se sépare d'un système religieux seulement à cause du mal qui s'y trouve, il est exposé à établir un autre système, ou en intégrer un autre qui a plus de vérité et de sainteté, mais qui est toujours un système où Christ n'est pas le seul centre de rassemblement et où on ne lui accorde pas la place suprême d'autorité par la libre action du Saint Esprit. Une telle personne fait toujours partie du camp de la chrétienté, même si elle se trouve à la limite extrême de ce camp. Comme Moïse, nous devons dresser notre tente «hors du camp, loin du camp» (Exode 33:7), et nous devons nous rassembler uniquement autour de Christ. Que le lecteur et l'auteur puissent mieux connaître ce lieu béni avec Christ hors du camp!

Extrait de: L'Église, l'Assemblée du Dieu vivant