Chantez ses louanges sur le luth à dix cordes

Jean Kœchlin

Psaume 33:2

Le croyant d'aujourd'hui a pour adorer son Dieu des thèmes de louange que ni le tambourin de Marie, ni la harpe de David ne pouvaient accompagner. Notre cœur, dans la mesure où il est un docile instrument du Saint Esprit, est appelé à composer à la gloire du Père et du Fils une hymne aux multiples strophes, et il dispose pour cela d'un registre d'une exceptionnelle étendue. Le culte chrétien embrasse une hauteur et une variété de sujets qui surpasse et surpassera toujours de beaucoup la louange rendue par toute autre catégorie de créatures.

Il ne saurait être question de faire un inventaire de ce qui est divin — et par conséquent infini. Nous ne ferons que suggérer quelques-uns de ces sujets qui nous conduiront à apporter au Père et au Fils une adoration plus complète et plus intelligente, c'est-à-dire plus conforme à notre vocation.

Trois psaumes font allusion au «luth à dix cordes», instrument sur lequel le croyant du temps des psaumes était invité à célébrer son Dieu (Psaumes 33:2; 92:3; 144:9). Nous nous aiderons de cette image pour considérer combien riche est ce que nous appellerions volontiers «notre répertoire». En élargissant notre vision spirituelle, nous trouverons toujours de nouveaux motifs pour louer le Père et le Fils sous la direction du Saint Esprit. Parmi ces thèmes, envisageons comme autant de cordes: ce que Christ a fait et est pour nous, ce qu'il a fait et ce qu'il est pour le Père; ce que le Père a fait et est pour le Fils; ce que le Père est pour nous et ce que nous sommes pour lui; ce qu'il fait pour nous, et enfin ce que nous sommes pour Christ.

1) Ce que Christ a fait pour nous

Nous pouvons considérer ce thème comme la première note jouée sur l'instrument à dix cordes, celle qui donne le ton au cantique de la délivrance. C'est celle que fait retentir le peuple qui vient d'être l'objet d'une délivrance à la fois de dessous le juste jugement de Dieu (Exode 12) et de dessous le joug de fer du Pharaon (14). «Je chanterai à l'Éternel… il a été mon salut» (15:1, 2).

Il est normal que l'œuvre de Jésus en notre faveur inspire les premiers accents de nos actions de grâces. Il nous a aimés et s'est livré lui-même pour nous; il a vaincu nos ennemis: Satan et la mort; il nous a lavés de nos péchés dans son sang; il nous a introduits dans une sphère de bénédictions que nous n'aurons jamais fini d'explorer. «Lève-toi, et promène-toi dans le pays en long et en large, car je te le donnerai», disait l'Éternel à Abram (Genèse 13:17).

A cette œuvre initiale s'ajoutent toutes les grâces expérimentées dans notre vie chrétienne et qui constituent comme la provision inépuisable destinée à alimenter la louange éternelle. «Car de sa plénitude, nous tous nous avons reçu et grâce sur grâce» (Jean 1:16).

2) Ce que Christ est pour nous

La vibration d'une seule corde, de même que la frappe répétée d'un tambourin, permet de soutenir un rythme mais ne suffit pas pour composer et jouer une mélodie. Exprimer, même collectivement, la joie du salut n'est pas à proprement parler l'adoration chrétienne, quoique parfois nous nous en contentions. L'écrivain habile du psaume 45 disait ce qu'il avait composé «au sujet du roi». L'Esprit veut nous occuper du «Bien-aimé» et une autre corde doit vibrer pour le chanter. Qu'est-il pour moi, celui qui est l'auteur de mon salut? Mon Sauveur, oui, mais aussi mon Seigneur, ma présente raison de vivre et ma bienheureuse espérance. Il est aussi celui qui fait face à mes besoins terrestres, l'ami fidèle et le tendre berger, l'intercesseur, l'avocat auprès du Père et l'inimitable modèle.

Plus élevée et plus rare aussi est la louange dans laquelle il n'est plus question de nous, mais de

3) Ce que Christ a fait pour Dieu

Lui-même pouvait dire: «Je fais toujours les choses qui lui plaisent»; «Selon que le Père m'a commandé, ainsi je fais»; «Père,… je t'ai glorifié sur la terre, j'ai achevé l'œuvre que tu m'as donnée à faire» (Jean 8:29; 14:31; 17:4). Dieu est redevable à Jésus d'avoir au prix de sa vie visité l'humanité coupable, d'avoir toujours et partout revendiqué sa gloire, concilié les exigences de sa sainteté et celles de son amour. Il a réglé la question du péché, rassemblé une famille céleste et rétabli ses droits sur Israël. Il a enfin ouvert la voie à la bénédiction milléniale, qui se déploiera quand la création aura été affranchie du joug de la corruption. Artisan et restaurateur de cette création, Christ est aussi l'auteur et le chef de la nouvelle création, à jamais fondée sur l'œuvre de la croix.

4) Ce que Christ est pour Dieu

Nous sommes ici devant un infini dont nous ne percevons que quelques mystérieux et admirables rayons, car «personne ne connaît le Fils, si ce n'est le Père» (Matthieu 11:27). Écoutons la déclaration de Dieu: «Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui j'ai trouvé mon plaisir» (Matthieu 3:17), comme aussi la déclaration de Jésus conscient de cet amour et de cette approbation: «J'étais ses délices tous les jours»; «Le Père aime le Fils»; «le Père m'aime» (Proverbes 8:30; Jean 3:35; 10:17). En lui s'est vérifié le proverbe: «Le père du juste aura beaucoup de joie, et celui qui a engendré le sage, se réjouira en lui» (Proverbes 23:24). Jésus a été dans sa vie la parfaite offrande de gâteau et dans sa mort le saint holocauste, nourriture exclusive de l'Éternel et parfum réservé. Resplendissement de la gloire de Dieu et empreinte de sa substance, il est aussi sa Parole, son Agneau, son Roi qu'il a oint sur Sion, son compagnon, sa puissance, sa sagesse (Hébreux 1:3; Jean 1; Psaumes 2:6; Zacharie 13:7; 1 Corinthiens 1:24). Il est sa gloire.

5) Ce que Dieu a fait pour Christ

«Si Dieu est glorifié en lui, Dieu aussi le glorifiera en lui-même» — annonçait Jésus à ses disciples (Jean 13:32).

Ceci nous conduit à la réponse que Dieu a donnée à l'œuvre de son Bien-aimé, et introduit un nouveau sujet de reconnaissance et d'adoration pour les saints. Jésus, qui durant sa vie pouvait affirmer: «Père… je savais que tu m'entends toujours» (Jean 11:42), a été exaucé à cause de sa piété. Celui qui avait le pouvoir de le sauver de la mort l'a délivré d'entre les cornes des buffles. Dieu n'a pas permis que son Saint voie la corruption. Il l'a ressuscité selon l'opération de la puissance de sa force, exalté, fait et Seigneur et Christ. Il l'a fait asseoir à sa droite, il lui a donné un nom au-dessus de tout nom. Il lui a donné l'Église. Et il exigera bientôt que lui soit rendu, de gré ou de force, l'hommage universel (Hébreux 5; Actes des Apôtres 2; Philippiens 2).

6) Ce que Dieu est pour Christ

Ce sujet ne mériterait-il pas aussi d'éveiller dans nos cœurs le plus profond intérêt? Si nous aimons le Seigneur Jésus, aucune de ses sources de joie ne peut nous être indifférente. Et la plus haute, la plus constante des joies du Fils, c'est bien le Père. «Si vous m'aviez aimé — dit Jésus à ses disciples —, vous vous seriez réjouis de ce que je m'en vais au Père» (Jean 14:28). Nous sommes de ceux à qui le Fils veut révéler le Père (Matthieu 11:27) et tout ce que contient pour lui ce précieux nom. Mais Christ nous fait aussi connaître son Dieu: l'objet de sa confiance incessante depuis le sein de sa mère jusques et y compris dans les heures de l'abandon (Psaumes 22). Il l'appelle «ma Force», preuve que pour Jésus le secours n'était ni dans les hommes ni dans les circonstances, mais en Dieu seul. «Tu es le Seigneur», dit-il au psaume 16, reconnaissant les droits exclusifs et la souveraineté de Dieu. Plus loin encore: «Je bénirai l'Éternel qui me donne conseil… Je me suis toujours proposé l'Éternel devant moi» (versets 7, 8). Pour cet homme parfait, Dieu était sa seule sagesse, son but invariable, sa grande et constante pensée. Quel modèle nous trouvons en Jésus!

7) Ce que Dieu est pour nous

Ce que Dieu est pour nous découle de ce qu'il est pour Jésus. Comme conséquence de l'œuvre de la croix, le Dieu et Père de notre Seigneur Jésus Christ devient notre Dieu et notre Père. Nous sommes introduits dans la même position et dans la même relation que lui avec son Dieu et Père, de qui nous dépendons, qui répond à nos prières et que nous sommes appelés à servir. Et que de beaux noms lui sont attribués dans les épîtres, noms sous lesquels nous le connaissons désormais: Le Dieu Sauveur (Jude 25), le Dieu de patience, d'espérance, de paix (Romains 15:5, 13; 16:20), le Dieu de toute grâce (1 Pierre 5:10), le Père des miséricordes et le Dieu de toute consolation (2 Corinthiens 1:3), le Père des lumières (Jacques 1:17), le Dieu bienheureux (1 Timothée 6:15), le Dieu qui seul est sage (Romains 16:27). Si un tel Dieu est mon Père — et il l'est — de quoi pourrai-je manquer? S'il est pour moi, qui sera contre moi?

8) Ce que nous sommes pour Dieu

Certes nous sommes d'abord ses créatures, objets de sa bonté, mais surtout ses créatures rachetées, objets de sa grâce. Jacques nous désigne comme «une sorte de prémices de ses créatures» (1:18); Paul nous rappelle que nous sommes de «bien-aimés enfants» (Éphésiens 5:1); Pierre nous distingue comme «une race élue, une sacrificature royale, une nation sainte, un peuple acquis» (1 Pierre 2:9) et Jean comme des rois et des sacrificateurs pour son Dieu et Père (Apocalypse 1:6). Le Seigneur Jésus, enfin, nous qualifie comme de vrais adorateurs mis à part pour adorer le Père en esprit et en vérité (Jean 4:23). Rendus agréables dans le Bien-aimé, nous sommes pour le cœur de Dieu les compagnons et les cohéritiers de son Fils, le précieux dépôt que celui-ci lui a confié en quittant ce monde (Jean 17:11). Pourrait-il avoir honte de ces êtres qui lui doivent tous leurs inestimables privilèges? Ce serait renier la parfaite et éternelle suffisance de l'œuvre de son Fils.

9) Ce que Dieu fait pour nous

La relation que nous avons maintenant avec Dieu a pour conséquence tout ce que nous recevons de lui. «Celui même qui n'a pas épargné son propre Fils, mais qui l'a livré pour nous tous, comment ne nous fera-t-il pas don aussi, librement, de toutes choses avec lui» (Romains 8:32)? «Toutes choses» qui, sans avoir place dans un culte (lequel est une adoration collective), constituent pour le croyant autant d'occasions de rendre grâces à son Dieu. Connaître le Donateur à travers ses dons, comme à travers son Don suprême, est une source de louange qui ne tarira jamais. Mais le temps présent, qui est celui des besoins, est de ce fait même celui des ressources. L'expérience que nous en faisons se limite à la terre. Et les actions de grâces auxquelles donnent occasion ces réponses du Père auront leur prolongement dans l'éternité bienheureuse. Même les épreuves seront alors trouvées «tourner à louange, et à gloire et à honneur, dans la révélation de Jésus Christ» (1 Pierre 1:7).

10) Ce que nous sommes pour Christ

Voilà encore une corde sensible qui nous occupera en fait toujours moins de nous et toujours plus de lui.

«Je suis à mon bien-aimé, et son désir se porte vers moi», réalise l'épouse du Cantique des Cantiques (7:10). On a pu dire que c'était la note la plus haute de toute cette hymne d'amour. L'adoration a vraiment atteint sinon sa pleine capacité du moins déjà son ultime dimension. Jouir de l'amour du Seigneur, c'est l'aimer en retour. En se désignant comme «le disciple que Jésus aimait», Jean magnifie l'amour de Christ et y répond. Que sommes-nous pour lui, bien-aimés? Ceux que le Père lui a donnés, ceux pour lesquels il s'est livré lui-même, ses disciples, ses amis, ses témoins et ses ambassadeurs dans le monde, ceux qui se souviennent de lui et qui l'attendent. «En eux sont toutes mes délices», dit-il en parlant de ceux qui sont appelés «les saints et les excellents qui sont sur la terre» (verset 3). Par dessus tout, ses rachetés constituent ensemble son Épouse pour partager à la fois son trône et les secrets de son cœur; rien de moins que le fruit triomphal du travail de son âme, les gerbes mûres remplissant les bras de celui qui a semé avec larmes mais qui moissonne avec chants de joie (Psaumes 126:6).

La moisson déjà se déploie

Devant tes yeux, divin Semeur;

Tu reviendras, chantant de joie,

Serrant tes gerbes sur ton cœur.

 

Alors tu paraîtras en gloire

Entouré de tes rachetés,

Tous ces fruits mûrs de ta victoire,

Rassemblés pour l'éternité.