Le livre de Daniel (suite)

F.B. Hole

Chapitre 5

La période de la suprématie de Babylone fut relativement courte, et la «tête d'or» dut faire place à la «poitrine» et aux «bras d'argent». Les premiers versets du chapitre 5 nous transportent aux dernières heures de cette période. La grande cité était toujours caractérisée par ses richesses somptueuses et ses scènes de volupté.

Il y a des années, des savants ont prétendu que le livre de Daniel était en grande partie légendaire, et qu'il avait été écrit plusieurs siècles après les événements qu'il relate. Comme ils ne trouvaient aucune allusion à ce roi dans les textes profanes existant alors, ils ont considéré Belshatsar comme un personnage imaginaire. Plus tard, cependant, son nom apparut sur une tablette d'argile qui avait été exhumée, si bien que cette affirmation, comme beaucoup d'autres produits de leur incrédulité, fut invalidée par les fouilles des archéologues. On a de bonnes raisons de penser que, selon une coutume ancienne, Belshatsar était associé à son père dans l'exercice de la royauté, et que, ce dernier étant alors absent, Belshatsar était pratiquement roi à Babylone au moment où la ville tomba devant la puissance croissante des Mèdes et des Perses.1

1 Jérémie avait annoncé que trois générations se succéderaient sur le trône de Babylone: Nebucadnetsar, «lui, et son fils et le fils de son fils» (Jérémie 27:7). Le nom du roi de la seconde génération – Évil-Merodac – et la date de son accession au trône sont indiqués en 2 Rois 25:27.

Quelque durable qu'ait pu être sur Nebucadnetsar l'effet des voies de Dieu à son égard, ses successeurs déployèrent toute l'arrogante splendeur des premières années de son règne. Le nom de Belshatsar commençait par celui du dieu de Babylone: «Bel». Le festin somptueux offert à mille de ses «grands», avec ses femmes et ses concubines, était typiquement païen. Échauffé par le vin, le roi fit apporter les vases d'or qui avaient été tirés du temple de Jérusalem des années auparavant, afin de se moquer publiquement de l'Éternel et de rendre hommage à des dieux de métal, de bois et de pierre. Il lançait délibérément un défi à Dieu.

Et Dieu le releva. Ce récit met en évidence une manière de faire constante de Dieu. Il n'agit en jugement que lorsque le mal est pleinement manifesté. Il en fut ainsi avec les Amoréens, comme le montre Genèse 15:16, de même qu'avec les rois et les habitants de Jérusalem, comme en témoigne 2 Chroniques 36:11-20. Il en sera encore de même dans la triste histoire de la chrétienté, comme cela est prédit en Apocalypse 17 et 18.

C'est ce que nous voyons dans cette grande salle de festin de Babylone. Nous avons ici une scène des plus dramatiques. Aucune légion d'anges n'apparaît, aucune manifestation visible de la puissance divine, rien que les doigts d'une main d'homme écrivant quatre mots sur le «plâtre de la muraille», «vis-à-vis du chandelier», à l'endroit le plus visible. Alors, le roi orgueilleux n'est plus qu'un pauvre mortel tremblant, et ses «grands» sont bouleversés.

En méditant sur cette scène, nos pensées se tournent dans deux directions différentes. D'abord vers le passé, au temps de l'Exode, lorsque fut donnée la loi, écrite «du doigt de Dieu» sur des tables de pierre. La pierre était le matériau qui convenait: elle ne peut être ni tordue ni faussée, bien qu'on puisse la casser. Là le doigt de Dieu est en rapport avec ce qui est exigé d'hommes coupables. Puis nos pensées se portent sur Jean 8, où une femme adultère fut amenée devant le Seigneur Jésus par des scribes et des pharisiens remplis d'eux-mêmes. Ils voulaient que le Seigneur la condamne; mais il n'en fit rien. Pourquoi? Eh bien! il en indique la raison en se baissant pour écrire sur la terre, et cela à deux reprises, comme pour insister. Il se baisse pour écrire dans la poussière du temple, comme il s'est abaissé, du haut de sa gloire, «dans la poussière de la mort» (Psaumes 22:15), afin que la justice de Dieu soit sauvegardée et son amour pleinement exprimé. Nous n'avons donc pas ici le doigt qui exige, mais plutôt, si l'on peut dire, le doigt de la grâce.

Ici, dans le livre de Daniel, nous retrouvons «le doigt de Dieu», et nous découvrons qu'il est le doigt du jugement. Dieu manifeste sa présence, et Belshatsar est terrorisé. Quand l'heure finale du jugement sonnera, et que «les morts, les grands et les petits» se tiendront devant Dieu (Apocalypse 20:12), quels sentiments les étreindront! «C'est une chose terrible que de tomber entre les mains du Dieu vivant!» (Hébreux 10:31).

Une fois de plus, les sages de Babylone sont convoqués, ce qui ne sert qu'à mettre de nouveau en évidence leur incompétence et leur ignorance. Pourtant ces quatre mots n'avaient rien d'extraordinaire. Ce n'étaient pas des mots empruntés à quelque langue barbare inconnue, mais les mots de Dieu sont totalement incompréhensibles aux serviteurs du monde et de ses faux dieux. Ce qu'énonce l'apôtre Paul en 1 Corinthiens 2:14 trouve ici une illustration éclatante: les «hommes naturels» ne peuvent comprendre ce que Dieu a écrit.

Dans la salle du festin, tous sont maintenant bouleversés. Belshatsar, tout à l'heure moqueur impie, est maintenant atterré, et tous les invités ont échangé leur gaieté contre l'angoisse. Au milieu de cette confusion générale survient «la reine» (verset 10). Celle-ci était vraisemblablement la reine-mère2. Elle gardait un souvenir assez clair des voies de Dieu envers Nebucadnetsar, ainsi que de Daniel et de l'intelligence dont Dieu l'avait doué.

2 La mère ou la grand-mère de Belshatsar.

Nous constatons ici que, des années s'étant écoulées, Daniel n'était plus du tout l'objet de l'attention publique. A la cour, son nom était à ce point inconnu que la reine dut faire une description détaillée de sa personne et de ses dons — qu'elle continue à appeler «la sagesse des dieux». Ainsi, Daniel est tiré de son obscurité et amené devant le roi. Celui-ci lui promet de grands honneurs s'il est capable d'interpréter les mots mystérieux. La raison pour laquelle lui est promise la troisième place dans le royaume est probablement que Belshatsar lui-même n'était que le second, le premier étant son père, alors absent.

La réponse de Daniel, au verset 17, est frappante. Précédemment, comme nous l'avons vu à la fin du chapitre 2, Daniel avait accepté les honneurs qui lui étaient offerts; mais maintenant il les dédaigne. La signification des quatre mots écrits sur la paroi l'avait évidemment déjà atteint au plus profond de son cœur. Il savait que Belshatsar était rejeté de Dieu, et que son royaume allait s'effondrer. Les honneurs qui lui étaient offerts n'avaient aucune valeur.

Cependant, avant de livrer à Belshatsar l'interprétation des quatre mots, Dieu prononça, par la bouche de Daniel, un réquisitoire très précis contre l'empire babylonien, représenté ici dans la personne de son chef. Daniel rappela au roi comment Dieu avait agi envers Nebucadnetsar pour l'humilier. Belshatsar en avait eu connaissance, mais n'en avait pas tenu compte. Il s'était élevé d'une manière encore plus flagrante contre le Seigneur des cieux: il avait fait apporter les vases d'or qui avaient été dans le temple où Dieu avait jadis manifesté sa présence, se glorifiant ainsi aux dépens de Dieu et louant les puissances démoniaques représentées par les idoles. C'en était trop, et la première des «ruines» annoncées en Ézéchiel 21:32 était imminente.

Ce qui était écrit sur la muraille était un avertissement, bien qu'il ne reste que quelques heures jusqu'à l'exécution du jugement. Le mot «Compté» était écrit deux fois, comme pour insister sur ce point: le Dieu qui peut compter les étoiles aussi bien que les cheveux d'un homme, avait observé et compté les péchés d'orgueil de l'empire babylonien. Le mot «Pesé» montrait que Belshatsar lui-même avait été éprouvé et condamné. Quant au mot «Divisé», il annonçait la chute immédiate de l'empire.

L'avertissement ne produisit aucun changement chez Belshatsar. En effet, comme si son royaume avait dû continuer d'exister, il conféra des honneurs à Daniel malgré ses objections. Celui-ci n'en fut revêtu que pendant quelques courtes heures, car cette nuit-là, le jugement annoncé tomba. Darius, le Mède, prit la ville et le royaume, et Belshatsar fut tué.

Telle fut la fin du premier grand empire du temps des nations. Cela nous donne un exemple de la manière dont Dieu a renversé ceux qui suivirent. Le quatrième — l'empire romain — doit pourtant revivre. Les pays qui le composent seront réunis de nouveau, avant sa destruction totale et définitive lors de l'apparition personnelle du Seigneur Jésus, car c'est sous l'empire romain que le Seigneur fut couvert d'opprobre et crucifié. Alors les grands empires des hommes seront tous ensemble anéantis, emportés «comme la balle de l'aire d'été».

À suivre