J'ai compris leur fin (Psaume 73)

A. Apicella

Les épreuves peuvent ébranler la foi de certains. Comme Asaph qui disait: «C'est en vain que j'ai purifié mon cœur», on pourrait se demander: vaut-il la peine de vivre en chrétien, du moment que les tragédies, les deuils, les malheurs de tous les autres hommes nous touchent aussi?

Le Psaume 73 peut être appelé le psaume de l'envie. On y voit Asaph «porter envie aux arrogants». Au début nous est déjà donnée, comme souvent dans les psaumes, la conclusion à laquelle le psalmiste est arrivé après les expériences décrites.

Cette conclusion est une merveilleuse certitude: «Certainement Dieu est bon envers… ceux qui sont purs de cœur» (verset 1).

Jusqu'au verset 18 transparaît le découragement du psalmiste. Ce fut une triste expérience que beaucoup d'entre nous ont vécue. Si Dieu est toujours prêt à soutenir les siens dans les moments difficiles (ses bras éternels sont au-dessous de nous, Deutéronome 33:27), de notre côté rappelons-nous de ne jamais mettre les difficultés entre nous et le Seigneur, mais de le mettre, lui, entre nous et nos difficultés.

Il fut un temps ou Asaph chantait durant la nuit (Psaumes 77:6). Puis, quand il se mit à raisonner sur l'état du monde et à vouloir trouver des solutions aux problèmes avec sa logique humaine, il fut saisi par le découragement et le doute.

Comme nous aujourd'hui, il assistait avec étonnement à la prospérité des méchants. Les orgueilleux, les violents, les injustes, avaient du succès dans le monde, s'enrichissaient et étaient puissants (versets 4-10). Et lui, homme de Dieu, «était battu tout le jour»; son châtiment (ou son tourment) revenait chaque matin (verset 14).

Aujourd'hui aussi des gens disent: comment est-il possible que Dieu voie tout? Et s'il voit, pourquoi n'intervient-il pas? Le croyant pourrait en conclure lui aussi: il est donc inutile de servir Dieu, d'être honnête et sérieux. On ne peut qu'y perdre…

Asaph a failli glisser (verset 2) parce qu'il suivait ses propres pensées. Derrière toute chute il y a toujours une pensée qui ne correspond pas à celle de Dieu. Dieu nous a donné la pensée de Christ (1 Corinthiens 2:16) et nous ne pouvons nous trouver en harmonie avec lui si nous avons les pensées du monde.

Asaph n'est pas tombé, mais c'est grâce à la miséricorde de l'Éternel. «Si j'ai dit: Mon pied glisse, ta bonté, ô Éternel! m'a soutenu. Dans la multitude des pensées qui étaient au-dedans de moi, tes consolations ont fait les délices de mon âme» (Psaumes 94:18, 19).

Si nous raisonnons en voulant appliquer aux événements notre logique humaine, des «mystères» subsisteront aussi pour nous dans les voies de Dieu. «Ce fut un travail pénible», disait Asaph, quand il chercha à «méditer pour connaître cela» (verset 16).

Pourquoi Dieu ne juge-t-il pas le mal? Pourquoi tolère-t-il tant d'offenses de la part des méchants? Pourquoi n'intervient-il pas en faveur des siens opprimés et maltraités? Pourquoi permet-il tant de souffrances également parmi les croyants?

Certes nous ne sommes pas encore dans le règne millénaire, où le mal sera jugé chaque matin. Salomon fait remarquer que «la sentence contre les mauvaises œuvres ne s'exécute pas immédiatement» (Ecclésiaste 8:11). Si notre esprit ne peut comprendre la façon d'agir de Dieu, notre foi peut trouver de bonnes raisons à tout ce qu'il fait. Asaph entra dans le sanctuaire (verset 17), c'est-à-dire qu'il retrouva la communion avec Dieu et que ses pensées furent renouvelées à sa lumière. Nous devons agir de même.

«Soyez transformés — écrivait Paul aux Romains — par le renouvellement de votre entendement» (12:2).

Et les Éphésiens, qui avaient appris «à être renouvelés dans l'esprit de leur entendement», étaient exhortés à ne plus se conduire «comme le reste des nations… dans la vanité de leurs pensées» (Éphésiens 4:17-23). Ainsi, en communion avec le Seigneur, nous comprenons sa grâce. Si nous raisonnons en termes de justice, ce que fait Dieu est incompréhensible; mais quand nous pénétrons dans le domaine de la grâce, tout s'éclaire. Dieu est patient à l'égard des pécheurs. Il ne veut pas qu'aucun périsse, mais que tous viennent à la repentance (2 Pierre 3:9).

Déjà dans les jours de Noé, la patience de Dieu attendait (1 Pierre 3:20). Tout le temps de l'histoire de l'homme sur la terre a été le temps de la patience de Dieu (Romains 3:25). Dieu a «passé par-dessus les temps de l'ignorance», comme dit Paul aux philosophes d'Athènes. Si nous comprenons cela, nous saurons aussi remercier Dieu pour sa patience et mettre en pratique les paroles qu'Elihu adressait à Job: «ne soupire pas après la nuit qui enlèvera les peuples de leur place» (36:20). Ne désirons pas le châtiment de Dieu sur les pécheurs; travaillons plutôt, animés par un esprit de grâce, à leur salut.

Quand il était au comble du découragement, Asaph eut le bon sens de ne pas «parler» de ses idées et de ne pas divulguer ses pensées confuses (verset 15). S'il l'avait fait, il aurait été infidèle à son Dieu. C'est un grand enseignement pour nous: apprenons à ne pas dire tout ce qui nous vient à l'esprit, mais seulement les choses qui édifient et qui reçoivent le sceau de l'approbation du Seigneur: «qu'aucune parole déshonnête ne sorte de votre bouche, mais celle-là qui est bonne, propre à l'édification selon le besoin, afin qu'elle communique la grâce à ceux qui l'entendent» (Éphésiens 4:29). Les pensées d'Asaph, qui traversait alors une grave crise spirituelle, auraient pu être, si elles avaient été divulguées, «une pierre d'achoppement» et un motif de scandale pour beaucoup d'autres croyants.

Dans le sanctuaire, donc, Asaph comprit «la fin» des méchants (verset 17). Il n'eut pas la réponse complète à ses problèmes: Dieu ne lui dit pas pourquoi les méchants prospéraient, mais il lui révéla les voies futures de sa justice à leur égard. Et cela lui donna la paix. La paix à l'égard de Dieu, auquel il adressait implicitement des accusations, la paix à l'égard des autres, qui excitaient chez lui des sentiments d'envie et d'irritation. Et la paix aussi à son propre égard, parce que précédemment, d'une certaine façon, il se reprochait d'avoir «lavé en vain ses mains dans l'innocence».

C'est ainsi que, dans le sanctuaire, Asaph voit sa crise résolue. Qui sait les nuits d'insomnie qu'il avait passées en prière et en larmes! Combien de raisonnements avaient tourbillonné dans son esprit! Ceux du monde lui auraient donné raison, la logique humaine aurait justifié sa déception. Mais Asaph chercha la pensée de Dieu. Et, comme le dit l'apôtre, «la folie de Dieu est plus sage que les hommes» (1 Corinthiens 1:25).

Il est très important, pour un croyant, de «considérer la fin» de toutes choses. Abraham considéra «la fin» quand, à la différence de Lot, il choisit la montagne aride, au lieu des plaines arrosées de Sodome. Tandis qu'il traversait le désert, le peuple d'Israël ne comprenait pas que le but de Dieu était, non seulement de l'humilier et de l'éprouver, mais aussi de «lui faire du bien à la fin» (Deutéronome 8:16).

Bien des siècles plus tard, l'Éternel dut reprendre sévèrement Jérusalem par la bouche du prophète Jérémie: «Jérusalem a gravement péché, elle est devenue comme une chose impure… elle ne pensait pas à sa fin». Et le prophète Ésaïe adresse une accusation à Babylone en termes analogues: «Tu as dit: Je serai maîtresse pour toujours,… jusqu'à ne point prendre ces choses à cœur: tu ne t'es pas souvenue de ce qui en serait la fin» (Ésaïe 47:7).

Combien moins d'erreurs commettrions-nous si nous savions considérer toujours la fin de chacun de nos actes, de chacune de nos décisions!

Pour entrer dans le sanctuaire, le sacrificateur passait par l'autel d'airain, où les sacrifices étaient offerts, figures du sacrifice expiatoire de Christ. Il se lavait ensuite dans l'eau pure de la cuve d'airain, figure de la parole de Dieu qui sanctifie. C'est dans ces conditions seulement que lui était permis l'accès au lieu saint, inondé de la lumière du chandelier, figure de l'œuvre de l'Esprit Saint qui nous fait comprendre Christ et toute la pensée de Dieu (1 Corinthiens 2:11-16).

Nous devons suivre le même itinéraire pour retrouver une pleine communion avec le Père; c'est un chemin de foi et de sanctification dans lequel le Seigneur ne manquera jamais de nous conduire et de nous soutenir.

Asaph sortit de son accablement; il comprit Dieu, et ses pensées changèrent. Son comportement ne fut plus celui d'avant.

Dans son aigreur, il ne parlait que de lui-même. «J'ai» porté envie. «J'ai» été battu. «J'étais» avec toi comme une brute. Mais maintenant c'est Dieu qui domine dans ses pensées: Je suis toujours avec «toi». «Tu» me conduiras par ton conseil. Qui ai-je dans les cieux? Et je n'ai eu de plaisir sur la terre qu'en «toi». Ceux qui sont loin de «toi» périront.

Maintenant il est prêt à raconter les œuvres de Dieu aux méchants qu'auparavant il enviait (verset 28). Il désire être toujours avec lui (verset 23) et ne plus jamais perdre sa communion. Seul moyen pour ne pas tomber, il veut s'approcher de Dieu et mettre en lui sa confiance pour répondre à toutes les attaques de l'ennemi (verset 28). Les «pourquoi» disparaissent. Dieu est son tout dans le ciel et sur la terre.

Il se peut que notre chair et notre cœur soient consumés (verset 26), mais nous pouvons dire, comme Asaph: «Dieu est le rocher de mon cœur, et mon partage pour toujours». Nous avons, comme lui, un «héritage» incorruptible conservé dans les cieux pour nous (1 Pierre 1:4). Si notre regard est fixé sur Jésus et sur nos biens célestes et éternels, les choses de cette terre, qu'elles concernent les autres ou qu'elles nous concernent personnellement, acquerront une tout autre dimension.

Au lieu de nous plonger dans le tourment, elles seront un stimulant pour croître dans la foi, pour louer le Seigneur et pour rendre témoignage de lui.