Frères unis

Maurice Kœchlin

«Voici, qu'il est bon et qu'il est agréable que des frères habitent unis ensemble!» (Psaumes 133:1).

Les liens qui unissent les frères ne devraient-ils pas être toujours l'amour et la paix?

Dans la Parole, l'amour est appelé «le lien de la perfection»; s'il vient en premier lieu, c'est qu'il est l'essence même de Dieu, car «Dieu est amour». La paix et tous les autres liens en découlent.

Les exhortations à maintenir ces liens abondent dans les épîtres; leur fréquence nous montre combien elles nous sont nécessaires, et combien aussi nous sommes enclins à relâcher ces liens et même à les rompre.

Dans l'épître aux Colossiens, l'apôtre nous dit: «Revêtez-vous donc, comme des élus de Dieu, saints et bien-aimés, d'entrailles de miséricorde, de bonté, d'humilité, de douceur, de longanimité, vous supportant l'un l'autre et vous pardonnant les uns aux autres, si l'un a un sujet de plainte contre un autre; comme aussi le Christ vous a pardonné, vous aussi faites de même. Et par-dessus toutes ces choses, revêtez-vous de l'amour, qui est le lien de la perfection. Et que la paix du Christ, à laquelle aussi vous avez été appelés en un seul corps, préside dans vos cœurs» (Colossiens 3:12-15).

Aux Éphésiens, chapitre 4, l'apôtre dit: «Je vous exhorte… à marcher d'une manière digne de l'appel dont vous avez été appelés, avec toute humilité et douceur, avec longanimité, vous supportant l'un l'autre dans l'amour; vous appliquant à garder l'unité de l'Esprit par le lien de la paix». Il s'agit, dans ces deux passages que nous avons cités, de nos relations en amour entre frères. Nos rapports entre nous doivent être tels que le monde — le Seigneur dit «tous» — connaisse que nous sommes ses disciples (Jean 13:35).

L'apôtre Paul demande aux Philippiens d'avoir un même amour, d'être d'un même sentiment, sans esprit de parti, dans l'humilité. Ne laissons pas subsister dans nos cœurs un froissement, un ressentiment, quelque grain d'amertume, une seule mauvaise pensée, à l'égard d'un de nos frères. Si grands même qu'aient été ses manquements envers nous, allons à lui avec amour et avec la douceur dont il nous est dit qu'elle doit être connue de tous les hommes, pour lui pardonner. Sondons-nous nous-mêmes, afin de découvrir nos propres manquements à son égard. Si petits qu'ils aient été, approchons-nous de notre frère avec des regrets et non avec des reproches. Beaucoup de différends ont été ainsi aplanis par des entretiens ayant cet esprit; et non seulement ils ont été réglés, mais bien souvent ils ont établi dans la suite une relation d'affection plus réelle; tandis qu'un ressentiment conservé dans le cœur n'aurait fait que grandir et peut se répandre et troubler l'assemblée. Les dissentiments, hélas! peuvent atteindre un degré tel que des frères et des sœurs ne se parlent plus les uns aux autres et ne se saluent même pas. Qu'en est-il alors du lien de l'amour? Et s'il y a dans le cœur de l'un ou de l'autre tant soit peu d'amertume et que néanmoins on se salue, en apparence même affectueusement, n'est-ce pas de l'hypocrisie? «Que l'amour soit sans hypocrisie», est-il dit (Romains 12:9).

Nous sommes exhortés à l'humilité, à la douceur, à la longanimité; à nous supporter l'un l'autre dans l'amour afin de garder l'unité de l'Esprit par le lien de la paix (Éphésiens 4:3). Pouvons-nous avoir un même sentiment et être en communion les uns avec les autres dans notre culte si nous ne sommes pas en paix entre nous?

«Si donc tu offres ton don à l'autel, et que là il te souvienne que ton frère a quelque chose contre toi, laisse là ton don devant l'autel, et va d'abord, réconcilie-toi avec ton frère; et alors viens et offre ton don» (Matthieu 5:23).

D'où vient l'esprit de parti dont il est si souvent question dans la Parole et qui s'est manifesté dès le commencement dans l'assemblée? C'est l'œuvre de l'ennemi qui cherche à diviser ceux que le Seigneur a unis. Hélas! la chrétienté nous montre son œuvre et son activité dans un sombre tableau. Tout esprit de parti est le fruit de la chair, un effet de la propre volonté et de l'orgueil. C'est pourquoi veillons pour ne pas nous laisser diriger par notre propre volonté, si dangereuse et opposée à la dépendance de l'Esprit.

Lorsque notre pensée n'est pas d'accord avec celle de nos frères, prenons garde à nous-mêmes, ne nous confions pas en notre propre jugement et ne cherchons pas à le faire prévaloir et à l'imposer aux autres. Après l'avoir fait connaître à nos frères en toute humilité, remettons la chose au Seigneur; tenons compte, dans un esprit de grâce, de la pensée des autres, en attendant avec confiance que le Seigneur intervienne.

Quand un frère, ou plusieurs frères, par leur conduite, par leur expérience, par leur enseignement, par un esprit de sagesse, ont acquis la confiance d'une assemblée, leur action est en bénédiction et très précieuse. Mais il y a deux pièges de l'ennemi, deux dangers. D'une part, que les autres frères perdent la conscience de leur propre responsabilité et, se reposant sur eux, soient moins exercés en ce qui concerne l'action et l'administration de l'assemblée. D'autre part, que ces frères ne s'élèvent à leurs propres yeux, se confiant en eux-mêmes, et n'entravent l'action de l'Esprit en exerçant dans une certaine mesure une domination, comme Diotrèphe qui aimait à être le premier. C'est une pente sur laquelle, hélas! plusieurs frères ont glissé jusqu'à faire de l'assemblée du Seigneur leur propre assemblée. Combien l'humilité et la grâce sont nécessaires à ces frères «qui sont à la tête» parmi nous et que nous sommes exhortés à estimer très haut en amour, à cause de leur œuvre (1 Thessaloniciens 5:13)!

Reconnaissons combien, dans les assemblées, nous manquons de ce même amour, n'ayant pas une même pensée, un même sentiment; ce qui fait que si facilement un esprit de parti se manifeste.

Nous avons chacun en nous la chair, avec nos défauts, nos faiblesses; et nous avons à nous en humilier. Pensons davantage à nos défauts qu'à ceux des autres, que l'amour doit couvrir. Rappelons-nous la parole du Seigneur: «Et pourquoi regardes-tu le fétu qui est dans l'œil de ton frère, et tu ne t'aperçois pas de la poutre qui est dans ton œil?» (Matthieu 7:3).

Il y a des relations spéciales et plus intimes qui s'établissent entre les uns et les autres; elles sont dues aux liens de parenté, au travail en commun, à des intérêts matériels, à l'âge, au caractère. Ces liens ne devraient pas donner lieu à un esprit de parti, mais disparaître quand il s'agit de l'assemblée et du même amour pour tous, tout particulièrement les liens de famille, qui sont souvent l'origine de partis. Ils doivent être oubliés quand il s'agit de la famille de Dieu, du rassemblement des saints, du Seigneur. «Celui qui aime père ou mère plus que moi, n'est pas digne de moi; et celui qui aime fils ou fille plus que moi, n'est pas digne de moi», dit le Seigneur à ses disciples (Matthieu 10:37).